Correspondance 1946 à 1949
1946
Brouillon manuscrit d’une lettre de Goll à Anaïs Nin
Chère Anaïs Nin
Je vous écris ce soir, tout de suite après avoir lu votre "Woman in the Myth" - sinon je ne vous écrirai plus jamais.
Une lettre est comme le signe de la main qu'on fait de la portière d'un wagon, en passant devant une bergère figée devant sa colline. On ne repassera plus jamais par ce paysage.
Pourtant vous n'êtes pas une bergère. Ni aussi fragile que l'on croit en vous voyant la première fois.
Votre nouvelle le prouve. Et si je vous écris, ce n'est pas pour vous faire uniquement des éloges - des éloges qui sans doute foisonnent autour de vous - mais des critiques.
La première partie de ce morceau est étonnamment forte. Voilà une femme : voilà une femme qui va nous dire ce que c'est qu'une femme.
Eh bien non : elle non plus ne lèvera pas le voile !
La seconde partie est une constante déception.
Vous y recopiez la première partie à rebours - comme si, ne sachant pas la suite, vous ayez simplement placé celle-ci devant une glace. Comme c'est dommage. La femme de marbre n'a pas fondu sous la chaleur de votre haleine. On espérait qu'elle se transformerait en bois, et non en statue de sel.
Mais j'ai une explication et une consolation : ce morceau n'est qu'un fragment, mal coupé, d'une longue histoire.
J'ai rarement lu une description plus violente et plus vraie d' une femme perdue dans son rêve : cette statue chiriquesque
SDdV 510.319
Anatole Bisk ( Alain Bosquet )
Liaison and Protocol ection
OFFICE OF MILITARY OF GOVERNMENT FOR GERMANY ( U .S .)
APO 742 c/o Postmaster New York
Berlin, le 11 juin 1946
Mon cher Marcel Raymond,
Votre passionnante lettre du 1er juin m'arrive aujourd'hui, et j'ai grande hâte d'y répondre tout de suite. C'est tout d'abord pour vous remercier des détails qu'elle contient et aussi, bien entendu, de ce signe de vie que depuis bien longtemps j'attendais de vous.
Je suis votre lettre, et réponds point par point. Tout d'abord, je trouve l'idée excellente, encore que vous me révélerez rien au public français sur les poètes de France qu'il ne sache déjà. Parmi les poèmes que j'avais envoyés il y a un an à Yvan Goll, je ne sais pas combien restent encore inédits. Et s'ils ne sont plus inédits mieux vaudrait peut-être choisir parmi les oeuvres publiées et poèmes plus représentatifs, ou simplement meilleurs. Mais cela, bien sûr, il vous appartient seul d'en juger. Je crois que la partie vraiment constructive de l'entreprise consiste en la présentation d'oeuvres écrites en Amérique. Je suis tout à fait d'accord avec votre liste de poètes à ce sujet. Je fais un peu la grimace en en songeant à ce bon vieux Spire. Quant à Saint John Perse, avez-vous de lui des choses que le monde entier ne connaisse pas encore ? Et Supervielle ? Pour les poètes de France, je crois que ce serait un "crime" d'omettre Pierre Emmanuel qui est un bien grand poète.
Il est légitime que vous ajoutiez quelques poètes du Canada ; cela déplaira peut-être aux poètes de Belgique et de Suisse . Si vous vous intéressez aux poètes belges, j'ai ici quelques textes que je peux vous envoyer : il suffit que vous en exprimiez le désir.
Je ne veux pas avoir l'air de vous donner des conseils : je me permets simplement de vous communiquer mes impressions. Je trouve qu'il serait urgent de publier cette anthologie. Je suis absolument certain qu'aucun des poètes cités de s'opposera au projet, je ne crois pas que vous devriez avoir trop de scrupules à cet égard. Je vous remercie de votre offre généreuse qui voudrait que je partage avec vous la paternité de ce livre. Bien entendu, il serait absurde de ma part même d'y songer : je n'ai joué qu'un modeste rôle d'assembleur de textes. Non, mon cher ami, croyez-moi, je n'ai eu que du plaisir à recueillir ces pages.
Vous me demandez des notes biobibliographiques sur ma personne. Ma foi, il y a bien peu de choses à dire.
Je suis né à Odessa, en Russie, en 1919. J'ai vécu jusqu'en 1940 à Bruxelles : petit garçon sage, poèmes cachés, revues éphémères. Quelques jours dans l'armée belge en 1940, puis quelques semaines dans l'armée française. Après dix-huit mois de Vichy, je passe aux États-Unis, fais un peu de journalisme, entre à l'armée américaine. Suis attaché au GQG de Eisenhower, puis passe au Conseil de Contrôle quadripartite à Berlin.
Livres : L'image impardonnable (Hémisphères 1942)
Syncopes (Hémisphères 1943)
La vie est clandestine (Corréa 1945).
C'est tout.
Si vous comptez vraiment inclure de mes poèmes dans l'anthologie, veuillez avoir la bonté de m'avertir : je vous enverrai un choix d'inédits. Car tout ce que j'ai publié en Amérique est en voie de révision. Je n'approuve totalement que de " La vie est clandestine".
Excusez-moi de parler tant de moi-même.
Est-il quelque façon par quoi je puisse vous être utile ?
J'espère que vous mènerez à bien cette entreprise. Quand croyez-vous que le livre pourra sortir ?
Veuillez me tenir au courant.
Je suis, mon cher Marcel Raymond,
bien amicalement
vôtre
Alain Bosquet
1947
8 janvier 1947, lettre de René de Berval à Yvan Goll
René de Berval, directeur de la Revue "France-Asie"
Saigon le 8 janvier 1947, :
"Mon bien cher ami,
Ce n'est qu'à l'instant que je reçois votre lettre datée du 15 octobre 1946... Elle a probablement dû venir à pied de Brooklyn, pour avoir mis tant de temps à me parvenir...
Je ne saurais vous dire toute la joie que j'ai eu à sa réception. Joie mêlée à une profonde émotion, car vous m'avez rappelé les heureux temps d'avant-guerre où nos espoirs étaient communs et où nous luttions, à ce moment-là, pour un seul idéal qui emplissait notre vie, et qui était la poésie. Depuis, tant de choses atroces sont passées...Des amis comme Robert Desnos ont disparu au moment de leur libération même ; d'autres comme Benjamin Fondane, que vous et moi connûmes fort bien, termina si tragiquement son existence dans un four crématoire ! et tant d'autres encore qui ont fait que le martyrologe de la pensée française est fort long, qui prouve à quel point, lorsqu'ils s'y mettent, les écrivains et les poètes n'ont de leçon de courage à demander à personne...
31 mai 47 départ de Claire et d'Yvan de New-York et arrivée à Cherbourg le 7 juin
lettre de Malcolm de Chazal à Yvan Goll 2 juillet 1947
2 - 7 - 47
Malcolm de Chazal
Port - Louis
Ile Maurice
.... "Je ne sais quel sera le sort du livre. Sa forme et le fond sont tellement neufs, qu'il pourrait au début être piétiné, comme il est arrivé aux oeuvres de tant de précurseurs dans le passé. J'ai pensé à vous adresser ce livre vous sachant à l'avant - plan de la pensée.Vous pourrez en faire l'usage que vous voudrez, en extraire des parties et les publier, reproduire les préfaces et les postfaces en totalité, intéresser les traducteurs et les libraires, etc.
Il n'est pas inadmissible que le livre intéresse les critiques assez pour qu'ils en fassent beaucoup plus qu'un article de presse et qu'ils le commentent à leur tour, sous forme de livre. Ce livre indéniablement demande à être adapté pour la masse. Il demande une exégèse. Voudriez - vous la faire ou la confier à d'autres !
En attendant de vous lire, veuillez croire à toutes mes civilités,
Malcolm de Chazal
carte d'Yvan Goll (Lyon) à Claire (Hôtel Palais d’Orsay) du 1er octobre 1947
Mercredi midi
[ Lyon .1.X. 1947 ]
Ma chérie,
J'ai fait un excellent voyage. Allongé dans le train, puis dans la salle d'attente jusqu'à 8 heures après être arrivé à cinq heures. Ensuite 2 kilogrammes de raisin.
Puis fait de la bonne ouvrage
1) payé le déménageur et donné ordre d'envoyer tout à Paris
2) encaissé 2.000 francs pour la Glace
3) encaissé 2.000 francs pour un exemplaire de luxe du Mythe.
À midi découvert qu'on peut monter en funiculaire à Fourvières où se trouve la Basilique ci-contre. Magnifique vue sur Lyon, prise entre Rhône et Saône. Roupillé une demi-heure sur un banc, sous les arbres.
Vais me rendre chez le notaire à deux heures. Pense beaucoup à toi et t'embrasse
Yvan
Lettre d'Yvan Goll à Marie-Anne (?) du 25 décembre 1947 Jour de Noël
Paris Ma chère Marie-Anne,
Hier soir j'ai été avec Claire à la messe de minuit à l'église Saint-Etienne du Mont, sur la montagne Sainte-Geneviève, près du Panthéon.
Quel magnifique embrasement de l'âme!
Ah pierres vénérées de ces vieilles églises de Paris, chacune saturée et nourrie des regards et des larmes du peuple au coeur brûlant et à l'esprit qui déploie ses grandes ailes dans les vents qui agitent le Continent.
Pendant mes sept années d'exil en Amérique j'ai si souvent espéré cette soirée, je me suis rappelé les mouvements gracieux des ruelles qui montent vers cette colline spirituelle ; j'ai essayé de me remémorer les boutiques d'humbles marchands d'estampes ou de vieux livres, qui sont aussi des penseurs et jamais tout à fait présents, l'oeil tourné vers les antiquités lumineuses, et si peu enclins à vendre quoi que ce soit!
Paris, cher Paris, cité des rêveurs et des penseurs, cité des cordonniers-poètes et des concierges cartésiens qui vous récitent du Péguy quand vous entrez dans leur loge.
Je suis heureux d'être revenu dans tes quartiers familiers et sur tes quais près desquels coule la Seine aux eaux noires et éternellement incomprises par l'homme qui passe sur le pont et se dirige vers le Palais de Justice --
quelle justice, sinon celle de Dieu...
St.D.d.V.
Une abondante correspondance entre Claire et les GLEIZES, allant de 1947 à 1954 est conservée par la Fondation Albert GLEIZES (dépôt au Musée national d’art moderne de Paris). D’autres courriers d’après-guerre sont à la médiathèque Victor-Hugo.
Le 22 octobre 1950, Claire déclare son intention de rédiger un article sur le peintre. Une photo montre Claire avec Gleizes au Musée national d’art moderne de Paris
(1952, VIII A 24
1948
lettre d'Yvan, Metz à Alain Bosquet, 18 janvier 1948
Metz 18 janvier 48
Mon cher Alain
N ' eût-ce été que pour mesurer la hauteur
de la crue de la Moselle - qui a tellement endommagé
la Lorraine -, et qui, une nuit à 5 h du matin, a chassé
ma vieille mère de son lit - le " Lot " fut le bienvenu,
ainsi que les autres brochures de poésie. Le "Lot" reflète
clairement l' état d' esprit de ceux qui le lancent dans les
eaux mouvantes de la littérature. Ton Triptyque que je
connaissais déjà partiellement, est une belle entrée en
matière pour une revue qui s ' adresse au das Volk der
Dichter und Denker[1]. Cette première traduction de Maldoror
un événement, les poèmes de Roditi et de Stevens de
première qualité... etc.
Quant aux plaquettes de vers, combien instructives !
Celle qui me touche le plus, c' est Nelly Sachs qui a le
don de la douleur et l'élévation des prophètes. Parmi les
déjà vus, déjà connus, Friedrich Snack se distingue par
une authenticité lyrique qui continue la grande tradition.
Becher par contre me laisse froid, me désillusionne :
ce flot continu de la matière verbale, aussi brillant
soit-il, reste étale alors que le Poète qui a le génie
de Becher devrait nous conduire vers des sommets et
des sensations inouïes.
Enfin je vois qu'il il y a un grand remue-ménage
en Allemagne. La plante poétique y refleurit. Cela
me fait plaisir - pour la langue allemande et la Poésie.
Je ne crois plus au Das Gefühl der Deutschen, mais aux
vibrations cosmiques de leur langue, qui se met plus
vite en transe que certaines autres.
Je suis en train d' installer quelques chambrettes
dans la maison de ma mère - et celles-là conquises
de haute lutte contre des "sinistrés" récalcitrants. Nous
pourrons au moins déposer quelques bagages de l'éter-
nel exil, et voyager librement à travers l' Europe.
Ce sera un pied à terre, furtivement meublé, après
la perte de presque tous nos anciens meubles, Rue de
Condé, où tu fus, je crois ?
La situation à Berlin semble se transformer comme
tu l' avais prédit. Viendras-tu tantôt à Paris ? Toi
et Roditi, continuerez-vous de jeter le Lot à Francfort,
par exemple ?
Claire et moi pensons réintégrer nos quartiers
à l ' hôtel Palais d' Orsay dans quelques jours. C' est
là que j' espère te lire
avec mon affectueuse amitié
Yvan
B.L.J.D. Ms 47302 - 24
lettre de Marcel Raymond, Montréal à Yvan, 10 février 1948
lettre de Rifka Préville à Yvan 23 février 1948
Préville le 23 février 1948
Mon cher Mig,
lettre de Rifka Préville à Yvan 27 février 1948
Préville le 27 février 1948
Mon cher Mig,
Marcel Raymond, Montréal à Yvan, 25 mars 1948
lettre d'Yvan Paris 30 mars 1948 à Alfred Döblin
lettre de Rifka Préville à Yvan 7 avril 1948
Préville le 7 avril 1948
Mon bien cher Mig,
Alain Bosquet à Yvan 7 avril 1948
Anatole Bisk (Alain Bosquet)
Liaison and Protocol Section
O.M.G.U.S.
APO 742 % U. S. Army
Berlin, Allemagne
Berlin, le 7 avril 1948,
Mon cher Yvan,
Lorsqu ' à mon passage à Paris, vers le 15 janvier
dernier, j ' appris à la Hune - après maintes recherches
vaines - que tu te trouvais à Metz, je m ' étais dit que
j ' allais revenir à Paris vers la mi-mars, et me réjouis -
sais à l' idée de te revoir. Les événements, l' incertitude,
les difficultés de transport d' une ville qu' on ne peut
quitter que par air font que j' ai dû remettre mon voya-
ge à plus tard . Juin me paraît possible à présent, à
condition que l' hystérie ne précipite pas notre pauvre
planète dans une nouvelle tuerie .
Depuis que le Conseil de Contrôle est en chômage,
je chôme aussi, et attends du nouveau, c' est-à-dire
quoi ? Il n' est pas impossible que nous allions tous
à Francfort .
En attendant, je n' en continue pas moins mon
"Travail" littéraire. Je t'ai envoyé il y a quelques jours
le numéro 2 de "Das Lot, dont je ne suis pas trop mécon-
tent sur l'heure et les circonstances . Le numéro 3 est
sous presse, mais sortira quand et où ? Pour le numéro
4 - il faut prévoir loin à l ' avance afin d ' arriver à
quoi que ce soit - j ' ai remis " Fruit from Saturn " à
Herbert Roch, un excellent traducteur qui nous a fourni
de jolies versions de Langston Hugues pour le numéro 3 ;
il choisira .
A mon tour de te poser les mille questions habituelles .
Quelle est ton occupation principale, en réalité ?
J' espère te voir bientôt, et j' espère voir Claire .
Je vous embrasse tous deux
votre Alain
Ms 615 Goll 510.324 - 143
Jean Paulhan à Yvan 12 avril 1948
Yvan Paris à Raymond Queneau 15 avril 1948
Pierre-Louis Flouquet, Bruxelles à Yvan 17 avril 1948
Cher Yvan Goll,
Vous me dites que vous avez été, en France, Claire et vous, des exilés encore plus éperdus qu'en Amérique ? Certes, Paris avait bien changé. L'atmosphère et l'esprit des hommes. Mais il y a autre chose. Une longe absence crée aussi au dedans de soi, un besoin qui ne peut plus se contenter du réel. Je connais cet état, moi qui suis parisien et français, et qui, d'année en année, me trouve plus étranger dans mon propre pays.
Le Poète est-il un exilé en tous lieux, et son chant est-il le chant de cet exil ? Francis Jammes avait-il raison lorsqu'il voyait dans la Poésie la nostalgie du Paradis Perdu ? Ce lieu ou Adam peut-être n'était pas seul, mais où il faisait "un" avec les autres hommes, dans un divin état de connaissance, de compréhension et de fraternité.
Nous en sommes loin. Le tapis vert des tables de Conférences diplomatiques ne vaut pas l'herbe nue des prairies de l'Eden... Heureusement cher Goll, les Poètes peuvent recréer cet Eden en eux, même s'ils sont abandonnés et douloureux.
Qui, je vous ai cherché. Oui, j'ai perdu votre adresse. Pis que cela, j'ai écrit, sur "le Mythe de la Roche Percée" un article qui fut, lui aussi perdu. C'était dans un temps de fatigue. Je n'ai pas eu, à ce moment, le courage de recommencer. Mais, voyez comme vont les choses : la semaine passée, retrouvant la note qui accompagnait votre envoi, comme pris de hâte, j'ai rédigé un texte nouveau, à l'imprimerie même, sur le marbre, pour Le Journal des Poètes. En incorporant, de force à mon texte, cette note si colorée et si vivante. Tricherie et brigandage. Soit ! Il me semblait que si je ne profitais pas de l'occasion, la chose ne serait jamais faite. Ne me donnez pas tort, cher Goll, puisque la pire chose est le silence de l'ami.
Bientôt vous recevrez le numéro du Journal contenant le texte. Il sera illustré d'un portrait ancien. Je n'en possédais pas de plus récent. Par ma faute.
Vous recevrez aussi d'autres imprimés et des livres.
Ce que vous me dites de votre état me touche beaucoup. Il y a pourtant dans votre lettre quelque chose qui me plaît. Vous gardez une grande force morale et vous vivez intensément. Aidé par Claire, vous aurez raison des démons ! Il faut le vouloir toujours, cher Goll. Je voudrais que vous vous sentiez vraiment entouré par l'affection des amis qui, partout dans le monde, songent à vous, et vous aident d'une pensée ou d'une prière. Vous savez que beaucoup d'entre eux vous admirent avec sincérité, et qu'ils ont besoin de vous.
Vivez, Yvan Goll ! Vivez pour nous donner de grands poèmes. En ce moment même, ils se préparent en vous. Ils se nourrissent de votre douleur et de votre force, et vous triompherez du mal pour leur donner la vie.
Comprenez-moi. Moi aussi, l'ami lointain, humble et fidèle, je vous aime fraternellement. Et je sais que vous ferez front aux démons, avec toute votre grandeur. Permettez-moi de prier. Dites-moi si je peux vous aider un peu. Aimeriez-vous recevoir, de Belgique, quelques douceurs : tabac blond, chocolat, beurre, lait (en boîte), thé, café ?
Je saluerai de votre part vos amis de Belgique.
Dites à Claire mon affectueuse amitié - et gardez pour vous le meilleur, cher Jean sans Terre.
Votre
P. L. Flouquet
Yvan Goll Paris, à Hans Bolliger, 18 mai 1948
"Das Traumkraut" … J'ai maintenant 23 poèmes dont tu en connais 15 à traduire (dossier Celan)
Ton fraternel
Tristan Thor
Yvan Goll Paris, à Iwan Heilbut, 18 mai 1948
Yvan Goll
maintenant
Tristan Thor à traduire (dossier Celan)
Yvan Goll Paris, à Alfred Döblin, 20 mai 1948
Cher Alfred Döblin
…Pour moi,c'est comme si la plante Traumkraut était une nouvelle naissance
à traduire (dossier Celan)
Géo Charles à Yvan, Paris [ Galeries Pasteur, 1 rue Pasteur, Metz ] du 29 mai 1948
35, Bd Bonne-Nouvelle - Paris (8º)
Samedi soir
Très cher Yvan,
En hâte,
Excuse-moi de t'écrire aussi tardivement. Débordé de besognes diverses, nous partons demain matin pour Bruxelles et Liège et Amsterdam. Serai de retour à Paris vers le 15 juin
illisible, voir photocopie Saint-Dié
causer librement poésie, cela nous reposera un peu. J'ai vu avec joie que la critique était excellente pour "La Roche Percée" et pour toute ta poésie d'ailleurs. Tant mieux ! C'est tellement mérité. J'ai aussi un peu de satisfaction de ce côté. Qq. jeunes viennent à moi et j'ai 4 poèmes de la VIII ème Olympiade avec une notice qui paraîtront dans l'Anthologie sportive du ministère de l'Education Nationale - Comment va la chère Claire, si pure et grande poétesse ? Et toi mon cher Yvan, j'espère que tu te retapes. J'ai un petit recueil de 10 poèmes du Brésil qui paraîtra dans deux mois. Je referai une critique de ton dernier livre qui est très fort, car la première que j'ai écrite n'a pas paru, par la misère des temps - Nous vous embrassons tous deux - au 15 juin
Géo
cette carte de Géo Charles a été renvoyée à Metz où Yvan passera l'été, avec au moins un passage à Paris début juillet
Lettre d’Yvan à Robert Ganzo
Metz, 5 juin 1948
Mon cher Robert,
C'est ici en Lorraine que les "Lettres françaises "
m'apportent la nouvelle déchirante :
Combien grande doit être ta douleur de ne plus jamais revoir Léone -
Jane - combien grande est ma douleur de ne jamais l'avoir connue ! Mais elle
m'est familière à travers toi, elle adhérait à toi, elle souriait et elle souffrait à
travers toi, et je la connaissais bien aussi, vibrante, légère et maternelle,
être de fable et de rosée et de bienfaisante réalité - à travers Lespugne et ton
oeuvre tout entière.
Elle vit éternellement dans les astres de ta vision.
Liée à toi par les lianes de toutes les aurores, elle qui sentait le bon lait
et les épices de tes repas.
Elle que tu as fait tant souffrir -
et qui te sourie encore
Claire et moi prenons les deux
mains désolées
Yvan
SdDV 510.316
Jean Paulhan à Yvan 7 juin 1948
Paris le 7 juin 1948
Cher Yvan Goll;
Merci de m'avoir fait lire ces deux poèmes. C'est surtout le Chant de Raziel qui m'y touche, et m'y surprend.
A vous très cordialement
Jean Paulhan
Yvan à Madame Maria Jolas du 7 juillet 1948
Madame Maria Jolas
47 bis, Avenue Kléber
Paris
Chère Amie,
Lors de son passage à Paris, Eugène m'a dit que vous prépariez une anthologie des poètes multi-lingues (ce mot existe-t-il ?) et m'a prié de vous envoyer un choix de poèmes français, allemands et anglais, ainsi qu'un petit curriculum-vitae.
Voici l'ensemble, tel que je l'aimerais publié, si vous n'y voyez pas d'obstacles, à moins que vous ayez d'autres suggestions à me faire ?
Quelle charmante coïncidence, l'autre jour, de vous rencontrer dans l'autobus - naturellement à Saint-Germain-des-Prés ! après tant d'années de séparation ?
Dans l'espoir de vous lire sous peu, croyez-moi bien fidèlement vôtre
lettre de Rifka Préville à Yvan 12 juillet 1948
Préville 12 - 7 - 1948
Mon cher Mig,
J'ai bien reçu ta lettre du 8, mais avec un jour de retard dû sans doute à la grève que veulent faire les postiers. Je suis surprise que tu ne me donnes aucune nouvelle de ta santé, chose qui m'intéresse plus que tout autre nouvelle. Dois-je en augurer que ton état est stationnaire, ou, ne voulant pas m'alarmer, tu fais silence. Je veux croire que tu ne tarderas pas à satisfaire mon désir: savoir comment tu te portes. Je te remercie des journaux que tu m'annonces (ils ne sont pas encore arrivés) ils m'intéressent toujours beaucoup; les journées sont longues, jusqu'à 9h½ le soir, ils m'aident à passer les soirées et m'instruisent sur bien des points. J'y ai trouvé une rubrique sur les fonds Mexicains et Bulgares, mais je crois sage d'attendre ton retour ici pour vider ces questions, craignant d'être flouée : ayant affaire à une femme, l'employé suppose que je ne suis pas compétente dans la question.
J'ai deux nouvelles à t'annoncer ; la première, j'ai reçu la facture de Ungerer 6000 ƒ, je l'attendais, mais vu la fermeture des Banques, je me vois obligée d'attendre la réouverture qui, j'espère ne tardera pas (je suppose fin de la semaine) j'ai l'intention d'aller en personne le remercier de ses bons offices.
La seconde : j'ai eu la visite de Berthe qui est ici pour quelques jours si le temps le permet, elle a été très aimable, m'a demandé de vos nouvelles et a regretté de ne pas vous avoir reçus le jour de votre visite : elle était sur le point de s'absenter.
Ici, nous déplorons de passer un mois de juillet aussi mauvais, il pleut tous les jours, et avec cela il fait froid, la végétation en souffre beaucoup, rien ne peut mûrir et cette année, il n'y a pas de fruits; le blé même ne mûrit pas. On dit des prières dans toutes les églises, car on craint des inondations, les fleuves grossissent ; voilà le bilan d'une saison qui devrait être la plus chaude; J'espère cependant que vous ne tarderez pas de venir au pays et que tu me donneras des nouvelles de ta santé que tu ? . Dans ta dernière, précédemment, tu m'avais annoncé qu'une nouvelle analyse de sang était favorable. Je m'en étais réjouie : est-ce un leurre [?] Recevez, Claire et toi mes bien affectueux baisers
R.
Yvan, Paris à Alain Bosquet, 22 juillet 1948
Paris 22 juillet 48 Palais d' Orsay 7 quai d' Orsay
Mon cher Alain,
Lot 3 avait prouvé que l' étonnant travail que
vous faites en Allemagne, toi et Roditi, se jouait de toutes
les embûches politiques : après avoir révélé aux Allemands
Lautréamont et St John Perse, entre autres, le Pont
de l'Air, plus fragile qu' un pont de Libellules, serait-il
assez résistant pour vous apporter aussi l'encre d'impri-
merie etc. ?
Und mir scheint alles in Wohlgefallen und
Deutschmark aufzugehen [2].
C' est d' ailleurs bien longtemps avant le blocus
russe que notre correspondance s'est ralentie. Depuis ta
venue en France, en février, où tu ne fis aucun effort
pour nous trouver, soit au Quai d' Orsay, soit à Metz,
qui se trouve sur la ligne directe Paris-Francfort.
Cependant, le petit prospectus annonçant Lot 4
me prouve que tu ne m ' as pas oublié : il contiendra,
paraît-il, des poèmes de Yvan Goll : je suppose donc
"Atom Elegy". Te dirai-je que j'ai une frousse incroyable
de retrouver ce poème dans un travesti allemand ?
(Bien que vos traducteurs soient de première qualité).
Je crains surtout que le poème ne tienne pas le coup.
Et voici ce que je voudrais te proposer, s ' il en est
temps encore (je ne pense pas que Lot 4 paraîtra
avant l' automne). Pendant ces derniers mois, j' ai
été repris par le charme de la langue allemande et
j ' ai composé un petit recueil de poésies auquel j'ai
de ces poésies paraîtra dans "Das Goldene Tor", un
autre en Suisse, et si tu pouvais substituer la
série que je t ' envoie ci-incluse tu me rendrais un
double service, et Lot 4 apporterait à ses lecteurs
mieux qu' une traduction, la résurrection d'un poète
allemand dont depuis "Menschheitsdämmerung" on
n' avait plus beaucoup entendu parler.
Finalement, je me propose de publier, pour des
raisons personnelles, ce nouveau recueil sous le
nom Tristan Thor : cela ne fera aucune peine au
"Setzer" de ta revue qui m appelle une fois "Yan" et
une autre fois " Yoan", mais jamais Yvan.
Pourquoi nos lettres sont-elles si espacées ?
Le trafic entre Berlin et Paris a toujours été moins
rapide qu' entre Berlin et New York - à quoi cela
tient il ?
L' état de ma santé s ' est stabilisé ; ma
numération globulaire est meilleure, et nous
en sommes heureux Claire et moi . Faut-il
attribuer cette amélioration au climat de France,
aux légumes et fruits si chargés d' énergies natu-
relles ?
Quelques détails sur ta vie, tes travaux, ton
avenir nous intéresseront toujours.
Bien à toi
Yvan
Bibliothèque Jacques Doucet B.L.J.D. Ms 47302 - 25
Envoyés par Goll à Bosquet pour "Das Traumkraut"
Rosentum II/320
Bluthund II/313
Geburt des Feuers II/318
Die Sonnen-Kantate II/326
Der Regenpalast I/341
Tochter der Tiefe II/348
Das Wüsten-Haupt II/347
Der Staubbaum II/344
In den Äckern des Campfers bist du daheim II/325
Der Salzsee II/344
Die Aschen-Hütte II/345
Die Angst-Tänzerin II/346
Schnee-Masken II/324
Süd II/324
Ode an den Zürichsee (1949) II/414
Lothringische Ode (1949) II/411
Rasiel's Gesang (en français dans Masques de Cendres) IV/377
Gipskopf (en français dans Masques de Cendres) IV/383
Todeshund Chien de ma Mort (Masques de cendres 1949) IV/390
Hiob's Gesänge (dans Lot 5, p.61) II/322 et 437 avec variantes
Stunden (dans Lot 5, p.60) II/317 avec variantes
Hospital [In den Äckern des …] (dans Lot 5, p.60) II/325 sans variante
Claire, en gare de Dijon à Yvan, 11 août 1948 MST p.274
Dijon - Gare
11. 8. 48
Chéri,
Voilà le seul bout de papier que j'ai pu trouver. Mais "verte" est l'espérance.
La plus grande sensation du voyage a été la fuite d'un lièvre à travers champs. Lièvre, lièvre, il n'y avait rien de plus important, en ce monde pour lui. Et sur les pages blanches effeuillées de son derrière, je lisais tout le roman des lièvres.
Je pense à toi et à tes beaux yeux sérieux. Pourvu seulement que tu te reposes bien, que tu manges et recommence à te reposer.
Enferme-toi bien, afin qu'on ne me vole pas mon précieux joueur d'orgue. J'espère qu'il fait beaucoup de poèmes sur son orgue invisible.
Il y a un an, nous étions tous deux ici, en route vers Lyon. Aujourd'hui, je suis seule.
En tout amour, ta Zou
Yvan à Claire à Challes-les-Eaux, 12 août 1948 MST p.274/275
Jeudi 12 août 48
Claire Chérie
Chère Clairie et Clairière,
Je t'ai vue partir hier de bonne heure, toute seule vers ce grand monde qui pour toi deviendra toujours plus grand et plus incompréhensible plus tu avanceras dans la vie - contrairement aux autres petites personnes.
Moi je suis entré dans cet appartement plus vide que jamais et que la présence de ma mère et la confection d'une carpe à la Yid n'a pas rendu plus joyeux pendant la journée.
Aujourd'hui, pluie continuelle et un froid sensible qui me fait penser que tu dois être bien malheureuse et grelottante dans ton trou de montagne, tout en maudissant celui qui t'y a expédiée. Oseras-tu commencer ton traitement par cette température ? Pourvu que tu n'attrapes pas une bronchite là où tu cherchais une guérison. J'espère du moins que tu t'enveloppes dans toutes les laines que tu as emportées.
Ce matin, triste courrier à part ton billet vert de Dijon, tout traversé du lierre de l'espoir. Germaine demande péremptoirement quelques éclaircissements que je lui enverrai tapés à la machine en contrefaisant ta signature.
Voici quelques coupures de journaux
et toute la tendresse de
Boubou
Claire, Challes-les-Eaux, à Yvan 12 août 1948 MST p.275/276
Challes-les-Eaux,
Jeudi 12 août 48
Mon chéri,
Quelle tempête, ce matin ! Eclairs, tonnerre, une fugue de Bach. Et dans la vallée, sous ma fenêtre, un paysage de Filippo Lippi.. Ce jeu des lumières et des ombres, car le plus gris des murs de brouillard laisse passer tout de même, par instants, un rayon de soleil, éclairant ici une pente de montagne, là un vignoble.Et l'architecture des nuages au-dessus des sommets neigeux, déchirés, fantastiquement baroque. ! Les paysages d'en-haut, encore plus grandioses que ceux d'en-bas !
Puis, je suis descendue à l'Etablissement, par-dessus les flaques d'eau (faites pour des pieds de géants). Tous les employés d'autrefois sont encore là, et l'on m'a donc reçue avec une vieille amitié aux services des gargarismes et des pulvérisations.
René était venu me chercher hier, mais comme il n'a plus d'auto, j'ai tout de même dû prendre un taxi. Rochefrette, philosophe comme toujours et très désespéré au sujet de la France. Ah ! je crois presque qu'il a raison. Surtout quand on est assis ici dans la salle à manger, où tout se passe silencieusement, prudemment, sans vie. Mais la nourriture est remarquable. Avant-hier, Jouvet et Jeanson étaient encore là. Seul, le café du matin est imbuvable. Je me suis fait du Nescafé et j'ai béni la prescience qui m'a fait emporter le réchaud électrique. Comme on ne nous donne pas de sucre et que je n'en ai qu'une livre, je te prie de m'en envoyer une autre livre par retour du courrier ; pas le sucre en poudre brun, mais, (si tu le trouves) Domino Cane sugar Dots, une petite boîte jaune : soit dans l'armoire de la cuisine, soit dans le carton, dans ton placard, en haut sur le rayon de gauche.
Si seulement tu étais ici ! En ce moment, à trois heures de l'après-midi, le ciel s'éclaircit. Rayon de soleil. Je peux cesser de chauffer. Le temps va se réchauffer. Cet air serait magnifique pour toi. Et on n'aurait pas à faire la cuisine, pour une fois. Toujours, je te vois en mouvement, esprit inquiet.
Travailles-tu ? Il y a ici tant d'oiseaux qui appellent un poète. Et, cette nuit, le petit hibou a gémi avec moi sur l'absence de l'unique.
Je te tiens longuement et tendrement dans mes bras.
Ta Zouzou
Claire, Challes-les-Eaux, à Yvan 13 août 1948 MST p.276/277
Challes-les-Eaux,
Vendredi 13 août 48
Chéri,
Vendredi 13
lettre d'Ivan Goll Metz à Claire Challes-les-Eaux 14 août 1948 MST p.278/279
lettre d'Ivan Goll Metz à Claire Challes-les-Eaux 16 août 1948 MST p.279/280/281
lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll Metz 17 août 1948 MST p.281/282
Alain Bosquet, Berlin à Yvan, 18 août 48
Anatole Bisk (Alain Bosquet)
Liaison and Protocol Section
O.M.G.U.S.
APO 742 % U. S. Army
Berlin, le 18 août 1948 .
Mon cher Yvan,
Ta belle lettre du 22 juillet m ' apporte
mille choses précieuses, et tout d' abord la
rassurante nouvelle que ta santé s'améliore
et que ton état physique inspire la confiance.
Les poèmes de Tristan Thor m'ont également
apporté de véritables joies; je dis cela malgré
mes connaissances encore imparfaites en
subtilités germaniques, " Rosentum", " Blut-
hund", "Geburt des Feuers " surtout m ' ont
impressionné .
C' est avec plaisir que j' ajoute ces poèmes
au sommaire éventuel de Lot 4 , je dis
éventuel car la réforme monétaire et le
siège ont momentanément eu raison de la
revue . Nous espérons que l' horizon se déga-
gera un jour, et qu' il nous sera possible de
continuer notre besogne . Pour l' instant il
n' y a ni papier, ni courant, ni charbon, et
il faut se contenter de survivre négative-
ment tant bien que mal . Pour le Lot 4 ,
après un essai infructueux avec 3 poèmes
de " Fruit from Saturn ", j' ai fait traduire?
avec succès me semble-t-il, 3 poèmes de
Jean sans Terre qui ont paru dans la Nouvelle
Relève[4], et dont je m ' en vais faire taper des
copies à ton intention, que je t ' enverrai
bientôt .
J' étais venu à Paris pendant 5 jours
au mois de janvier dernier, séjour qui
pour des raisons de famille a été des plus
désagréables . Après des recherches vaines,
qui vu mes ennuis et mon temps limité
n ' ont pas été aussi sérieuses que je
l ' eusse souhaité, j ' ai finalement appris
à la Hune que tu te trouvais à Metz .
Si Moscou et Washington le veulent bien,
et remettent à plus tard la pluie de
bombes atomiques, je serai à Paris dans
la seconde quinzaine de septembre, et
me ferai le plaisir de vous embrasser,
Claire et toi .
A bientôt, donc ; bien affectueusement
Alain
Ms 615 Goll 510.324 - 145/146
lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll Metz 19 août 1948 MST p.282/283/284
lettre d'Ivan Goll Metz à Claire Challes-les-Eaux 20 août 1948 MST p.284/285
lettre d'Ivan Goll Metz à Claire Challes-les-Eaux 23 août 1948 MST p.285/286
Metz, Lundi 23 août 1948
11h. du matin
Carte de Claire Plateau d’Assy à Ivan Goll Metz 23 août 1948 MST p.286
lettre d'Ivan Goll Paris à Claire Challes-les-Eaux 25 août 1948 MST p.287
Paris 25 août 1948
(Hôtel Palais d’Orsay]
Je rentrerai vendredi à Metz
lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll Metz 25 août 1948 MST p.287/288/289
lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll Metz 26 août 1948 MST p.289/290
lettre d'Ivan Goll Metz à Claire Challes-les-Eaux 27 août 1948 MST p.290/291
Metz, Vendredi matin
27 août 48
Le Docteur Glaunés et sa Laborantine étaient en vacances. Mais mes forces globulaires semblent bien meilleures . je ne pense plus – et pour cause ! qu’à ma sciatique .
lettre d'Ivan Goll Metz à Claire Challes-les-Eaux 28 août 1948 MST p.292
Samedi matin
28 août 48
anniversaire de Goethe
[Metz]
lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll Metz 30 août 1948 MST p.293/294
lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll Metz 31 août 1948 MST p.294/295
Lundi 30 août 1948
lettre d'Yvan 3 septembre 1948 à Robert Goffin.
Metz 3 sept 1948
Mes chers Robert et Suzanne,
J'ai passé l'été à Metz, dans la vieille maison de mes grands-parents et mère,
5 rue Dupont des Loges, à 5 min. de chez Moitrier: quand on descend la ? 1ère rue à gauche. Un grand appartement délabré et presque vide comme mon cœur. Rien n'y subsiste de jadis, et il est impossible d'acheter des meubles aux prix actuels. Aussi aurais-tu dû me voir la semaine dernière, allongé sur un sommier, subitement surpris par la première crise de rhumatisme de ma vie - contractée au courant des nuits d'août glaciales et aux effluves de cette vallée mosellane : moi dormant toutes fenêtres ouvertes ! Claire séjournait en Haute-Savoie pour une cure à Challes. Ma mère qui a maintenant 82 ans et qui me va jusqu'à l'aisselle, quitte son couvent de Moulins et vient me soigner.
C'est ainsi que je prévois la fin d'un Don Quichotte lorrain, jadis riche fils de famille
parti vers les Etats de la poésie, en récitant Nietzsche, dans ces mêmes mûrs.
C'est peut-être la meilleure fin imaginable, pour le jaune squelette que je suis, car la solitude pourrait s'approfondir encore plus...
Certes, Claire revient demain et on va me soigner et allumer des feux-follets dans le triste jardin d'en-bas.
Mais qu'y-a-t-il de brisé en moi, et, je le sais aussi en elle qui ne nous permette plus de vibrer comme jadis. Oh ! ça ce sait, mais pourtant n'en parlons pas
Quel silence s'est fait autour de moi, à Paris, à Bruxelles, partout.
Cette feuille jaune de marronnier que balaient déjà
les jardiniers dans les jardins publics
vous salue en passant
Yvan
Carte de Claire Strasbourg à Ivan Goll Hôpital Civil Stras 21 sept 1948 MST p.295
Mardi 3 h ½
[21 Sept. 48]
[Strasbourg-Gare]
Chéri,
Je suis en avance d’une heure
Je t’écris en anglais, parce qu’il y a des personnes assises sur la banquette avec moi et qui regardent au-dessus de mon épaule
lettre Claire Metz à Ivan Goll Strasbourg 22 sept. 1948 MST 295/296
lettre d’ Ivan Goll Strasbourg à Claire Metz 22 sept. 1948 MST 296/297
Télégramme de Claire Metz à Ivan Goll Strasbourg 22 octobret. 1948 MST 297
[Metz,22.10.1948]
RENTRERAI CE SOIR TENDRESSES CLAIRE
Alain Bosquet, Paris à Yvan, 27 septembre 48
Anatole Bisk (Alain Bosquet)
Liaison and Protocol Section O.M.G.U.S.
APO 742 % U. S. Army
Berlin , Allemagne
Paris , le 27 septembre 48.
Mon cher Yvan ,
C'est la mort dans l'âme que je repars pour
Berlin. Il ne m'aura pas été donné de vous voir. Depuis
le 10 septembre, je téléphonais pratiquement tous les jours
au Palais d'Orsay , et la réponse était invariablement :
" Monsieur Goll n'est pas rentré " . Il y a 8 jours je
t'ai envoyé un " pneumatique " à ton adresse de Metz,
te disant que si tu ne revenais pas à Paris avant le
26 ou le 27 septembre , je m'arrêterais à Metz pour une
journée , puisque c'est de toute façon sur le chemin de
Francfort. Je n'ai pas eu de réponse , ce qui me fait
de me dire à l'instant que tu n'es pas à Paris non plus.
Je m'en retourne donc bredouille, et vais retrouver mon
baril de poudre. Quand nous reverrons - nous ?Faut-il
que cédant à la panique - ou est-ce une menace sérieuse ?
- je me mette à rêver de la Sibérie ?
Je suis triste , bien triste.
Je vous embrasse , Claire et toi , bien affectueusement
Alain
Ms 615 Goll 510.324 - 148
Yvan, Hôpital Strasbourg à Bosquet 28 septembre 1948
28 Sept 48 Hôpital Civil B
salle 121
Strasbourg
Bas - Rhin
Mon cher Alain,
Ta lettre amicale, aussi empressée fut - elle,
ne peut plus m'atteindre à Metz, d'où je fus transporté
d ' urgence le matin du 21 à cet hôpital, où l ' on
constate non seulement une fluxion de poitrine, mais
aussi un épanchement dans la jambe gauche, le tout
compliqué par la leucémie . J ' étais très mal en
point et reçus pour commencer trois jours de suite
de la pénicilline. Mais je suis tombé entre de très
bonnes mains, grâce à la gentillesse de mon vieil ami
le Dr Roos - avec lequel, en 1911, je fis mes études
à l'université d' ici.... Cela remonte loin, et c ' est
sur les bords de l ' Ill que j ' ai bien cru venir
échouer définitivement, toujours sans véritable abri.
Car la maison 5 rue Dupont des Loges appar-
tient bien à ma mère, et le premier étage m ' y
était réservé : mais quel triste, lugubre, humide
appartement, où nous avons installé quelques
sommiers et matelas (100 % spoliés) et où, depuis
le mois d ' août si pluvieux, je suis allé cueillir
ma maladie, idiotement, sentimentalement un
peu, au lieu d ' aller rôtir mes os dans le Midi.
Tu ne me reconnaîtrais pas, je pèse 60 kilos, et
mon âme, ces dernières semaines, était aussi
dénuée de vitalité et de force que mon squelette.
Dommage qu'on ne se soit pas rencontré !
Comme j'aurais aimé te recevoir à Metz et
te traiter au fameux restaurant Moitrier, avec
un petit vin gris de Sey !
Nous aurions parlé de la poésie chère à mon
coeur. Certes j'ai vraiment peu d'espoir que Lot 4 ne
voie jamais le jour. Mais cela m'a fait plaisir
que tu aies envisagé de publier mes poèmes allemands,
de préférence à des traductions.
Je suis intérieurement dans un marais,
je me demande comment ils vont m'en sortir.
Claire[5] est fidèlement, inlassablement,
désespérément à mes côtés et contribue par
son magnifique moral à m'arracher à ces
épines de nuit
Bien affectueusement ton
Yvan
B.L.J.D. Ms 47302 - 26
Yvan, Hôpital Strasbourg à Robert Ganzo 28 septembre 1948
28 Sept 48 Hôpital Civil B
salle 121
Strasbourg
Bas - Rhin
Mon cher Robert,
Voilà, et après l'hôpital Broussais, l'hôpital civil de Strasbourg, je savais que cela finirait ainsi sur les routes, soit Pittsburg soi Strasbourg, je m'effondrerais, n'appartenant nulle part, malgré tant de demeures plaisantes à Paris et ailleurs.
J'étais à Metz, cet été. Fatigué des hôtels, allai-je trouver un endroit où du moins rassembler nos malles dans cette maison rue Dupont des Loges, qui appartient à une bonne vieille mère.
Hélas, l'appartement triste, humide, spoliée 100 % arraché de haute lutte à de tenants encore placés là par les Boches, me porta malheur. Je contractai tout d'abord une espèce de rhumatisme, qui, mal soigné et guéri, dégénéra et après des semaines d'atroces souffrances, je fus transporté d'urgence ici. Congestion pulmonaire compliquée.
Je crains que je ne sois maintenant dans une très mauvais passe.
Ce bel automne alsacien autour de moi, ces arbres chargés d'or et de richesse et de noix et de pommes, au-delà desquels j'aperçois la Tour éternellement rose du Munster.
Qu'dviendra-t-il de mes poésies : le beau papier ne sera sans doute jamais utilisé par moi. Question sans importance.
Mais je me rappelle que toi, Robert, tu fus le seul à me donner un peu de courage, tu ne savais pas quoi inventer pour me cacher le vide qui s'était déjà fait autour de moi - le puitd d'oubli dans lequel j'étais plongé.
Jamais je n'oublierai ces beaux gestes du coeur. Tu devinais le désespoir que je cherchais à cacher et tu connais la nuit dans laquelle je baigne.
Comment as-tu passé cet été avec cette jeune famille ébouriffée autour d'un deuil ?
Claire, à mes côtés, lutte avec passion, avec constance avec désespoir contre les démons
Ton ami
Yvan
SDdV : 510. 316
Lettre de Robert Ganzo à Yvan du 7 octobre 1948
Cher Yvan,
Aujourd'hui, sept octobre, je reçois ta lettre. Je n'étais pas très heureux et me voici tout à fait triste de te savoir souffrant encore. Sois confiant. Tu reviendras ici, nous nous reverrons ; et sois assuré que si tu étais trop fatigué pour t'occuper de ton livre, Claire et moi nous ferons le nécessaire. Tu comptes beaucoup d'amis. Je rencontre souvent des gens de l'Amérique Latine. Ils me parlent de tes poèmes avec admiration, et je ne te dis pas cela pour te faire plaisir. Sois donc assuré aussi que tu ne seras pas oublié, au contraire. Tout commence, pour le poète, quand le temps l'a dépassé.
Mais, pour l'instant, il ne doit être question pour toi que de te retaper, de revenir à Paris et d'assister toi-même au miracle enfin de ta guérison.
Moi, j'y crois de toute ma volonté, de toute mon intuition.
Au revoir, Yvan, j'embrasse Claire et t'embrasse
Robert Ganzo
SdDV 510.316
lettre d'Ivan Goll à Strasbourg à Claire Metz 19 octobre 1948
lettre Claire Metz à Ivan Goll Strasbourg 21 octobre 1948 MST p.
lettre du 22 octobre d'Yvan à Max-Pol Fouchet
lettre d'Ivan Goll à Strasbourg à Claire Metz 15 décembre 1948 MST p.297/298
Strasbourg , Mercredi
.15. Décembre.1948
Ma Clairière,
Hier après ton départ, Mme Buchinger est venue et m'a apporté une saucisse et deux excellents petits gâteaux, dont j'ai donné l'éclair à la Sœur, conservant le paquet de Petits Beurres pour aujourd’hui. Elle est restée presque une heure et m'a parlé si humainement de sa famille, de ses enfants. Ils sont orthodoxes, ferment leur boutique le samedi, pour le célébrer comme dans les anciens temps, comme Bella Chagall l'a décrit…Et elle s’est excusée trois fois, de ne pas avoir obtenu de foie de veau de son mari.
recopier la suite…
lettre Claire Metz à Ivan Goll Strasbourg 15 décembre 1948 MST p.298/299
lettre Claire Metz à Ivan Goll Strasbourg 16 décembre 1948 MST p.299/300
lettre d'Ivan Goll à Strasbourg à Claire Metz 17 décembre 1948 MST p.300/301
Strasbourg , 17 Déc.48
Télégramme Ivan Goll Strasbourg à Claire Metz 20 décembre 1948 MST p.301
OSCAR TE CONSEILLE SOINS SERIEUX GRIPPE ACTUELLE DANGEREUX
RETARDE VOYAGE ATTENDRAI PATIEMMENT. YVAN
[1] au peuple des poètes et des penseurs
[2] traduction
[3] La date du 22 juillet 1948 permet, sans contestation possible, de mettre un terme aux nombreux commentaires et supputations erronés parus dans la presse franco-allemande dans la seconde moitié du XXème siècle concernant l'antériorité de certains poèmes de Celan à ceux de Traumkraut.
[4] La Nouvelle Relève, octobre 1946 vol. V, n° 5. Montréal 1946 :
Identité de Jean sans Terre p. 432, Jean sans Terre le double p. 433, Jean sans Terre aborde au dernier port p.434
[5] Yvan est hospitalisé du 21 septembre 1948 au 14 janvier 1949. Claire loge dans une petite chambre en ville.