Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

correspondance des Goll

Archives
6 décembre 2008

Correspondance Claire Goll jusqu'à son décès

Sites Goll sur Canalblog.com :

http://www.yvangoll.canalblog.com

http://www.gollyvanetclaire.canalblog.com

http://www.yvanclairegoll.canalblog.com

http://www.claireetyvangoll.canalblog.com

http://www.gollyvan.canalblog.com

http://www.goll1919.canalblog.com

http://www.anthologiegoll.canalblog.com


Claire Goll à Paul Celan, 1er mars 1950

Mon cher Paul,

Le marchand de morts m'a dit que la loi exige la présence d'un parent au moment de la mise en bière.

Tu comprends que je préfère souffrir, que de laisser Yvan souillé du regard d'un de ses cousins.

Je te verrai donc ce soir vers 8h.

Merci pour tout et affectueusement

 Ta Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 155

 

Paul Celan à Claire 10 mars 1950

Chère Claire,

 Irmgard [ Burckhardt, femme peintre], que je voyais hier, m'a donné cette petite lettre ci-jointe, avec mission de te la faire parvenir. La voici donc.

J'ai envoyé tes photos à Bâle, le jour de ton départ mais j'ai oublié d'indiquer ton adresse de Metz, ce qui fait que tu ne seras avertie de la confirmation que lors de ton retour.

Traduire la suite

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 155/156

 

Claire Goll, Pfingsten à Paul Celan, Paris 28 mai 1950

Cher Paul,

Pfingsten, la belle fête était arrivée, seulement pas de Paul. Te revoir maintenant est aussi dur qu'une course d'obstacles. Je t'ai attendu encore samedi soir. Sans doute un nouveau malentendu. Est-ce que ce n'était pas cela qui était décidé ? Même si, pleine d'espoir, j'avais dit à Klaus qui partait à la dernière minute : « j'attends aussi Paul, s'il ne se décommande pas.»

J'espère que tu reçois ces lignes ? Toutes tes lettres ne sont pourtant pas détournées par la concierge, j'espère.

 Toujours en amitié

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 157

 

Claire a dédicacé à Paul Celan :

 

Jean sans Terre, Choix de poèmes.

Pierre Seghers, Paris (20 juin)1950 Collection Cahiers bimensuels n°44 - 18 cm., 45p.

 

 Au poète Paul,

 la voix d'un autre poète et ami

 Claire

 

lettre de Claire Goll, à Paul Celan, Paris 26 juillet 1950

Mon cher Paul,

Je t'ai étourdiment donné un rendez-vous pour samedi. Je ne suis malheureusement pas libre et je déplore vivement de ne plus pouvoir te voir avant mon voyage à Metz. Tu serais très aimable si tu pouvais m'envoyer par la Poste les 2 poèmes ou les donner à la réception, [Palais d'Orsay] ainsi que le premier vers de chaque poème que je t'ai donné pour une traduction éventuelle, afin qu'il n'y ait pas d'erreur, puisque je dois bientôt donner le manuscrit, et je vais aussi le donner à Alain Bosquet afin qu'il en traduise quelques uns ou qu'il prête son concours.

Et à propos de "Elégie d'Ihpétonga", quel est ton choix ? Yvan était tellement confiant en ton assistance passionnée et il y a maintenant 4 mois que tout est en arrêt ou au ralenti. Je ne peux pas laisser son œuvre sans que quelqu'un s'en occupe en Allemagne. Je n'ai pas le droit d'en retarder la parution, il y tenait tant.

 Avec mon amitié toujours présente

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 158

 

 

lettre de Claire Goll Metz, à Paul Celan, Paris 8 août 1950

Mon cher Paul,

Voilà Metz dans toute sa beauté et nudité pittoresques. La Grandeur romantique et la misère et la saleté se frottent. De la chambre où je dîne chaque soir chez des amis-ouvriers dans un immeuble romantique et délabré, je vois dans la maison abandonnée où Rabelais vivait et concevait Gargantua. Et toi ? Travailles-tu à ton Gargantua en vers ? Tu n'as pas déposé les traductions, pourquoi ? Pas finies ? je rentre demain.

 Amitiés

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 159

 

 

lettre de Claire Goll Barnes, à Paul Celan, Paris 30 août 1950

Mon cher Paul,

Je suis ici chez des amis, depuis une huitaine. Londres est une ville grandiose, gigantesque et ses habitants d'une hospitalité incomparable. Je pense rentrer la semaine prochaine et espère te revoir bientôt. Peut-être as-tu pu travailler un peu pendant les vacances. J'ai reçu une carte d'Italie de Klaus il y a déjà quelques semaines

 

Pensées affectueuses du pays de Shelley, Blake, Keats et du grand Will.

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 160

 

Le 22 octobre 1950, Claire déclare son intention de rédiger un article sur Albert Gleizes. Une photo montre Claire avec Gleizes au Musée national d’art moderne de Paris

(1952, VIII A 24

 

lettre de Claire Goll Paris, à Paul Celan, Dimanche 26 novembre 1950

 Paris, dimanche 26 novembre

Mon cher Paul,

 Je sais par Gertrude Rosenberg que tu as perdu ton stylo. Quel cadeau de Noël, pourrai-je te faire plus utile qu'un Waterman et en plus celui du Waterman d'Yvan que je lui avais offert au Canada car il avait laissé le sien à New York ? Avec celui-là, il a écrit le Mythe de La Roche Percée. Peut-être, sera-t-il pour toi aussi, mon petit Paul, instrument d'inspiration. Je te souhaite ceci et plein d'autres choses, un peu trop tôt par rapport à Noël, mais j'attends un coup de fil de Vence, de la femme de Chagall qui doit fixer mon départ. Il a eu à nouveau une crise de la prostate et donc, il doit peut-être subir une opération. Sinon, je pars dans les jours prochains.

Peut-être passes-tu encore - après un coup de fil au préalable ?

  en amitié

 Ta

  Claire G.

 

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 161

 

lettre de Claire Goll à Paul Celan, Dimanche 6 décembre 1950

Cher Paul,

Le papier sur lequel je t'écris a été fabriqué dans les mines de Mairans, fondées en 1480. C'est donc un papier de qualité. C'est donc un papier qui doit porter bonheur. Ainsi, j'espère que les adresses ci-dessous te porteront chance :

 Werner von Alversleben

 15 Parliament Hill, N.W. 3

 (Hampstead 09-67)

 

 Peter de Mendelssohn

 20 Wimbledon Close, S.W. 20

 (Wimbledon 31.00)

 

 Louis Golding (illustre romancier

 et homosexuel)

 Hamilton Terrace, N. W.8

 (Cummingham 69.94)

Beaucoup de chance et de succès personnel ! Et bonnes fêtes !

 Affectueusement

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 161/162

 

 1951

 

lettre de Claire Goll à Paul Celan, 17.1. 1951

Mon cher Paul

Je suis obligé d'annuler l'invitation pour vendredi, j'ai la grippe.

Veux-tu m'accompagner mercredi 24, pour l'hommage à Yvan. Je te choisis toi parce que tu as été très proche de lui. Pourrais-tu être "au plus tard" vers 19h30 chez moi, pour que nous puissions manger avant d'y aller ? Mais je dois te demander de me répondre "immédiatement" car, sinon, je demanderai à quelqu'un d'autre.

 Affectueusement,

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 163

 

carte de Claire Goll à Paul Celan, [printemps 1951]

Mon cher Paul

Je passe ici de belles journées

 

Jusqu'à jeudi, mon adresse est chez Albert Gleizes, St Remy de Provence (Bouches du Rhône)

 Affectueusement

 Claire

 

à traduire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 163

 

lettre de Claire Goll à Paul Celan, [mai 1951]

 vendredi soir

Cher Paul

J'oubliais de te donner la carte ci-jointe. L'exposition est très intéressante surtout les tableaux de Picasso "Massacre en Corée".

Visite aussi "Le Mur de la Poésie", tu y trouveras 84 poésies dont une de moi.

Plein de bonnes choses pour toi

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 164

 

lettre de Claire Goll à Paul Celan, 7 juin 1951

 

Cher Paulot,

Excuse ma nervosité aujourd'hui au téléphone. J'avais un rendez-vous avec mon médecin américain qui m'avait demandé un service (lui aussi une introduction pour un certain collègue), et je répugne à être non ponctuelle an moment où l'on me demande un service.

Alors ta lettre.Kalenter est un homme charmant : aimable, fidèle et un ami à toute épreuve, si tu réussis à t'approcher de lui et si vous êtes sur la même longueur d'onde. C'est aussi un homme d'une grande précision, toujours vibrant, merveilleusement doté de tous les dons de l'existence, et toujours prêt à rendre service comme les Hongrois. Je l'aime particulièrement.

Plein de bonnes choses pour toi

 cordialement

 Claire 

Adresse d'Ossip Kalender: Poste Restante 242

Zurich 33

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 164/165

 

(25) lettre de Claire Goll à Paul Celan, 14 juin 1951

 Stuttgart, 14 juin 1951 

Mon cher Paulot,

Oui, je craignais ce qui est arrivé ; l'Allemagne m'a séduite à nouveau. Quel accueil ! Ça a commencé avec un grand bouquet de fleurs à la gare et plein de gestes amicaux, des invitations, et les gens sont toujours de plus en plus gentils pour moi. "Phèdre" a été un succès : 20 rappels ! à guichets fermés. Le lendemain, ¾ d'heure de lecture à la Radio, avec une merveilleuse introduction du directeur du département littéraire, le Dr. Karl Schwedhelm,

qui, hier, avant ma conférence au Centre d'Etudes franco-allemand, a également fait un texte de beaucoup de pages sur nous, (surtout sur Yvan), qui va paraître bientôt et dans lequel il le comparait même - avec Goethe.

Je t'écris avec intention tant de choses sur Schwedhelm, qui est un homme charmant, et un connaisseur de la poésie, parce que je t'ai recommandé à lui, toi et ton avenir, et je pense que ton avenir est assuré, par ceci en particulier : il était enthousiasmé par la lecture de ta traduction du "Chien rouge de ma mort". Il te demande d'envoyer un choix de poèmes, éventuellement aussi de la prose et de lui envoyer un curriculum-vitae pour qu'il puisse te présenter à ses auditeurs de la Radio. Une telle lecture sera ensuite reprise à la Radio de Hambourg et de Franckfort.

En outre, j'ai parlé de toi avec le fils de Rowolt qui est venu me voir, lui aussi aimerait voir tes poèmes. Nous en parlerons dès mon retour. Parfois, ça prend un peu de temps mais, tu vois, je n'oublie ni le grand poète, ni l'ami d'Yvan. Je t'écris dans le train qui m'amène à Mayence, c'est pourquoi, pardonne cette écriture.

Samedi, je pars à Munich. Etais-tu en Suisse ? Couronné de succès ?

Salue bien cordialement les Rosenberg de ma part.

 Ta toujours très dévouée

 Claire G.

c/o Radio-Stuttgart

Neckarstrasse 145 Stuttgart

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 165/166

 

(26) carte de Claire Goll Metz, à Paul Celan, chez le Dr Adler, 14, Villa Chaptal, Levallois-Perret 16 août 1951

Cher petit Paul,

Un chaud salut du glacial Metz de Verlaine et d'Yvan Goll, Comment ça va pour toi et Ihpétonga ? Je serai de retour seulement la semaine prochaine. C'est triste pour moi d'être à Metz dans la ville du joyeux Rabelais. J'espère que pour toi que tu es gai et entouré de jeunesse.

 Amicalement

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 167

 

(27) carte de Claire Goll, Knokke-le-Zoute, à Paul Celan, septembre 1951

Mon cher Paul,

Un salut cordial de ce Congrès très intéressant, où plus de 200 poètes sont venus de tous les pays

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 168

 

(28) Claire Goll Paris, à Paul Celan, octobre 1951

Jeudi [ sur papier à en-tête du Palais d'Orsay ]

Cher petit Paul,

Voici les titres des poèmes que tu as déjà traduits des Géorgiques parisiennes :

1) A la Tour Eiffel (Flûte d'airain)

2) Paris (Je te chanterai dans les jardins de zinc)

3) Dans les stations lépreuses des roses [ Dans les léproseries des roseraies]

4)Séducteurs de la Place de Grève

Et maintenant, j'espère bien te lire et t'entendre très bientôt

  affectueusement

 Ta Claire

As-tu écrit à Schwedhelm ?

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 168

 

(29) Claire Goll Paris, à Paul Celan, [octobre/novembre 1951]

 Samedi

Cher petit Paul,

Je t'envoie aussi vite que possible "L'inconnue de la Seine". Tu me disais pourtant depuis des semaines que cela était presque terminé.

Peux-tu me l'apporter mardi ?

 en hâte

  Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 169

 

(30) Claire Goll Paris, à Paul Celan, lundi [ 5 novembre 1951, cachet de la Poste]

 lundi

Mon cher Paul,

Je m'excuse mais je ne peux pas dimanche à 4 h. Veux-tu le soir, après-dîner ?

Un mot s.t.p. par retour du courrier.

 

 amicalement

  Claire

Réponds de suite pour que je puisse disposer de ma soirée, en cas d'empêchement de ta part.

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 169/170

 

(31) Claire Goll Paris, à Paul Celan, mardi [ fin novembre/ début décembre 1951]

 mardi

Cher Paul,

Ci-joint les 3 poèmes et "Réverbères". Comme tu m'as dit que tu soupèses longtemps les mots, si tu t'attelles donc à la traduction des "Géorgiques" pendant quelques heures de chaque semaine de décembre et certainement pas en hâte dans la dernière semaine, ce serait pourtant bien si tu m'en donnais déjà quelques unes autour du 15 Décembre afin que nous voyions ensemble le ton et la résonance.

 Merci pour ton dévouement à Yvan. affectueusement

  Claire

à mon retour de Bruxelles

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 170

 

 

Claire part à Bruxelles le 13. 12.51

 

 

(32) Claire Goll Paris, à Paul Celan, mardi [décembre 1951]

 mardi soir

Mon cher Paul,

Comme tu es devenu silencieux ! Comment vas-tu et ton nouveau travail ?

J'espère que tu n'as pas oublié notre pacte poétique et que je verrai bientôt la moitié des "Géorgiques". 

Je reste à Paris jusqu'au 22 Décembre

Très amicalement à toi

 Claire

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 171

 

(36) lettre de Franz Vetter à Paul Celan

 25.12.51

Cher Monsieur Celan

Madame Goll m'a apporté votre traduction des "Chansons Malaises" d'Yvan Goll.

Je les ai lues et je les trouvent très éloignées de l'original. Puisqu'il s'agit d'une traduction, je préfère publier Yvan Goll et non pas une recréation poétique trop éloignée de Paul Celan. Vous avez pris, à mon avis, trop de liberté. Je ne me permettrai pas de minimiser votre talent de poète, mais je désire avoir une traduction fidèle de ces Chansons magnifiques. J'ai toujours souhaité que ce soit Madame Goll elle-même qui traduise ces poèmes et je lui ai donc demandé de le faire. En tant qu'éditeur, je ne peux pas prendre la responsabilité de présenter Yvan Goll à un public allemand dans une traduction qui ne correspond pas à une "affinité sélective" pour ce poète.…

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 178

 

(37) lettre de Paul Celan à Franz Vetter

 30.XII.51

Cher Monsieur Vetter,

J'ai bien reçu votre lettre du 25 courant, dans laquelle vous me faites savoir que ma traduction n'est pas publiable. Je suis surpris de constater que vous avez conservé le manuscrit de ma traduction.. Ceci, n'est pas, comme vous devez le savoir, une pratique courante dans l'édition. Je vous remercie d'avance

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 179

 

 1952

 

(38) lettre de Paul Celan à Franz Vetter 4 janvier 1952

 

Cher Monsieur Vetter

La demande que je vous ai adressée de me renvoyer mon manuscrit est restée sans réponse à ce jour. Je ne peux pas accepter la critique que vous avez émise sur ma traduction, car les accords conclu, l'ont été avec Madame Goll et pas avec vous.

Je dois vous préciser que je m'oppose formellement à toute sorte de publication de ma traduction sans que mon nom soit mentionné, ainsi qu'à la publication d'une autre traduction que la mienne, auquel cas, je me sentirai obligé de poursuivre en justice.

 Veuillez agréer, Monsieur …

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 180

 

 

(33) Paul Celan à Claire Goll Paris le 4 janvier 1952

 

Chère Claire,

 

En même temps que cette partie, je t'envoie ci-joint la copie d'une lettre de Mr. F. Vetter, Pflugverlag, Thal/St.Gallen. Je dois supposer que tu n'as pas connaissance du contenu de cette lettre, car cette lettre n'est pas seulement une offense à mon égard, mais aussi à l'égard d'Yvan, puisque Yvan m'avait choisi comme un de ses exécuteurs testamentaires littéraires. J'ai naturellement réagi à cette lettre et je te donne ici copie de ma réponse à Mr. Verter. Pour éviter des incidents de cette espèce dans le futur, et aussi, parce que nous ne pouvons pas savoir combien de temps de toute façon, dans cet avenir si incertain il nous reste à vivre, il est indispensable que, outre les accords oraux conclus jusqu'ici, concernant les trois traductions d'Yvan dont tu m'as chargé : Les Chansons Malaises, Elégie d'Ihpétonga, et Géorgiques Parisiennes, soient maintenant formalisées par des accords écrits

 Avec les meilleurs souhaits pour la nouvelle année

 Paul

(Traduction Uli Wittman)

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 171/172

 

 

(34) Claire Goll Paris, à Paul Celan, Paris 8.1.52

 

Paul,

Je ne voulais pas t'écrire pour plusieurs raisons.

1) Pour ne pas devoir te dire, que depuis longtemps, je ne reconnais plus le Paul, qui quelques semaines avant la mort d'Yvan venait à nous, timide, dévoué, chaleureux envers nous

2) Pour ne pas devoir te dire, comment, de mon côté, je ressens le ton de ta lettre recommandée comme une offense.

3) Pour ne pas te devoir dire, à quel point m'avaient blessée ton faux-pas au téléphone et ton dernier geste, "Exécuteur testamentaire Littéraire" ! Quelle arrogance ! Crois-tu réellement qu'Yvan aurait mis quelque chose par écrit de mon vivant à moi ! lui qui, jamais ne manquait de tact ! Il s'agissait du futur Fonds "Claire et Yvan Goll" à créer sous ta caution et celle de Bosquet, mais, après ma mort.

 C. G.

Eu égard à ton attitude irrespectueuse d'aujourd'hui, aussi bien vis à vis de mon défunt que de moi-même, je me pose la question s'il n'est pas nécessaire de taper à la machine ton manuscrit pour pouvoir à tout moment confronter les 2 versions complètement différentes, la tienne et la mienne.

(Traduction Uli Wittman)

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 172/173

 

(35) Claire Goll Paris, à Paul Celan, Paris 26.1.52

 

Cher Paul,

La semaine dernière, je logeais encore à Bruxelles chez mon ami Pierre-Louis Flouquet, qui, à propos de ma lecture parlait aussi du bel exposé préparé, j'attendais les corrections du numéro spécial allemand du Journal des Poètes, qui étaient sur sa table, et je lisais chaque fois ta "Fugue de la Mort". Tu sais que j'ai toujours été particulièrement formelle sur ce poème que j'aime plus que tout. Flouquet était de mon avis sur la qualité de cette Fugue et ce sera pour moi toujours aussi évident qu'un poème, qui a pour lui le temps et la patience, n'a rien à faire d'une adaptation traduite, à qui on accorde ordinairement un minimum de temps.

Je t'avais dit que, sûrement jamais, dans le cas des Chansons Malaises, rien de ta liste ne serait utilisé par mon éditeur. C'était une pierre qui ricochait sur moi. Seulement, je la ramasse aujourd'hui à contre-cœur, car qui fait du mal aux autres se fait du mal à lui-même.

Tu écris à mon éditeur que tu t'opposerais à toute traduction non signée ou d'un autre nom que le tien.

Et tu savais pourtant que je suis seule responsable pour toute nouvelle traduction et que je dois signer (et cette responsabilité, c'est vis à vis d'Yvan, cela ne dépend pas de toi ni de moi.)

Et la phrase, dans ta lettre insultante, dans laquelle tu demandes un accord écrit « puisque nous ne pouvons pas savoir combien de temps cet avenir incertain nous laisse à vivre », cette allusion à ma santé chancelante et à mon éventuel décès, (car de ta mort à toi, toi jeune homme, tu n'y comptes pas dans les 20 ans qui viennent), cette phrase, tous mes amis la considèrent comme un faux-pas extraordinaire.

Il m'apparaît toujours manifestement que ta sollicitude attentive, d'abord pour nous deux, ensuite pour moi seule, se transformait de plus en plus en intérêt strictement personnel comme aussi le prouvait ta traduction rapidement faite des Géorgiques. Tu rappelles : je les avais demandées jusqu'au 1er janvier. Tu les expédiais déjà - pour des motifs d'argent - dès le 15 décembre, avec ces propos :« elle est excellente et je n'y changerai rien.»

Comment voulais-tu que je réagisse après une rapide première lecture avec toi, face à une attitude aussi arrogante! Même si je me suis rendue compte tout de suite, que je n'y trouvais pas la nécessaire humilité devant la particularité d'Yvan, j'étais trop faible pour te le reprocher. Il a fallu l'intervention de mon éditeur énergique, pour te dire la vérité, d'abord sur les Chansons Malaises, ensuite sur les Géorgiques.

 

… Je suivais ton exemple (ta visite à M° Rosenberg)

 

…Le manuscrit est à ta disposition. Si tu veux venir mardi soir, je te le remets. Idem pour ma traduction des "Géorgiques" à comparer avec la tienne.…

 

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 173/174/175/176 ***

 

 

Claire avait dédicacé à Paul Celan :

 

Ivan Goll : Traumkraut, Gedichte aus dem Nachlass (64 S.- 20 cm.)

Erste Ausgabe (Vorwort von Claire Goll). Umschlagzeichnung von Marc Chagall

Limes Verlag Wiesbaden 1951

 Für Paul

 den treuen freud

 der das Traumkraut

 blühen und welken sah

 Claire

 

Claire Goll :* Les larmes pétrifiées, avec un dessin d'Antoni Clavé

Collection Cahiers bimensuels n°89 Pierre Seghers, Paris 1951 (29)p.18 cm. 

 

 à Paul

qui - à la période la plus tragique

de ma vie - a si fraternellement

changé mes larmes en sourires

Très affectueusement

 Claire

 

 

 

 1953

 

samedi 16 mai 1953, création de L'Incendie de l'Opéra, de Georg Kaiser :

Traduction de Claire Goll, adaptation théâtrale de Boris Vian

 

  Attaques de Claire Goll sur Paul Celan,

 

(40) Claire Goll : lettre circulaire de la dernière semaine d'août 1953

Il y a quelques jours, je recevais d'un jeune poète allemand, Professeur adjoint pour l'étude de langue, de l'histoire et de la culture germanique [ Richard Exner ] le livre de Paul Celan : Mohn und Gedächtnis [paru fin 52] avec ses mots : « ce recueil est complètement inspiré par le Traumkraut (Limes Verlag Wiesbaden, 1951) de Goll ! Et la critique ne s'en aperçoit pas ?»

important, à traduire avec précision et signer la traduction ****

 

… Pas une seule fois Celan ne m'a dit : « Montre-moi ta traduction pour que nous les comparions ». Il ne lui venait pas, dans sa vanité démesurée, la pensée que je suis aussi un poète et peut-être plus proche du vocabulaire de mon mari et dévouée. C'est que cet "emprunt" est une spécialité de Celan, me confirmait il y a un mois un jeune poète de Vienne, Dr. Alfred Gong, qui vit maintenant à New-York et qui connût Celan en Roumanie de longues années, avec qui il fut longtemps en camp de concentration et plus tard à Vienne. Ses premières publications, de tout le recueil " Der Sand des Urnen "[ Le sable des Urnes ] que, plus tard Celan retirera sagement de nouveau sont - d'après la déclaration du Dr. Gong - laine refaite - des emprunts

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 187/188/189

 

7 décembre 1953, lettre de Claire Goll à Hans Holtusen

 

 1954

 

 1955

Francis Carmody à Claire Goll, avril 1955

 Francis J. Carmody

 Prof. Of French

 University of California

 Berkeley [avril ] [1]

Chère Claire,

[… ]

Je vous soupçonne de fraude, les variantes entre les poèmes inédits de JsT ne sont pas des fautes de tape ! S'il y a ratures ou changements de la main d'Yvan, il faut, je le maintiens avec conviction, les indiquer en note ; je vois encore que vous avez supprimé un quatrain dans un poème. J'établis pour commencer un index sur cartes 3 x 5.

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 712

 

Claire Goll à Francis Carmody, le 23 avril 1955

 

 New York, le 23 avril 1955

Cher Francis,

[… ]

Fraude ? Yvan m'a toujours demandé conseil avant de donner une version définitive de ses poèmes. Vous savez que la statue de Memnon chantait. Eh bien, avant de retoucher un poème, je consulte toujours le buste d'Yvan, placé sur la commode, et il me parle, m'inspire et m'autorise d'apporter les changements nécessaires aux strophes ou de retrancher une ligne plus ou moins bonne. Donc, je ne fais rien sans le consentement d'Yvan

Barbara Wiedeman : Paul Celan - Die Goll Affäre p. 713

 

 1956

Décès de Rebecca Kahn le 29 octobre

 

 1957

21 octobre 1957, lettre à Claire Goll d' Audiberti, à vérifier

 

 1958

 

1 novembre 1958 de Florent Fels à Claire Goll

 

21 novembre 1958 : Soirée donnée en hommage à Yvan Goll, à la Galerie Devèche, 19 rue Brey, Paris XVII, sous la présidence de Robert Kemp : Souvenir d'Yvan Goll, avec la participation de Edmée de la Rochefoucault, Alain Bosquet, Georges Cattani et Jules Romains [2]

 

 

Claire Goll : Lettre du 4 décembre 1958 à Florent Fels

 

 SOCIETE DES AMIS D 'YVAN GOLL

 Président: JULES ROMAINS, de l'Académie Française

SOCIETY OF FRIENDS OF YVAN GOLL

 Président: PADRAIC COLUM - New-York 

SECRETARIAT:  FRANCIS J. CARMODY, Professor of French University of California, Berkeley

  

 Paris le 4 déc. 58

 Mon cher Florent,

 

 Offensé ? Au contraire, ta lettre m'avait apporté une très grande joie. Mais n'as - tu pas vu que je ne suis qu'une loque humaine? Trois ans sans une journée de vacances! Sept jours de travail par semaine, car je ne pouvais pas me permettre un seul week-end ; il fallait taper dix heures par jours, puisque j'avais promis à Yvan de vivre pour son oeuvre. J'ai tenu ma promesse, son oeuvre vit, mais moi je me meurs. Il me reste peu de force, ce travail de secrétaire au service d'un mort m'ayant épuisée. Copier, et recopier les documents et les manuscrits, répondre aux demandes des cinq continents et tout cela sans aide, car mes moyens ne me permettent pas de prendre une secrétaire et le tarif des bureaux de copies est trop élevé.

 Comment veux - tu que je réponde aux lettres! Des paquets de lettres importantes - demandes de traductions, d'anthologies etc. - traînent partout : sur les tables, la cheminée, le bureau et le tapis! Tâche - donc de comprendre un silence, imposé par des circonstances extérieures et non par une négligence du coeur.. Celui - ci t'appartient, puisque tu étais l'ami d'Yvan.

Non, je n'ai pas connu Klee. Quand j'ai déjeuné chez Mme Klee, il était encore sous les drapeaux.

Mes poèmes, parus dans "Action" ne m'intéressent pas. Seuls ceux d'Yvan et surtout l'article qu'il a écrit sur Rilke, parce qu'il était à la base d'un diffèrent entre les deux poètes. Il me faut une copie de cet article et la date de sa parution. Et aussi les titres des poèmes allemands qu'il a traduits pour "Action". Fais les copier pour moi s.t.p.

La conférence sur Yvan, qui a eu lieu le 21 novembre, était très réussie. Robert Kemp a parlé de son théâtre et a dit, entre autre, que Ionesco et Beckett étaient basés sur lui. Jules Romains et Georges Cattaui l'ont comparé à Villon, Gérard de Nerval, Mallarmé etc. Et un jeune poète qui parlait au nom de la jeunesse sur son oeuvre allemande, le mettait au niveau de Hölderlin, Novalis, Nietzsche et Lorca. Seulement mon Yvan était trop loin pour entendre ces éloges, trop posthumes.

 Hélas, de son vivant personne n'avait le génie de reconnaître son génie.

Et cela, par mesquinerie confraternelle. Kemp l'a bien dit : "Yvan Goll a eu, chez nous, contre lui, d'être un poète bilingue ".

 Et maintenant, dans tous les essais sur lui figure le mot : "génie "

J'ai reçu hier la traduction de ses "Chansons Malaises" en espagnol, parue à Madrid en un très beau volume. Dans la préface on compare ces poèmes à ceux de Sapho, au Cantique des Cantiques et à St. Jean de la Croix.

 C'est une douloureuse satisfaction pour moi.

La semaine dernière est sorti notre livre, écrit en collaboration : Nouvelles petites Fleurs de Saint François d'Assise, avec trois dessins de Dali. Et Fernand Mourlot va éditer "Neila" (poèmes) avec 4 lithos de couleur de Miro.

 (Voici quelques nouvelles littéraires.)

Bien des compliments à Suzy, qui a la chance d'avoir "un homme à tiroirs", 

 et un baiser affectueux pour toi

  ta vieille amie

  Claire

l'oeuvre complète d'Yvan qui devait sortir 

en Allemagne l'année dernière, sort seulement 

en 1959 parce que je n'ai pu faire texter les traductions nécessaires

 

 1959

 

 1960

 

Paul Celan à Sperber du 30 juillet 1960 :

«…J'avais recherché les époux Goll vers la fin de l'automne 1949 afin de leur transmettre vos salutations. A cette occasion, je leur fis cadeau des épreuves de l'un des exemplaires de mon recueil "Der Sand aus des Urnen" paru à Vienne à l'édition A. Saxl en 1948. Goll fut très impressionné. Jusqu'à sa mort, en mars 1950, je lui ai souvent rendu visite ainsi qu'à sa femme, je leur lisais même à l'occasion certaines choses publiées uniquement dans des revues, ou bien, grande imprudence de ma part, des inédits. Je peux également vous dire, et ce n'est pas par vanité, que je ne suis pas pour rien dans le fait que Goll, qui n'avait plus écrit en allemand depuis des années, soit revenu à cette langue peu de temps avant sa mort. Il doit cela en partie à ma poésie et à ma rencontre, Goll m'a également demandé de traduire ses poèmes français ; je lui ai promis de le faire…Aussi longtemps que je traduisais, la veuve trouvait que tout était admirable; cependant d'autres intentions l'animaient, lesquelles, naïf et confiant comme j'étais, je ne soupçonnais pas.La veuve se mit en tête de publier l'œuvre posthume du défunt. En 1951 est paru le premier tome de cette "œuvre posthume" en allemand "Traumkraut" (Mauvaise herbe de rêve). Que l'auteur, mot qu'il conviendrait plutôt de mettre au féminin, de cette publication eût bien connu ma plaquette viennoise - dont les nombreuses coquilles m'avaient poussé à ne pas la diffuser - est évident. Ce premier volume de Goll, et cela a sa signification, n'eut aucun retentissement. En 1952 est paru mon recueil de poèmes "Mohn und Gedächtnis", lequel, comme vous le savez est une nouvelle édition de ma plaquette viennoise. Ce recueil-ci, fut, lui, apprécié. Alors, la veuve abusive est passée à l'attaque : avec l'aide de quelques "gangsters germanistes" des Etats-Unis, elle a répandu dans la presse, à la radio et dans des lettres envoyées à des particuliers, l'accusation calomnieuse que "Mohn und Gedächtnis" paru en 52 serait un plagiat de celui de Goll paru en 1951. Celan a été qualifié d'escroc, plagiaire et charlatan, comme je vous le dis, mon cher Alfred-Margul Sperber ! » [3]

 1961

 

lettre de Claire à Audiberti 10 avril 1961

 

 Cher Jacques,

 

IMEC Cote : DBT2. A1-04.03

 

lettre de Claire à Jean Painlevé 27 mars 1961

 

Mon cher Jean,

 Ci-joint le programme de "Mathusalem", dont la première a eu lieu le 22 mars à Francfort-sur-Main.

 Vous trouverez, sur la deuxième page brune, un passage (coché au crayon rouge) vous concernant.

 La pièce a été reçue là-bas triomphalement. Tous les critiques de Francfort, reconnus comme les meilleurs et les plus sévères de l'Allemagne, ont écrit la même chose : "grandiose anticipation de Ionesco"…"ainsi le théâtre de Ionesco et de Beckett vient de Goll" … "Chef d'œuvre" etc.

 D'autres théâtres viennent de s'assurer la pièce. Après ce succès, elle reviendra certainement à Paris.

 Les metteurs en scène se sont lamentés au sujet de la perte de vos films, d'une qualité si géniale et artistique.

 Si seulement, vous pouviez mettre la main dessus pour qu'on puisse les montrer.

 

 J'aimerais beaucoup vous revoir. Ne pourriez-vous pas me donner un coup de fil (Babylone 42 41) ?

 Toujours amicalement vôtre

 

 Claire Goll

 

 Claire Goll

 

 1962

 

 1963

 

lettre de Claire à Audiberti 26 novembre 1963

 

 Cher Jacques,

 

IMEC Cote : DBT2. A1-04.03

 

 

lettre d'Audiberti à Claire 21 décembre 1963

 

  Chère Claire,

avec enchantement j'ai lu le Ciel volé

Je ne savais pas que tu écrivais des choses aussi charmantes !

Je viendrai, si tu veux bien, recopier mes poèmes

 Bien amicalement

 Jacques

 

SDdV Aa59 ? (247)

 1964

pneumatique de Claire à Audiberti 17 novembre 1964

 Cher Jacques,

 

IMEC Cote : DBT2. A1-04.03

lettre d'Audiberti à Claire 17 novembre 1964

 

 Chère Claire,

SDdV Aa60 ? (252) - 510.299 III

 

 1965

 

lettre de Jean Painlevé à Claire Goll 27 février 1965

 

  1966

 

 Lettre de Florent Fels à Claire Goll : 25 février 1966

  Hôtel Hermitage, Monte-Carlo

 

 Ma chère amie, je serai à Paris

 du 15 au 30 mars et j'aimerais beaucoup

 te rencontrer. Veux-tu me donner

 ton adresse et numéro de téléphone en

 envoyant ton courrier :

 Florent FELS

 Hôtel de Calais

 5, rue des Capucines . Paris

 

 en mettant sur l'enveloppe : NE PAS

 FAIRE SUIVRE

 

 à bientôt le plaisir de te voir

 Florent

 25. 2. 65

 

 Lettre de Florent Fels à Claire Goll : 2 avril 1966

 

  Fels. 52 Bd Jardin Exotique

 Monaco

 

 Chère Claire,

Que parles-tu de " grand voyage sans retour " !

Quelle littérature !

Tu vois bien que tu peux servir et vivre, puisque

te voilà servant encore le grand cher Yvan.

Je crois t'avoir dit que les Allemands - je ne dis

pas les nazis - sont passés chez moi dès septembre

40, enlevant mes Chagall, Vlaminck, Utrillo,

et tous mes livres . Je ne possède donc plus d'

ACTION ? où non seulement il y avait des oeuvres

d'Yvan Goll, mais des inédits de l'ami Malraux.

 Demande-lui, peut-être en a-t-il encore et

il a la puissance d'en faire rechercher et retrouver.

 Ta carte m'est parvenue ici. Je serai à

Paris fin mai, te verrai. Je t'embrasse

 Florent

 2.4.66

 

 1967

 1968

 1969

 

 1970

 

Lettre de Claire Goll: 26 juillet 1970 à l’éditeur Jean Petithory

 

 CLAIRE GOLL

 47 RUE VANEAU

  PARIS VII

 

 Le 26. VII.70

 

 

 Mes chers Chantal et Jean,

 

 Je suis ravie de vous savoir au soleil, “ les

 mains libres “. Seulement il ne faudrait pas que Jean s'expose

 aux rayons ultra - violettes, mais cherche l'ombre.

 Je suis seule et triste ici et j'ai la nostalgie

 du Midi que je n'ai pas vu depuis de longues années.

  Aussi, ai - je pensé à ta charmante proposition,

  Jean, de m'emmener là - bas au moment de ton retour

 avec Man.

  Nager, nager, quel rêve! La vieille sirène

  ne vous dérangerait pas, elle sera toujours cachée

 dans le pli des vagues ou de son lit pour écrire, 

    Et pour faire plaisir à Jean, je lui laisserai un

 Miro de 3 2 5.0 0 0 à 1 5 0. 0 0 0 F (anciens).

 Seulement, si vous voulez bien de moi, il

  faut me prévenir huit jours d'avance ou dés

 maintenant fixer une date. Car j'ai des rendez -

 vous à annuler que j'ai pris avec des étudiants qui

 font leurs thèses, soit sur Yvan, soit sur moi.

  Je vous embrasse affectueusement, ainsi que Man (Man Ray)

 et Juliette.

  Votre

    Claire

 

 1971

 

 1972

 

 1973

 

 1974

 

 1975

 

 1976

 

 

 1977

 

30 Mai 1977 : décès de Claire Goll

« Par testament, Claire Goll, décédée le 30 mai 1977, a fait de l'ensemble des manuscrits, des livres imprimés, des oeuvres d'art et des objets divers contenus dans son double appartement au 47 rue Vaneau à Paris, deux parts :

n l'une avec les manuscrits et les imprimés en langues allemande et anglaise, plus un choix de peintures, gravures et photographies, était destinée au musée Schiller à Marbach (Allemagne) où elle devait prendre place au sein des archives littéraires allemandes que cette institution a mission de conserver et de communiquer. Cette dévolution représentait la contrepartie de la pension viagère que depuis 1971, la République fédérale d'Allemagne lui versait mensuellement. Le Musée Schiller, à Marbach, est chargé de recueillir et de conserver les archives littéraires allemandes. Il possède les papiers et les livres de plus de trois cents écrivains qui se sont fait un nom dans la littérature. Il souhaita faire entrer dans ses collections les manuscrits et les oeuvres d'Yvan et Claire Goll.   

n l'autre, avec les manuscrits, les imprimés en langue française, la bibliothèque, la majeure partie des oeuvres d'art, le mobilier et les objets personnels ayant appartenu à Yvan et à Claire, revenait à la ville de Saint-Dié des Vosges. 

(Albert Ronsin, Conservateur honoraire de la Bibliothèque de S.D.d.V., Président des Amis de la Fondation Yvan et Claire Goll)

 

Claire Goll décédait le 30 mai 1977, après avoir traduit, fait éditer ou rééditer dans une douzaine de langues (allemand, anglais,  français, espagnol,  italien,  japonais,  bengali) une grande partie de l'oeuvre d'Yvan, inconnue du "grand public ", en raison de la rareté et du prix des Editions de luxe illustrées.

Claire avait été, comme elle le souhaitait, la parfaite secrétaire d'un mort. C'est elle qui a réussi à lui redonner vie. Dans un exemplaire de Traumkraut Claire Goll a écrit de son habituelle encre rouge Claire sur la page de garde et Claire Goll sur la page de titre.

Un Edelweiss se trouvait dans cet exemplaire ; il ne peut s’agir que de celui dont il question dans "Meiner Seele Töne", lettre de Claire (en cure à Challes-les-Eaux) datée du jeudi 19 août 1948 p.283 : 

 "mais tout cela n’est finalement qu’une question de patience … cette plante de la solitude et de l’altitude t’en enseignera peut-être un peu. Elle s’est patiemment adaptée à la glace et au soleil le plus ardent. Son petit pelage est aussi doux que celui d’un animal. Cet edelweiss vient de la chaîne des glaciers de Belledone.… "

 

dans sa note 1 p.408 Barbara Glauert dit que cet edelweiss n’était pas joint à la lettre originale; et pour cause en avril 1972, Claire donnait à la ville de Saint-Dié "…une croix de Lorraine et flamme "Honneur et Patrie "en métal argenté des Français Libres ayant appartenu à Yvan Goll à New-York, un edelweiss cueilli pour Claire dans les montagnes du Tyrol en 1949. "

Albert Ronsin - Le legs Yvan et Claire Goll à Saint-Dié —Regards n° 102, Avril 1980)

 

  Conclusion

 

 

Comme dans un rêve j’entrai un matin de la première semaine de Septembre 2000 dans les Archives Militaires Nationales Russes situées dans une rue latérale de la tristement célèbre Chaussée de Leningrad à la périphérie de Moscou. Il me fallut surmonter ma peur devant les jeunes soldats, fusils aux pieds, portant des vestes pare-balles, qui contrôlèrent mon passeport avant que je ne puisse entrer dans la salle de lecture. En tout cas, les jeunes soldats me garantissaient l’une des places de travail la plus sûre au monde. Une fois dans la maison, je pouvais bouger librement sans d’autres contrôles. Je pouvais consulter l’ensemble des trente-sept classeurs - ouverts et remplis par Yvan et Claire Goll eux-mêmes dans les années 1919 à 1939, papiers jaunis, encre délavée -. Trente-sept classeurs, en cinq jours, du lundi au vendredi. Poèmes, lettres, relevés de compte. Je lisais, lisais et notais, cataloguais à nouveau et quelquefois j’avais le sentiment que la porte de la salle de lecture des Archives Militaires à Moscou allait s’ouvrir et que Claire Goll entrerait pour m’exhorter : « Vous pourriez travailler encore un petit peu », comme elle l’avait souvent fait dans ses archives parisiennes après 21 heures. Ou elle m’apporterait des gants blancs pour le travail sur les originaux des lettres. Quand je quittais les archives tard dans l’après-midi, je ne savais pas qui était plus fatigué, les soldats de garde dormant sur leurs fusils dressés qui ne pensaient plus à me contrôler, ou moi-même. Je savais : Claire travaillerait des nuits entières pour récupérer ses trésors.

 

Un soutien précieux et important pour remplir les questionnaires, pour traduire et pour faire l’interprète me fut prodigué par Madame Elena Tchesnokova, collaboratrice du Département des Acquisitions à la Bibliothèque de Littérature Etrangère à Moscou. Pendant mon séjour, trois autres chercheurs allemands travaillaient dans la même salle de lecture. On me dit que je pouvais consulter dix classeurs par jour. Cependant, dès le deuxième jour, les vingt-sept classeurs restants furent mis à ma disposition. A l’intérieur de l’ensemble des dossiers Goll, il existe un sommaire en langue russe qui répertorie - cependant de façon incomplète - les oeuvres des Goll contenues dans chaque dossier. Les premières traces de traitement et de mise en ordre des fonds Goll - en langue russe - datent de l’année 1949. Jusqu’en 1960, les fonds étaient stockés au Ministère National de l’Intérieur à Moscou avant d’être transférés aux « Archives Spéciales ». En 1962 seulement, les documents ont été classés sous la forme actuelle. Contrairement à l’information initiale selon laquelle les textes des Goll étaient contenus dans trente-sept classeurs d’une centaine de feuillets chacun, les différents classeurs avaient des volumes variables, allant jusqu’à 744 feuillets. Vu globalement, il y a plus de volume de textes de l’oeuvre de Claire Goll que de celui d’Yvan Goll. Il s’agit pour la plupart de tapuscrits allemands ou français avec un grand nombre de corrections et d’ajouts manuscrits des deux auteurs (aussi dans les textes du conjoint réciproque). D’Yvan Goll et de Claire Goll j’ai trouvé de chacun un roman non publié ainsi qu’un nombre peu important de lettres (Paula Ludwig, Georg Kaiser, Henri Barbusse, Lion Feuchtwanger) adressées à Yvan et à Claire Goll. Par ailleurs, j’ai trouvé plusieurs tapuscrits de textes qui avaient été publiés avant 1939 (l’année où les Goll ont fui la France). De l’oeuvre de Claire Goll, Charlie Chaplin intime, publiée en 1935, j’ai trouvé une adaptation allemande faite par Claire Goll. Un classeur contient des publications feuilletonistes de Claire Golls dans des quotidiens et hebdomadaires allemands des années 20 et 30, un autre des correspondances de Claire Goll avec des maisons d’édition, des rédactions de journaux et des agents littéraires ainsi que des contrats d’édition de ses oeuvres. Deux classeurs renferment des relevés de compte des Goll de diverses banques (Deutsche Bank, Dresdner Bank, Schweizerischer Bankverein Genève et Zurich) de la période entre 1919 et 1939.

 

Un matin, un historien de Berlin présent, lui aussi, dans la salle de lecture des « Archives Spéciales » me conseilla de rechercher également dans le fichier nominatif des Archives Nationales Russes pour la Littérature et les Arts qui se trouve dans le même bâtiment, mais n’a rien à voir avec le butin de guerre. J’en parlai à Madame Tchesnokova, et elle réussit effectivement le lendemain à consulter ce fichier. Elle trouva que ces archives contenaient également des textes d’Yvan Goll et apporta une invitation de la directrice de ces archives me demandant de venir la voir et de lui faire part de mes souhaits. Peu de temps après, je pus consulter le matériel dans la salle de lecture des Archives Nationales pour la Littérature et les Arts. Le texte le plus important que j’aie pu trouver était le tapuscrit du roman Lacrasse d’Yvan Goll (en français, environ 200 pages). Goll avait personnellement envoyé cette oeuvre en 1926 aux éditions moscovites « Land und Fabrik » (« Semlja i fabrika ») pour leur en proposer la publication. Cette maison d’édition a été fondée à Moscou en 1922, dissoute vers 1930, mais existe à nouveau aujourd’hui sous une nouvelle forme. A l’époque, Maxime Gorki, Konstantin Fedin, Anatole Lunatscharski et Ilja Ehrenburg faisaient partie de ses auteurs. Elle publia aussi des traductions russes de Gustave Flaubert, Anatole France et d’autres auteurs français. Jusque-là, je ne connaissais pas de roman intitulé Lacrasse de Goll, mais je supposais qu’il pourrait s’agir d’une version modifiée d’un roman déjà publié en France puisque Goll avait l’habitude de réécrire des oeuvres déjà éditées et de les publier sous un autre titre. 

 

Comme la directrice adjointe des archives m’informa, le tapuscrit du roman Lacrasse de Goll est devenu entre temps propriété de l’état russe puisque Goll l’avait librement mis à la disposition de la maison d’édition de Moscou (contrairement au butin de guerre dans les « Archives Spéciales ») et que de ce fait, le prix des copies était fixé par les archives elles-mêmes. Compte tenu du prix élevé annoncé de 20 US $ la page, je demandai de ne faire copier que quatre pages de texte (plus la page de couverture). Cela me permettrait de vérifier le texte à mon retour. On me proposa ensuite de me faire copier encore trois textes de lettres (5 pages) importantes pour moi (correspondance de Goll avec la rédaction de la revue moscovite Das Wort qui publia en 1938 sa cantate Tscheljuskin dont le texte original a aujourd’hui disparu, une lettre de Lion Feuchtwanger adressée à Goll le 9 Juillet 1937, une carte postale de Goll à Alfred Kurella, rédacteur en chef de la revue Das Wort éditée à Moscou, datée du 20 Octobre 1937, et une lettre de réponse de la rédaction de Wort adressée à Goll le 22 Novembre 1937 depuis Moscou). Après mon retour en Allemagne, je pus constater à l’aide des pages de textes copiées que le tapuscrit de Moscou est, en effet, une autre version française du roman Le Microbe de l’Or où le personnage principal ne s’appelle plus Monsieur Tric, mais Monsieur Lacrasse. Le Microbe de l’Or a été publié pour la première fois en 1927 aux Editions Emile-Paul Frères, Paris. La traduction allemande faite par Georg Goyert a été publiée en 1960 dans le recueil Dichtungen par Luchterhand Verlag, Neuwied. Actuellement, les négociations entre le Wallstein Verlag, Göttingen, qui éditera les oeuvres complètes d’Yvan et de Claire Goll en Allemagne, et les Archives Nationales pour la Littérature et les Arts à Moscou se poursuivent. Ces archives renferment également la traduction russe de son drame Methusalem oder Der ewige Bürger par Dimitri Vygodski, une lettre de Goll adressée à celui-ci le 5 Juillet 1924, un virement d’honoraires à Goll pour la publication de sa cantate Tscheljuskin dans la revue Das Wort, une traduction russe de ses poèmes « Karawane der Sehnsucht » et « Mondschein ». Il est possible que d’autres textes d’Yvan et de Claire Goll (ainsi que des documents provenant de leur bibliothèque parisienne) se trouvent encore à la Bibliothèque Nationale pour la Littérature Etrangère ainsi qu’à la Bibliothèque Nationale Russe (anciennement Bibliothèque de Lénine). Des renseignements complémentaires pourraient être obtenus par la consultation détaillée des 76 dossiers se trouvant également aux « Archives Spéciales » et concernant l’activité de la mission Reichsleiter Rosenberg (fonds N° 1401) puisqu’on y trouverait probablement des indications sur l’endroit précis où les documents provenant de l’appartement parisien des Goll avaient été conservés à l’intérieur du Grand Reich de l’époque. Les archives moscovites contiennent donc : 34 classeurs avec des textes des Goll = 4.251 feuillets au total (excepté les deux classeurs contenant des relevés de compte, des correspondances avec les banques ainsi que le classeur contenant des coupures de journaux des articles de Claire Goll). S’y rajoutent environ 200 pages du roman Lacrasse d’Yvan Goll. Textes au total : 4.451 feuillets dont en langue allemande : 2.996 feuillets, en langue française : 1.455 feuillets.

 

Au dernier jour de mon travail dans les Archives Spéciales, j’ai établi la liste des copies à faire des documents Goll trouvés dans ces archives. Les copies ont été faites au prix de 1 US $ la page dans le courant du mois d’Octobre 2000 et ont été acheminées par courrier spécial, par la voie de l’Ambassade Allemande à Moscou et du Ministère des Affaires Etrangères à Berlin, au Musée National de Schiller à Marbach en été 2001. J’avais réussi ce que personne n’aurait imaginé possible. 4.500 feuillets de propriété intellectuelle d’Yvan et de Claire Goll, dérobés à Paris en 1940, entreposés en Allemagne jusqu’en 1945, sauvés par la « Commission des Trophées » soviétique et conservés à Moscou depuis 1949, avaient repris le chemin de Moscou à Marbach sur le Neckar. En Juillet 2001, j’ai personnellement, et en présence de collaborateurs des Archives Littéraires Allemandes, ouvert et vérifié les deux colis. Toutes les copies des textes d’Yvan et de Claire Goll que j’avais commandées avaient été faites soigneusement. Ainsi, au bout de soixante ans, une partie des oeuvres des Goll dérobées à Paris ont retrouvé une patrie. Lors de leur publication future par le Wallstein Verlag, nous signalerons leur destinée particulière sous le nom d’ « Edition Moscovite ». Ce sera aux gouvernements d’Allemagne, de France et de Russie d’envisager le retour des trente-sept classeurs de textes originaux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] Daté d'après la réponse de Claire Goll

[2] copier le texte

[3] idem (p. 159/160/161 ). Cette lettre à Sperber est parue dans « Neue Literatur » N° 7, 1975 p. 54-56

Publicité
6 décembre 2008

Correspondance Goll 1949 jusqu'à la mort d'Yvan

                                                           1949

Alain, Berlin à Yvan et Claire 6 avril 1949

Anatole Bisk (Alain Bosquet)

Liaison and Protocol Section O.M.G.U.S.

APO 742 % U. S. Army

Berlin , Allemagne

                                                             Berlin , le 6 avril 1949.

                          Mes bien chers Yvan et Claire ,

              J ' ose espérer que vous allez bien ,  que  la

santé d'Yvan s'améliore, que votre situation générale

laisse moins à désirer. Revenu à Berlin , je me suis

précipité la tête la première dans le travail strictement

administratif qui m ' attendait et qui était des plus

encombrants.

              Je me suis mis en rapport avec Dietz Verlag ,

qui m'a répondu que "Education barbare "[1] ne pouvait

pas être publié en Allemagne, le pays n'étant pas assez

mûr pour ce genre d'ouvrage ! Que faire ? J'attends les

instructions de Claire.

                   Une nouvelle réforme monétaire interdit aux

Berlinois de l'ouest de se servir de marks orientaux , ce

qui fait que tout le monde est sans le sou.  "  Journal  " 

sur quoi j ' avais fondé beaucoup d'espoirs vient de

faire faillite.

              J 'ai passé tous mes manuscrits  à  mon ami

Alexander Koval qui va étudier la  possibilité  à la

fois à l ' est et à l ' ouest. Le journal de mode dont

j'ai parlé à Claire sortira la première fois dans 2 ou

3 mois : il faut donc attendre aussi de ce côté  -  là.

Je suggère que Claire écrive à SIE (voir ci - inclus) :

c'est une sorte de " Marie - Claire " ; ils ont de l'argent,

et il n ' est pas impossible qu' ils s' intéressent à une

chronique  parisienne.  Je renverrai  à  Claire des  ex-

emplaires de ses manuscrits aussitôt qu' ils  seront  re-

copiés.

              Portez - vous bien , et merci mille fois de vos

bontés et de vos démarches.  Je vous tiendrai au cou-

rant.

                                                 Bien affectueusement

                                                                                     Alain

Ms 615 Goll 510.324 - 152

            Alain, Berlin à Yvan le 24 avril 1949

Anatole Bisk (Alain Bosquet)

Liaison and Protocol Section O.M.G.U.S.

APO 742 % U. S. Army

Berlin, Allemagne

                                                                                                                                                                                Berlin, le 24 avril 1949 .

                                   Mes bien chers Yvan et Claire,

               La santé d' Yvan, je l'espère de tout coeur, s'amé-

liore, et vos difficultés, je l' espère aussi, se dissipent .

              Je voulais simplement vous dire que mon éditeur

a trouvé " Tagebuch eines Pferdes " fort intéressant, et

qu'il aimerait voir les illustrations de Chagall. Les espoirs

de ce côté-là sont nombreux . Mon ami Koval va aussi

distribuer les copies des poèmes d' Yvan que j' ai fait

faire. Je suis certain qu'avec de la persévérance les résultats

viendront . Dès que les autres nouvelles de Claire seront

tapées, je ferai le nécessaire, bien que Koval et Henssel

ne s ' intéressent qu' au " Tagebuch " parmi les écrits en

prose . Je vous tiendrai au courant .

                                   Je vous souhaite mille bonnes choses

                                   et vous embrasse affectueusement

                                                                                                                                                                                                                                           Alain

Ms 615 Goll 510.324 - 154

- 25 avril : les communistes chinois occupent Nankin et Shanghai

- 26 avril : l'Agence Tass informe que l'URSS lèvera son blocus de Berlin quand les Alliés occidentaux accepteront de lever leur contre-blocus.

Yvan, Paris à Bosquet, Berlin, 29 avril 1949                                                                                                                                             HOTEL PALAIS D' ORSAY

                                                           9, QUAI ANATOLE France                                                                                               PARIS

                                                                                  29 avril 1949

                                                           Mon cher Alain

                                               Si j' ai tardé à répondre

            à tes deux lettres, c'était dans l' espoir de te

            donner une ou deux réponses précises au

            sujet de ton manuscrit : et en effet,

            Gallimard nous l' a renvoyé hier, tandis

            que la " Nef " n' a pas encore donné de

            ses nouvelles.

                        Quel est le résultat de tes propres

            tentatives ?

                        Il est bien compréhensible que du

            côté allemand tout soit en suspens ;

            il n' y  à rien à espérer de votre zone.

            Döblin, par contre, va publier quelques

            nouveaux poèmes du " Traumkraut " et

            m ' a aussi indiqué quelques éditeurs.

            Il faudrait donc peut-être mieux que

            tu me renvoies mon manuscrit.

                        Quant à Claire, elle t ' écrira ces

            jours-ci. 

                Il me semble que le blocus de Berlin

            va être levé ?    Attendons pour voir.

            Ma santé est assez satisfaisante pour

            le moment et me permet de m'occuper

            de la publication prochaine  de

            l ' Elégie d' Ihpetonga, révisée et

            très agrandie.

                                               Ever yours

                                                           Yvan

B.L.J.D.  Ms 47302 - 27

-5 mai : le Conseil de l'Europe est officiellement créé à Londres, il siégera à Strasbourg. Bonn est choisie comme capitale de la RFA le 10 mai ; le 11, Israel est admis à l'ONU où les négociations sur la levée du blocus soviétique aboutissent le 12 mai.

Alain, Berlin à Yvan le 5 juin 1949

A. Bosquet

Liaison & Protocol Section

O.M.G.U.S.

APO 742 % U. S. Army

                                                                                                                                                                                            Paris, le 5 juin 1949 .

                        Mes  chers Claire et  Yvan,

                        Tout à l' heure je n' ai pas pu vous atteindre

            au téléphone, et je m'en vais dans très peu d'instants.

                        Inutile de vous dire que j ' ai été heureux de

            vous revoir, ne fût-ce que l' espace d' une heure .

                        J ' ai lu tout de suite " Le Char Triomphal de

            l ' Antimoine ", renouvellement qui m' étonne et me

            ravit. J ' en aime surtout " Le grand oeuvre ", "Le

            semeur d'hexagones", "L' oeuf philosophique" et cette

            très mélodieuse "Rose des roses" qui rappelle plusieurs

            poèmes de " Traumkraut " .

                          Merci aussi des lithographies de Chagall ;

            j' espère qu' elles serviront à décider l' éditeur .

                                   A bientôt .           Je vous embrasse

                                                                                  Alain

Ms 615 Goll 510.324 - 155

Robert Ganzo à Yvan Goll

24 juin 1949

Mon cher Yvan,

J'ai lu et relu ton livre. C'est, pour moi, un grand plaisir de le voir paraître. "Les mots sont de luisantes haches ". Et tes haches, à toi, sont d'une intelligence rare.

Voici les sonnets les plus beaux avec une demi douzaine d'autres laissés par ceux que  nous pourrons plus oublier.

            Donc, par les racines a monté un alcool que je hais, et que d'autres après nous, vont faire.

            Mais une réserve : les illustrations. Je commence à croire que jamais, jamais ne s'est trouvé un peintre pour un poète. Toujours aux antipodes ou approximatif, ce qui revient au même.

Tu ne peux savoir les ennuis que j'ai avec "le" papier. Mais j'espère que j'en aurai bientôt fini. Embrasse Claire.

Je suis affectueusement ton

Robert Ganzo

SdDV : 510.216

- 26 juin : Pierre Sabbagh se voit confier la responsabilité du premier Journal télévisé.

- 14 juillet : Saïgon, 22 morts et 118 blessés à l'occasion de la fête nationale française. Le 16, offensive française contre le Viet-Minh au Tonkin et le 19, le Laos devient indépendant dans le cadre de l'Union française.

Yvan, Paris à Bosquet, Berlin, 21 juillet 1949

                                                                                                                                                                                                                      Paris 21 juillet 49

                                                           Palais d' Orsay                                                                                                                               7 quai d' Orsay

                                   Mon cher Alain

                        Je te remercie des 3 exemplaires de l' édition

            allemande de St John Perse, où j'ai beaucoup admiré

           ton évocation lyrique du poète à côté des études déjà

            connues de Caillois et Mc Leash.

                               Cette semaine vient enfin de paraître, Kurz

            vor Torschluss, l' Elégie d' Ihpetonga, avec les 4 lithos

            de Picasso, parallèlement avec le vernissage de 50

            nouveaux tableaux de P. à la Maison Française, plus

            étonnants, plus renversants les uns que les autres.

            L' exposition restera ouverte jusqu' en septembre ; tu

            auras peut-être l' occasion de la visiter.

                        Tu ne reconnaîtras pas l' Elégie totalement

            refondue et se composant maintenant de 10 parties.

            Malheureusement, il ne m'est pas possible de te l'offrir,

            pour des raisons que le prospectus inclus t' indiquera !

                        „Le Char Triomphal” ne semble d ' ailleurs pas

            t ' avoir fait  un  plaisir fou.  Tout  ce  que  tu  as  su

            en dire, dans ta froide lettre d' adieu, n' était qu' une

            énumération de titres.

                               Il me semble d' ailleurs de plus en plus,

            que, sous l' influence de Roditi, tu te sois détaché

            de moi. Depuis que tu publies en Allemagne,

            tu  as  trouvé le moyen  de  ne  jamais mentionner

            mon nom et de m ' éliminer de tes éditions.

                                   Je vais partir pour la  Lorraine  qui,

            j ' espère, ne  me  portera  pas  malheur  comme

            l ' an dernier.

                                   Mille choses de Claire et de

                                                                                              ton Yvan

B.L.J.D.  Ms 47302 - 28

Alain, Berlin à Yvan le 2 août 1949

Alain Bosquet

Liaison & Protocol Section

O.M.G.U.S.

APO 742 % U. S. Army

                                                                                                                                                                                                        Berlin, le 2 août 1949 .

                                                                                             

                                               Mon cher Yvan,

                                   Je te remercie de ta lettre du 21 juillet,

               qui m'apporte la bonne nouvelle de la parution

               de l ' Elégie d ' Ihpétonga,  parution éclatante

               entre toutes . Si j' en connais et aime les textes,

               en partie, je regrette néanmoins beaucoup de

               ne pouvoir souscrire un exemplaire pour l ' ins-

               tant, ce que je ne manquerai pas de faire dès

               que mes moyens me le permettront .

                            J ' ai eu plusieurs " tuiles " successives

               dont  des  ennuis  de famille  qui  m ' obligent

               de  faire  un  saut  d ' un mois à New York,

                ce  septembre  qui  vient . Ma position est

                on  ne  peut  plus  précaire ici  du fait que le

                State Department, qui reprend à son compte

                l'administration du War Department, considère

                comme indésirables les fonctionnaires qui sont

                citoyens depuis moins de dix ans .

                                   Mes aventures littéraires elles aussi vont

                mal . Si  le  St.  J. Perse  a  pu  sortir  après  14

                mois de tergiversations de toutes sortes, il n'en est

                pas  moins  vrai  que  sa  vente  est  à  peu  près

                nulle . L' anthologie du surréalisme que Henssel,

                mon éditeur, s ' était engagé  à  sortir  cet été,

                dort du sommeil du juste . Henssel est  sur  le

                 point de faire faillite, comme tous  les  autres

                 éditeurs  littéraires  de  Berlin, et  ne  publie

                 plus qu' à compte d' auteur. Ni lui, ni 3 autres

                 éditeurs, n' ont pu me donner une réponse

                 affirmative  au  sujet  du  " Tagebuch  eines

                 Pferdes "  de  Claire, bien qu ' ils  aient  été

                 intéresses par le texte et les illustrations,

                 " en principe " ! Il faut attendre que la crise

                se dissipe .

                               Tous ces déboires, joints aux insuccès

                répétés  que  j ' essuie  à  Paris depuis quelque

                temps t ' expliquent  le  marasme  moral 

                je patauge .  Ecrire  devient  un  supplice

                auquel  on  se  voue  par habitude ou paresse .

                En poésie, j ' hésite  entre  le  vers  libre  et  le

                vers régulier : je trouve le premier trop indisci-

                pliné  et  le  second  trop  fallacieux .  Et  je

                continue d ' avoir peur de la prose - Que faire ?

                Il me manque la conviction, la foi ; peut-être

                est - ce  la  solitude  et  le  dénuement  total

                qui  seuls  pourraient  me  forcer  à  écrire

                vraiment .

                             Excuse-moi de t ' ennuyer avec ces

                 caprices et ses sautes de baromètre .

                                               Je vous embrasse affectueusement

                                               Claire et toi                                                                                                                           Alain

Ms 615 Goll 510.324 - 157

3 sept. 1949 lettre d'Yvan à Henry Miller

" Je viens d'écrire les seuls poèmes qui comptent dans ma vie. En voici un petit échantillon."

Yvan, Paris à Bosquet, Berlin, 5 septembre 1949

                                                                       HOTEL PALAIS D' ORSAY

                                                                       9, QUAI ANATOLE France                                                                                              PARIS

                                                                                     5 Sept 49

                                                 Mon cher Alain

                                      Ta dernière lettre était,

  comme d'habitude pessimiste et silencieuse.

Tu m ' y  parlais  de  la  situation  économique  en

Allemagne, comme  si  celle - ci était  à  la  base

de  tes  états  d'âmes  et  de  mes  soucis. " Deine

Sorgen möcht' ich haben  "....

       Silencieuse, par ce qu'elle éludait, comme

d ' habitude, les  vraies  questions  qui  nous pré -

occupent    toi  et  moi .  Je t ' ai  fait  plusieurs

reproches, dans ma lettre précédente, auxquels

tu évites de répondre.

                Je  veux  y  ajouter  un  autre : tu  te

lamentes  parce  que Henssel  laisse dormir

dans ses tiroirs ton anthologie surréaliste.

Au fond, qu' est - ce que cette anthologie sur-

réaliste, dont, lors de tes dernières visites, tu

n ' a  jamais  cru  devoir  me  révéler  la

constitution ? N' y aura - t - il vraiment que

des surréalistes purs, donc ni Ponge, ni

Michaux, ni St John Perse par exemple ?

Et si ceux - ci  y  figurent, ce ne sera plus

une anthologie surréaliste, mais une A.

de la nouvelle poésie française, et alors  -

pourquoi pas Yvan Goll  ?

              Plus  de  silences  gênés  mon

vieil Alain !  Plus  de  subterfuges !

Heraus mit der Sprache  !  Roditi, qui

m'en veut pour plusieurs raisons et qui

est devenu  ton  mentor  totalitaire,

t ' a dit  que  Goll  ne vaut plus rien.

              Mettons que Jean sans Terre ne

soit pas à la hauteur. Mais la  "Roche

Percée"  ? Et le  " Char "  dans lequel toi

tu sembles répugner de monter, comme

dans un vieux fiacre ?     Et    enfin

l ' Elégie d'Ihpetonga, qui serait depuis

longtemps  à  ta  disposition gratuite,

si  tu  en  avais  montré  un  peu  plus

de curiosité ?

     Ta dernière visite, farcie de silences

et de mi  -  mots, m'avait laissé haletant.

  Je veux que tu me regardes franchement

en  face  !     Une  si  ancienne  amitié

m' y autorise.

  En attendant, lis cette interview[2] qui

te fera dérider

                          bien amicalement ton

                                                 Yvan Goll

B.L.J.D.  Ms 47302 - 29

Paul Celan à Yvan Goll, lettre, Paris, 27.9.1949, envoyée à Paris.

Dans la première lettre qu’il adresse à Yvan Goll, le jeune poète Paul Celan : „Un homme auquel je dois beaucoup, Alfred Sperber, un poète allemand vivant en Roumanie, m’a beaucoup parlé de vous [...].“62  à traduire

Barbara Wiedemann, Paul Celan - Die Goll-Affäre. Frankfurt am Main, 2000, page 16.

- 15 septembre : Adenauer devient le premier Chancelier de la RFA.

- 23 septembre : Truman annonce que l'Union soviétique a expérimenté

une bombe atomique ; l'explosion a eu lieu le 14 juillet dernier.

Alignement des monnaies pour la plupart des pays bénéficiant du Plan Marshall, le franc a dévalué de - 20 % par rapport au dollar.

Alain, Berlin à Yvan le 27 septembre 1949

              Alain Bosquet

Liaison & Protocol Section

O.M.G.U.S.

APO 742 % U. S. Army

Berlin , Allemagne

                                                 Berlin , le 27 septembre 1949.

                                                 Mon cher Yvan ,

              Ton avant - dernière lettre avait été nerveuse ,

et j'avais  cru à une humeur passagère. Ta dernière

lettre, au contraire, me révèle que la crise est sérieuse

et profonde. Je dois tout de suite te dire que ta sincérité

m'honore, et que je te suis reconnaissant de me faire

des reproches sans te soucier des apparences ni des formes.

Il ne faut pas , en effet , que des ombres subsistent

entre nous. Ta sincérité appelle la mienne. Je veux ,

en guise de bilan  -  quelque froide que puisse être

une analyse de ce genre  -  essayer de te répondre.

              Je ne me crois pas assez "femme "(ou "enfant",

si tu préfères) pour me laisser influencer au point de

perdre tout jugement. La collaboration qui est née

entre  Roditi  et  moi  était une sorte  de " mariage de

convenance" qui s'exprimait dans le domaine journalis-

tique  plus  que littéraire, administratif  plus qu' intel-

lectuel. Je n' ai jamais partagé ses goûts , et il  n' a

jamais  considéré que  mon intérêt  pour  les avant -

garde était fondé. Cette collaboration tire d'ailleurs

à sa fin ; Roditi s'en va à Bonn , et je reste à Berlin.

Il ne t'en veut pas ; pourquoi diable t'en voudrait - il ?

Je crois que tout simplement il te considère avec la même

froideur distante avec laquelle il parle des gens du calibre

de Supervielle , Char , Michaux etc...Mais il ne peut être

question d 'antipathie qui aille  au - delà d ' une incompa-

tibilité de goûts. Sa mollesse le rend tout à fait inoffensif,

et incapable de haine. Je le crois trop humaniste pour

s'attarder dans des sentiments excessifs.

              Que mon attitude à  moi ait été, ces dernières an-

nées, pleine de réticences, de retournements, de bouderies

même , je n'en disconviens pas. C'est là une disposition

générale  dont  il  faut  chercher  la  cause dans  mon  ca-

ractère, et non dans des raisons bien déterminées. Notre

vieille amitié m ' autorise à me  montrer  comme je  suis :

je n ' ai pas  à briller ni  à mentir en ta présence. Je suis

déçu, en général, et de la littérature en particulier. Peut -

être suis - je trop lâche pour abandonner une position

relativement confortable et tenter , une bonne fois pour

toutes , la grande aventure littéraire. Il en résulte que

depuis 1945 je ménage la chèvre et le chou , ce qui fait

que ni l' une ni l 'autre ne m'enthousiasment vraiment. 

Je suis aussi à l'âge où on se défait de sa peau d'avant -

garde et    on  revêt  tant bien  que mal  l ' habit  du

classicisme. Etre écrivain  ne  signifie plus  pour  moi ,

être poète. La prose et le théâtre aussi sont indispensables.

Peut - être   visé  -  je  trop  haut. La  poésie m' irrite. Je

ne  trouve  plus  Supervielle  que charmant , Eluard trop

éluardien , et même  la magnifique  éloquence de Perse

me fait regretter la forme classique. Il va sans dire que

rien  dans  mes propres poèmes ne me satisfait au delà

de l ' enthousiasme initial. Dans ces conditions , ma

confiance dans la poésie étant ,  malgré moi , fonction

de sa  précarité  dans  un monde    le verbe  ne joue

qu' un rôle fallacieux , il est évident que tes poèmes

m ' apparaissent sous un jour désespéré. Je voudrais

vivre de poésie , mais au milieu de gens qui l'étouffent,

je  ne  peux que la  plaindre. J' ai toujours considéré

que  tu  méritais  mille  fois   plus  que  ta  modestie

n' exige elle - même. Tu es un poète véritable, ce qui

à  côté  de  gueulards  comme Aragon , Loys Masson ,

Seghers , Emmanuel même (malgré ses étincelles) te

garantit  une  authenticité  qu' ils  n' auront  jamais ,

malgré les lauriers qu' ils  se distribuent les uns aux

autres. Je te place au premier rang, et je te le dis sans

flatterie ni gêne. Si j'ai pu regretter quelquefois tes

changements brusques : le vers régulier, le vers libre ,

une forme intermédiaire , la ballade , puis le poème

d' amour , puis  la  poésie  métaphysique , c'est que

ces changements me sont aussi familiers et voisins des

miens , dont je souffre et ne peux me séparer. Rien

dans la poésie française , ne me satisfait réellement

depuis Valéry. Rien dans la poésie mondiale ne me

satisfait depuis Lorca et Rilke.

  Passons aux reproches concrets. Trois de tes poèmes

(repris de la sélection de Jean Sans Terre publiée par la

Nouvelle Relève) allaient paraître dans "Das Lot " n° 4,

entourés de textes de Boris Pasternak, du grand poète

grec Karalis , de Jarry et de Jünger , lorsque cette revue

saignée à blanc par les réformes monétaires successives,

fut enterrée sans pompe ni discours. C'est consciemment

que  les  3  premiers  numéros  ne  contenaient  du  côté

français, que des géants, dont deux morts: Lautréamont,

Milosz  et  Perse. Il  ne  fallait  pas  que dès  le  début

l' on m' accuse de  népotisme. Pour ce qui est  de  tes

poèmes allemands(la remarque s'applique au "Tagebuch

eines Pferdes  "  tout aussi bien) , je t' ai  déjà  dit  que

Henssel  les  a  trouvés  fort  intéressants , mais  vu  la

situation  financière  ne  peut  guère  te  proposer  que

de les publier à compte d'auteur. Dans ces conditions,

un  recueil  de  tes  poèmes  pourrait  faire  partie de ce

que  nous  avons  appelé  " Sonderdruck  der  Schriften-

reihe Das Lot " et dont le premier volume était "Exil" de

Perse, le deuxième " Meinem Planeten zum Gedächtnis " 

de  Bosquet (je t ' en  envoie, en plus d' un  exemplaire

qui t' est destiné , 2 autres que tu pourras distribuer au

hasard  des  intellectuels  qui pourraient s ' y intéresser) ,

le troisième, sous presse: Anthologie des Surréalismes, etc.

A  propos  de cet  ouvrage, qui  est  prêt depuis 15 ou 16

mois ,  il  ne  donne  que  les  surréalistes  ayant  fait

partie du mouvement : Aragon, Breton, Eluard,Char,

Desnos, Soupault. Ceux des poètes qui ne présentent que

des  affinités  avec  le  mouvement  ne  peuvent ,  pour

des raisons d' objectivité , en  faire  partie. Il s' agit

d ' une  étude  strictement  scientifique. Ponge, Jouve,

Goll, Supervielle, Perse et d'autres poètes que le surréa-

lisme a  influencés  ou  qui  ont  influencé  celui - ci ,

sont  exclus. Cela n ' est que normal, sinon on n ' en

finirait  pas . Il s ' agit  d ' une  école  stricte , roide

et impitoyable.

              Je  ne  sais  si  ces  mises  au  point te satisfont.

Je  voulais  tout  simplement  te  réaffirmer  qu ' il

n' y  a  pas , qu' il  ne  peut  pas  y  avoir  de  réel

malentendu entre nous. Ce qui te déçoit en moi me

déçoit aussi :  cela n' est  pas  une  vaine  formule.

      J' espère te lire et te prie de croire , cher Yvan 

et  toi  aussi  chère  Claire , à  mes  sentiments affec-

tueux

                                                                         Alain

      Il va sans dire que je suis heureux , très heureux ,

des articles[3] qui t'ont été consacrés ces derniers temps.

  J' espère qu' ils  serviront à  réparer une injustice , et

peut - être à t' aider matériellement.

Ms 615 Goll 510.324 - 158/159

Yvan et Claire partent à Venise et en Suisse.. Ils seront de retour à Paris le 29 octobre

- 30 septembre : fin du pont aérien de Berlin après 277 264 vols.

- 1er octobre : Mao-Tsé-Toung proclame à Pékin la République populaire de Chine; il devient président du Comité central du gouvernement.

- 12 octobre : création de la République démocratique allemande

- 21 octobre : condamnation de tous les dirigeants du parti communiste aux USA

- 5 décembre : France, l'essence est de nouveau en vente libre.

Journal d'Yvan Goll samedi 6.11.1949 :

Paul Celan, 31, rue des Ecoles, m'avait écrit une lettre de la part de Sperber; il nous lit des poèmes de «Der Sand aus den Urnen» d'une voix inspirée et Claire et moi, nous nous accordons de les trouver admirables, purs et savants, où les ombres de Rilke et de Trakl s'effacent petit à petit devant son clair génie. "Todesfuge" notamment nous empoigne et nous émerveille.

Celan est à la fois timide et très orgueilleux. Il est convaincu, à bon droit de sa mission de poète. C'est le jeune juif de Czernowitz très raffiné.

Il avait apporté à Claire huit roses rouges, lui qui végète sans le sou dans le Quartier Latin. Nous l'avons retenu à un souper léger.

Barbara Wiedemann, Paul Celan - Die Goll-Affäre. Frankfurt am Main, 2000, page 17.

Lettre manuscrite inédite de Paul Celan à Erica Lillegg (épouse du peintre Edgar Jené) du 12.11.1949.

Dimanche dernier, j'étais chez Yvan Goll. Un vrai poète. Un être humain. Le premier que je rencontre à Paris. Il écrivait d'abord en allemand, maintenant en français principalement. (Il est alsacien). Son dernier recueil : «Elégie d'Ihpétonga suivi de Masques de Cendre», illustré de quatre lithographies originales de Picasso.

                   Voici le buisson du Verbe

                   Qui m'allume ses lilas.

J'ai mis une longue année pour le dénicher. Jean-Dominique Rey, à qui tu m'as si gentiment recommandé, par l'intermédiaire de Klaus, et qui est un âne; il avait l'adresse mais à maintes reprises, il a  oublié de me la donner. Ils sont comme ça, ici. Menteur.

Yvan Goll connaît tous les plus grands de notre époque. Rilke, Joyce, Picasso. Tous. Et en plus, il est modeste. Et très malade, anémie pernicieuse, décomposition du sang.

Connais-tu sa femme, Claire Goll ? Elle a été dans le passé, l'amie de Rilke. C'est un écrivain.

« Savez-vous, disait-elle, nous avions peur que vous soyez quelqu'un qui écrit des poésies, mais pas un poète. Mais vous êtes un poète. Un vrai. » Et Yvan Goll qui le sait vraisemblablement mieux qu'elle pense la même chose. Il me faut aussi quelqu'un d'humain, dans l'entourage. Pourquoi ai-je du attendre une année entière avant de faire la connaissance de Goll ? J'ai offert aux deux le recueil de poèmes que j'avais donné à Klaus. Maintenant, je dois le lui remplacer

Barbara Wiedemann, Paul Celan - Die Goll-Affäre. Frankfurt am Main, 2000, page 18/19.

  Journal d'Yvan Goll au 11.11.1949 :

visite de P. C. avec Friedrich Hagen

Yvan, Paris à Bosquet, Berlin, 5 décembre 1949

                                                                         Paris 5 décembre 49

                                                                         Hôtel Palais d'Orsay

Mon cher Alain

  Ta dernière franche lettre m'offrant une explication

totale, franche et toujours amicale sur les problèmes et

les récriminations de mes missives antérieures, m'est

parvenue à Florence, fin octobre, ville qui accomplissait la

pacification de mon esprit et fut témoin de la fermeture

de mes plaies. Je n'attribuerai pas à la seule Florence et

ses génies renaissants une telle métamorphose, mais aussi

et surtout à Venise, où Claire et moi avons pris pendant

quatre semaines un bain de beauté et d' émerveillement

continuel et fait une croisière scintillante sur les canaux

jalonnés de Palais de jade et de gloire ou dans les ruelles

toujours bouillonnantes d' humanité expansive.

                          J' étais en état de grâce, et ne voulus pas me

laisser submerger par de misérables réminiscences. Nous

sommes  revenus  par la Suisse si propre  et  si  prudente

(à Zurich  nous avons  lu tous les deux des poèmes qui

seront radiodiffusés le 15 Déc. à 21 h. 35) et par l'Alsace

où j'ai retrouvé une statue de lierre sur la tombe de mon

père, et par la Lorraine, où ma petite mère m'attendait

toujours, comme depuis cinquante ans.

              Rentré à Paris, mon sang tenu en laisse par tant

d'enthousiasmes, s'est rebellé soudainement et mes globules

blancs se sont multipliés jusqu'à 77000. Je suis en plein

traitement radiothérapeutique et très très faible. Les médecins

ne sont mêmes pas sûrs de l' efficacité répétée de leurs inter-

ventions....

  Pour te répondre, j'accepte toutes tes excuses. Je comprends

parfaitement qu ' il n' y a  rien  dans mon oeuvre qui puisse 

t' inciter à des fouilles et des publications rétrospectives.

J' accepte mon lot d'avoir crié sans réveiller l' écho.

       L' édition allemande de ta dernière plaquette est moins

convaincante (à mes oreilles) ce qui prouve une fois de

plus que toute tentative de traduction est une entreprise

dangereuse, et aussi que tu avais raison vis - à - vis de

mes choses.

              Claire et moi espérons te revoir à ton prochain

passage à Paris et aussi te lire en attendant

                                                                         fraternellement

                                                                                           Yvan

B.L.J.D.  Ms 47302 - 30

- 9 décembre : le gouvernement nationaliste chinois fuit le continent et s'installe à Formose ; l'ONU approuve l'internationalisation de Jérusalem.

Sur l'agenda de Claire :

9/12 : Paul

Goll entre à l'Hôpital Américain de Neuilly le 13 décembre

Journal d'Yvan Goll au 14.12.1949

à 9h arrive Claire avec Paul Celan et Klaus Demus qui veulent m'offrir leur sang pour la première transfusion.

Seul, le sang de Klaus est jugé compatible avec le mien : n° 4.

Les essais se poursuivent toute la matinée. Vers midi, Claire est obligée d'aller en taxi à Saint-Antoine pour chercher une bouteille et des seringues qui manquent.

Vers 2h commence la transfusion et dure jusqu'à 4h½.

Alain, Berlin à Yvan 16 décembre 1949

A. Bisk (Alain Bosquet)

High Commission for Germany

Office of Political Affairs

Protocol Division (Berlin Office)

APO 742 % U. S. Army

                                                                       Berlin , le 16 décembre 1949.

                                                                                                         

                                               Mon cher Yvan ,

                                    Ta lettre du 5 décembre que j'attendais avec

l' impatience que tu devines, m'apporte le réconfort espéré.

Je suis heureux , vraiment heureux , que l' ombre d' un

malentendu  menaçant  ait  été  dissipé  à  temps.    Je

suis désolé, cependant, d'apprendre que malgré les beaux

voyages , ta santé n'ait pas pu s'améliorer.

                                   La situation des éditeurs ici continue à être

désespérée. Une lueur d'espoir :  l' aide Marshall accor-

dée à des industries voisines comme l'imprimerie, le papier

etc...  Henssel , qui  devait faire faillite , continue  de

battre de  l' aile. Bref , veux - tu  me  faire  taper  tes

poèmes  en  allemand , depuis  le  début  jusqu' à Traum-

kraut. Il serait  temps  de  publier  tes poèmes  choisis ,

quelque chose  comme  un  choix s' étendant  sur  trente

années. Je ne puis rien te promettre ni Henssel non plus

mais j' estime qu' avec un peu  de  chance  la  chose  est

réalisable.

                              Je n' oublie pas Claire. Je suis en pourparler

avec Radio - Stuttgart , qui se dit intéressée à diffuser

une version radiophonique de "Tagebuch eines Pferdes".

On fera son possible.

                              A l' occasion de  la  Noël et  de  la  Nouvelle-

Année je vous adresse mes voeux les plus affectueux de

santé et d' inspiration. A  cinquante  ans  ce siècle  est

on ne peut moins humain.

                                                                       Je vous embrasse ,

                                                                                                          Alain

PS. 1) Alfred Richard Meyer, ton ancien éditeur, t'envoie ses salutations.

                2)  Inutile de faire taper Traumkraut que j'ai ici.

Ms 615 Goll 510.324 - 160

   27.12.1949, Journal d'Yvan Goll :

   Longue visite de P. C.

                                                           1950

   3.1.1950, Journal d'Yvan Goll :

   Visite de trois heures de P. C. : m'apporte un poème fait de l'après-midi

   6.1.1950, Journal d'Yvan Goll :

  P. C. avec Klaus Demus

   28.1.1950, Journal d'Yvan Goll :

    P. C. qui m'apporte un poème avec Klaus Demus

- 10 janvier : pour protester contre la présence de Formose au Conseil de sécurité, l'URSS pratique la politique de la chaise vide et le 12, rétablit la peine de mort en Union soviétique..

- 23 janvier : le Parlement israélien déclare Jérusalem capitale de l'état d'Israel.

Alain, Berlin à Yvan 29 janvier 1950

Alain Bosquet

High Commission for Germany

Office of Political Affairs

Protocol Division (Berlin Element)

APO 742  %  U. S. Army

                                               Berlin , le 29 janvier 1950.

                                                                                                         

                                               Mon cher Yvan ,

                                                                                 

            

                               Dans ma lettre précédente , je te

priais  de  m' envoyer tes  recueils  en  langue

allemande parus  depuis... depuis la  première

guerre  mondiale. En effet, les  plans  de  mon

éditeur  Henssel  se  sont  concrétisés ,   et  il

croit  pouvoir  mettre  à  son  programme  un

choix  de  tes  poèmes , jusqu' à  Traumkraut.

             Les  dernières  nouvelles  de  ta  santé

m' avaient  inquiété ; je  forme  les  voeux  les

plus sincères  pour ton rétablissement  prompt

et complet.

                        Je compte aller passer un mois à New -

York , en avril prochain.

                        Bien  affectueusement  à  Claire  et  à

toi,

                                   Alain

Ms 615 Goll 510.324 - 162

- 7 février : Georges Bidault forme un nouveau ministère et le Roi des Belges, Léopold III, refuse d'abdiquer en faveur de son fils.

Yvan, Paris à Bosquet, Berlin, 9 février 1950

                                                Paris , 9 février 1950

                                                           Mon cher Alain ,[4]

                        Tu n' imagines pas quelle joie m'avait faite

ta lettre du 16 Décembre(qu'est venue encore renforcer celle

reçue il y a une semaine environ). Et tu t' es demandé

pourquoi je  ne  répondais pas  à un geste aussi amical , et

à ta proposition si tentante.

                          C' est tout simplement parce que j' étais entré

à l'Hôpital Américain de Neuilly le 13 décembre et que j'y

suis encore ! Tu  es  déjà habitué  aux tableaux  de mes

numérations globulaires, eh bien voici le dernier , avant

mon entrée à l'Hôpital : 1 650.000 globules rouges,

75.000 blancs, 95 % lymphocytes alors qu' en été dernier,

j' avais encore : 2.800.000 rouges , 30.000 blancs ,

75 % lymphocytes.

Je crois  que  ces  chiffres  désastreux sont  survenus  après

une série de rayons X.

                        Ultime remède : des transfusions de sang. Hier ,

j' ai reçu ma treizième , mais hélas sans grand résultat.

Le compte des globules rouges ne monte pas , et ma fatigue

devient  de  plus  en  plus  insupportable.

                    Est - ce  mon  voyage en  Italie qui m' aurait trop

affaibli ? Je ne le regrette pourtant pas.

     Et si je ne t'ai pas répondu plus vite , c'est parce que

je  me  suis  immédiatement  mis  au  travail  dans  cet

hôpital si agréable et si élégant , qu' on se croirait dans

un Sana suisse , et auquel j' ai été admis grâce à ma

carte de membre de l' Associated Hospital Service of

New  York , auquel j' ai payé régulièrement une petite

cotisation , depuis que j' étais employé à l' OWI [5].

         Venons - en à la Poésie ! J' accepte de tout coeur ton

offre généreuse, surtout parce qu'il me semble pour l'instant

que ce sera le dernier livre dont j'aurai choisi le sommaire

et surveillé la composition.

                        Gardons le titre " Das Traumkraut ". Je voulais avec

cette lettre t'envoyer le texte complet,dont le livre se composera

            Je t'envoie assez de nouveaux poèmes, pour doubler ou tripler

le nombre de  pages  que tu as  déjà ! Ça  fera  un  ensemble

cohérent. Mais pour qu' il en soit ainsi , j' ai dû renoncer

à extraire de vieilles choses dans mes livres antérieurs.

L' atmosphère y est si différente que je gâterais tout.

Je les abandonne aux géhennes.

            " Das Traumkraut "  sera mon seul recueil de poèmes

allemands.

                Tu trouveras , dans le manuscrit ci - inclus , une

nouvelle série de poèmes appartenant à celle que tu

détiens déjà *. Puis quelques Odes de différentes époques

écrites dans une forme horacienne très sévère et enfin !

quelques traductions de mes récents poèmes français, parus

dans l' Elégie d' Ihpétonga ( dont je  me  fais  un  plaisir

de t' envoyer un exemplaire)

            Cela suffira - t - il ?  Sinon , on pourrait y ajouter

une version allemande de mes "Chansons Malaises",×

mais seulement im ausserten Notfall [6].

               C' est  ce  travail  au  " Traumkraut "  qui  a  maintenu

mon moral ,   pendant  ces 8  semaines  pénibles ,  que

seule , aussi , Claire , a éclairées de son doux rayonnement.

               Et maintenant , j' attends tes critiques , tes suggestions

et t' envoie ma fraternelle affection 

                                                                                              Yvan

× Une bonne partie desquelles parut déjà en 1932 dans la 

"  Vossische Zeitung  " ,    "  Uhr  "  et autres revues.

            Le premier manuscrit que tu détiens , contient - il aussi

le poème de 3 pages " Hiob " que j'avais ajouté plus tard ?

Ms 615 Goll 510.324 - 163/164

Rappel des textes envoyés par Goll à Bosquet pour "Das Traumkraut" 

                                     

Rosentum                                                                                  II/320

Bluthund                                                                                           II/313

Geburt des Feuers                                                                            II/318

Die Sonnen-Kantate                                                                  II/326

Der Regenpalast                                                                        I/341

Tochter der Tiefe                                                                       II/348

Das Wüsten-Haupt                                                                    II/347

Der Staubbaum                                                                         II/344

In den Äckern des Campfers bist du daheim                           II/325

Der Salzsee                                                                                II/344

Die  Aschen-Hütte                                                                            II/345

Die Angst-Tänzerin                                                                   II/346

Schnee-Masken                                                                         II/324

Süd                                                                                            II/324

Ode an den Zürichsee (1949)                                                    II/414

Lothringische Ode (1949)                                                         II/411

Rasiel's Gesang     (en français dans Masques de Cendres)      IV/377 

Gipskopf               (en français dans Masques de Cendres)      IV/383

Todeshund     Chien de ma Mort (Masques de cendres 1949)  IV/390

Hiob's Gesänge                           (dans Lot 5, p.61)                II/322 et 437 avec variantes   

Stunden                                       (dans Lot 5, p.60)                 II/317 avec variantes

Hospital [In den Äckern des …]  (dans Lot 5, p.60)                II/325  sans variante

- 9 février 1950, Yvan Goll rédigeait un testament [7]

Sur l'agenda de Celan :

12 février :

13 février :

Goll meurt le 27 février 1950 à Neuilly-sur-Seine.


[1] Livre de Claire publié

[2] voir en annexe La Gazette des Lettres n° 96 - 3 sept. 1949 - bi-mensuel (Paris).

Yvan Goll, interview de Paul Guth p.1-2

[3] - La Gazette des Lettres n° 96 dont parlait Yvan dans sa lettre du 5 septembre.

- voir en annexe  l'article de Léon-Gabriel Gros,  Cahiers du Sud  298 - 2ème semestre 1949, p.478 à 485

- Almanach de l'Alsace et des Marches de l'Est, 4 - 1949

Camille Schneider : Yvan Goll, un poète d'Alsace en Amérique (avec portrait) p.138-139

[5] Sur le côté droit de cette feuille :

En France, n'étant pas un ouvrier salarié et ne bénéficiant pas de l'Assistance Publique, je devrais payer 2.600 francs par jour dans une salle d'hôpital.

[6] littéralement : en dernier ressort.

[7] Le voir en annexe

5 décembre 2008

Correspondance 1946 à 1949

                                                           1946

Brouillon manuscrit d’une lettre de Goll à Anaïs Nin      

                                              

Chère Anaïs Nin

Je vous écris ce soir, tout de suite après avoir lu votre "Woman in the Myth" - sinon je ne vous écrirai plus jamais.

Une lettre est comme le signe de la main qu'on fait de la portière d'un wagon, en passant devant une bergère figée devant sa colline. On ne repassera plus jamais par ce paysage.

Pourtant vous n'êtes pas une bergère. Ni aussi fragile que l'on croit en vous voyant la première fois.

Votre nouvelle le prouve. Et si je vous écris, ce n'est pas pour vous faire uniquement des éloges - des éloges qui sans doute foisonnent autour de vous - mais des critiques.

La première partie de ce morceau est étonnamment forte. Voilà une femme : voilà une femme qui va nous dire ce que c'est qu'une femme.

Eh bien non : elle non plus ne lèvera pas le voile !

La seconde partie est une constante déception.

Vous y recopiez la première partie à rebours - comme si, ne sachant pas la suite, vous ayez simplement placé celle-ci devant une glace. Comme c'est dommage. La femme de marbre n'a pas fondu sous la chaleur de votre haleine. On espérait qu'elle se transformerait en bois, et non en statue de sel.

Mais j'ai une explication et une consolation : ce morceau n'est qu'un fragment, mal coupé, d'une longue histoire.

J'ai rarement lu une description plus violente et plus vraie d' une femme perdue dans son rêve : cette statue chiriquesque

SDdV 510.319

Anatole Bisk   (  Alain   Bosquet   )

Liaison and Protocol ection

OFFICE OF MILITARY OF GOVERNMENT FOR GERMANY ( U .S .)

APO  742    c/o Postmaster New York

Berlin, le 11 juin 1946

Mon cher Marcel Raymond,

Votre passionnante lettre du 1er juin m'arrive aujourd'hui, et j'ai grande hâte d'y répondre tout de suite. C'est tout d'abord pour vous remercier des détails qu'elle contient et aussi, bien entendu, de ce signe de vie que depuis bien longtemps j'attendais de vous.

Je suis votre lettre, et réponds point par point. Tout d'abord, je trouve l'idée excellente, encore que vous me révélerez rien au public français sur les poètes de France qu'il ne sache déjà. Parmi les poèmes que j'avais envoyés il y a un an à Yvan Goll, je ne sais pas combien restent encore inédits. Et s'ils ne sont plus inédits mieux vaudrait peut-être choisir parmi les oeuvres publiées et poèmes plus représentatifs, ou simplement meilleurs. Mais cela, bien sûr, il vous appartient seul d'en juger. Je crois que la partie vraiment constructive de l'entreprise consiste en la présentation d'oeuvres écrites en Amérique. Je suis tout à fait d'accord avec votre liste de poètes à ce sujet. Je fais un peu la grimace en en songeant à ce bon vieux Spire. Quant à Saint John Perse, avez-vous de lui des choses que le monde entier ne connaisse pas encore ? Et Supervielle ? Pour les poètes de France, je crois que ce serait un "crime" d'omettre Pierre Emmanuel qui est un bien grand poète.

Il est légitime que vous ajoutiez quelques poètes du Canada ; cela déplaira peut-être aux poètes de Belgique et de Suisse . Si vous vous intéressez aux poètes belges, j'ai ici quelques textes que je peux vous envoyer : il suffit que vous en exprimiez le désir.

Je ne veux pas avoir l'air de vous donner des conseils : je me permets simplement de vous communiquer mes impressions. Je trouve qu'il serait urgent de publier cette anthologie. Je suis absolument certain qu'aucun des poètes cités de s'opposera au projet, je ne crois pas que vous devriez avoir trop de scrupules à cet égard. Je vous remercie de votre offre généreuse qui voudrait que je partage avec vous la paternité de ce livre. Bien entendu, il serait absurde de ma part même d'y songer : je n'ai joué qu'un modeste rôle d'assembleur de textes. Non, mon cher ami, croyez-moi, je n'ai eu que du plaisir à recueillir ces pages.

Vous me demandez des notes biobibliographiques sur ma personne. Ma foi, il y a bien peu de choses à dire.

Je suis né à Odessa, en Russie, en 1919. J'ai vécu jusqu'en 1940 à Bruxelles : petit garçon sage, poèmes cachés, revues éphémères. Quelques jours dans l'armée belge en 1940, puis quelques semaines dans l'armée française. Après dix-huit mois de Vichy,  je passe aux États-Unis, fais un peu de journalisme, entre à l'armée américaine. Suis attaché au GQG de Eisenhower, puis passe au Conseil de Contrôle quadripartite à Berlin.

Livres : L'image impardonnable (Hémisphères 1942)

   Syncopes (Hémisphères 1943)

   La vie est clandestine (Corréa 1945).

C'est tout.

Si vous comptez vraiment inclure de mes poèmes dans l'anthologie, veuillez avoir la bonté de m'avertir : je vous enverrai un choix d'inédits. Car tout ce que j'ai publié en Amérique est en voie de révision. Je n'approuve totalement que de " La vie est clandestine".

Excusez-moi de parler tant de moi-même.

Est-il quelque façon par quoi je puisse vous être utile ?

J'espère que vous mènerez à bien cette entreprise. Quand croyez-vous que le livre pourra sortir ?

Veuillez me tenir au courant.

Je suis, mon cher Marcel Raymond,

bien amicalement

vôtre

Alain Bosquet

1947

8 janvier 1947, lettre de René de Berval à Yvan Goll

René de Berval,  directeur de la Revue "France-Asie"

                                                                                 Saigon le 8 janvier 1947,  :

             "Mon bien cher ami, 

            Ce n'est qu'à l'instant que je reçois votre lettre datée du 15 octobre 1946... Elle a probablement dû venir à pied de Brooklyn,  pour avoir mis tant de temps à me parvenir...

            Je ne saurais vous dire toute la joie que j'ai eu à sa réception. Joie mêlée à une profonde émotion,  car vous m'avez rappelé les heureux temps d'avant-guerre où nos espoirs étaient communs et où nous luttions,  à ce moment-là,  pour un seul idéal qui emplissait notre vie,  et qui était la poésie. Depuis,  tant de choses atroces sont passées...Des amis comme Robert Desnos ont disparu au moment de leur libération même ; d'autres comme Benjamin Fondane,  que vous et moi connûmes fort bien,  termina si tragiquement son existence dans un four crématoire !  et tant d'autres encore qui ont fait que le martyrologe de la pensée française est fort long,  qui prouve à quel point,  lorsqu'ils s'y mettent,  les écrivains et les poètes n'ont de leçon de courage à demander à personne...

31 mai 47 départ de Claire et d'Yvan de New-York et arrivée à Cherbourg le 7 juin

lettre de Malcolm de Chazal à Yvan Goll 2 juillet 1947

                                     2 - 7 - 47

                                   Malcolm de Chazal

                                     Port - Louis

                                   Ile Maurice

            

.... "Je ne sais quel sera le sort du livre. Sa forme et le fond sont tellement neufs,  qu'il pourrait au début être piétiné,  comme il est arrivé aux oeuvres de tant de précurseurs dans le passé. J'ai pensé à vous adresser ce livre vous sachant à l'avant - plan de la pensée.Vous pourrez en faire l'usage que vous voudrez,  en extraire des parties et les publier,  reproduire les préfaces et les postfaces en totalité,  intéresser les traducteurs et les libraires,  etc.

Il n'est pas inadmissible que le livre intéresse les critiques assez pour qu'ils en fassent beaucoup plus qu'un article de presse et qu'ils le commentent à leur tour,  sous forme de livre. Ce livre indéniablement demande à être adapté pour la masse. Il demande une exégèse. Voudriez - vous la faire ou la confier à d'autres ! 

En attendant de vous lire,  veuillez croire à toutes mes civilités,

                                               Malcolm de Chazal

carte d'Yvan Goll  (Lyon) à Claire  (Hôtel Palais d’Orsay) du 1er octobre 1947

Mercredi midi

[ Lyon .1.X. 1947 ]

Ma chérie,

J'ai fait un excellent voyage. Allongé dans le train, puis dans la salle d'attente jusqu'à 8 heures après être arrivé à cinq heures. Ensuite 2 kilogrammes de raisin.

Puis fait de la bonne ouvrage

1) payé le déménageur et donné ordre d'envoyer tout à Paris

2) encaissé 2.000 francs pour la Glace

3) encaissé 2.000 francs pour un exemplaire de luxe du Mythe.

À midi découvert qu'on peut monter en funiculaire à Fourvières où se trouve la Basilique ci-contre. Magnifique vue sur Lyon, prise entre Rhône et Saône. Roupillé une demi-heure sur un banc, sous les arbres.

Vais me rendre chez le notaire à deux heures. Pense beaucoup à toi et t'embrasse

Yvan

Lettre d'Yvan Goll à Marie-Anne (?) du 25 décembre 1947                                                                                                                                         Jour de Noël

Paris                                                   Ma chère Marie-Anne,

            Hier soir j'ai été avec Claire à la messe de minuit à l'église Saint-Etienne du Mont,  sur la montagne Sainte-Geneviève,  près du Panthéon.

            Quel magnifique embrasement de l'âme!

Ah pierres vénérées de ces vieilles églises de Paris,  chacune saturée et nourrie des regards et des larmes du peuple au coeur brûlant et à l'esprit qui déploie ses grandes ailes dans les vents qui agitent le Continent.

            Pendant mes sept années d'exil en Amérique j'ai si souvent espéré cette soirée,  je me suis rappelé les mouvements gracieux des ruelles qui montent vers cette colline spirituelle ; j'ai essayé de me remémorer les boutiques d'humbles marchands d'estampes ou de vieux livres,  qui sont aussi des penseurs et jamais tout à fait présents,  l'oeil tourné vers les antiquités lumineuses,  et si peu enclins à vendre quoi que ce soit!

            Paris,  cher Paris,  cité des rêveurs et des penseurs,  cité des cordonniers-poètes et des concierges cartésiens qui vous récitent du Péguy quand vous entrez dans leur loge.

            Je suis heureux d'être revenu dans tes quartiers familiers et sur tes quais près desquels coule la Seine aux eaux noires et éternellement incomprises par l'homme qui passe sur le pont et se dirige vers le Palais de Justice --

quelle justice,  sinon celle de Dieu...                         

St.D.d.V.

Une abondante correspondance entre Claire et les GLEIZES, allant de 1947 à 1954 est conservée par la Fondation Albert GLEIZES (dépôt au Musée national d’art moderne de Paris). D’autres courriers d’après-guerre sont à la médiathèque Victor-Hugo.

Le 22 octobre 1950, Claire déclare son intention de rédiger un article sur le peintre. Une photo montre Claire avec Gleizes au Musée national d’art moderne de Paris

(1952, VIII A 24

                                                           1948

lettre d'Yvan,  Metz à Alain Bosquet, 18 janvier 1948

                                                                                  Metz 18 janvier 48

                        Mon cher Alain

                                   N ' eût-ce été que pour mesurer la hauteur

            de la crue de la Moselle - qui a tellement endommagé

             la Lorraine -, et qui, une nuit à 5 h du matin, a chassé

            ma vieille mère de son lit - le " Lot " fut le bienvenu,

            ainsi que les autres brochures de poésie. Le "Lot" reflète

            clairement l' état d' esprit de ceux qui le lancent dans les

            eaux mouvantes de la littérature. Ton Triptyque que je

            connaissais déjà partiellement, est une belle entrée en

            matière pour une revue qui s ' adresse au das Volk der

            Dichter und Denker[1]. Cette première traduction de Maldoror

             un événement, les poèmes de Roditi et de Stevens de

            première qualité... etc.

                    Quant aux plaquettes de vers, combien instructives !

            Celle qui me touche le plus, c' est Nelly Sachs qui a le

            don de la douleur et l'élévation des prophètes. Parmi les

            déjà vus, déjà connus, Friedrich Snack se distingue par

            une authenticité lyrique qui continue la grande tradition.    

            Becher par contre me laisse froid, me désillusionne :

            ce flot continu de la matière verbale, aussi brillant

            soit-il, reste étale alors que le Poète qui a le génie

            de Becher devrait nous conduire vers des sommets et

            des sensations inouïes.

                        Enfin je vois qu'il il y a un grand remue-ménage

            en Allemagne. La plante poétique y refleurit. Cela

            me fait plaisir - pour la langue allemande et la Poésie.

            Je ne crois plus au Das Gefühl der Deutschen, mais aux

            vibrations cosmiques de leur langue, qui se met plus

            vite en transe que certaines autres.

               Je suis en train d' installer quelques chambrettes

            dans la maison de ma mère - et celles-là conquises

            de haute lutte contre des "sinistrés" récalcitrants. Nous

            pourrons au moins déposer quelques bagages de l'éter-

            nel exil, et voyager librement à travers l' Europe.

            Ce sera un pied à terre, furtivement meublé, après

            la perte de presque tous nos anciens meubles, Rue de

            Condé, où tu fus, je crois ?

            La situation à Berlin semble se transformer comme

            tu l' avais prédit. Viendras-tu tantôt à Paris ? Toi

            et Roditi, continuerez-vous de jeter le Lot à Francfort,

             par exemple ?

                        Claire et moi pensons réintégrer nos quartiers

            à l ' hôtel Palais d' Orsay dans quelques jours. C' est

             là que j' espère te lire

                                               avec mon affectueuse amitié

            

                                                                                  Yvan

B.L.J.D.  Ms 47302 - 24

lettre de Marcel Raymond, Montréal à Yvan, 10 février 1948

lettre de Rifka Préville à Yvan 23 février 1948

                                               Préville le 23 février 1948

             Mon cher Mig,

lettre de Rifka Préville à Yvan 27 février 1948

                                               Préville le 27 février 1948

             Mon cher Mig,

Marcel Raymond, Montréal à Yvan, 25 mars 1948

lettre d'Yvan Paris 30 mars 1948 à Alfred Döblin

lettre de Rifka Préville à Yvan 7 avril 1948

                                               Préville le 7 avril 1948

             Mon bien cher Mig,

Alain Bosquet  à Yvan 7 avril 1948

Anatole Bisk (Alain Bosquet)

Liaison and Protocol Section

O.M.G.U.S.

APO 742 % U. S. Army

Berlin, Allemagne

                                                           Berlin, le 7 avril  1948,

            Mon cher Yvan,

            Lorsqu ' à mon passage à Paris, vers le 15 janvier

dernier, j ' appris à la Hune - après maintes recherches

vaines - que tu te trouvais à Metz, je m ' étais dit que

j ' allais revenir à Paris vers la mi-mars, et me réjouis -

sais à l' idée de te revoir. Les événements, l' incertitude,

les difficultés de transport d' une ville qu' on ne peut

quitter que par air font que j' ai dû remettre mon voya-

ge à plus tard . Juin me paraît possible à présent, à

condition que l' hystérie ne précipite pas notre pauvre

planète dans une nouvelle tuerie .

                  Depuis que le Conseil de Contrôle est en chômage,

            je chôme aussi, et attends du nouveau, c' est-à-dire

            quoi ? Il n' est pas impossible que nous allions tous

            à Francfort .

                        En attendant, je n' en continue pas moins mon

            "Travail" littéraire. Je t'ai envoyé il y a quelques jours

            le numéro 2 de "Das Lot, dont je ne suis pas trop mécon-

            tent sur l'heure et les circonstances . Le numéro 3 est

            sous presse, mais sortira quand et où ? Pour le numéro

            4  -  il faut prévoir loin à l ' avance afin d ' arriver à

            quoi que ce soit - j ' ai remis " Fruit from Saturn " à

            Herbert Roch, un excellent traducteur qui nous a fourni

            de jolies versions de Langston Hugues pour le numéro 3 ;

            il choisira .

            A mon tour de te poser les mille questions habituelles .

            Quelle est ton occupation principale, en réalité ?

            J' espère te voir bientôt, et j' espère voir Claire .

                                                           Je vous embrasse tous deux

                                                                                                                                                                     votre Alain

Ms 615 Goll 510.324 - 143

Jean Paulhan à Yvan 12 avril 1948

Yvan Paris à Raymond Queneau 15 avril 1948

Pierre-Louis Flouquet, Bruxelles à Yvan 17 avril 1948

            Cher Yvan Goll,

Vous me dites que vous avez été, en France, Claire et vous, des exilés encore plus éperdus qu'en Amérique ? Certes, Paris avait bien changé. L'atmosphère et l'esprit des hommes. Mais il y a autre chose. Une longe absence crée aussi au dedans de soi, un besoin qui ne peut plus se contenter du réel. Je connais cet état, moi qui suis parisien et français, et qui, d'année en année,  me trouve plus étranger dans mon propre pays.

            Le Poète est-il un exilé en tous lieux, et son chant est-il le chant de cet exil ? Francis Jammes avait-il raison lorsqu'il voyait dans la Poésie la nostalgie du Paradis Perdu ? Ce lieu ou Adam peut-être n'était pas seul, mais où il faisait "un" avec les autres hommes, dans un divin état de connaissance, de compréhension et de fraternité.

Nous en sommes loin. Le tapis vert des tables de Conférences diplomatiques ne vaut pas l'herbe nue des prairies de l'Eden... Heureusement cher Goll, les Poètes peuvent recréer cet Eden en eux, même s'ils sont abandonnés et douloureux.

Qui, je vous ai cherché. Oui, j'ai perdu votre adresse. Pis que cela, j'ai écrit, sur "le Mythe de la Roche Percée" un article qui fut, lui aussi perdu. C'était dans un temps de fatigue. Je n'ai pas eu, à ce moment, le courage de recommencer. Mais, voyez comme vont les choses : la semaine passée, retrouvant la note qui accompagnait votre envoi, comme pris de hâte, j'ai rédigé un texte nouveau, à l'imprimerie même, sur le marbre, pour Le Journal des Poètes. En incorporant, de force à mon texte, cette note si colorée et si vivante. Tricherie et brigandage. Soit ! Il me semblait que si je ne profitais pas de l'occasion, la chose ne serait jamais faite. Ne me donnez pas tort, cher Goll, puisque la pire chose est le silence de l'ami.

Bientôt vous recevrez le numéro du Journal contenant le texte. Il sera illustré d'un portrait ancien. Je n'en possédais pas de plus récent. Par ma faute.

Vous recevrez aussi d'autres imprimés et des livres.

Ce que vous me dites de votre état me touche beaucoup. Il y a pourtant dans votre lettre quelque chose qui me plaît. Vous gardez une grande force morale et vous vivez intensément. Aidé par Claire, vous aurez raison des démons ! Il faut le vouloir toujours, cher Goll. Je voudrais que vous vous sentiez vraiment entouré par l'affection des amis qui, partout dans le monde, songent à vous, et vous aident d'une pensée ou d'une prière. Vous savez que beaucoup d'entre eux vous admirent avec sincérité, et qu'ils ont besoin de vous.

Vivez, Yvan Goll ! Vivez pour nous donner de grands poèmes. En ce moment même, ils se préparent en vous. Ils se nourrissent de votre douleur et de votre force, et vous triompherez du mal pour leur donner la vie.

Comprenez-moi. Moi aussi, l'ami lointain, humble et fidèle, je vous aime fraternellement. Et je sais que vous ferez front aux démons, avec toute votre grandeur. Permettez-moi de prier. Dites-moi si je peux vous aider un peu. Aimeriez-vous recevoir, de Belgique, quelques douceurs : tabac blond, chocolat, beurre, lait (en boîte), thé, café ?

Je saluerai de votre part vos amis de Belgique.

Dites à Claire mon affectueuse amitié - et gardez pour vous le meilleur, cher Jean sans Terre.

                                                                                  Votre

                                                                                  P. L. Flouquet 

Yvan Goll Paris, à Hans Bolliger,  18 mai 1948

"Das Traumkraut" … J'ai maintenant 23 poèmes dont tu en connais 15 à traduire (dossier Celan)

            Ton fraternel

                        Tristan Thor

Yvan Goll Paris, à Iwan Heilbut,  18 mai 1948

                                                           Yvan Goll

                                                           maintenant

                                                           Tristan Thor à traduire (dossier Celan)

Yvan Goll Paris, à Alfred Döblin,  20 mai 1948

                        Cher Alfred Döblin

…Pour moi,c'est comme si la plante Traumkraut était une nouvelle naissance

à traduire (dossier Celan)

Géo Charles à Yvan, Paris [ Galeries Pasteur, 1 rue Pasteur, Metz ] du 29 mai 1948

35, Bd Bonne-Nouvelle - Paris (8º)

                        Samedi soir

            Très cher Yvan,

                        En hâte,

Excuse-moi de t'écrire aussi tardivement. Débordé de besognes diverses, nous partons demain matin pour Bruxelles et Liège et Amsterdam. Serai de retour à Paris vers le 15 juin

                        illisible, voir photocopie Saint-Dié

causer librement poésie, cela nous reposera un peu. J'ai vu avec joie que la critique était excellente pour "La Roche Percée" et pour toute ta poésie d'ailleurs. Tant mieux ! C'est tellement mérité. J'ai aussi un peu de satisfaction de ce côté. Qq. jeunes viennent à moi et j'ai 4 poèmes de la VIII ème Olympiade avec une notice qui paraîtront dans l'Anthologie sportive du ministère de l'Education Nationale - Comment va la chère Claire, si pure et grande poétesse ? Et toi mon cher Yvan, j'espère que tu te retapes. J'ai un petit recueil de 10 poèmes du Brésil qui paraîtra dans deux mois. Je referai une critique de ton dernier livre qui est très fort, car la première que j'ai écrite n'a pas paru, par la misère des temps - Nous vous embrassons tous deux - au 15 juin

                                                                       Géo

cette carte de Géo Charles  a été renvoyée à Metz où Yvan passera l'été, avec au moins un passage à Paris  début juillet

Lettre d’Yvan à Robert Ganzo

                                                           Metz, 5 juin 1948

                                   Mon cher Robert,

            C'est ici en Lorraine que les "Lettres françaises "

m'apportent la nouvelle déchirante :

            Combien grande doit être ta douleur de ne plus jamais revoir Léone -

Jane - combien grande est ma douleur de ne jamais l'avoir connue ! Mais elle

m'est familière à travers toi, elle adhérait à toi, elle souriait et elle souffrait à

travers toi, et je la connaissais bien aussi, vibrante, légère et maternelle,

être de fable et de rosée et de bienfaisante réalité - à travers Lespugne et ton

oeuvre tout entière.

            Elle vit éternellement dans les astres de ta vision.

            Liée à toi par les lianes de toutes les aurores, elle qui sentait le bon lait

et les épices de tes repas.

            Elle que tu as fait tant souffrir -

et qui te sourie encore

            Claire et moi prenons les deux

mains désolées

                                               Yvan

SdDV 510.316

Jean Paulhan à Yvan 7 juin 1948

                                                           Paris le 7 juin 1948

                        Cher Yvan Goll;

Merci de m'avoir fait lire ces deux poèmes. C'est surtout le Chant de Raziel  qui m'y touche, et m'y surprend.

                        A vous très cordialement

                                               Jean Paulhan

Yvan à Madame Maria Jolas du 7 juillet 1948

                                               Madame Maria Jolas

                                               47 bis, Avenue Kléber

                                               Paris

            Chère Amie,

                        Lors de son passage à Paris, Eugène m'a dit que vous prépariez une anthologie des poètes multi-lingues (ce mot existe-t-il ?) et m'a prié de vous envoyer un choix de poèmes français, allemands et anglais, ainsi qu'un petit curriculum-vitae.

            Voici l'ensemble, tel que je l'aimerais publié, si vous n'y voyez pas d'obstacles, à moins que vous ayez d'autres suggestions à me faire ?

            Quelle charmante coïncidence, l'autre jour, de vous rencontrer dans l'autobus - naturellement à Saint-Germain-des-Prés ! après tant d'années de séparation ?

            Dans l'espoir de vous lire sous peu, croyez-moi bien fidèlement vôtre

lettre de Rifka Préville à Yvan 12 juillet 1948

                                               Préville 12 - 7 - 1948

             Mon cher Mig,

J'ai bien reçu ta lettre du 8, mais avec un jour de retard dû sans doute à la grève que veulent faire les postiers. Je suis surprise que tu ne me donnes aucune nouvelle de ta santé, chose qui m'intéresse plus que tout autre nouvelle. Dois-je en augurer que ton état est stationnaire, ou, ne voulant pas m'alarmer, tu fais silence. Je veux croire que tu ne tarderas pas à satisfaire mon désir: savoir comment tu te portes. Je te remercie des journaux que tu m'annonces (ils ne sont pas encore arrivés) ils m'intéressent toujours beaucoup; les journées sont longues, jusqu'à 9h½ le soir, ils m'aident à passer les soirées et m'instruisent sur bien des points. J'y ai trouvé une rubrique sur les fonds Mexicains et Bulgares, mais je crois sage d'attendre ton retour ici pour vider ces questions, craignant d'être flouée : ayant affaire à une femme, l'employé suppose que je ne suis pas compétente dans la question.

J'ai deux nouvelles à t'annoncer ; la première, j'ai reçu la facture de Ungerer 6000 ƒ, je l'attendais, mais vu la fermeture des Banques, je me vois obligée d'attendre la réouverture qui, j'espère ne tardera pas (je suppose fin de la semaine) j'ai l'intention d'aller en personne le remercier de ses bons offices.

La seconde : j'ai eu la visite de Berthe qui est ici pour quelques jours si le temps le permet, elle a été très aimable, m'a demandé de vos nouvelles et a regretté de ne pas vous avoir reçus le jour de votre visite : elle était sur le point de s'absenter.

Ici, nous déplorons de passer un mois de juillet aussi mauvais, il pleut tous les jours, et avec cela il fait froid, la végétation en souffre beaucoup, rien ne peut mûrir et cette année, il n'y a pas de fruits; le blé même ne mûrit pas. On dit des prières dans toutes les églises, car on craint des inondations, les fleuves grossissent ; voilà le bilan d'une saison qui devrait être la plus chaude; J'espère cependant que vous ne tarderez pas de venir au pays et que tu me donneras des nouvelles de ta santé que tu ? . Dans ta dernière, précédemment, tu m'avais annoncé qu'une nouvelle analyse de sang était favorable. Je m'en étais réjouie : est-ce un leurre [?] Recevez, Claire et toi mes bien affectueux baisers

                                                                       R.

Yvan, Paris à Alain Bosquet, 22 juillet 1948

                                               Paris 22 juillet 48                                                                                                                 Palais d' Orsay                                                                                                                     7 quai d' Orsay

                                   Mon cher Alain,

                               Lot 3 avait prouvé que l' étonnant travail que

            vous faites en Allemagne, toi et Roditi, se jouait de toutes

            les embûches politiques : après avoir révélé aux Allemands           

            Lautréamont et St John Perse, entre autres, le Pont

            de l'Air, plus fragile qu' un pont de Libellules, serait-il

            assez résistant pour vous apporter aussi l'encre d'impri-

            merie etc. ?

                        Und mir scheint alles in Wohlgefallen und

            Deutschmark aufzugehen [2].

                        C' est d' ailleurs bien longtemps avant le blocus

            russe que notre correspondance s'est ralentie. Depuis ta

            venue en France, en février, où tu ne fis aucun effort

            pour nous trouver, soit au Quai d' Orsay, soit à Metz,

            qui se trouve sur la ligne directe Paris-Francfort.

                        Cependant, le petit prospectus annonçant Lot 4

             me prouve que tu ne m ' as pas oublié : il contiendra,

            paraît-il, des poèmes de Yvan Goll : je suppose donc

            "Atom Elegy". Te dirai-je que j'ai une frousse incroyable

            de retrouver ce poème dans un travesti allemand ?

            (Bien que vos traducteurs soient de première qualité).

            Je crains surtout que le poème ne tienne pas le coup.

                Et voici ce que je voudrais te proposer, s ' il en est

            temps encore (je ne pense pas que Lot 4 paraîtra

            avant l' automne). Pendant ces derniers mois, j' ai

            été repris par le charme de la langue allemande et

            j ' ai composé un petit recueil de poésies auquel j'ai

            donné le titre "Das Traumkraut"[3]. Un petit  groupe

            de ces poésies paraîtra dans "Das Goldene Tor", un

            autre en Suisse,  et  si  tu  pouvais  substituer  la

            série que je t ' envoie ci-incluse tu me rendrais un

            double service, et Lot 4 apporterait à ses lecteurs

            mieux qu' une traduction, la résurrection d'un poète

            allemand dont depuis "Menschheitsdämmerung" on

            n' avait plus beaucoup entendu parler.

                  Finalement, je me propose de publier, pour des

            raisons personnelles, ce nouveau recueil sous le

            nom Tristan Thor : cela ne fera aucune peine au

            "Setzer" de ta revue qui m appelle une fois "Yan" et

            une autre fois " Yoan", mais jamais Yvan.

                        Pourquoi nos lettres sont-elles si espacées ?

            Le trafic entre Berlin et Paris a toujours été moins

            rapide qu' entre Berlin et New York - à quoi cela

            tient il ?

                       L' état de ma santé s ' est stabilisé ; ma

            numération globulaire  est  meilleure, et  nous

            en sommes heureux Claire et moi .  Faut-il

            attribuer cette amélioration au climat de France,

            aux légumes et fruits si chargés d' énergies natu-

            relles ?

                        Quelques détails sur ta vie, tes travaux, ton

            avenir nous intéresseront toujours.

                                                                                  Bien à toi

                                                                                              Yvan

Bibliothèque Jacques Doucet B.L.J.D.  Ms 47302 - 25

Envoyés par Goll à Bosquet pour "Das Traumkraut"       

                                     

Rosentum                                                                                  II/320

Bluthund                                                                                           II/313

Geburt des Feuers                                                                            II/318

Die Sonnen-Kantate                                                                  II/326

Der Regenpalast                                                                        I/341

Tochter der Tiefe                                                                       II/348

Das Wüsten-Haupt                                                                    II/347

Der Staubbaum                                                                         II/344

In den Äckern des Campfers bist du daheim                           II/325

Der Salzsee                                                                                II/344

Die  Aschen-Hütte                                                                            II/345

Die Angst-Tänzerin                                                                   II/346

Schnee-Masken                                                                         II/324

Süd                                                                                            II/324

Ode an den Zürichsee (1949)                                                    II/414

Lothringische Ode (1949)                                                         II/411

Rasiel's Gesang     (en français dans Masques de Cendres)      IV/377 

Gipskopf               (en français dans Masques de Cendres)      IV/383

Todeshund     Chien de ma Mort (Masques de cendres 1949)  IV/390

Hiob's Gesänge                           (dans Lot 5, p.61)                II/322 et 437 avec variantes   

Stunden                                       (dans Lot 5, p.60)                 II/317  avec variantes

Hospital [In den Äckern des …]  (dans Lot 5, p.60)                II/325  sans variante

Claire, en gare de Dijon à Yvan, 11 août 1948  MST p.274

                                                           Dijon - Gare

                                                           11. 8. 48

Chéri,

            Voilà le seul bout de papier que j'ai pu trouver. Mais "verte" est l'espérance.

            La plus grande sensation du voyage a été la fuite d'un lièvre à travers champs. Lièvre, lièvre, il n'y avait rien de plus important, en ce monde pour lui. Et sur les pages blanches effeuillées de son derrière, je lisais tout le roman des lièvres.

            Je pense à toi et à tes beaux yeux sérieux. Pourvu seulement que tu te reposes bien, que tu manges et recommence à te reposer.

            Enferme-toi bien, afin qu'on ne me vole pas mon précieux joueur d'orgue. J'espère qu'il fait beaucoup de poèmes sur son orgue invisible.

            Il y a un an, nous étions tous deux ici, en route vers Lyon. Aujourd'hui, je suis seule.

                                                           En tout amour, ta Zou

Yvan à Claire à Challes-les-Eaux, 12 août 1948 MST p.274/275

                                                           Jeudi 12 août 48

                                                          

Claire Chérie

Chère Clairie et Clairière,

             Je t'ai vue partir hier de bonne heure, toute seule vers ce grand monde qui pour toi deviendra toujours plus grand et plus incompréhensible plus tu avanceras dans la vie - contrairement aux autres petites personnes.

            Moi je suis entré dans cet appartement plus vide que jamais et que la présence de ma mère et la confection d'une carpe à la Yid n'a pas rendu plus joyeux pendant la journée.

Aujourd'hui, pluie continuelle et un froid sensible qui me fait penser que tu dois être bien malheureuse et grelottante dans ton trou de montagne, tout en maudissant celui qui t'y a expédiée. Oseras-tu commencer ton traitement par cette température ? Pourvu que tu n'attrapes pas une bronchite là où tu cherchais une guérison. J'espère du moins que tu t'enveloppes dans toutes les laines que tu as emportées.

            Ce matin, triste courrier à part ton billet vert de Dijon, tout traversé du lierre de l'espoir. Germaine demande péremptoirement quelques éclaircissements que je lui enverrai tapés à la machine en contrefaisant ta signature.

            Voici quelques coupures de journaux

                                   et toute la tendresse de

                                                                       Boubou

Claire, Challes-les-Eaux, à Yvan 12 août 1948 MST p.275/276

                                                           Challes-les-Eaux,

                                                           Jeudi 12 août 48

                                                          

Mon chéri,

            Quelle tempête, ce matin ! Eclairs, tonnerre, une fugue de Bach. Et dans la vallée, sous ma fenêtre, un paysage de Filippo Lippi.. Ce jeu des lumières et des ombres, car le plus gris des murs de brouillard laisse passer tout de même, par instants, un rayon de soleil, éclairant ici une pente de montagne, là un vignoble.Et l'architecture des nuages au-dessus des sommets neigeux, déchirés, fantastiquement baroque. ! Les paysages d'en-haut, encore plus grandioses que ceux d'en-bas !

              Puis, je suis descendue à l'Etablissement, par-dessus les flaques d'eau (faites pour des pieds de géants). Tous les employés d'autrefois sont encore là, et l'on m'a donc reçue avec une vieille amitié aux services des gargarismes et des pulvérisations.

            René était venu me chercher hier, mais comme il n'a plus d'auto, j'ai tout de même dû prendre un taxi. Rochefrette, philosophe comme toujours et très désespéré au sujet de la France. Ah ! je crois presque qu'il a raison. Surtout quand on est assis ici dans la salle à manger, où tout se passe  silencieusement, prudemment, sans vie. Mais la nourriture est remarquable. Avant-hier, Jouvet et Jeanson étaient encore là. Seul, le café du matin est imbuvable. Je me suis fait du Nescafé et j'ai béni la prescience qui m'a fait emporter le réchaud électrique. Comme on ne nous donne pas de sucre et que je n'en ai qu'une livre, je te prie de m'en envoyer une autre livre par retour du courrier ; pas le sucre en poudre brun, mais, (si tu le trouves) Domino Cane sugar Dots, une petite boîte jaune : soit dans l'armoire de la cuisine, soit dans le carton, dans ton placard, en haut sur le rayon de gauche.

            Si seulement tu étais ici ! En ce moment, à trois heures de l'après-midi, le ciel s'éclaircit. Rayon de soleil.  Je peux cesser de chauffer. Le temps va se réchauffer. Cet air serait magnifique pour toi. Et on n'aurait pas à faire la cuisine, pour une fois. Toujours, je te vois en mouvement, esprit inquiet.

            Travailles-tu ? Il y a ici tant d'oiseaux qui appellent un poète. Et, cette nuit, le petit hibou a gémi avec moi sur l'absence de l'unique.

            Je te tiens longuement et tendrement dans mes bras.

                                                           Ta Zouzou

Claire, Challes-les-Eaux, à Yvan 13 août 1948 MST p.276/277

                                                           Challes-les-Eaux,

                                                           Vendredi 13 août 48

                                                          

Chéri,

            Vendredi 13

lettre d'Ivan Goll  Metz à Claire Challes-les-Eaux 14 août 1948 MST p.278/279

lettre d'Ivan Goll  Metz à Claire Challes-les-Eaux 16 août 1948 MST p.279/280/281

lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll  Metz 17 août 1948 MST p.281/282

Alain Bosquet, Berlin à Yvan, 18 août 48

Anatole Bisk (Alain Bosquet)

Liaison and Protocol Section

O.M.G.U.S.

APO 742 % U. S. Army

                                                                       Berlin, le 18 août 1948 .

                                               Mon cher Yvan,

                                   Ta belle lettre du 22 juillet m ' apporte

                        mille choses précieuses, et tout d' abord la

                        rassurante nouvelle que ta santé s'améliore

                        et que ton état physique inspire la confiance.

                        Les poèmes de Tristan Thor m'ont également

                        apporté de véritables joies; je dis cela malgré

                        mes connaissances encore imparfaites en

                        subtilités germaniques, " Rosentum", " Blut-

                        hund", "Geburt des Feuers " surtout m ' ont

                        impressionné .

                             C' est avec plaisir que j' ajoute ces poèmes

                        au  sommaire  éventuel  de  Lot  4 ,  je  dis

                        éventuel  car la réforme monétaire  et  le

                        siège ont momentanément eu raison de la

                        revue . Nous espérons que l' horizon se déga-

                        gera un jour, et qu' il nous sera possible de

                        continuer notre besogne . Pour l' instant il

                        n' y a ni papier, ni courant, ni charbon, et

                        il  faut  se  contenter  de  survivre  négative-

                        ment tant bien que mal .   Pour le Lot 4 ,

                        après un essai infructueux avec 3 poèmes

                        de " Fruit from Saturn ", j' ai fait traduire?

                         avec succès me semble-t-il, 3 poèmes de

                        Jean sans Terre qui ont paru dans la Nouvelle

                        Relève[4], et dont je m ' en vais faire taper des

                        copies  à  ton  intention, que je t ' enverrai

                        bientôt .

                                   J' étais venu à Paris pendant 5 jours

                        au mois de janvier dernier, séjour qui

                        pour des raisons de famille a été des plus

                        désagréables . Après des recherches vaines,

                        qui  vu  mes  ennuis  et  mon  temps  limité

                        n ' ont  pas été  aussi  sérieuses  que  je

                        l ' eusse souhaité, j ' ai finalement appris

                        à la Hune que tu te trouvais à Metz .

                           Si Moscou et Washington le veulent bien,

                        et  remettent  à  plus  tard  la  pluie  de

                        bombes atomiques, je serai à Paris dans

                        la seconde quinzaine de septembre, et

                        me ferai le plaisir de vous embrasser,

                        Claire et toi .

                                   A bientôt, donc ; bien affectueusement

                                                                                 

                                                                                  Alain

Ms 615 Goll 510.324 - 145/146

lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll  Metz 19 août 1948 MST p.282/283/284

lettre d'Ivan Goll  Metz à Claire Challes-les-Eaux 20 août 1948 MST p.284/285

lettre d'Ivan Goll  Metz à Claire Challes-les-Eaux 23 août 1948 MST p.285/286

Metz, Lundi 23 août 1948

            11h. du matin

Carte de Claire Plateau d’Assy à Ivan Goll  Metz 23 août 1948 MST p.286

lettre d'Ivan Goll  Paris à Claire Challes-les-Eaux 25 août 1948 MST p.287

                                                                       Paris 25 août 1948

                                                                       (Hôtel Palais d’Orsay]

Je rentrerai vendredi à Metz

lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll  Metz 25 août 1948 MST p.287/288/289

lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll  Metz 26 août 1948 MST p.289/290

lettre d'Ivan Goll  Metz à Claire Challes-les-Eaux 27 août 1948 MST p.290/291

Metz, Vendredi  matin

27 août 48

Le Docteur Glaunés et sa Laborantine étaient en vacances. Mais mes forces globulaires semblent bien meilleures . je ne pense plus – et pour cause ! qu’à ma sciatique .

lettre d'Ivan Goll  Metz à Claire Challes-les-Eaux 28 août 1948 MST p.292

Samedi  matin

28 août 48

            anniversaire de Goethe

[Metz]

lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll  Metz 30 août 1948 MST p.293/294

lettre Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll  Metz 31 août 1948 MST p.294/295

                                                                       Lundi 30 août 1948

lettre d'Yvan  3 septembre 1948 à Robert Goffin.

                                                                                              Metz 3 sept 1948

                        Mes chers Robert et Suzanne,

                         J'ai passé l'été à Metz, dans la vieille maison de mes grands-parents et mère,

5 rue Dupont des Loges, à 5 min. de chez Moitrier: quand on descend la   ? 1ère rue à gauche. Un grand appartement délabré et presque vide comme mon cœur. Rien n'y subsiste de jadis, et il est impossible d'acheter des meubles aux prix actuels. Aussi aurais-tu dû me voir la semaine dernière, allongé sur un sommier, subitement surpris par la première crise de rhumatisme de ma vie - contractée au courant des nuits d'août glaciales et aux effluves de cette vallée mosellane : moi dormant toutes fenêtres ouvertes ! Claire séjournait en Haute-Savoie pour une cure à Challes. Ma mère qui a maintenant 82 ans et qui me va jusqu'à l'aisselle, quitte son couvent de Moulins et vient me soigner.

            C'est ainsi que je prévois la fin d'un Don Quichotte lorrain, jadis riche fils de famille

parti vers les Etats de la poésie, en récitant Nietzsche, dans ces mêmes mûrs.

C'est peut-être la meilleure fin imaginable, pour le jaune squelette que je suis, car la solitude pourrait s'approfondir encore plus...

            Certes, Claire revient demain et on va me soigner et allumer des feux-follets dans le triste jardin d'en-bas.

Mais qu'y-a-t-il de brisé en moi, et, je le sais aussi en elle qui ne nous permette plus de vibrer comme jadis. Oh ! ça ce sait, mais  pourtant n'en parlons pas

            Quel silence s'est fait autour de moi, à Paris, à Bruxelles, partout.

            Cette feuille jaune de marronnier que balaient déjà

             les jardiniers dans les jardins publics

                                               vous salue en passant

                                                                       Yvan

Carte de Claire Strasbourg à Ivan Goll  Hôpital Civil Stras 21 sept 1948 MST p.295

                                                                                  Mardi 3 h ½

                                                                                  [21 Sept. 48]

                                                                                  [Strasbourg-Gare]

Chéri,

Je suis en avance d’une heure

Je t’écris en anglais, parce qu’il y a des personnes assises sur la banquette avec moi et qui regardent au-dessus de mon épaule

lettre Claire Metz à Ivan Goll  Strasbourg 22 sept. 1948 MST 295/296

lettre d’ Ivan Goll  Strasbourg à Claire Metz 22 sept. 1948 MST 296/297

Télégramme de Claire Metz à Ivan Goll  Strasbourg 22 octobret. 1948 MST 297

                                                                       [Metz,22.10.1948]

RENTRERAI CE SOIR TENDRESSES  CLAIRE

Alain Bosquet, Paris à Yvan, 27 septembre 48

Anatole Bisk (Alain Bosquet)

Liaison and Protocol Section O.M.G.U.S.

APO 742 % U. S. Army

Berlin , Allemagne

                                                             Paris , le 27 septembre 48.

                                                 Mon cher Yvan ,

              C'est la mort dans l'âme que je repars pour

  Berlin. Il ne m'aura pas été donné de vous voir. Depuis

le 10 septembre, je téléphonais pratiquement tous les jours

au Palais d'Orsay , et la réponse était invariablement : 

"  Monsieur Goll n'est pas rentré  " .  Il y a 8 jours je

t'ai envoyé un  "  pneumatique  "  à ton adresse de Metz,

te disant que si  tu  ne  revenais pas  à  Paris avant  le

26 ou le 27 septembre , je m'arrêterais à Metz pour une

journée , puisque c'est de toute façon sur le chemin de

Francfort. Je n'ai pas eu de réponse , ce qui me fait

croire que tu n'es pas à Metz non plus ; et l'on vient

de me dire à l'instant que tu n'es pas à Paris non plus.

Je m'en retourne donc bredouille, et vais retrouver mon

baril de poudre. Quand nous reverrons - nous ?Faut-il

que cédant à la panique - ou est-ce une menace sérieuse ?

-  je me mette à rêver de la Sibérie ?

              Je suis triste , bien triste.

                          Je vous embrasse , Claire et toi , bien                                                          affectueusement

                                                             Alain

Ms 615 Goll 510.324 - 148

Yvan, Hôpital Strasbourg à Bosquet 28 septembre 1948

28 Sept 48                                            Hôpital Civil B

                                                                 salle 121

                                                             Strasbourg                  

                                                             Bas - Rhin

  Mon cher Alain,

                Ta lettre amicale, aussi empressée  fut  -  elle,

ne peut plus m'atteindre à Metz, d'où je fus transporté

d ' urgence le matin du 21 à cet hôpital, où l ' on

constate non seulement une fluxion de poitrine, mais

aussi un épanchement dans la jambe gauche, le tout

compliqué par la leucémie . J ' étais très mal en

point et reçus pour commencer trois jours de suite

de la pénicilline. Mais je suis tombé entre de très

bonnes mains, grâce à la gentillesse de mon vieil ami

le Dr Roos - avec lequel, en 1911, je fis mes études

à l'université d'  ici.... Cela remonte loin, et c ' est

sur  les  bords  de l ' Ill  que j ' ai bien cru venir

échouer définitivement, toujours sans véritable abri.

          Car la maison 5 rue Dupont des Loges appar-

tient  bien  à  ma  mère, et  le  premier étage  m ' y

était réservé : mais quel triste, lugubre, humide

appartement, où  nous  avons  installé  quelques

sommiers et matelas (100 % spoliés) et où, depuis

le mois d ' août si  pluvieux, je suis allé cueillir

ma maladie, idiotement,  sentimentalement  un

peu, au lieu d ' aller rôtir mes os dans le Midi.

Tu ne me reconnaîtrais pas, je pèse 60 kilos, et

mon âme, ces dernières semaines, était aussi

dénuée de vitalité et de force que mon squelette.

Dommage qu'on ne se soit pas rencontré !

  Comme j'aurais aimé te recevoir à Metz et

te traiter au fameux restaurant Moitrier, avec

un petit vin gris de Sey !

              Nous aurions parlé de la poésie chère à mon

coeur. Certes j'ai vraiment peu d'espoir que Lot 4 ne

voie jamais le jour. Mais cela m'a fait plaisir

que tu aies envisagé de publier mes poèmes allemands,

de préférence à des traductions.

                          Je suis intérieurement dans un marais,

je me demande comment ils vont m'en sortir.

              Claire[5] est fidèlement, inlassablement,

désespérément à mes côtés et contribue par

son magnifique moral à m'arracher à ces

épines de nuit

                          Bien affectueusement ton

                                                             Yvan

B.L.J.D.  Ms 47302 - 26

Yvan, Hôpital Strasbourg à Robert Ganzo 28 septembre 1948

28 Sept 48                                            Hôpital Civil B

                                                                 salle 121

                                                             Strasbourg                  

                                                             Bas - Rhin

  Mon cher Robert,

            Voilà, et après l'hôpital Broussais, l'hôpital civil de Strasbourg, je savais que cela finirait ainsi sur les routes, soit Pittsburg soi Strasbourg, je m'effondrerais, n'appartenant nulle part, malgré tant de demeures plaisantes à Paris et ailleurs.

            J'étais à Metz, cet été. Fatigué des hôtels, allai-je trouver un endroit où du moins rassembler nos malles dans cette maison rue Dupont des Loges, qui appartient à une bonne vieille mère.

            Hélas, l'appartement triste, humide, spoliée 100 % arraché de haute lutte à de tenants encore placés là par les Boches, me porta malheur. Je contractai tout d'abord une espèce de rhumatisme, qui, mal soigné et guéri, dégénéra et après des semaines d'atroces souffrances, je fus transporté d'urgence ici. Congestion pulmonaire compliquée.

            Je crains que je ne sois maintenant dans une très mauvais passe.

            Ce bel automne alsacien autour de moi, ces arbres chargés d'or et de richesse et de noix et de pommes, au-delà desquels j'aperçois la Tour éternellement rose du Munster.

            Qu'dviendra-t-il de mes poésies : le beau papier ne sera sans doute jamais utilisé par moi. Question sans importance.

            Mais je me rappelle que toi, Robert, tu fus le seul à me donner un peu de courage, tu ne savais pas quoi inventer pour me cacher le vide qui s'était déjà fait autour de moi - le puitd d'oubli dans lequel j'étais plongé.

            Jamais je n'oublierai ces beaux gestes du coeur. Tu devinais le désespoir que je cherchais à cacher et tu connais la nuit dans laquelle je baigne.

      Comment as-tu passé cet été avec cette jeune famille ébouriffée autour d'un deuil ?

                        Claire, à mes côtés, lutte avec passion, avec constance avec désespoir contre les démons

                                                           Ton ami

                                                                      Yvan

SDdV : 510. 316

Lettre de Robert Ganzo à Yvan du 7 octobre 1948

Cher Yvan,

           Aujourd'hui, sept octobre, je reçois ta lettre. Je n'étais pas très heureux et me voici tout à fait triste de te savoir souffrant encore. Sois confiant. Tu reviendras ici, nous nous reverrons ; et sois assuré que si tu étais trop fatigué pour t'occuper de ton livre, Claire et moi nous ferons le nécessaire. Tu comptes beaucoup d'amis. Je rencontre souvent des gens de l'Amérique Latine. Ils me parlent de tes poèmes avec admiration, et je ne te dis pas cela pour te faire plaisir. Sois donc assuré aussi que tu ne seras pas oublié, au contraire. Tout commence, pour le poète, quand le temps l'a dépassé.

            Mais, pour l'instant, il ne doit être question pour toi que de te retaper, de revenir à Paris et d'assister toi-même au miracle enfin de ta guérison.

            Moi, j'y crois de toute ma volonté, de toute mon intuition.

            Au revoir, Yvan, j'embrasse Claire et t'embrasse

                                               Robert Ganzo

SdDV 510.316

lettre d'Ivan Goll à  Strasbourg à Claire Metz 19 octobre 1948

lettre Claire Metz à Ivan Goll  Strasbourg  21 octobre 1948   MST p.

lettre du 22 octobre d'Yvan à Max-Pol Fouchet

lettre d'Ivan Goll à  Strasbourg à Claire Metz 15 décembre 1948   MST p.297/298

                                                                                  Strasbourg , Mercredi

.15. Décembre.1948

Ma Clairière,

Hier après ton départ, Mme Buchinger est venue et m'a apporté une saucisse et deux excellents petits gâteaux, dont j'ai donné l'éclair à la Sœur, conservant le paquet de Petits Beurres pour aujourd’hui. Elle est restée presque une heure et m'a parlé si humainement de sa famille, de ses enfants. Ils sont orthodoxes, ferment leur boutique le samedi, pour le célébrer comme dans les anciens temps, comme Bella Chagall l'a décrit…Et elle s’est excusée trois fois, de ne pas avoir obtenu de foie de veau de son mari.

recopier la suite

lettre Claire Metz à Ivan Goll  Strasbourg  15 décembre 1948   MST p.298/299

lettre Claire Metz à Ivan Goll  Strasbourg  16 décembre 1948   MST p.299/300

lettre d'Ivan Goll à  Strasbourg à Claire Metz 17 décembre 1948   MST p.300/301

                                                                                  Strasbourg , 17 Déc.48

Télégramme Ivan Goll  Strasbourg à Claire Metz 20 décembre 1948   MST p.301

OSCAR  TE  CONSEILLE  SOINS  SERIEUX  GRIPPE  ACTUELLE  DANGEREUX

RETARDE  VOYAGE  ATTENDRAI  PATIEMMENT. YVAN


[1] au peuple des poètes et des penseurs

[2] traduction

[3]  La date du 22 juillet 1948 permet, sans contestation possible, de mettre un terme aux  nombreux  commentaires et supputations erronés parus dans la presse franco-allemande dans la seconde moitié du XXème siècle concernant l'antériorité de certains poèmes de Celan à ceux de Traumkraut.

[4] La Nouvelle Relève, octobre 1946 vol. V, n° 5. Montréal 1946 :

Identité de Jean sans Terre  p. 432, Jean sans Terre le double p. 433, Jean sans Terre aborde au dernier port p.434

[5] Yvan est hospitalisé du 21 septembre 1948 au 14 janvier 1949. Claire loge dans une petite chambre en ville.

5 décembre 2008

Correspondance de 1944 à 1946

                                                           1944

2 janvier 1944 : double de la lettre de Goll à Roger Caillois sur papier Hémisphères 

à recopier

16 janvier 1944 :  lettre d'Eugène Berman à Goll

à recopier

17 janvier 1944 :  lettre de Jean Malaquais (Mexico) à Goll

à recopier

18 janvier 1944 : double de la lettre de Goll à André Breton sur papier Hémisphères 

                                               18   Jan  44

            Mon cher André Breton,

                 Je  vous envoie les épreuves de  votre

            admirable " Preface ". Je l'ai  fait  compo-

            ser immédiatement, afin d'avoir une copie 

            pour le  traducteur. Vous  verrez qu'il y a

            étonnamment  peu  de  fautes.

               

                Voici également les "Epingles Tremban-

              tes ", avec la prière  de me  les renvoyer

            après  revision.

                M.  Seirig  a été  charmant. Il  n'a  pas

            pu me faire de commande directe, et ne m'a

            pas non plus donné  grand  espoir  au  sujet

            de la  quantité  des volumes qui pourraient

            être  commandés  par Alger. Par contre, il

            m'a  conseillé  d ' écrire une  lettre au Mini-

            stre  des  Affaires Etr.  de  — Haïti,  qui

            peut-être  me fera une commande  sérieuse.

             (Je  n'y crois  guère.)  Mais il était  char-

            mant.  Et il  est un  fervent admirateur de

            Césaire.

                                   Bien sincèrement à vous

                                               Yvan Goll

Saint-Dié des Vosges

20 janvier 1944 : lettre manuscrite d'André Breton à Goll

                                   Vendredi 20 janvier 1944

                                   Mon cher  Ami,

            excusez, je vous prie les deux ou trois corrections d'auteur.

Je ne me rappelle pas  si dans la Préface, je n'avais pas indiqué

une ligne de blanc entre certains alinéas. Vous serez très aimable

de vouloir bien vérifier sur le manuscrit.

            En ce qui concerne la présentation des petits poèmes, ne

pourrait-on  interligner un  peu  davantage  (pour le genre  de

langage ici pratiqué, je trouve cela un peu compact, qu'en pensez-vous?)

            En tout cas  je souhaiterais un plus grand intervalle d'un

poème à l'autre et que les textes fussent mieux séparés des titres.

            Pour revenir à la préface, il va sans dire que si vous renoncez

à faire suivre  "Cahier du retour" de quelques autres poèmes, il

faudra songer à modifier, en seconde page, le membre de phrase :

"… je précise que j'ai non moins en vue les autres poèmes du présent

recueil à la poésie de Césaire …" (on pourrait dire : "les autres poèmes

de Césaire — cette poésie, comme toute …" etc.)

            M. Seyrig me dit que Césaire lui a remis une autre copie

corrigée du "Cahier", qu'il serait peut-être bon de confronter avec

l'autre, parce  qu'elle  lui semble  mieux  revue. Où  en  est  la

traduction  !  Subsiste-t-il des mots introuvables ?

            Mes compliments, je vous prie, à Madame Claire Goll.

                                               Très cordialement à vous

                                                                       André Breton

Saint-Dié des Vosges

3 février 1944 : lettre manuscrite d'André Breton à Goll

                                   Mercredi 3 février 1944

                                   Cher  Ami,

                        Voici les épreuves. Je regrette un peu

            que  ce  Dialogue  passe  dans "Hémisphères".

            Il  n'y  a  pas assez longtemps  qu'il  a paru

            dans  "Lettres françaises " et, si vous m'aviez

            consulté, j'y aurais vu une contre-indication

            plus encore pour vous que pour moi.

                  J'attends donc les points d'interrogation

            posés  le  texte  de Césaire.     Je   crains

            fort que nous ne résolvions pas tout sans

            l'aide de l'auteur

                                   Très cordialement à vous

                                               André Breton

Saint-Dié des Vosges

22 février 1944 :  double ou brouillon de la lettre de Goll à Eugène Berman

car évoque problèmes de rétribution de ses dessins

à recopier

17 mars 1944 : lettre manuscrite d'André Masson à Goll 

à recopier

13 avril 1944 : carte manuscrite d'André Masson à Goll 

à recopier

15 avril 1944 à Max-Pol Fouchet sur papier Hémisphères  :

Mon cher Max-Pol Fouchet, 

Après votre câble reçu ici le 10.12.43 (envoyé je crois le 28.10.):  "Recevons Hémisphères stop Cordiales félicitations stop serions heureux si permettiez reproduire textes Goll Perse Caillois amitiés     Fouchet Max ",  je suis bien étonné d’apprendre que vous venez de reproduire le "Poème à l’Etrangère "de Perse,  non seulement sans mon autorisation (que le poète m’avait interdit de donner,  comme je vous le signalais dans ma lettre de réponse),  mais même sans signaler que le poème est extrait d’HEMISPHERES,  bien mieux,  sans signaler l’existence d’HEMISPHERES.

Quel procédé peu amical,  peu fraternel,  si contraire à l’atmosphère de franchise et de solidarité poétique,  qui devrait réunir la petite poignée de gens qui s’efforcent de maintenir dans le monde un climat poétique !

Après les témoignages de fraternité venus des quatre coins du monde,  Fouchet,  est-ce vous qui venez me trahir ?

J’espère qu’entre-temps,  vous avez reçu les n° 2/3,  dans lequel s’affirme encore plus que dans le n°1 l’esprit hémisphérique de ma revue. Sous le titre "Découverte des Tropiques",  j’y publie des textes d’André Breton et André Masson,  qui,  grâce à l’exil,  ont découvert à la Martinique un nouveau règne poétique,  et d’autres textes sur Cuba,  le Congo etc.

Après l’enthousiasme de votre premier télégramme,  puis-je espérer que vous affirmerez publiquement dans FONTAINE votre solidarité avec nous ?  Ou bien va-t-on déjà recommencer le système des camps poétiques,  à l’instar des camps politiques ?

                                   Tristement votre         

(S.D.d.V. 510 31 G ff. 38)

2 mai 1944 : double lettre manuscrite de Goll à André Breton

                                                                       Brooklyn, 2 mai  44

            Cher Ami,

                        J'ai toujours eu l'intention de publier

aux ,,Editions Hémisphères", une édition bilingue

du ,, Cahier d'un Retour au Pays Natal "

                                   et

            je comprends votre méfiance concernant ma

nouvelle  attitude        J'ai l'air d'un usurpateur,

c'est  vrai

                                   hélas

                        ce que vous ne savez pas

c'est que  depuis quelques semaines, au courant

desquelles  il  ne  m'a pas été donné de vous voir

                        le  W  P  B

m'a refusé  l'allocation  du  papier  nécessaire

pour ce livre et quelques autres.

                        Alors : aubaine  !

Brentano's me propose de publier la ,, Collection

Hémisphères "  Je suis sauvé — grâce surtout à notre

amie Consuelo   

            et  Brentano's ne  sait pas que je ne peux

pas publier, il  le  fait  par  simple  sympathie

littéraire, ce qui rehausse le prestige d'Hémisphères -

                        Quel est mon crime ?

            Brentano's ne veut pas, pour le moment ,

de  publication  bilingue, ce  qui est  tout  à  son

honneur. Publier la,, Collection  Hémisphères " 

telle  qu ' elle  était  conçue, en  me  laissant

toute  mon  autorité, n ' est  pas  en  soi  une

chose détestable

            sauf  que vous rêviez  autre  chose,  et

moi aussi.

            Peut-être pourrai-je  encore le convaincre

à  faire  l ' édition  bilingue  ?   (  La  traduction

est prête )

            Mais  tout  cela  n ' a plus aucune valeur

pour  moi,  si vous m ' abandonnez.

            Une seule chose m ' importe :

                        La Pureté de la Poésie

(S.D.d.V.)

10 mai 1944 : double lettre manuscrite de Goll à André Breton

Brooklyn 10 mai 1944

Cher Ami,

Moi qui ai créé Hémisphères tout seul, sans l’aide de personne, pour maintenir mon entière intégrité,

Ne voyant devant moi que la pureté de la Poésie et mon enthousiasme pour André Breton,

Moi qui sur les 180 $ que je gagnais par mois à l’O.W.I. en portais 100 à l’imprimeur,

Moi qui ai fait une existence de pauvre à Claire, toujours malade, au profit de la poésie,

Moi qui ce matin ai vu l’électricité coupée dans mon appartement meublé, pour ne pas avoir payé une facture de $ 9,30,

Vous me dénoncez comme usurpateur chez les uns,

Vous m’accusez d’abus de confiance chez les autres, vous minez Hémisphères dont il y a peu de temps encore vous faisiez l’éloge

Vous ruinez tant d’espoir

Pourquoi ? Pourquoi ?

                                        Yvan Goll

(S.D.d.V.)

11 mai 1944 : lettre manuscrite d'André Breton à Goll

                                   New York 11 mai 1944

            J’ai conscience de ne me livrer

à aucune activité systématique contre

vous. Simplement vous m’avez mis

dans l’obligation de défaire un

certain nombre de liens que vous

aviez jetés autour de moi : un projet

d’anthologie auquel vous savez fort

bien que je n’avais pas adhéré sous la

forme qu’il était en train de prendre,

une préface que vous m’avez pressé

d’écrire pour une édition anglaise

— le Cahier en français s’en passant fort bien

— et que je vous ai laissé reproduire

sur vos instances dans Hémisphères

bien que ce ne fût pas sa place

à mon sens. Je ne vous ai jamais

caché que j’étais contre cette façon

de disposer de moi sans mon total

agrément. Ceci dit je ne ruine rien

et ne me propose de rien ruiner de

ce que vous pouvez entreprendre, dans

quoi je vous prie seulement de ne

pas m’inclure. Qu’y puis-je, vous

demanderai-je à mon tour, si je ne

suis pas parvenu, malgré mes efforts,

à lever un certain maléfice qui

pèse depuis tant d’années sur nos

relations ?

                                   André Breton

Lettre d'Yvan Goll à Alain Bosquet du  18 mai 1944 sur papier Hémisphères

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           May 18, 44.

                                                                                                                                                          Mon cher Alain,

              Ta lettre d'Europe m'a paru plutôt

morose, malgré les parfums beaucoup plus

authentiques de vos  primeroses. (Nulle

intention de rimer.) Mais ta lettre est

déjà vieille, et je soupçonne qu'un furlow

à Londres t'a changé des idées. Il se peut

même que tu sois allé à la librairie

Zwemmer et que tu y aies vu les coucous

de notre couverture.. Je viens d'apprendre

que tous les numéros sont vendus, et j'y

envoie aujourd'hui une nouvelle cargaison,

ainsi que Syncopes et l'Image.

      Peut - être y as - tu aussi vu Fontaine :

le No 32 comprenait le Poème à l'Etrangère

de Perse, sans la moindre mention d' HEMIS-

PHERES.  J'ai envoyé une lettre furieuse à

Fouchet,  qui m'a câblé que Perse avait

donné son autorisation. Puis, les Nos 33

et sans doute 34 rectifient ce malentendu,

m'annonce - t - il.

    Ici rien de changé depuis ton départ.

(Sauf les headlines). Le numéro 4 sera splen-

dide,  mais  avec moins  d'unité  que le pré-

cédent. Il y aura entre autres :

              Trois dialogues de :

              Alain Bosquet,

              Jean Malaquais,

              Denis de Rougemont

et des poèmes de :

              Duits (très beau),

              Bosquet (très violent et puissant)

et quelques américains inconnus (enfin).

       J'entends qu'il y a une grande effer-

vescence poétique à Londres.T'en es - tu

aperçu  ? (Je parle de Londres, parce que

je crois  que Goffin  a  reçu  de  toi une

lettre de là - bas ?).

         Nous retournerons cet été à Peter-

borough, ce qui ne gênera en rien les

Hémisphères de se rencontrer

                    Le plus beau sourire de Claire    

                                      et les affections amicales de ton                                                                                                                               Yvan 

B.L.J.D.  Ms 47302 - 8

Bosquet à Yvan Goll, 22 mai 1944

Quelque part en Angleterre,

                                                 le 22 mai 1944.

                                      Mon cher Yvan,

                          As - tu reçu ma lettre d'avril ? Comme tu le vois j'ai quitté la           verte Irlande et suis maintenant        dans la froide et morne Angleterre.   J'ai passé quelques jours à Londres, émerveillé par l'animation qui y règne et les intrigues qui s'y trament. Des gens venus de Paris quelques heures auparavant m'ont appris sur la France des choses pénibles. Le mouvement littéraire à Londres est suivi avec enthousiasme. Il faut absolument que tu t'arranges de façon qu'Hémisphères  y soit plus connu, et même distribué. Fontaine s'y vend dans tous les kiosques à journaux. (Le n° 32 contient la Lettre à l'Etrangère, sans mentionner Hémisphères.)

              J'ai eu en mains les journaux du maquis et les Cahiers de la Libération : passionnant ! Comment va la revue ? Où en est le numéro 4  ?  As - tu publié tes élégies, et Jean sans Terre ? Et Césaire et Sartoris ?

                                 Tiens - moi au courant, je t'en prie. De mon côté rien de neuf : routine, ennui, monotonie.

                                                 Bien chaleureusement à

                                                                                                                                                                                                                                                                                                           Claire et à toi

                                                 ton

                                                                 Alain      

Ms 615 Goll 510.324

extrait d’une lettre de Goll à Henry Miller du 31 mai 1944

(propriété de l’Université de Californie,  Los Angeles,  Department of special collections ; ne peut être reproduit en tout ou partie sans l’autorisation du bibliothécaire de l’Université):

«… Peut-être n’avez-vous pas reçu la lettre que je vous ai adressée en mars en réponse à votre missive courroucée …voici ce que je vous disais : 

1) Je plaidais coupable pour l’omission des premières pages de "Vive la France" pour manque de place.

Je plaidais non coupable pour l’omission de la fin,  due à l’imprimeur qui escamota incontestablement le dernier Galley. Je vous offrais en compensation la nouvelle qu’une revue d’Alger voulait publier une traduction française du chapitre en question,  je vous en demandais l’autorisation,  en ajoutant que j’insisterais pour que ce soit l’intégrale du texte traduit.

Voilà :  et je suis toujours sans réponse. Ceci m’afflige. Je voulais encore vous dire que j’ai parlé de votre oeuvre à un éditeur français d’ici,  qui prépare déjà de futures Editions pour la France. … vos livres devront être parmi les premiers à être traduits et offerts au public avide de connaître les grands Américains. Je vous demande ici formellement l’autorisation de m’occuper de ce travail.

            Toujours fidèlement votre

                                   Yvan Goll

10 juin 44 : Alain  à  Yvan

   

P.F.C. Anatole Bisk (Alain Bosquet) 

ASN. 32427288

Headquarters Detachment

Supreme Headquarters Allied Expeditionnary Force

A.P.O. 757

c/o Postmaster, NewYork, N. Y.

                                   Angleterre, le 10 juin 1944.

                                               Mon cher Yvan,

  Tout d'abord excuse ce papier, qui n'a de l'espérance

que la couleur acide. Je reçois ta lettre du 18 mai,

qui m'apporte, tant attendu, un signe de vie de toi.

Elle est remplie de coïncidences.Tu me parles de Zwemmer.

J'y suis allé hier matin, et ai parlé naturellement

d' Hémisphères. Il m'a dit qu'il avait vendu tous

les exemplaires que tu lui avais envoyés. Il ne deman-

de pas mieux que d'en recevoir davantage, si c'est

par paquets de 5. Pour une quantité plus grande,

il lui faudrait une "licence" ce qui entraînerait

force démarches et difficultés.

Tu me parles de "Fontaine" et te plains de la légèreté

qu'a montré Fouchet à reproduire le poème de Perse.

Si tu t'en souviens, je te faisais part de mon indignation

à ce sujet dans ma lettre de mai (qui a dû croiser

la tienne.) Oui, je le répète, il est grand dommage

qu' Hémisphères soit introuvable à Londres, alors

que Fontaine se vend dans les kiosques, que les

Cahiers de Libération garnissent tous les étalages

et que Pour la Victoire sert de cornet à frites.

       Je suis heureux d'apprendre les choses que tu

me dis sur "Hémisphères" numéro 4: j'en suis à la fois

fier pour toi et pour moi. Ma seule raison de mécon-

tentement est que tu ne me confies rien sur tes écrits,

ni sur les poèmes que tu composes.

            Que te dire sur moi ? La grande bataille

vient de commencer. Tout n'est en fonction que

de cela. Il va falloir se battre, de toute la

ténacité qu'on possède. Il ne s'agit de rien de

moins que de sauver l'Europe, en la rasant,

en tuant les victimes de la libération. Sans

doute tel est le destin de la reconquête. La

défaite a coûté à la France plus de honte que

de morts ; la liberté va lui coûter plus de morts

que de joies. Une nouvelle liberté bâtie sur des

ruines et des deuils aura d'elle-même une bien autre

conscience, une bien autre exigence.

      Qu'au milieu de ce drame je sois moi, dans

une grande ville, bien à l'abri, cela n'est qu'un

incident négligeable, où je joue le rôle du

monsieur conscient de sa sécurité et de sa

lâcheté. Si je m'embusque, ce n'est que par le corps.

Mon esprit essaie de ne pas s'embusquer. D'ailleurs

tôt ou tard - il y a des chances que ce soit tôt -

je rejoindrai les combattants.

      Si je prétends que mon esprit gigotte encore,

cela ne veut pas dire que je ne ressens pas les

coups que me porte mon état de relative

servitude. Je perds ma fraîcheur, c'est-à-dire

ma poésie... au profit de quoi ? Un peu plus

de dureté dans ma raison et mon incohérence.

Ce que j'écris, ce sont des notes.

            Ma position actuelle (malgré le manque

de rang) est fort enviable, quoique précaire ;

le travail extrêmement intéressant et d'une

actualité sur laquelle je ne puis hélas m'étendre.

Londres est passionné, gai, international. Les Anglais

sont mielleusement polis, les Anglaises avides

de verges américaines, pleines de vitamines.

   Je terminerai en te posant les mille questions

habituelles : des détails sur toi, sur Hémisphères, sur

Jean sans Terre, sur Elégies d'Ihpetonga, sur le bouquin

de Césaire, sur tout ce qui concerne la poésie en

Amérique... et dont je suis tout à fait coupé.

            Je te quitte en te redisant combien ma

poignée de mains est chaleureuse, comment je

suis toujours là.

                                   Ton Alain

Mes amitiés à Claire.

P.S.. Donne-moi des directives précises sur

Hémisphères... si les hasards de la guerre veulent

que je sois encore ici, je ferai ce que tu me diras,

dès que la revue sortira veux-tu me l'envoyer à l'adresse ci-dessus.

Ms 615 Goll 510.324

Lettre de Goll à Henri Miller  15 août 44 :

                                               136, Columbia Heights

                                               Brooklyn 2, N. Y.

            Mon cher Henry Miller,

            15 Août,  Jour de l’Assomption,  fête toujours sacrée en France,  zénith de l’été et de l’espérance — Jour de Libération cette année,  les Alliés ayant débarqué ce matin entre Toulon et Saint-Raphael,  voulant apparemment libérer les îles de Beauté et les ports de l’Esprit …

            Heureuse coïncidence que votre lettre me parvienne ce matin-même,  puisque je connais peu d’Américains et même de Français qui adorent la France aussi follement que vous,  Henry Miller.
            Cette lettre vient à point pour l’invasion du midi de la France,  mais hélas un peu tard pour Hémisphères IV. Vos suggestions me paraissent pourtant bien alléchantes. Cette "Visite à Lourdes" après Münich m’intéresserait,  mais s’il faut demander les droits à Fraenkel,  à Mexico,  cela me coûterait des semaines … Il serait plus facile de m’adresser à Miss Lederer qui semble être une voisine à Pierrepont St.,  mais vous avez oublié de me donner le numéro de la rue et du téléphone.… Merci pour vos autres suggestions,  mais vous ne semblez pas vouloir comprendre que je cherche pour H. du totalement inédit,  et je n’ai aucune envie de demander à Pierre ou à Paul la "permission de reproduire". Quant à Wallace Fowlie,  il vient de m’envoyer un essai "Nerval : the Poet’s Uncrowning".

            Ne m’aviez-vous pas parlé d’autres textes brûlants et incendiaires de vous,  inédits à ce jour ? 

            Quant à l’éditeur dont je vous avais parlé,  il est à coup sûr,  comme vous l’avez bien deviné,  plutôt un grand con qu’un grand éditeur. Après ce que vous m’avez raconté de vos expériences avec les réellement grandes firmes françaises,  je préfère m’abstenir de ce guêpier.

            Il en est autrement pour les revues ; j’apprends à l’instant que FONTAINE (43 rue du Lys du Parc,  Alger) annonce la parution prochaine de "Vive la France". Si je peux trouver un numéro ici à New-York,  je vous le ferai parvenir. Je vous envoie aussi par ce même courrier un petit livre de moi,  " Lucifer Vieillissant ",  qui vient d’être réimprimé au Canada.

Fraternellement vôtre

SdDV

                                                           1945

28 juillet 1945 lettre de Goll à Oscar Roos

                                                                                                                                                                                                                                           Mac Dowell Colony

                                                                                                                      Peterboro

                                                                                                                      28 juillet

Samedi matin

                                   Mon cher Oscar,

            Je sors de l'hôpital de Peterboro:  j'y suis entré mercredi à 9 h.        A 11h. j'ai reçu mon premier shot de Pénicilline,  puis strictement toutes les 3 heures,  jusqu'à hier vendredi soir.         

Aussi la nuit !  Quel traitement fatigant !  Etre éveillé toutes les 3 heures ; à la fin,  je ne dormais plus. J'ai tout le derrière comme une passoire.

            Hélas,  traitement me semble-t-il,  tout négatif. Aucun changement dans mon état,  sinon au pire. Je commence à réaliser que je suis dans un état très grave. Mes lympho-glandes n'ont pas la moindre tendance de décroître. Et un docteur m'a dit qu'il ne fallait pas y songer.

            Des rayons X,  non plus,  on ne peut espérer des miracles !  J'ai peur de m'y soumettre,  ici dans ces régions. Je me demande pourquoi le Dr Vogel n'a pas pris la chose plus au sérieux. Parce qu'il partait en vacances ?  Parce que c'est un cas désespéré ?

            Je suis obligé de me rendre à New-York pour deux jours,  le 7 et le 8 août. Je te verrai. Et je voudrais avant tout me faire les trois dents qui sont supprimées par mon dentiste. Dis-moi,  puis-je me soumettre à cette opération sans danger ?  Dans l'état actuel de mon sang ?

(Plus on attend,  pire ce sera !)

Je prends rendez-vous avec mon dentiste pour le 7 à 3 h. Il habite 79 St..

Ensuite je viendrai chez toi à 5 h.

Pourrai-je par hasard passer la nuit du 7 au 8 chez toi ?

            (Si ta famille est encore à Long Beach ?)

J'ai une peur horrible du métro jusqu'à Brocklyn,  après l'opération du dentiste,  et de rester seul la nuit !

lettre de Goll New York à Salvador Dali du 21 novembre 1945

136 Columbia Heights                       21 novembre 1945

Brooklyn  2, N Y

Main  5 - 0475

Mon cher Dalilith,

            Après une longue absence de plus de 2 ans,

je retrouve votre Sein-Royaume

            Le sein gauche de Gala est votre

mont Sïnaï.

            Mais, où est le Sein Coupé de l'Amazone ?

            Amazon, Androgyne,  connaissez-vous

Lilith l'Androgyne ?

            Mythologie à vous faire dresser les seins.

            Lilith, divorcée d'Adam, Fille du Vent,

sur un cheval de feu, attaque les dormeurs.

            Cette fille de la Magie demande à être

ressuscitée.Elle manque dans votre Pandémonium.

            J'ai une plaquette de vers, avec des poèmes

sur Lilith, les Cercles  Magiques, l'Atome, où

se trouvent les mêmes fétiches que les vôtres :

le Sein, l'Oeil, Cercles Magiques, Atomica

Melancolica

            Voulez-vous l'illustrer un peu ? Sous presse,

à paraître très prochainement.

       „Jean sans Terre” avec votre dessin, paraîtra

aux Editions de l'Arbre (Montréal) Excusez le retard.

Lettre incluse

            Je caresse le Sein droit de Galilith

                                               Yvan Goll

SDdV 540.315

autre version (brouillon pas envoyé)

                                   21 novembre 1945

Mon cher Dalilith,

            Après une longue absence de plus de deux ans,

je retrouve votre Sein-Royaume

            Le sein gauche de Gala devenu votre

Mont Sïnaï.

            Mais combien plus émouvant le Sein Coupé

de l'Amazone, caché par quel artifice ?

             Androgyn,  connaissez-vous Lilith ?

Lilith l'Androgyne ? Voici une mythologie

qui fera dresser tous vos seins.

            Je viens justement d'écrire un poème

„Lilith”,et un autre poème „Atom Elegy”

où il y a cette atmosphère, atomica melancolica

de votre tableau.

            Nos vibrations, ont semble-t-il, la

même longueur d'ondes : le Sein, l'Oeil,

le Cercle Magique : vos fétiches.

            J'allais justement publier une plaquette

„Atom Elegy” (écrite en anglais) avec des

reproductions de dessins de l'ancienne

Magie. Mais si mes vers vous inspirent,

je pourrais utiliser quelques uns de vos dessins ?

SDdV 540.315 (3)

5 décembre 2008

Correspondance de 1942 à 1944

                                                           1942

13 janvier 1941 : lettre de Goll à Etiemble

à  recopier

17 janvier 1941 : lettre d'Etiemble à Goll **

à  recopier

28 janvier 1942 : lettre de  Goll à Saint-John Perse :

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn, N.Y.

                                                                       28 Janvier 1942

            Cher Grand Poète,

                        et rien que poète : permettez-moi de vous appeler ainsi, puisque vous n'êtes et n'avez toujours été que cela pour moi. Vos paroles sont entrées dans mon cœur. La journée de ma rencontre avec vous est marquée de rouge dans mon calendrier. J'ai fait une découverte, plus grande que celle de l'Amérique.

            Ce que vous m'avez dit de la poésie, c'est tout ce qu'il faut savoir de la poésie. Malheureusement, je n'ai pas de mémoire, et si je voulais le répéter, je ne pourrais que balbutier. J'aurais peur de vous trahir. Car la profonde vérité réside moins dans la pensée que dans son expression, et c'est pourquoi elle réside surtout dans la poésie.

            Mais puis-je vous poser une question : pourquoi continuez-vous à refuser de porter publiquement les attributs de poète, alors que vous n'êtes plus "le prisonnier" de votre mission diplomatique ? N'allez-vous pas publier, n'allez-vous pas chanter, de tout votre cœur ? Quelle pudeur vous retient encore ? Pourquoi, au contraire, ne proclamez-vous pas très haut la reconquête de votre liberté, et ne devenez-vous pas vraiment le Vates de notre temps ? Vous le devenez, en fait, en publiant. Mais alors, pourquoi ne pas permettre qu'on le dise ?

            Je vous ai dit, que "Pour la Victoire" m'a demandé d'écrire quelques articles sur les "poètes en exil". En traçant un arc d' "Anabase" à "Exil", cela vous importunerait-il ? Je fais ces articles, parce que je n'ai pas d'autre job. Je ne suis pas un profanateur. Je hais le journalisme. Il me sera peut-être permis  d'écrire des choses assez closes. Je ne vous écris pas, pour insister, uniquement, pour faire mon devoir.

            Après tout, je préfère que vous me répondiez poésie. Comme vous n'avez rien vu de moi, depuis vingt ans, je vous envoie quelques unes de mes dernières choses.

            

                                               Bien sincèrement

                                                                       Ivan Goll

SDdV : 510.320

Roger Little : 8 lettres de Saint-John Perse à Yvan Goll

(Cahiers Saint-John Perse n°2, 1979 p.114 ) «…. »

28 janvier 1942 : lettre de  Goll à Clark Mills

SDdV 818 052

29 janvier 1942 : lettre de  Goll à Abel LIONEL

SDdV  :

2 Février 1942 : lettre de  Goll à Clark Mills

SDdV 818 052

10 Février 1942 : lettre de  Goll à Clark Mills

SDdV 818 052

11 Février 1942 : lettre de  Goll à Clark Mills

SDdV 818 052

17 Février 1942 : lettre de  Goll à Clark Mills

SDdV 818 052

26 Février 1942 : lettre de  Goll à Clark Mills

SDdV 818 052

27 Février 1942 : lettre de  Goll à Bishop

SDdV  :

27 Février 1942 : lettre de  Goll à Babette Deutsch

SDdV  :

10 mars 1942 : lettre de Alexis St Léger (Saint-John Perse) à Goll :

                                                                       Washington, 10 Mars 1942

                                                                       3120 R. Street. N. Y.

                                                          

                                               Cher Ami,

                        Je m'en veux  infiniment d'avoir tant tardé à vous écrire.

Accablement de ces migraines arthritiques que me vaut le climat de Washington, Aquarium vraiment trop mal réglé pour un Ludion d'Europe.

Je vous remercie sincèrement de m'avoir fait lire ces Trois poèmes. J'en ai aimé la race : leur exigence secrète et leur dépouillement, le charme de leur ubiquité. Il y a, dans les premières strophes de votre " Vogue Galère " plus d' "invisibilité "et de pudeur que dans les plus beaux refus. Votre " Jean sans Terre " affronte avec désinvolture la plus terrible épreuve : celle d'un cadre à remplir; avec toute l'ingrate servitude de quelques développements à venir, alors que votre authenticité est dans la gratuité et dans l'ellipse. J'aimerais savoir comment vous vous en tirerez, finalement, de ce conflit avec la volonté. Ni en orfèvre, ni en rhéteur, j'en suis bien sûr. Ne me ferez vous pas connaître l'imprévisible humeur qui vous libérera ?

«…La prochaine fois que je pourrai m'attarder un peu à New York, j'essaierai de vous atteindre. Je dois y aller le 28, mais juste pour m'acquitter d'une obligation à laquelle je ne pouvais me dérober: une commémoration au N - York University, d'un anniversaire de Briand, où il faut une parole française. Si je ne repars pas dès la fin de l'après-midi, je vous téléphonerai le lendemain. » *

            Bien cordialement à vous, avec mes voeux les meilleurs et les plus attentifs.

                                                           Alexis St. Léger

SDdV : 510.320

*Roger Little : 8 lettres de Saint-John Perse à Yvan Goll (Cahiers Saint-John Perse n°2, 1979 p.117)

15 mars 1942 : lettre de Goll à Breton

                        André Breton,

Si ce n’était qu’au nom des larmes d’une douce petite fille qui dut quitter une maison amie, parce que mon nom fut prononcé,

J’affronterais votre mépris, en vous écrivant cette lettre,

Mais c’est pour des larmes bien plus amères encore plus douloureuses et plus conscientes, quoique invisibles, que j’ai réprimées pendant longtemps, souvent versées, en songeant au coup de poing de la Comédie des Champs-Elysées que vous avez invoqué hier soir ;

Je peux vous le dire maintenant, après plus de dix ans : ce coup est le seul, que j’aie jamais donné à un être humain, et ce coup est sûrement aussi le seul, que vous ayez jamais reçu dans votre vie.

Ce geste criminel fut un geste d’amour : j’ai frappé votre beau visage de Jochanaan, comme Salomé, parce que je ne pouvais pas l’atteindre autrement. Ce fut un moyen suprême d’entrer en contact avec vous. Je ne l’ai jamais regretté, mais j’en ai souffert, parce que je savais que ce sacrilège fut une chose atroce pour vous.

Je m’étonne même que vous ne niiez pas ce geste, avec toute la force de votre haine.

Vous savez d’ailleurs très bien tout le mal que vous m’avez fait : vous m’avez plongé dans la solitude la plus humiliante, vous avez détourné de moi des douzaines d’amis qui, sans votre mot d’ordre, m’eussent fréquenté après comme avant. Je ne suis pas aussi mauvais poète que vous voulez le faire croire : des témoignages émouvants me l’ont révélé. J’ai toujours mené une vie de poète intègre. Après quelques déraillements journalistiques, au début de mon séjour à Paris, en 1920, je me suis toujours tenu coi.

Je me rappelle une discussion que nous avons eue à cette époque, en présence de Soupault et Aragon : j’arrivais de Suisse, animé d’un esprit révolutionnaire et essayant d’enflammer vos jeunes cœurs : à cette époque, habités uniquement de la chose esthétique, vous n’aviez que du mépris pour « l’action » et pour l’esprit de révolte dont étaient animés mes amis de Clarté. Cinq ans plus tard, c’est vous qui êtes devenu plus révolutionnaire qu’eux, en complète contradiction avec vos principes formulés dans Littérature. À cette époque, ayant déjà constaté la faillite de la régénération européenne, devant la démission des révolutionnaires allemands, je rentrai dans ma tour d’ivoire.

À votre arrivée à New York, je suis venu vers vous et vous ai tendu la main — cette main qui vous a frappé par amour et admiration. Le globe s’est tellement rétréci : il n’y a plus que quelques rues, quelques chambres qui s’offrent à nous. Nous serons obligés de nous rencontrer. Nous jetterons le froid chez des amis, dans le cœur de nos femmes. Voulez-vous attendre que dans un camp de concentration, on nous enchaîne ensemble ?

Et vous êtes l’Homme que j’admire le plus au monde.

Puis Goll se ressaisit et rédige une seconde lettre, manuscrite, plus brève, datée 15 mars : les humiliations sont passées sous silence, seule reste l’admiration. C’est pourtant une troisième lettre, de la même date, tapée à la machine, plus courte, que recevra Breton. Celui-ci, hautain et superbe, méprisant quoi qu’il en dise, retourne à Goll sa lettre avec des ratures et une réponse à l’encre verte. (Albert Ronsin)

SDdV  : (Ms 553 G/)

Goll lettre du 18 mars 1942 à Allen Tate

à  recopier

Goll lettre du 27 mars 1942 à Allen Tate

à  recopier

27 mars 1942 : lettre de  Goll à John Peale Bishop

Goll lettre du 28 mars 1942 à Monsieur Roth

Goll lettre du 3 avril 1942 à Monsieur Roth

à  recopier

Goll : double de la lettre du 7 avril 1942 à Monsieur Roth

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn, N.Y.

                                                                       April 7, 1942

            Cher Monsieur Roth,

Nos lettres se sont croisées. J'ai bien reçu hier matin le contrat, et je vous le renvoie, dûment signé, en acceptant toute les stipulations. Je n'ai qu'un voeu : c'est que vous donniez bientôt le manuscrit à la composition.

Prévenez-moi : je vous enverrai quelques retouches de certains vers.

                        Bien sincèrement vôtre

Goll : double de la lettre du 22 avril 1942 à Monsieur Roth

à  recopier

Goll : double de la lettre du 5 mai 1942 à Monsieur Roth **

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn, N.Y.

                                                                       May  5, 1942

            Mon cher William Roth,

            Faut-il vous dire combien j'apprécie le merveilleux travail que vous allez faire pour

Landless John.

            Je trouve la composition parfaite,  sauf que je voudrais proposer de pousser le corps de poèmes à vers très xxxx courts un peu vers le milieu, si cela est possible. Je sais d'autre part, qu'il y a aussi de très longues lignes, qui devront commencer très à gauche, et je me demande en profane, s'il est possible, de faire débuter la ligne tantôt plus au milieu, tantôt plus à gauche.    Ce n'est qu'une suggestion de ma part : à vous de décider.

            Autre question :          LAND

                                               LE S S

                                               JOHN

est une belle invention typographique. Mais le lecteur non averti en comprendra-t-il le sens ?

Vu que je grée ici un nouveau nom :             LANDLESS ? Ne lira-t-on pas : Land  -  moins  - John ?

Question importante à laquelle il faudrait peut-être sacrifier le jeu typographique.

            En imprimant  :           LANDLESS JOHN en une ligne, vous trouverez aussi plus d'espace pour les noms des traducteurs, qui se trouvent coincés.

            A propos des traducteurs, il faut encore ajouter le non de JOHN  PEALE  BISCHOP, qui vient de m'envoyer une belle traduction : "John Exile".

            Voici donc le manuscrit. Je vous envoie les poèmes détachés : ainsi il sera plus facile pour le compositeur de se retrouver. J'ai numéroté les poèmes séparément, non les pages : cela aussi facilitera votre travail.

                                   Bien sincèrement vôtre

SDdV  : (Ms 553 G/)

12 mai 1942 : double de la lettre de  Goll à Clark Mills

SDdV 818 052

13 mai 1942 : double de la lettre de  Goll à Lionel Abel

SDdV  :

Goll : double de la lettre du 18 mai 1942 à Monsieur Roth

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn, N.Y.

                                                                       May  18, 1942

            Cher Monsieur Roth,

            Faut-il vous dire combien j'apprécie le merveilleux travail que vous allez faire pour

l'édition de JEAN SANS TERRE  ?

" Hand-set, hand-bound, printed on hand-made French paper " : c'est le rêve pour un poète.

            

            Aussi me suis-je encore une fois penché sur mes poèmes et notamment avec les traducteurs, sur les traductions, pour vous envoyer un manuscrit aussi clair et définitif que possible, et voilà pourquoi vous ne le recevez qu'aujourd'hui.

            J'ai numéroté chaque poème, plutôt que les pages, ce qui facilitera le travail du compositeur.

            Le projet de page typographique que vous m'avez envoyé est excellent. Pourtant j'aurais quelques suggestions à vous faire :

            I)  Imprimer les numéros I., II. etc.  des poèmes sur la page qui précède chaque poème. Cela aérera le livre.

            2) Espacer les strophes et commencer plus bas, de sorte qu'il n'y ait pas plus de 4 ou 5 strophes au plus sur une page.

            3) Dans les poèmes à vers très courts, comme xxxx le premier, pousser le corps du poème davantage vers le milieu, pour éviter trop de blancs - surtout pour contrebalancer les poèmes à vers très longs, comme le second.

            Mais cela n'est qu'un point de vue : j'ai peut-être tort, et je vous laisse entièrement juge sur ce point.

            J'ai le plaisir de vous annoncer que John Peale Bishop s'est joint à la liste des traducteurs - et je dois vous avouer que c'est aussi un peu l'attente de sa traduction qui a retardé l'envoi du manuscrit. Par contre le nom de John Mc Lane disparaît.

            C'est à peu près tout ce que j'ai à vous dire.

            Recevez, cher Monsieur Roth, tous mes remerciements avec mon meilleur souvenir

SDdV  :

20 mai 1942 : double de la lettre de  Goll à John Peale Bishop

SDdV  :

3 juin 1942 : double de la lettre de Goll à John Peale Bishop

SDdV  :

8 juin 1942 : double de la lettre de Goll à Monsieur Pobers

SDdV  :

Goll : double de la lettre du 22 juin 1942 à Monsieur Roth

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn, N.Y.

                                                                       June, 22, 1942

            Cher Monsieur Roth,

            Je vous remercie de votre dernière lettre du 10,

            et je me réjouis beaucoup de recevoir bientôt les

            épreuves de mon livre.

                        Voici encore les pages qui manquaient :

                        I) Acknowledgements.

                        

                       2) La "Preface" d'Allen Tate

                       3) Le Poème VII : LANDLESS JOHN THE  PRODIGAL SON.

                        Ce poème a été traduit par KENNETH PATCHEN, ce qui

                        ajoute encore un nom de plus à notre liste de

                        traducteurs :

                                               Lionel Abel

                                               John Peale Bishop

                                               Clark Mills

                                               Kenneth Patchen

                                                William Carlos Williams

                                   Quant à la couverture,  je voudrais vous proposer

                        cette idée originale, d'imprimer  2  titres identiques

                        au-dessus et au-dessous.

                                   Au-dessus : le titre uniquement en anglais.

                                   Au-dessous : le titre uniquement en français.

                                   Je me suis permis de faire une petite esquisse,

                        pour vous montrer ce que je pense.

                                   Dans ce cas, je crois aussi qu'il vaudra mieux

                        d'imprimer le titre LANDLESS JOHN    JEAN SANS TERRE

                        en une ligne, et pas en trois lignes, comme sur votre

                        projet  (car on risquerait de lire Land

                                                                           less

                                                                           John)

                                   Il importe qu'on sache que c'est un nom.

                                   Ce ne sont que des suggestions de ma part.

                                   Mais je ne devrais pas trop m'immiscer dans vos

                                   propres idées artistiques.

                                   Dans l'espoir de vous lire bientôt, croyez, cher

                                   Monsieur Roth, à mon meilleur souvenir.

                        Claire et moi, nous imaginons que vous menez

                        en ce moment, auprès de votre belle inspiratrice,

                        au bord des rochers,  les cheveux à la tempête,

                        la vie idéale, dont vous rêviez dans Park Avenue.

                                   Nous vous envoyons tous deux notre amical souvenir

                                                                      

SDdV  :

26 juin 1942 : double de la lettre de  Goll à Clark et Betty Mills **

SDdV  :

Goll : double de la lettre du 17 juillet 1942 à Allen Tate

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn, N.Y.

déjà signée Yvan.

SDdV  :

25 juillet 1942 : double de la lettre de Goll à Saint-John Perse :

OUTREMONDE                                          136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn, N.Y.

                                                                       25 Juillet 1942

            Cher Saint-John-Perse,

            Avec Alain Bosquet, jeune poète sensible et admirateur passionné de votre œuvre, j'ai accepté de diriger une petite revue, qui s'appellera "OUTREMONDE", et qui sera uniquement consacrée à la poésie : recueillement, pureté. - Avec votre nom comme collaborateur, tout son programme serait établi. Nous possédons quelques inédits de Jacques Audiberti, de Pierre Emmanuel. Nous attendons quelque chose de Supervielle. Et puis, il y a les poètes américains : du Nord et du Sud. Dessins de Chagall.

            Pouvez-vous nous confier quelques vers : entre quatre et quatre cents ? N'importe quoi. Votre amitié nous serait précieuse.

                                                           Bien sincèrement vôtre

SDdV : 510.320

29 juillet 1942 : double de la lettre de  Goll à Clark  Mills

SDdV  :

3 août 1942 : double de la lettre de  Goll à Clark  Mills

SDdV  :

7 août 1942 : double de la lettre de  Goll à James Laughlin

SDdV  :

12 août 1942 : double de la lettre de  Goll à Clark  Mills

SDdV  :

Goll : double de la lettre du 14 août 1942 à Monsieur Roth

SDdV  :

Goll : double de la lettre du 19 août 1942 à Monsieur Roth

SDdV  :

Goll : double de la lettre du 24 août 1942 à Edouard Roditi

SDdV  :

24 août 1942 : lettre de Saint-John Perse à Goll

                                                                       Washington, 24 Août 1942

                                                                       3120 R. Street. N. Y.

                                                          

                                               Mon cher Ivan Goll,

                        J'ai eu tard votre lettre, après une longue absence de Washington et mes journées ont été grevées de lourdes choses.

            Dites-moi,  je vous prie, si votre projet tient encore et si vous avez toujours besoin de moi. Je n'ai guère le goût de publier en ce moment, et j'ai encore moins le goût des pages détachées en Revues, mais il me serait trop pénible de vous faire défaut à vous et à Alain Bosquet. Confirmez-moi donc votre entreprise, donnez-moi, si vous le pouvez, plus de détails à son sujet, et dites-moi, s'il y a lieu, de quel délai je dispose encore pour vous envoyer quelque chose.

            Ce que vous me disiez, en deux mots, d' "Outremonde" m'a plu. La tâche est difficile, mais possible entre vos mains. Elle est assurée d'un vrai succès de qualité, si, même au risque de paraître famélique, La Revue peut être impitoyablement soustraite à toute compromission, à toute hybridité.

            Je pars demain pour deux semaines de solitude, dans une petite île privée du Maine. Vous pouvez m'écrire là à l'adresse suivante :

            c/o Mrs. William Astor Chanler

                 William Chanler  700 Ave Island

                                   Dark Arbor

                                               Maine

            S'il y a urgence, je vous enverrai de là quelque chose.

            Je suis en faute avec Madame Ivan Goll, que je n'ai pas encore remerciée de son livre, pour n'avoir pu le faire comme je l'entendrais.

            Veuillez, je vous prie, m'excuser auprès d'elle.

            Dites aussi à Alain Bosquet que je m'en veux de ne lui avoir pas répondu.

                        Mes voeux, choisis parmi les meilleurs

                                                           Alexis St. Léger

SDdV : 510.320

Goll  double de la lettre du 3 septembre 1942  à Clark Mills : 

                                                                       Mac Dowell Colony

                                                                       Peterboro. N.H.

                                                                       Sept.  3, 1942

            Mon cher Clark,

            Ta bonne lettre

            Mille choses de nous deux pour vous deux  à recopier

SDdV 818 052

Goll  double de la lettre du 5 septembre 1942  à Saint John Perse

                                                           Mac Dowell Colony

                                                           Peterboro. N.H.

                                                           5 Sept. 1942

                        Cher Saint-John Perse,

                 Votre lettre a fait un grand détour, avant de me

            parvenir ici, dans cette colonie d'artistes,  dans le

            New Hampshire, où Claire et moi, avons la chance de

            vivre dans un pavillon tout entouré de forêt et d'une

            prairie où les daims, à l'aube, viennent paître aux

            buissons de nos rêves.

                 Inutile de vous dire que cette agréable circonstance

            me fait regretter le retard avec lequel je vous annonce

            l'enthousiasme provoqué par votre promesse, de m'envoyer

            un manuscrit pour notre revue. En vérité, celle-ci

            battait de l'aile, notre décision était très affaiblie

            par votre silence …

                        Mais maintenant, la revue va s'élancer sur des ailes.

            La meilleure preuve de ma volonté, de la  " soustraire

            impitoyablement à toute compromission, à toute hybridité "

            comme vous me le demandez avec raison, n'est-elle pas dans

            le fait de vous avoir attendu ?

            

                        La tâche va être plus dure pour moi, parce que je vais

            être seul à la diriger.  Alain Bosquet  -  qui, je pense,

            vous a envoyé son livre " L'Image Impardonnable ", vient

            d'être appelé aux armées.

            

                        La Mer va-t-elle vous inspirer un nouveau Grand Poème ?

            Votre adresse est déjà si séduisante.

                        Recevez un bouquet de feuilles d'automne de Claire

                                                           et de votre dévoué

                                                                       Yvan Goll

SDdV 510.320                                                                     

                                                                      

Goll  double de la lettre du 7 septembre 1942  à Clark Mills : 

                                                                       Mac Dowell Colony

                                                                       Peterboro. N.H.

                                                                       Sept.  7, 1942

            Mon cher Clark,

      En relisant les pages 8 et 9 de ton article, dans lesquelles j'ai introduit des idées qui me passaient ce jour-là par la tête, et qui ne font, après lecture, pas corps avec le texte, je me demande, avec quels regards ahuris tu dois les avoir parcourues. Tu dois m'avoir pris pour un fou, et un prétentieux par-dessus le marché, qui radote dans un very poor English.

            Aussi, pour remettre les choses au point, j'ai exactement recopié ton texte de la fin et te l'envoie ci-inclus. Ainsi le mal est réparé.

            Ici, Labor Day a complètement passé inaperçu des abeilles et des biches et des poètes

                                                                                  bien à toi

SDdV 818 052

Goll dans une lettre à Clark Mills :  rechercher la date

"Ah oui,  j’oubliais:  pour éviter d’être considéré comme Russe,  comme il m’arrive ici de plue en plus,  j’écris maintenant mon prénom avec Y.

Goll  double de la lettre du 10 septembre 1942  à qui ?? chercher ?? : 

                                                                       Mac Dowell Colony

                                                                       Peterboro. N.H.

                                                                       Sept.  10, 1942

                        Chers amis,

            Comme Job, désespérant de tout job, je suis venu me jeter an den Busen der schoenen Natur, et j'ai pleuré ; xxx

            Je me suis vendu au Coordinator of Poetry, qui n'est pas plus consciencieux que le Coordinator of information.

            Après quatre semaines de séquestration dans les forêts sauvages, j'ai ouvert une feuille de New York, et j'ai compris que, sans ma présence au Coo et sans ma collaboration au flux et au reflux des short waves, il n'a pas été possible de se rendre maître de Laval ni xx de tuer Pétain par des flatteries.

            C'est quand même malheureux ! Il faudrait me rappeler télégraphiquement et m'empêcher de continuer de faire des vers de terre et sans terre.

            Mais les démocraties ne sauront jamais ce qu'elles ont eu !

                        Sourires et larmes de

                                                           Claire Sans Lune

                                                                       et

                                                                           Jean Sans Terre

SDdV  : 

Goll à George Dilkes datée 14 septembre  1942

à recopier

Goll à James Laughlin  lettre datée du 21 octobre 42 :

James Laughlin à Goll  lettre datée du 24 octobre 42 :

lettre de Goll à Alain Bosquet du 13 novembre 1942 :

136 Columbia Heights

Brooklyn, N. Y.

Nov. 13,  1942

Mon cher Alain,

  Malgré ta lettre morose du 6, je ne te  plains pas du

tout. Je trouve que le destin t'a choisi un entourage magni-

fique  pour  méditer,  travailler et souffrir  :  les trois occu-

pations essentielles d'un poète. Pour un soldat nouvellement

mobilisé, l'ennui et la solitude sont  de singuliers malheurs.

Tu es transplanté aux frais de gouvernement américain dans le

paysage le plus attrayant d'Amérique, le Sud, en bordure du

Mexique, avec ses palmes, ses eucalyptus et ses mélodies espa-

gnoles - - endroit où justement nous autres civils désirions nous

"réfugier" de la grande ville froide et grise.

Non, mais au fond j'admire ta lettre,[1] avec des passages

comme celui-ci :"je ne me console que médiocrement de la malé-

diction qui plane sur l'époque. Est-ce à la fois le temps du

silence et de l'action ?   Avons-nous le droit de penser,  je

veux dire de spéculer ? Le beau existe-t-il encore ? Je vois une

dizaine de morts par jour, des blessés revenus des Philippines..."

                        Une grande époque, mon vieux, tu peux en être sûr. Seule

la  vicinité  et  la connaissance  de  la mort  peuvent  rendre  la

vie à son intensité extrême.   La génération d'entre  les  deux

guerres n'avait plus de couilles, par ce qu'elle avait  oublié

le goût de la   mort et de  la lutte contre elle.    Elle s'était

détournée des grandes passions.

Et puis, n'es tu pas arrivé comme par miracle dans ce

"désert" que Rimbaud chercha si désespérément ?

Je sais, je sais, mon petit, que la vie de soldat n'est

pas rose, ni même celle d'un radiologue en uniforme. Mais

j'ai envie, aujourd'hui vendredi 13 novembre, de voir tout

en rose, depuis que les événements d'Afrique baignent nos

coeurs du soleil brûlant de l'espérance nouvelle. Depuis

dimanche dernier, 8 novembre, il doit être doux xxxxx

de savoir que le retour au sables de Ménalque est assuré.

Avec tout cela, tu attends avec impatience que je te parle

de "Refuge" et qu'une jolie revue au titre flamboyant t'arrive

avec le prochain courrier : hélas, je ne peux pas encore te le

promettre. Jusqu'à ces derniers jours, les gens étaient telle-

ment découragés et avaient tellement peur pour leur sac, que

je n'avais pas réussi à réunir la somme minimum pour "start"

quelque chose de durable, c'est-à-dire plus d'un numéro 1.

J'ai aussi été souffrant pendant plusieurs semaines ;

obligé de garder la chambre à la suite d'une bronchite, il

m'a été impossible de voir des gens et de faire tout ce qu'il

fallait. Mais maintenant, avec ce vent de victoire dans les

voiles, j'ai grand espoir.

J'ai reçu un très important article d'au moins dix pages

de Sanders Russel sur la " jeune poésie américaine ",

un excellent pendant au tien sur la " poésie française ".

Voici les adresses que tu me demandes :

Jules Supervielle, Saraudi 372, Montevideo (Uruguay)

Kenneth Patchen, 265, 2. Avenue, New York City.

  Quandt à André Breton[2], son adresse est toujours la même.

Si il ne te répond pas : ne sais-tu pas que c'est un homme

extrêmement obstiné et buté ?

   Il semble vraiment qu'une nouvelle phase ait commencé

pour nous tous. Je suis curieux de connaître ta propre

réaction. A mon avis, il y a ce danger : c'est que si la

solitude dont tu te plains en ce moment, venait à cesser,

ton oeuvre ne pourrait qu'en souffrir. Je suis certain que

tu écris en ce moment de merveilleux poèmes.

Claire t'envoie son plus beau sourire

et moi toute ma chaleureuse amitié

Yvan

B.L.J.D.  Ms 47302 - 1

Goll à Clark Mills lettre datée du 15 décembre 42 :

"Mon cher Clark, 

            Pour en revenir à tes traductions pour ladite anthologie,  pourrais-tu m’envoyer le plus tôt possible,  au choix les poèmes de Valéry Larbaud,  Max Jacob,  Jammes,  Apollinaire et Cocteau.

            Je ne sais pas si ton choix correspondra toujours à celui de Klaus Mann. Je sais par ex. qu’il aimerait avoir de Cocteau,  des extraits de Plain-Chant,  et tout particulièrement les numéros des pages 212,  213,  218,  221 de l’édition NRF 1924. Je ne pense pas que tu l’aies sous la main. Mais je pourrais te copier les textes,  très courts d’ailleurs,  si tu acceptes de traduire de nouveaux poèmes en dehors de ce que tu as déjà.

            Il n’est pas certain que toutes tes traductions seront prise:  il faut avant tout que les poèmes datent autant que possible d’après 1920.

            Bien des choses de nous deux pour vous deux. ".

                                                           Yvan

(Ms 553 G/ 110 à 116)

Il existe une version française avec quelques variantes de cette introduction à Saint-Dié

lettre du 21 décembre 42 de Lucien Vogel à Goll:

                                                           1943

9 janvier 1943 : lettre de Saint-John Perse à Goll

                                                                       Washington, 9 janvier 1943

                                                                       3120 R. Street. N. Y.

                                                          

                                               Cher Ivan Goll,

                        Je  croyais  égaré ce  poème , que 

de  mon île, l'été  dernier, que j'avais dû confier pour

la  poste à un " lobster man ". Vous  avouerai - je,

un  peu  lâchement,  que  je  n'étais  pas  fâché  de

laisser cette  responsabilité au  sort ? La  publication,
en  effet,  pour  moi  toujours  aussi   désagréable,

était redevenue, de surcroît, momentanément inopportune.

                        Je  ne  puis aujourd'hui  vous faire

défaut . Je  vous  demande  seulement  de veiller vous-

même aux  modifications  de  texte  reportées  sur  la

copie  ci -  jointe.  je  vous   avais ,  de  toute  façon,

demandé  des  épreuves  :  je  vous  promets  de  les

renvoyer  dans les  vingt  quatre heures.

                Merci  de vos voeux de nouvel an. C'est

un bien  beau poème  de  voix  française qui  me  les

apporte, mêlés à l'essence même de la chose française,

ils sont la plus pure haleine d'un ciel de Livre d'heures.

            Mes voeux, pour vous  et  pour Madame Yvan

Goll, sont choisis parmi les meilleurs. Croyez-les, je vous prie,

attentifs  et  fidèles.

                                                           Alexis St. Léger

SDdV : 510.320

à recopier

13 janvier 1943 : double de la lettre de Goll à Saint-John Perse

136 Columbia Heights

Brooklyn, N. Y.

13 janvier  43

Cher Saint John Perse,

Donc, ce grand poème, chaste et inexorable,

            sera  la  porte  triomphale  de  cette  petite  revue,

            qui est encore humble, mais qui acceptera  sa loi,

            faite de pureté et d'orgueil  : je vous  promets  en

            retour de votre confiance une fidélité totale.

                        J'accueille avec plaisir  les changements  que

            vous  avez  faits  en dernière  heure, et notamment le

            nouveau  titre, combien plus évocateur ,  et formant

            chaînon avec   "  Exile  ". J'ai choisi pour votre poème

            un  caractère  spécial ,  et  toutes  vos  indications

            seront  suivies  scrupuleusement. Vous  recevrez bien-

            tôt les épreuves.

                        Klaus Mann, avant de partir pour l'armée, a  eu

            l'idée  de  composer  pour l'éditeur E. B. FISCHER qui

            vient de publier " American Harvest ",  une  anthologie

            similaire  pour l'Europe, et  m'a  demandé de m'occuper

            de  la  section française.  Pour  la  poésie, le  premier

            nom  prononcé  fût  le  vôtre.  Je suis donc  chargé  de

            vous  demander, si vous accepteriez  de  figurer  dans

            " European Harvest ", parmi  environ 20 noms français

            et  de me désigner,  dans le cas affirmatif, le  poème

             (de préférence, court)  et  le  traducteur  anglais  de

            votre  choix.

                        Claire vous remercie pour vos bons voeux et vous

            envoie un sourire d' "Etrangère ".

                        Croyez-moi bien fidèlement  vôtre

20 février 43 : lettre de Goll à Alain Bosquet

136 Columbia Heights

Brooklyn, N. Y.

20 février  43

Mon cher Alain,

Cette fois, le médecin, même militaire et susceptible

d'être embarqué sur un navire hôpital, m'excusera, si je

lui apprends qu'un commencement de pleurésie me rendit

incapable de toute activité littéraire et autre...

                        C'est avec 38.6 que je lus ta merveilleuse " Ode au

pays introuvable", et je ne suis pas encore certain, si ce

ne sont pas ces vers incendiaires qui firent monter le mercure.

Je fus et je suis de plus en plus enthousiaste : je considère

que tu es un grand poète, et que tu as fait depuis l'année

dernière encore des progrès tout-à-fait étonnants.

Cette "Ode" aura une place de choix dans notre revue,

dont le nouveau titre provisoirement définitif serait

"HEMISPHERES", si tu n'y trouves point d'objection. "Refuge"

trouve de moins en moins d'adhérents, car il invoque maintenant

chez les Américains plus de pitié que de considération. Et la

pitié est toujours une chose à éviter.

Ajouterai-je encore une autre explication pour la lenteur

de la naissance d' "Hémisphères" ? Je travaille maintenant à

l'Office of War Information, dans la section de la radio

française, et, avec intermittence dans la night-shift[3], qui

me tue et me prive de tout sommeil, car je dors mal le jour.

Il fallait que je me résigne à ce travail, pour pouvoir tenir

financièrement -- et aussi pouvoir financer plus largement

la revue, sans attendre des secours étrangers.

De toute façon, l' "Ode" et le poème de Saint John Perse sont

à la composition, dans des caractères plus grands que les

autres textes.

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

Si tu as quelque chose sur la guerre, envoie-le moi ; un éditeur

prépare une anthologie mondiale de poésie sur, contre ou pour

ces Temps Misérables.

Claire et moi, nous parlons souvent de toi, avec admiration.

Reçois nos meilleurs voeux et toute notre amitié

Yvan

Voici les adresse que tu demandes :

Kenneth Patchen, 317 West 4th Avenue, NYC

Lionel Abel, 10 Charles  St., NYC

E. Jolas, Office of  War Information, 224 W. 57 St. NYC

B.L.J.D.  Ms 47302 - 2

8 mars 1943 : lettre de Saint-John Perse à Goll

                                               Washington, 8 Mars 1943

                                               3120 R. Street. N. Y.

                                                          

                                   Cher Ivan Goll,

                           Je  m'excuse  encore  d'une  si

tardive   réponse .  Oui,   je  m'en  remets  à 

vous  pour l'autorisation  à  donner  à  Klaus

Mann . Mais  de   grâce,  que je n'aie  rien  à 

désigner .  Faites  pour  le  mieux. J'avais  été

inclus  d'autorité,  dans  une  Anthologie  de

mon éditeur: " Anthologie  des Poètes de la N.R.F.",

qui doit  se  trouver  à la Bibliothèque de N -York.

On pourrait  trouver    les  éléments d'un choix.

C'est Valéry Larbaud  qui  avait  établi  le choix

pour Gallimard ,  ainsi  que  la  bibliographie.

Je  demande  seulement, s'il y a la moindre notice,

qu'on  me laisse un absolu pseudonymat, c'est à

dire qu'il n'y  ait aucune référence à mon nom

ni à ma vie professionnelle.(J'ai beaucoup regretté

la surprise de la note parue dans " Poetry ", avec la

publication d' "Exil "). Quant à la désignation d'un

traducteur de mon choix, elle me serait bien impossible

dans la solitude littéraire où je vis.

                        Je n'ai pas reçu les épreuves annoncées 

pour votre Revue. Si le projet n'est pas abandonné,

je  vous serais obligé  de  rétablir, sur mon texte, un

mot  que  j'avais rayé pour une question de métrique,

mais que je suis obligé de maintenir pour l'interprétation :

le mot  : " Michel "  avant Strogoff  ( l ' association.,

purement visuelle, et bien inactuelle, procédait d'une

illustration de Jules verne)

            Je saisis  cette  occasion  pour  vous confier

un manuscrit  de Roger Caillois.  Je vous  le  confie en

original,  n'ayant aucun moyen d'en obtenir  d'autres

exemplaires. L'auteur  souhaiterait  le voir publier en

Amérique  et  je  suis  bien embarrassé  pour  m'en

occuper directement. L'étude  est belle, intelligente,

et  remarquablement avertie  de  la chose poétique ;            

mais  tout d'abord elle me  concerne ,  et au  surplus

j'ignore tout ici des milieux littéraires .  Je pourrais,

toute pudeur mise  à  part,  déposer cela  entre  les

mains de Mac Leish, qui apprécie l'art de Caillois.

Mais, sans connaître sur ce point l'avis de l'auteur,

je trouverais navrant que ses pages fussent livrées

au  hasard  d'une traduction pour  grandes Revues

Américaines, car sa langue est vraiment belle et vaut

par elle-même, indépendamment de l'objet. (Avez-vous

lu son "Patagonie" !  Il est rare, dans sa génération,

de voir maîtriser formellement, un art aussi pertinent

et dépouillé, un sens à la fois aussi lucide et harmonieux

de la propriété.) Je ne sais si de telles pages critiques

peuvent répondre à la conception de votre Revue, et,

dans l'affirmative, s'il serait encore temps de les y

accueillir.  Dans le cas contraire, dites-moi, je  vous

prie,  ce  que  vous voyez de mieux  à  me  conseiller

pour un acheminement digne de ce manuscrit.

                        Je n'ai plus repassé à New York depuis

plus d'un an. Je n'y repasserai pas sans m'enquérir

de la possibilité de vous revoir, Madame Yvan Goll

et vous, de savoir quelque chose de votre activité littéraire

et de votre vie à Brooklyn.

                        Mes voeux toujours très attentifs

                                                           Alexis St. Léger

SDdV : 510.320

20 mars 1943 : lettre de Saint-John Perse à Goll

                                               Washington, 20 Mars 1943

                                               3120 R. Street. N. Y.

                                                          

                                   Cher Ivan Goll,

                           Je  vous renvoie sous même pli

les  épreuves  corrigées.  J'y  joins  des  voeux

pour votre courageuse entreprise. Elle est digne

de tout ce que je sais de vous.

                        Je vous répète que je m'en remets

à  vous   envers  Klaus  Mann. La traduction

d' "Eloges" par Louise Varise va être publiée,

avec le texte français, chez Norton. La traduction

d' "Exil" a  été  réservée  à  MacLeish, qui  n'a

pu encore la livrer pour l'Editeur. La traduction

d' "Anabase" par Eliot, publiée chez Harcourt and Brac

ne réserve que les droits de l'Editeur. Je me souviens

d'excellentes traductions manuscrites d' Exil  "Anabase",

et je crois aussi d' "Eloges", par M. Edouard H. Roditi,

qui  vit  maintenant  aux  Etats - Unis, à New  York

(40 East 64 th Street).  Mais mon incurable silence

m'a  si  gravement  mis  en  faute  envers  lui, à Paris,

à  New  York   et  à  Washington, que  je  n'ose plus

évoquer  son nom (J'ai encore laissé sans réponse, sans

la moindre raison, une lettre de lui, de septembre dernier,

qui me transmettait une demande d'autorisation pour

la nouvelle Anthologie Kra, reprise en France par les

Editions du Sagittaire.) Je me souviens aussi qu'Eugène

Jolas, qui doit être maintenant  à New  York, avait traduit

dans "Transition" des fragments d' "Eloges", mais je n'ai

pas lu sa traduction.

                     Si vous connaissez M. Roditi, dites - lui, je

vous prie, à  l'occasion , que  je  lui  demande  de  ne

pas  interpréter mon silence, car je serais sincèrement

heureux de le connaître et de suivre son œuvre personnelle.

Pour l'autorisation à donner en France par son entremise,

je  ne  pense  plus  qu'il  y  ait  rien  à  faire  depuis

l'occupation totale ?

                        Je suis heureux que les pages de Caillois

aient  pu  répondre  au cadre  de  votre  Revue, car c'eût

vraiment dommage  de  les  exposer  à  quelque  une

traduction.

            J'espère vous lire dans votre prochain numéro.

                                   Bien cordialement à vous

                                                           Alexis St. Léger

SDdV : 510.320

27 avril 1943 : lettre de Jacques Maritain à Goll

                                               27  Avril 1943

                                   Cher ami,

                       Je suis navré de vous avoir répondu ce soir trop

précipitamment au téléphone. Je viens de regarder de plus près

mon emploi du temps  et  la  liste  de  mes  engagements,  et  je

vois  que  d'ici  un mois, il  m'est  absolument  impossible  de

rien  ajouter à mon travail .  Je  n'ai jamais été si  surchargé.

Et si je ne réserve pas pour les travaux urgents que je dois

terminer tout  ce  que j'ai de temps libre, je ne pourrai pas

tenir mes engagements. Quelque chagrin que j'aie de vous

désappointer, il me faut donc renoncer à la soirée de poésie

dont vous m'avez parlé. Je pense bien  du  reste  que vous

trouverez un autre Français pour ce soir - là. Pardonnez-moi,

votre amicalement dévoué                

                                   Jacques Maritain

            Excusez-moi de vous écrire en hâte, il est une heure du

matin et j'ai encore un cours à préparer

à recopier

2 mai 43 : lettre de Goll à Alain Bosquet

136 Columbia Heights

Brooklyn, N. Y.

2    mai    43

Mon cher Alain,

            Merci pour ta petite lettre de Bryan. Elle tombe à pic.

Je voulais justement te donner les excellentes nouvelles d'

HEMISPHERES, qui va enfin voir le jour, sous une couverture

très artistique, ornée de dessins faits uniquement par des

poètes. Voici le Sommaire :

Saint-John Perse : Poème à l'Etrangère

Roger Caillois : Sur Saint-John Perse (7-8 pages)

                                   +

Georges Barker : Sacred Elegies

Kenneth Patchen : Poems

Sanders Russel : Notes on American Poetry

                                   +

Yvan Goll : Poème

Alain Bosquet : Poème

Alain Bosquet : Notes sur la Poésie Française

                                   +

Commentaires : Les petites revues de France

" Lettres Françaises " — VVV.

Dans ce dernier commentaire, je publierai côte à côte

des extraits de l'introduction de Caillois à son dernier cahier

et du discours de Breton aux étudiants de Harvard, montrant

le désarroi qui existe actuellement partout : la rivalité entre

la liberté et la forme.

Bref, je crois ce sera très bien, mieux que le

dernier numéro de VVV, si disparate, et que

VIEW, qui m'a tout à fait déçu.

Inutile de te dire que j'ai partout trouvé ton nom

avec fierté et joie. Tu t'es hissé à une place déjà très enviable

en poésie. Les dernières Odes que tu m'as envoyées, sont des       

merveilles, avec ton style et des images bien à toi. Claire

et moi, nous parlons de toi avec admiration et orgueil. (Ce qui       

nous a étonnés, c'est que tu dédicaces tes poèmes à tant de gens,  

et aucun à nous.)

Je suis  xxx encore à me demander, si c'est ton Ode

à l'Amérique ou ton Ode à la Malédiction que je passerai...

            Tes voyages dans le Texas vont sans doute t'inspirer de

nouveaux chefs-d'oeuvre. Nous les attendons avec ferveur

ton vieil

Yvan

J'oubliais de te dire qu' " HEMISPHERES" aura ses

éditions tout comme devait l'avoir " Refuge ", et que

ton livre en sera le numéro 1, suivi par Saint-John Perse,

Yvan Goll etc. : je ferai imprimer une nouvelle couverture;

où se trouvent les exemplaires restants ?

B.L.J.D.  Ms 47302 - 4

14 mai 43 : lettre de Lucien Vogel à Goll

à recopier

26 mai 43 : lettre de Goll à Alain Bosquet

                                                                                                                                                                                                                               136 Columbia Heights                                                                                                                     Brooklyn, N. Y                                                                                                                                May,  26,    43

                        Mon cher Alain,

                                   Après tout, tu fais les plus beaux voyages du monde,

                        aux frais du gouvernement américain, et tu  vas  devenir

                        par-dessus le marché un savant spécialisé de premier ordre,                                               envoyé par le Nouveau monde à la découverte des ruines

                        de cette Europe antique, dont on parle dans les légendes.

                        Pas mal, pour un jeune et grand poète.

                                   Jeune et grand poète, tu l'es de plus en plus pour moi,

                        car avec chaque nouveau poème que tu m'envoies, tu prends

                       encore du souffle, de la grandeur, et  tu  creuses aussi déjà

                        ta vrille vers l'intérieur.

                                                                      

                                   C'est avec joie que je substituerai l'Ode à la Malé-               

                        diction à l'Ode à l'Amérique -- et  quel chemin fait en moins

                        de douze mois entre ces deux Odes !

            

            C'est avec joie également que j'annoncerai dans les

"Editions Hémisphères " tes "SYNCOPES", en attendant

d'annoncer "ODES", ce qui sera plus magnifique encore.

            Cela ne m'empêchera pas d'y ajouter aussi "L'Image

Impardonnable", en lui donnant simplement une nouvelle

couverture portant comme firme HEMISPHERES au lieu

d'un REFUGE inexistant. Ce sera un nouveau

et réel lancement commercial.    Tu n'as qu'à me dire, où je

pourrai trouver les exemplaires non vendus.

                                   Oui, je crois vraiment que ce I. numéro sera épatant.                                              J'ai  encore changé  à  la  dernière minute la composition du

                        groupe américain. L'article de  Sanders  Russel  étant trop

                        peu  objectif  et  peu ordonné à la fois, j'en ai demandé un

                        à Parker Tyler, qui vient de me donner une étude très fouillée

                        et lumineuse sur la poésie américaine. En outre, je réduirai                                                 l'apport de Patchen de moitié  et ajouterai un très joli poème

                        de Charles Henri Ford :The Human Microscope. Georges

                        Barker est de la race des génies romantiques anglais.

                                   Claire et moi avons beaucoup savouré ta lettre si colorée

                        et si affectueuse.   Que tes futures missives se fassent moins

                        rares !  Nous attendons l'Ode à l'Inquiétude avec émotion.

            Envoie-moi les deux dessins de Masson. Fais-moi livrer L'Image Impardonnable à Diana Press. Dis à Norman MacLeod que Old Line sera largement annoncé.

                                                                       Et crois en l'affection de ton vieil                                                                                                                                       Yvan

B.L.J.D.  Ms 47302 - 5

26 mai 43 : lettre de Goll à Saint-John Perse

à recopier

7 juin 1943 : lettre de William Carlos Williams à Goll

à recopier

Parution du numéro 1 d'Hémisphères

30 juin 1943 : lettre de Saint-John Perse à Goll

                                                                       Washington, 30 juin 1943

                                                                       3120 R. Street. N. Y.

                                                          

                                               Cher Ivan Goll,

                        Je vous félicite bien vivement de la tenue de votre Revue  — et plus

            vivement encore de la beauté de votre Elégie : elle amorce une œuvre de qualité

            dont la certitude doit être pour vous un stimulant.

                        Vous annoncez un tirage de luxe de mon poème : je dois vous dire que j'ai

            une objection irréductible contre toute illustration, quelle que soit la valeur d'un

            artiste. L'impression d'un poème ne peut comporter d'autre luxe que celui de la

            Typographie, du papier et du format. Et je ne sais si, réduit à ces seuls éléments,

            le court poème en question peut encore répondre à votre projet d'édition.

                        Si oui, il exigerait une grande italique, assez rare à trouver. Une révision

            du texte serait aussi nécessaire, car il n'a pas été tenu compte, pour la Revue, de ma        deuxième correction d'épreuves.

                        Une recommandation immédiate : m'assurer instamment contre toute        reproduction du poème dans la presse française locale.

                                   Tous mes voeux, bien attentifs et bien sympathiques, pour la double           conduite de votre entreprise et de votre œuvre, et mes hommages fidèles à

            Madame Ivan Goll

                                               Alexis St L. Léger

SDdV : 510.320

1 juillet 1943 : copie dactylographiée de la lettre de  Goll à Saint-John Perse

                                                           136 Columbia Heights

                                                           Brooklyn  2, N.Y.

                                   Mon cher Saint-John Perse,

                        

            Votre approbation me récompense pour tout le mal

            que la mise en train d'une revue peut donner.

                        Et je suis entièrement d'accord avec : il eût fallu

            un grand Italique. J'ai longtemps lutté. Mon imprimeur

            n'avait pas les accents français  -  et je voulais du 12

            et même du 14 !

                        Il va en être autrement pour l'édition de luxe. J'ai

            pensé à un Garamond italique.Un autre imprimeur"de luxe"

            achètera les accents pour la grande occasion d'imprimer

            du Perse. Vous vous trompez, on trouve ici tout ce qu'on

            veutsauf évidemment du Vélin des Manufactures d'Arches!

            Celui-là, je l'ai apporté moi-même de Paris, à peu près

            la seule chose que j'ai sauvée, et pas même de l'Arches

            imprimé. Figurez-vous que j'ai acheté ce papier en solde

            Rue Gît-le-Cœur, au numéro 5, je crois. J'allais m'appro-

            visionner là. Quelle jouissance de palper les papiers rares.

            J'espérais toujours publier une plaquette comme il

            frissonnera, le papier, en se voyant tout couvert de

            Rue Gît-le-Cœur

                        D'accord aussi : pas d'illustration! Evidemment, ce sera

            un peu maigre. N'auriez-vous pas un autre poème à ajouter ?

                        Comme je suis navré que vous pensiez qu' "il n'a pas été

            tenu compte pour la Revue, de votre deuxième correction

            d'épreuves ".    Au contraire,  je crois l'avoir suivie très

            scrupuleusement. J'ai ici les deux manuscrits : quand vous

            viendrez à New York, nous comparerons. Mais il se peut fort

            bien, que vous trouviez encore d'autres corrections à faire.

            Envoyez-les moi, je vous en prie, sur un des textes de la

            revue. Je vous enverrai autant d'exemplaires que vous désirez.

                        Aucune reproduction de poème dans la presse française

            locale ne sera autorisée.

                        Jeanne de Lanux a déjà commandé le N° 1, de l'édition

            de luxe. A moins que vous n'y teniez ?

                        Merci encore pour tous vos encouragements, et croyez

            à l'inaltérable admiration de Claire et

                                                                       de votre

SDdV : 510.320

1 juillet 1943 lettre de William Carlos Williams à Tyler:

Traduction à recopier en réponse à l'article de Parker Tyler paru dans le

numéro 1 d'Hémisphères

2 JUILLET 43 :  lettre d'Alain Bosquet à Ivan

Alain Bosquet

Apart. 10  J

280 Riverside Drive

New-York City.

Stanford, le  2 juillet 1943

Mon cher Ivan,

                                   Il y a bien longtemps que je n'ai

plus eu de tes nouvelles.

Je t'écris, plongé dans les choses

militaires les plus rébarbatives et

les traquenards de la géographie. On

m'apprend, pour le bien de la

patrie, que le canal qui va de

Lübeck à l'Elbe est long de 165 km,

que les avortements en Allemagne se

sont accrus de 260% depuis 1938, que

la flèche du Dom de Cologne a x mètres,

et que celle du Dom d'Ulm en a un

peu plus, et des tas d'autres balivernes

à la fois curieuses et inutiles.

La poésie, je la laisse dormir, et si

parfois je la chatouille, ce n'est que

pour changer une virgule.

Il faut dire aussi que le soleil

dans les yeux, les blondes à la portée

de la xxxx main et les pamplemousses

à la portée de la bouche font d'assez

bonnes excuses.

Et chez toi ?

Que devient Hémisphères ?

Allons, donne-moi des nouvelles de la poésie.

Je te serre la main bien

affectueusement, ainsi qu'à Claire.

Ton

Alain

20 juillet 1943 : lettre de Goll à Bosquet sur papier Hémisphères            

20 juillet 43

Mon cher Alain,

Tes lettres d'encouragement, d'enthousiasme,

d'amitié  m'ont beaucoup aidé  pendant la

mise sur pied d'Hémisphères. Je te savais

derrière moi, regardant par dessus mon épaule,

il ne fallait pas se tromper.

J ' y ai mis un an, c'est vrai, j ' ai pris

mon  temps, et pourtant, j'estime que  je

n'ai pas perdu de temps. J'ai laissé mûrir

des fruits. J'ai  laissé les oeuvres venir  à

moi. Sans St John Perse, sans  Caillois, ces

deux piliers de  fondation, l'édifice n'eût

même pas été viable.

Maintenant, c'est une grande revue

qui compte. Il ne dépend  plus  que de

moi  pour la  faire marcher. J'ai  une

responsabilité. De partout on m'apporte

une confiance qui me comble.

Certains américains  m'ont  dit  que

Hémisphères n' a pas d'égal pour la poésie

américaine. Il n' y a que Poetry (Chicago),

qui existe depuis trente ans et quelle allure de

pauvreté, de bon marché: le format, le papier.

Partisan-Review: trop politique. Kenyan Review:

trop figé, pour certains.

Pour les Américains, il paraît que j'ai

réussi un tour de force, en réunissant côte

à côte Barker qui hait Patchen, Patchen qui

déteste Ford, Ford qui renie Barker.  J'ai

eu  avec tous les trois des discussions pathé-

tiques, chacun menaçant de claquer les

portes.

Barker est un merveilleux poète, aussi

dans la vie.  Il a vécu pendant plusieurs

années tout près de chez nous, à Brooklyn

Heights. D'une beauté de page, l'univers,

les hommes et les femmes sont à genoux

devant lui — et il a vécu pauvre pendant

tout son séjour ici, faisant des démarches sans

proportions pour quelques dollars. C'est ici

qu'il a écrit ses Elégies Sacrées. Et le voici

parti pour l'Angleterre, de ces docks qu'il

voyait constamment à ses pieds ¬ Comment

trouves-tu son autoportrait et le dessin de

la couverture ? Willard Maas, autre poète,

auquel les "Elégies" sont dédicacées, vit

au bout de la rue.

Du côté français, c'est également une victoire.

André Breton m'a félicité ; il est devenu très

amical. Tout l'OWI a raisonné d'échos et a

été étonné de voir ce magazine important,

édité par un employé du civil service, qui n'a

pas manqué un jour à l'Office, et qui n'a ni

bureau ni éditorial staff, ni contrats de publicité.

J'avoue que par contre, je me suis tué et duellé

avec le mauvais coucheur d'Okin, combien

de fois, au lieu de déjeuner.  J'ai  fait  tout

seul toute la correspondance, la livraison aux

libraires etc. et cela continue.

Pour revenir à l'OWI, où travaillent  aussi

Robert de Saint-Jean, Denis de Rougemont, Nicolas

Calas, Léon Kochnistzki, Ed. Roditi et des tas de

poètes cachés et inconnus, Hémisphères a fait

grand effet. Etiemble lui-même me fournit

des adresses au Mexique, bien qu'écarté du

sommaire, pour des raisons d'incompatibilité

de tendance, je lui avais demandé d'écrire

l'article, qu'ensuite Lebel a entrepris, mais

il me prévint franchement qu'il prendrait le

parti de la forme stricte contre la liberté. Nous

n'insistâmes pas. Il écrira un compte-rendu,

et je me demande combien de poison il contiendra.

En général, la presse française m'a fait un

accueil chaleureux comme te le montrent les 2

coupures ci-incluses. En connais-tu les nouvelles

constellations ? Demilly est passé avec armes sans

bagages à la Victoire. "France-Amérique" avec

Torrès et Buré marche très bien et battra sans

doute la Victoire cet hiver.

Et maintenant,  quid du n° 2 ?  Cette

fois, il faudra sortir en octobre, sans faute !

Question d'honneur. Je pense à Ton Ode magni-

fique    j'espère que tu as  reçu la lettre

exubérante signée Claire/Yvan, dans laquelle

nous te remerciâmes pour la dédicace et

la perfection -- mais cette Ode ne suit-t-elle

pas de trop près la technique de la Malédiction" ?

D'ailleurs, comme tu le sentais toi-même, il

est probable que tu changeras, après l'arrêt

présent de vitesse ou de rail ?

Mais les éditions Hémisphères, ayant

annoncé avec fracas " Syncopes", attendent

le manuscrit et les deux dessins.

Voilà, je l'ai enfin écrite la lettre que je

te devais depuis si longtemps, et je ne t'ai

pas parlé de mon coeur et de mon amitié,

ainsi que de l'affection que nourrit Claire

pour toi.

Nous  te  bénissons  tous  deux,

Yvan

B.L.J.D.  Ms 47302 - 6/7      

lettre de Charles Duits à Goll sans date (entre juillet et septembre 43)

très intéressante pour sa critique du numéro 1 d'Hémisphères (Saint-John Perse)

à recopier

23 juillet 1943 Saint-John Perse à Goll

                                                                       Washington, 23 juillet 1943

                                                          

                                               Mon cher Ivan Goll,

            Quelle émouvante histoire que celle de votre Vélin d'Arches emporté de Paris !  Et

qu'est-ce qui pourrait me livrer plus de vous ?

            Comment, en tout cas, résister à pareille chose ?  Voici mes épreuves corrigées sur texte de la Revue.

            Si votre projet tient toujours, un texte si restreint (et je n'ai rien qui puisse y être ajouté) exigerait évidemment un assez grand format, à peu près comme celui de l' "Exil" aux "Editions des Lettres Françaises" de Buenos Aires, avec une italique appropriée (18 pt. ?) Mlle de Lanux et Herbert Steiner, à ma connaissance, pourraient vous montrer cette édition, dont je n'ai plus d'exemplaires.

            Envoyez-moi quelques exemplaires d'Hémisphères, car je n'ai plus un seul, même comme témoin, des deux exemplaires que j'ai reçus de vous. Je pense que vous n'aurez pas oublié Roger Caillois, Buenos Aires, à qui je n'ai même pas écrit. Vous m'obligeriez aussi d'envoyer un exemplaire à Mme Victoria Ocampo, l'écrivain argentin, Directrice de la Revue "Sur" et Protectrice des "Lettres Françaises" de Caillois, qui se trouve en ce moment à New York (The "Savoy-Plaza" Hôtel, Fifth Avenue), ainsi qu'à T. S. Eliot, c/o "Faber and Faber", 24 Russel Square, London ; à Frank V. Morley, "Harcourt Brace and Co", 283 Madison Avenue, New York, à Edouard Roditi , 40 East 64, N.Y.C. ; à Denis de Rougemont, 439 E. 51, N.Y.C. et à André Spire, 325 W. 101 St., N.Y.C.; James Laughlin, Dr of "New Directions", Norfolk (Conn.) ; Glenway Wescott, 48 East 89 Street,  N.Y.C.; Clark Mills, Dept of Ramance Language, Cornell University, Ithaca, N. Y.; George Dillon, Editor of "Poetry", 232 East Eric St., Chicago ; Dr. S.A. Rhodes, Professor of French in the College of the City of N. Y., me semblent également susceptibles de s'intéresser à la carrière de votre Revue. A titre plus personnel et amical, je vous mentionne aussi Thornton Wilder, qui suit passionnément les lettres françaises.

            Mes voeux vous suivent, mon cher Yvan Goll, et voudraient vous atteindre, auprès de Madame Goll, dans une retraite aussi sympathique que vous m'évoquiez l'an dernier à pareille époque. J'espère moi-même pouvoir me replier cet été sur mon île de Pensbscot Bay.

                                               Bien cordialement à vous

                                                           Alexis StL. Léger

SDdV : 510.320

15 novembre 1943 Saint-John Perse à Goll

                                                                       Washington, 15 novembre 1943

                                                          

                                               Mon cher Ivan Goll,

                                   Je suis désolé d'avoir tant tardé à

            vous répondre, et je m'en excuse.

                                   Aucune objection à l'édition bilingue.

                            Je n'ai pas d'offres d'auteurs originaux

            pour la traduction de ce poème,  et je n'en aurai

            pas, car j'ai dû déjà les repousser pour la traduction

            d ' " Exil " (réservée à Mac Leish). Je suis d'ailleurs

            sans contact avec le monde littéraire américain.

                                   Madame Varise apporte une rare et

            scrupuleuse abnégation  à  faire abstraction

             d'elle - même pour établir, en regard du texte,

            une fidèle version  plus qu'une  transposition

            ou  une adaptation. Si elle veut bien se charger

            encore de ces pages, je  lui  en  suis  d'avance

            reconnaissant ,  car  je  sais  quelle délicatesse

            est la sienne  au  travail,  et je  serai  personnel-

            lement  heureux  de  retrouver sous sa  plume un

            peu  de  son  amicale  pensée. Les  Varise  sont

            de  bons  amis  que  j'aimais  voir  à  New York.

                        En  hâte et  bien  cordialement  à  vous,

            avec mes meilleurs voeux pour Madame Yvan Goll.

                                 Alexis S t L. Léger

Saint-Dié des Vosges

26 novembre 1943 : double de la lettre de Goll à André Masson  sur papier Hémisphères 

à recopier

                                   Je vais aussi publier prochainement aux

            Editions HEMISPHERES  le génial RETOUR AU PAYS

            NATAL  d ' Aimé  Césaire,  en  français  et  en  anglais

            avec  une  préface  d ' André  Breton  et  les  dessins

            de  Lam.

                               Ah  oui ,  j'oubliais  de  vous  dire  que

            Jean  sans  Terre  paraîtra  en  français  et   en

            anglais ,  dans  la  traduction  de William  Carlos

            Williams  et  quelques  autres.

                                   Croyez-moi  sincèrement  vôtre

29 novembre 1943 : lettre d' André Masson à Goll 

à recopier

13 décembre 1943 : lettre de Roger Caillois (SUR) à Goll 

à recopier

21 décembre 1943 : double de la lettre de Goll à Henry Miller  sur papier Hémisphères 

à recopier


[1] cette lettre du 6 novembre n’a pas été retrouvée

[2] à côté de ce Quand à, une annotation manuscrite signée des initiales A. B.: faut-il être

               pour faire de pareilles fautes (voir S D d V )

[3] équipe de nuit

Publicité
5 décembre 2008

Correspondance de août 1940 à 1942

3 août 1940 lettre d'Eugène Jolas à Goll

                                                                       c/o Van Brunte

                                                                       Van Brunte Manor Road

                                                                       East Seataukett,  L.I. N

                                                                       Aug :  3. 40

Mon cher Goll :

Votre lettre  m'a atteint  au  bord  de  la  mer  dans  une grande  solitude .

Je suis très heureux d'apprendre la naissance de LA FRANCE EN LIBERTE.

Je  suis  convaincu  que  la  nouvelle revue, sous  votre direction, sera

de  la  plus  haute  importance  en  Amérique.  Les  collaborateurs  vous  ne

manqueront  pas.  Vous  pouvez  compter  sur  moi  sans  réserves.

Je suis un peu  étonné  du  ton  sarcastique  dont  vous  usez vers  la  fin  de

votre  lettre.  Vous  oubliez  un  peu  cavalièrement  tout  ce  que  j'ai  fait

pour  vous  dans  le  passé et  le  peu  d'empressement que vous avez  toujours

montré envers  mes propre efforts.  Je vous rappelle  par  exemple  la  part

que j'ai  consacrée  à  vous  et  à  Claire dans le Chicago Tribune.  Je vous

rappelle  aussi  les  traductions  que  j'ai  faites  de  vos poèmes  dans  Tran-

sition . Quant à Vertigral,  c'est  Arp qui  s'est  opposé à  votre  collabora-

tion.  Et  Volontés  :  j'ai  toujours  lutté  pour  vous  contre les  opinions

assez  acerbes  des autres. Je ne me  rappelle  pas  que vous avez jamais

écrit une  seule  ligne  sur  moi  dans  le  passé. Mais  cela m'était  toujours

égal.  Pour  parler  de  vous  en  Amérique,  j'attendais le numéro  de  la

Vxx  Partisan  Review   que  je  viens  de  recevoir  ici. D'ailleurs  j'aime

beaucoup ce poème.

Je vous souhaite bonne chance avec la nouvelle revue.

Bien des choses à Claire :

Very cordially

EugeneJolas

                                  

5 août  1940, double dactylographié lettre de Goll à Lionel ABEL

                                                           136 Columbia Heights

                                                           Brooklyn

                                                           Nov. I, 1940

                                                           August 5. 1940

            Cher Monsieur,

            Il y a longtemps que je voulais vous exprimer mon

admiration  pou  le  beau  travail  que  vous  avez  accompli

en  traduisant  divers  poèmes  de  Rimbaud,  et  surtout

l'étonnante  réussite  du  "Drunken  Boat".

                        But  I,  boat  locked  fast  between  river-lipa

                        Flung  by  the  tempest  into  birdless  zone

                        I  whom  no  Monitors,  no  Hansa  schips

                        Could  fish  up ,  water  drunken,  carcass  gone

            Voua avez  vaincu  des  difficultés  aussi  grandes  que

celles  qu'offre  la   navigation  dans  les  mers  antiques.

            Ce que je remarque surtout,  c'est que vous  avez  réduit

l'alexandrin  de  12  syllabes  au  vers  (iambique)  de  10

syllabes :  et  vous  avez  eu  xxxx  raison . Depuis  que j'ai

eu  la  possibilité  de   comparer les  prosodies  française  et

anglaise ,  je  trouve que  le  vers  anglais  emploie  beaucoup

moins  de  syllabes,  et  qu'il  faut  toujours  l'écourter

pour régler le compte  avec  le  français.

            Vous avez  sans  doute  vu  dans  " Partisan-Review " le

poème  de  Jean  sans  Terre  :  après  coup  je  me  rends  compte

qu'il  eût  mieux  valu  employer  en  anglais  un  vers  de 8  syllabes

ou  plutôt  de  quatre  pieds  :  car  le  même nombre  force  le

traducteur  anglais  à  faire  des  additions.

            D'ailleurs  la  plupart  des poèmes  dont  se  compose

" Jean  sans  Terre "  sont  écrits  en  vers  très  différents,

et  le  plus  souvent ,  de  5  syllabes seulement,  ce  qui  les

rend  très  différents  de  ceux  que  vous  avez  lu  dans  la

Partisan - Review.

            Je  voudrais  vous  envoyer  les  3  volumes  parus  à Paris,

dès  que  je  connaîtrai  votre  adresse .  J'espère  que  cette 

lettre  vous  parviendra,  vous  apportant  l'expression  de

mes  sentiments les meilleurs

                        

SDdV

12 août  1940, double dactylographié lettre de Goll à Jacques Maritain

                                                           136 Columbia Heights

                                                           Brooklyn

                                                           12 Août 1940

  Cher Jacques Maritain

    Dois-je  vous  avouer  que  votre  lettre  du  30  Juillet

a  été  très  salutaire  pour  moi, et que  vos  suggestions

pendant  votre  visite  chez  nous  m'ont  rendu  un  grand 

service ?

            J'ai  en  effet  pris  la  décision  d'éviter  tout  ce  qui

pourrait  sentir  la  politique  et  la  chose  actuelle.

Dans  ce  but ,  je  me  suis  séparé  de  mon  collaborateur

de  la  première  heure,  qui,   lui , veut  suivre  un chemin

différent.

            J'ai  abandonné  le  titre  "La  France  en  Liberté"

pour  un  autre  plus  neutre :  " La  Revue  Française  de

New  York ",  et  le  choix  des  collaborateurs  comme  les

sommaires  suivront  la  même  ligne.

             J'ai trouvé un  excellent collaborateur en  M. Colin,

qui  a  tant  fait  pour  les  lettres  et  les  arts  français,

et  qui, en  ce  moment ,  prépare  un  hiver  triomphal  à

M. Maeterlinck.

             M. Colin   voudrait  vous  inviter  un  de  ces  jours

à  déjeuner ,  pour  avoir  en   même  temps  l'occasion  de

vous  exposer  en  détails  tous  nos  projets,  tant  au 

sujet  de  la  ligne  générale  de  la  revue ,  que  des

collaborateurs  etc.

            Serez-vous libre  jeudi  prochain ?

            Nous  vous  téléphonerons.  En  attendant,  veuillez,

je  vous  prie, transmettre  à  Madame  Maritain  et  à  sa

sœur  les  meilleurs  souvenirs  de Claire

                                   et  de  votre  dévoué

                                               Ivan  Goll

SDdV

13  août 1940 : lettre de Jacques Maritain à Goll

New York City

30 Fifth   Avenue

                                               13  Août 1940

                                   Cher Ivan Goll,

                 Je réponds en hâte à votre lettre.  Je serai heureux

de  déjeuner  un  jour  avec  vous  et   M. Colin  ,  mais  cette 

semaine je  dois  m'absenter,  mieux  faudrait  choisir  un  jour

de  la semaine  prochaine. Voudriez - vous téléphoner un de ces

matins  pour  fixer  le  jour  ?

            Merci  des  adresses que vous me donnez de nos amis.

Je  vais  les transmettre à  l'Emergency  Reszcue  Committee.

                    A  bientôt.  Nos  meilleurs  souvenirs  à Madame

Goll

                        Croyez-moi votre  cordialement dévoué

                                                                       Jacques  Maritain

SDdV 510.318

18 août  1940, double dactylographié Goll au Prof. F. M. du Mont

                                                           136 Columbia Heights

                                                           Brooklyn

                                                           Aug.  18.  1940

                        Dear Prof. du Mont :

SDdV

18 août 1940 lettre d'Eugène Jolas à Goll

                                                                       c/o Van Brunte

                                                                       Van Brunte Manor Road

                                                                       East Seataukett,  L.I. N

                                                                       Aug :  18. 40

Mon cher Goll :

Vous  avez  raison :  la politique  est  l'ennemi acharnée de la poésie .

On  a  vu  ça  dans  la  littérature  depuis  dix  ans : la  stérilité  et  le

bon  sens de  la  propagande. Une revue  française à New York devrait

prolonger  la  durée  de la  poésie qui  sera  certainement  étranglée  sous

le  régime  fasciste  dans l'avenir.  Je  vous  souhaite bonne chance  avec

la  nouvelle  revue . Je  vous  envoie  quelques  poèmes, et si  vous  ne 

les  aimez  pas,  j'en  ai  d'autres.

            J'avais déjà écrit mon petit article dans  Living  Age - quel  boulot

tout de même  quand  votre  lettre  était arrivée. J'ai  parlé  de  votre

poème  dans  la  Partisan  Review.

Ma  femme et mes enfants arriveront finalement vers la  fin  de septembre.

Je  suis très  heureux.  On  va  recommencer la  vie.  Elle aura des nouvel-

les de Joyce qui a passé toute  la  guerre  dans  son  village.

Je  serai à  New York vers la  première  semaine  de  septembre,  et je vous

ferai signe.

Avec mes amitiés à vous  deux

Always

GeneJolas

SDdV

août ou septembre (?) 1940  lettre  de Pearl Minor à Goll **

                        Cher  ami,

                        Je  vous  remets  ci-jointe  la  lettre  à  envoyer

aux  heads  of  French  departments,   ainsi  que  la  vôtre.

                        Prière  de  noter ,  et  c'est  très  important  que

ici  vous  êtes  titulaire  d'un  Doctorat  de  Philosophie,

tandis  que  dans  votre  première  lettre ,  si  je  ne  me  trompe,

vous  étiez  titulaire  d'un  doctorat  de  sciences  politiques.

Ceci  est  grave.

                        Egalement, dans  le " Partisan  Review " vous  êtes

donné  comme  Suisse ,  tandis  que  ailleurs  vous  voulez

créer  l'impression  que  vous  êtes  français.  Faut  pas.

                        L'Association des Professeur  Français en Amérique

est  au  Lycée  Français  ( Chercher  l'adresse  dans  l'Annuaire

téléphonique.  Numéro  de  téléphone  est   At  9-1460).   Mr.  Pierre

Rodin  est  Président  de  l'Association  et  Directeur  du  Lycée.  C'est

le  renseignement  que  vous  voulez  ?

                        D'ici  qq  jours je vous enverrai  les noms des universités

non  trop  loin  de  New-York  à  qui  vous  pourrez  faire  votre  l'offre.

                        Egalement je pense  qu'une série de conférences comme

vous  proposez  faire  serait  peut-être   intéressant   au  Museum  of

Modern  Art.  Je  tâcherai  de  vous  procurer le  nom  de  la  personne

à  qui  il  faut  s'adresser.

                        Vladimir  Jabotinsky   est  décédé subitement  il  y  a  une 

dizaine  de  jours.  Un   terrible   coup.

                                                           En  hâte

                                                                       Pearl Minor

P.S.  Il vaut mieux  de  continuer de  vous  servir de mon  adresse :

c/o Minor, 308  W 30th St.  pour ne pas mettre la  confusion dans l'esprit des heads.

SDdV

27 août 1940 : double d'une lettre de  Goll à Clark Mills : ****

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn

                                                                       August 27, 1940

            Mon cher Clark

            Voici vraiment la première nouvelle réconfortante  qui

me  parvienne  depuis  mon  arrivée  en  Amérique  - il  y a

exactement  un  an  cette  semaine !  Et  c'est  à  vous  que  je

la  dois  !  Sachez,  dans  quelle   mesure  cela  me  lie  à  vous !

Cette  proposition  de  Pearce  me  rend  un  courage que  j'étais

en  train  de  perdre  complètement.

     Et  je me  sens  en  ce moment  tellement  peu  en  forme que

je  redoute  d'aller  chez  cet  éditeur.     Au  contraire,  je

vous  propose  d'engager  seul  des pourparlers  avec  lui.

J'ai  aussi  d'autres  raisons  pour  ceci.

            I) La maison  Duell, Sican  et  Pearce  s'est  directement

adressée  à  vous  et  non  à  moi.  C'est  normal,  c'est  vous,

le  traducteur ,  l'auteur  du  texte  anglais,  qui  devez  traiter 

avec  elle.  C'est  vous  qui  devez  représenter  mes  droits.

            2) Le poète ne peut pas lui-même plaider pour son œuvre,

comme  doit  le  faire  le  traducteur.  Ce  ne  serait  même  pas 

digne.  En  plus,  avec mon  mauvais  anglais, je  serai  toujours

en état d'infériorité.

            3) Le poète  invisible a  toujours plus  de prestige.  Au

fond,  il  vaudrait mieux  que  je  sois  mort.  Mais tout de même,

n'attendons pas aussi longtemps.

            Ne  m'en  veuillez  donc  pas,  si  je  ne  vais  pas  chez Pearce,

et  si   je  vous  prie  de  conduire  les  pourparlers.  Ne  m'en

veuillez  pas,  si  la  question  d'un  emploi  pour  vous  ne  soit

pas  immédiatement  abordée .  Je  crois  que  vous  seriez  aussi

beaucoup  plus  à  l'aise  pour  discuter  cette  question, si  vous

étiez  déjà  l'auteur  de  la  maison,  si  vous  aviez  un  contrat,

si  vous  y  sentiez  en  quelque  sorte déjà  un  peu  chez  vous.

            D'ailleurs,  à  première  vue,  votre  espoir  me  semble

léger ;  selon  le  titre  de  la  firme ,  ils  sont  déjà  trois

directeurs.  Il  vous  faut  trouver  un  poste  de  quelque 

envergure.  Mais  enfin,  c'est  à  voir.

            En  vous  proposant  de  traiter  seul  avec  cette Maison,

je  me  mets  délibérément  entre  vos  mains    non ,  j'étais

et  je  voulais  être  entre  vos mains  dès  le  jour,    vous

m'avez  proposé  de  traduire   " Jean  sans  Terre  ".

            D'autres  poètes m'ont  proposé  depuis  de  traduire   

" Jean  sans  Terre " :   j'ai  toujours  refusé  en  alléguant 

que  je  vous  considérais  vous  comme  le  traducteur.

( La traduction de  William  Carlos  Williams  me  semble

être  surtout  un  geste d'hommage  amical.)

            Vos  longs  silences  m'ont  souvent  chagriné.  Je

sais  fort  bien  que  vous  aviez  très  peu  de  temps, même

pour  vos  propres  oeuvres.  Mais  une  carte  postale de vous

m'aurait  tranquillisé,  alors  que  je  sentais  que  vous 

boudiez ,  sans  pouvoir  m'expliquer  pourquoi.

            Mais  enfin,  tout  s'est  aplani, et dimanche dernier,

j'ai  senti  votre  réelle  amitié.  Je  me  réjouis  beaucoup 

de  notre  rencontre  prochaine .  Je  crois,  en  effet,  qu'en

8  jours ,  nous  pourrions  abattre  un  travail  considérable.

Je  crois  qu'en  8  jours  vous  pourriez  traduire  au  moins

la  moitié  de  Jean  sans  Terre.  Les  premiers  livres  sont 

faciles  à  traduire,  surtout  si  vous  ne  vous  enchaînez 

pas  à  la  rime, ce  qui,  réflexion  faite, doit  être  envisagé.

            Pendant mon  séjour à  La  Havane, une jeune Cubaine

a  traduit tout  le  I.  Livre  de  Jean  sans  Terre  en  5  jours,

et  je  pense  que  la  traduction  espagnole  paraîtra  bientôt.

            Je  me  réjouis  énormément  à  la  pensée  de  venir

bientôt  à  Ithaca .  La  présence  de  Claire  créera  d'ailleurs 

une  ambiance  poétique ,  qui  est  de grande  valeur.  Vous

apprendrez  peut-être ,  à  notre contact,  une  forme  d'existence

que  vous  ne  connaissez  pas.  Les  discussions  littéraires 

avec  Claire  ne  seront peut-être  pas  sans  influence  sur

vous.

            J'attends  donc  de  vos  nouvelles.  Si  vous  avez

annoncé  ma  visite  à  Pearce,  écrivez-lui  maintenant 

que  je  suis  parti  à  la  montagne, et  que  je  vous  ai  chargé

de  mener  les  pourparlers.  Mais  ne  proposez  surtout pas

les  " Chansons  Malaises " :  je  les  considère  comme une

œuvre  mineure,  et  je  ne  désire  absolument  pas  qu'elles 

paraissent  avant  " Jean  Sans  Terre ". Vous  savez  que  je 

laisse  dans  l'ombre  toute  ma  production  d'avant  " Jean 

Sans  Terre ", et  que  je  n'ai  jamais  eu  beaucoup d'enthou-

siasme  à  la  pensée  d'envoyer  des extraits  des  " Chansons 

Malaises "  aux  revues .   Je  ne  veux  être  introduit  aux 

Etats-Unis  que  par  " Jean  Sans  Terre ".  Plus  tard,  nous

verrons.

            Mon cher Clark : je lutte hautement pour mon  œuvre,

l'unique  chose  qui  m'importe  avant  de  mourir. Permettez-moi

de  ne  penser  qu'à  elle,  pour une  fois.

                                   Ma  main  amie

SDdV 818 052

28 août 1940 : double d'une lettre de  Goll à Clark Mills :

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn

                                                                       August 28, 1940

            Mon cher Clark

             Merci  pour  votre  précieux  envoi  de  ce  matin :  les

trois  photos  ont  beaucoup  réjoui  Claire,  dont  le  premier

geste  a  été  d'aller  m'acheter  un  flacon  de  brillantine.

            Quant à " Hérodias " que  j'attendais depuis longtemps,

c'est  avec  un  plaisir  de  gourmet  que  j'en  ai  savouré

la  traduction,  note  et  commentaires.  Vous  apportez  une

contribution  importante  à  l'art  de  traduire . J'admire

que  vous  puissiez  combiner  l'exactitude  et  l'effet  poétique,

ce  qui  est  rare  et  ce  qui  est  l'idéal.

            Aussi,  inutile  de  vous  dire  combien  je  me  trouve

heureux  d'avoir  trouvé  en  vous,  comme  je  vous  l'écrivais 

hier  le  porte-parole  de Jean  Sans  Terre .

    A ce sujet,  je  vous  ai  envoyé  un  télégramme ce  matin

pour  ajouter  un  post-scriptum  à  ma  lettre  d'hier :

            Je  maintiens  qu'il  est  préférable  que  vous  entriez

d'abord  en  contact  avec  Pearce,  mais  je  veux  ajouter

que  j'approuve  entièrement  votre  attitude :   " it  might

be  better  to  let  him  persuade  us  to  give  him  manuscript,

rather  dan  to  seem  to  eager  ".

            Donc attendons un peu avant  de  lui  écrire davantage.

Je  craignais  que  vous  lui  écriviez  trop  vite  une  seconde 

lettre.  Je  suis  d'avis  que  nous  restions  muets  jusqu'au

jour    nous  pourrons  lui  présenter  tout  de  suite  un

manuscrit  terminé. Si  nous  nous  mettons  tout  de  suite au 

travail, comme  vous  me  le  faites  prévoir,  nous  pourrons

lui  soumettre  un  travail  manuscrit  tout  prêt.

            Vous devez être éreinté par ce travail de déménagement !

Mais  peut-être  se  trouve-t-il  quelque  fée  (russe  ou  rousse)

pour  vous  aider  à  vous  installer ?

            Claire  ne  parle  déjà  plus  que  d'Ithaca. Elle  fera  très

bien  comme  Pénélope.

                                               Bien  à  vous

SDdV 818 052

30 août 1940 : double d'une lettre de  Goll à William Carlos Williams ***

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn

                                                                       August 30, 1940

            Mon cher William Carlos Williams

            Votre  long et inexplicable silence commence à m'inquiéter

après  qu'au  mois  de  juillet, ou  même de juin,  vous  m'aviez 

promis  " qu'on  se  verrait  dans  quelques  jours ".  A  force

d'attendre ,  on   s'habitue  à  l'attente ,  et  l'on   souffre ,

au  lieu  de  prendre  la  plume  et  d'écrire  soi-même.

            Finalement ;  les suppositions  les  plus  folles  me

viennent  à  l'esprit  :  W.C.W.  est-il  fâché  contre  moi  ?

Lui  a - t  on monté  la  tête ?  ai-je  quelque part  des  ennemis

inconnus ?

            Peut-être  vous  imaginez-vous  que  je  vous  ai  caché

quelque  chose    en  attendant  simplement  votre  arrivée

pour  m'ouvrir  à  vous  tout  entier ?  N'avez-vous  pas aimé

la  publication  de  " Jean  Sans Terre  traverse  l'Atlantique "

dans " Partisan Review" ?   Taupin  vous  a-t-il  raconté  à  sa 

façon  nos  projets  d'éditer  " La  France  en  Liberté ",  projets

arrivés  à  un  point  mort,  lorsque  je  déclarai  qu'en  principe,

un  magazine,  comme   je  l'envisage,  devrait  s'abstenir

de  tomber  dans  la  politique  et  dans  la  polémique ? Et  sans

doute  attendiez-vous  que  je  vous  entretienne  à  mon  tour 

de  cette  entreprise ?

            Tout  cela  serait  de  peu  d'importance,  si  nous  avions 

eu  un  entretien  d'une  heure, et  si  nous  avions  pu  échanger

des  pensées ,  que  depuis  toute  une  vie,  nous  avons  omis

de  nous  communiquer.

            Enfin  il  reste  une  troisième  supposition :  j'ai  envoyé

à  James Laughlin  votre  traduction  de  "John  Landless leads

the  Caravan ".  Je  crois  que  je  vous  avais  annoncé  jadis

mon  intention  d'envoyer  le  poème  à  " Poetry " de  Chicago,

et  vous  ne  vous  y  êtes  pas  opposé.  Plus  tard, j'ai  pensé

que  " New Directions "  était  bien  plus  important. Et  j'ai

aussi  envoyé  un  autre  poème  inédit  " Jean  sans Terre  nettoyé

par  le  vide "  et  sa  traduction  par  Clark  Mills .

            Je  n'ai  pas  reçu  de  réponse  de  Laughlin,  ce  qui 

m'étonne  aussi  beaucoup.  Je  sens  de  ce  côté  une  certaine

résistance,  qui  me  semble  étrange  également.  Je  me  demande

si  les  Surréalistes,  dont  il  prépare  une anthologie,  n'y

sont  pas  pour  quelque  chose.  En  tout  cas, je  sais  que

Nicolas  Calas  est  entré  dans  une  violente  colère  à  la

lecture  de  la  " Note  on  Jean  sans  Terre " par  Louise

Bogan, dans  " Partisan Review "  de July-August, où  elle

écrit  des  choses  vraiment  faites  pour  déplaire  aux

Surréalistes,  mais  pour  lesquelles,  au  fond, je  ne

suis  nullement  responsable !

      En  ce moment  donc,  les Surréalistes ont  une  place

favorite  à  " New  Directions ".  Est-ce  pour  cela  que

Laughlin  me  boude ?  D'ailleurs,  je  ne  suis  pas  du  tout

antisurréaliste  :  au  contraire,   je  me  sens  aussi   surréa -

liste  que  beaucoup  d'entre  le  groupe ,  sans  en  faire

partie  officiellement.

     Il  se  peut que toutes ces  suppositions  soient erronées,

et  que  de  toutes  ces  élucubrations  bien  françaises,

rien  ne  soit  pas  possible  dans  cette  grande  et  franche

Amérique.

     En  effet, l'accueil  des  Américains  est  si  généreux,

et  vous-même  m'en  avez  donné  un  exemple  si  sensible,

que  j'ai  honte  maintenant  de  ces  craintes  mièvres.

    Je  montre  à  tout  le  monde  votre  belle  traduction

de  " John Landless  leads  the  Caravan  ", dont  je  suis

si  fier.

     Mon  Dieu,  que cette question des  traductions est

donc  difficile.  Le  traducteur  est  toujours  quelqu'un 

qui  se  sacrifie et  qui  se  soumet.  Et  les  poètes  ont

leurs  propres  chimères  qui  les  tourmentent. Ainsi,

Clark  Mills,  qui  est  professeur  à  Cornell,  Ithaca,

ne  peut  aussi  me  consacrer  que  peu  de  temps.

     De  désespoir,  savez-vous ce que je viens de faire?

Je  viens  de  traduire  moi-même  mon  dernier  poème  :

"  Jean  Sans  Terre  aborde  au  dernier  Port ", et  je  suis

tout-à-fait  confus  du  résultat.  Je  vous  l'envoie

ci-inclus, et  je  vous  serais  très  reconnaissant  de

me  dire  très  franchement  ce  que  vous  en  pensez.

   J'aurais  voulu  envoyer  ce  poème  aussi  à  Laughlin,

de  sorte  qu'il  ait  ainsi  une  petite  trilogie,  dont  je

vous  soumets  ci-inclus  aussi  les  2  autres  pièces.

   Nous  habitons  maintenant  à  Columbia Heights, régnant

ainsi  sur  tout  le  port  de  New  York,  de Brooklyn  Bridge

à  la  Statue  of  Liberty.   Je  lui  dois  " Le  Dernier  Port ".

Viendrez-vous   un  jour  contempler  cette  vue  unique ?

            Croyez-moi  très  affectueusement  votre

SDdV

1er septembre 1940 : double d'une lettre de  Goll à Clark Mills ***

                                                    New York, Sep  I, 1940

            Mon cher Clark,

      C'est  vraiment le cœur  battant,  que je vous  regarde

vous  débattre  avec  tant d'obstination  contre  un  sort

défavorable.  Cornell  est  en  train  de vous  dévorer, et

vous  luttez  contre  cette  hydre  avec  le  courage  d'un 

Thésée .

    Je  me  sens  presque  coupable, ici  à  New York, de  ne

pouvoir  vous  venir  en  aide.  Mais  moi-même  arrivé  ici

il  y  a  exactement  un  an , je  n'ai  pas  encore  réussi  à

gagner  un  seul  dollar     sauf  ceux  de  Partisan  Review.

            Il  semble  que  le  poète,  dans  la  société  actuelle,

soit  condamné  d'avance,  soit  à  la   famine ,  soit  à  la

reddition  et  à  l'abandon  de  sa  liberté.

            Mais ,  restons  poètes ,  l'un  vis-à-vis  de  l'autre.

Vous  êtes  venu  vers  moi  à  Noël,  il  y  a  8  mois, pour

me  proposer  de  traduire  Jean  sans  Terre . Aujourd'hui,

2  poèmes  sont  traduits,  et  pas  un  seul  des  3  volumes

existants.    Je  comprends  l'angoisse  qui  vous  étreint

à  la  pensée  de  l'hiver  prochain.  Mais  je  vous  demande

une  seule  preuve  de  votre  "faithfullness"   envers  " Jean

sans Terre"  :  c'est  de lui  consacrer  pendant  ces  vacances,

c'est - à - dire  avant  le  25  Sep.,  8  jours  entiers.  Si  cela

ne  vous  est  pas  possible,  vous  m'avertissez  vous-même 

que  le  cas est  sans  espoir.

            Vous  le  sentez  vous-même  qu'un  traducteur  doit à

l'œuvre ,  dont  il  a  pris  la  charge,  un  dévouement  spécial :

il  l'adopte ,  il  doit  faire  pour  elle  autant  que  pour  ses

propres  enfants.

            Les  résultats  ont  prouvé  que  le  temps  consacré  à

Jean sans Terre  ne  serait  pas  du  temps  perdu.  Vous  me

demandez  mes  derniers  manuscrits :  j'en  ai  très  peu.

Vous  avez  la  Chanson  de  France. Le  poème  traduit par

William Carlos  Williams  est  le  I  du  3. Volume.

            Ce  qui  importe  aujourd'hui,  c'est  de  préparer  le 

terrain  pour  la  traduction  des  3  volumes   (en  partie).

Aussi,  c'est  ce  que  je  viens  de  faire,  en traduisant  pour

mon  plaisir  " JST  devant  le  Miroir "  (Vol. I.)  J'ai  même

joué  la  difficulté  en  employant  la  double  rime, ce  qui

n'est  pas  nécessaire.  J'ai  simplement  voulu  voir  ce  que

cela  pourrait  donner.  Vous  sourirez  peut-être.

            Les  jours  prochains  éclairciront  la  situation.

Je  vous  ai  demandé  d'écrire à  M. Pearce  dans  le  cas

  vous  seriez  vraiment  le  traducteur  et,  pour  ainsi

dire,  le  fondé  de  pouvoirs  de " Jean sans Terre" . Et

pour  lui  annoncer  que  nous  lui  soumettrions  au  moins

une  partie  de  la  traduction  avant  la  fin  de  ce  mois.

Mais  si  vous  ne  voyez  pas  la  possibilité  d'arriver  à

ce  résultat,  inutile  de  lui  écrire.  J'irai  le  voir.

    Seligmann  m'a  dit  que  vous  aviez  décidé  de  publier

un  nouveau  volume  avec  lui.  Peut-être sont-ce  des

travaux  de  dernière  heure  qui  vous  empêchent  de  vous

consacrer  à  une  tâche  promise  depuis  des  mois ?

                                   Croyez-moi  sincèrement vôtre

SDdV 818 052

3 septembre 1940, lettre de William Carlos Williams à Goll

                                                           September  3 .  1940

Dear  Goll  :

            We  ' ll  meet  around  New  York  sometime  this  winter  I 'm

sure  but  let 's  not  pretend  more  than   is  possible. I  had   every

intention  of  going  in  to  see  you  as  I promised  last  spring  but

found  it  impossible  at  the  time  due  to  the  work  here  where   I

my  mind  to  let  it  go  at  that.  I  can  do  no  more.  I 'm  sorry  if

you  have  counted  on  my  closer  assistance.

            As  you  say  I  did   meet  Calas  at  the  house  of  a  friend

and  spoke  to  him  of  you.  He  said  he knew  you  but  gave me the

impression that  you  were  not  friends.  He  did not however attack

you, he merely said that you  had nothing  in  common.

            Then  I  saw  your  name  on  Rene  Taupin's  prospectus  and

expected  that  I  might meet  you  ar  his  house  in  the  country  one

Sunday  when  I  was  there.  But  a  said  that  you  had  decided not

to  contribute  to  his  new  magazine. So it  goes. The  unexpected is

always  happening  and  what  we  expect  to  do we  seldom  fully

accomplish. My  life  is  an  extremely  busy  one.  I  find too  often

that  I  have  promised more  than  I  can fulfill.  I  must  stop  it.

            The  translation  by  Clark  Mills  is  I  think  very  well  done.

My  own  seems a  bit  awkward compared  to  it  though  I  have  not

compared  the  originals. Your  own translation  of  the  third  place

is  rather  poor. You  have changed the  meanings  of  the  lines  so

much  that  the  translation  wouldn ' t  evan  be recognized  as  the

original  in  several  places. For  that reason  I  have  sent  with  this

a  sketch  of    hat  seems  to  me  a   better  basis  to  work  on.

            The  world  is  in  so  disturbed  a   state  that  I  hope  you

will  forgive  me#  for  my  dilatoriness.  I  can ' t do more than I am

doing. An  may  I  say  that  I  admire   what  you  have don  even

though  I  understand  quite  well why  Nicolas  Calas  opposes  you.

I  agree  with  him  in  some  things    as  you  do  yourself.

                                               Sincerely  yours

                                   WCWilliams

SDdV

5 septembre 1940 : double d'une lettre de Goll à Padraic  Colum

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn. N.Y                                                                                                                     Sep  5, 1940

            Chers  Amis,

  N'ayant  plus  rien  entendu  de  vous  depuis  longtemps,

nous  espérons,  Claire  et  moi,  que  vous  avez  passé

un  été  à   la   fois  agréable  et  fertile.   Fertile  dans  le

double  sens ,  que  vous  ayez  pu  faire  des  lectures,

mais  aussi  que  vous  avez  pu  écrire  des  oeuvres .

            Pour  ma  part,  je  souhaite  que  le poète  Padraic

ait  de  nouveau  écrit  une  série  de  poèmes,  dédiés  soit

aux  fleurs  aux  oiseaux  ou   aux  étoiles,  et  dont  chacun

contient  pourtant  le  monde  entier.

            Pour  ma  part,  cet  été,  j'ai  enregistré  un  premier

résultat  :  "Partisan Review"  a  publié  mon  poème

" Jean  Sans  Terre  traverse  l'Atlantique ",  en   français

et  dans  la  traduction  anglaise,  dûe  au  poète Clark  Mills,

qui  est  actuellement  Professeur  à  Cornell  University.

Ithaca.  ( Je  vous  envoie  le  numéro  du  magazine.)

            Et  justement,  je  voulais  vous  parler  de  lui  :

Clark  Mills  est  assez  malheureux  à  Ithaca , où  ses

travaux  universitaires  l'empêchent  dans  une  mesure

considérable  d'écrire  les  oeuvres  qui  le  hantent.

Il  cherche  un  autre  emploi  à  New  York,  mais  c'est

actuellement  très  difficile  d'en  trouver  un.

            Aussi,  pour  obtenir  un  peu  de  liberté,  il  brigue

cette  année  la  " Guggenheim  fellowship" :  je  crois  que,

si  vous  vouliez  donner  des  références  à  son  sujet,  et

appuyer  ainsi  sa  candidature,  vous  lui  rendriez  un

très  grand  service ,  et  à  moi  aussi ,  car  il  trouverait 

ainsi  plus  de  temps  et  d'aisance  pour  traduire  mes

poèmes  de  "Jean  sans  Terre ".

            Je  suis  à  votre  disposition  pour  vous  donner  tous

les  renseignements  que  vous  pourriez  désirer .  Dans

l'espoir  de  vous  revoir  bientôt  tous  les  deux  à  New  York,

recevez ,   chers  amis , les  meilleures  amitiés  de  Claire

                                               et  de  votre

SDdV

12 septembre 1940  carte de Goll à Mr et Mme Alphonse Lazard

chez M. Cahen, 26 Boul Lhotelier à Dinard, Ille et Vilaine, France

retour à l'envoyeur

Mes bien chers,

Je viens vous envoyer à l'occasion des fêtes les meilleurs voeux de Claire

et de moi-même, dans l'espoir que vous supportez en bonne santé et avec

confiance ces temps difficiles. Voyez(vous souvent ma chère Rebecca qui

est bien seule et à laquelle il faut pardonner bien des maladresses.

L'humanité est tellement à plaindre : il faut que les individus se pardonnent

leur condition humaine.

Bien des choses à vos enfants.

Sincèrement votre   Mignon

SDdV 510311. I

16 septembre 1940 : double d'une lettre de Goll à Edouard Roditi *** (1/16)

                                                                       Ithaca   Sep.  16, 1940

                                   Mon cher Edouard Roditi

            Le  premier  geste  de Clark  Mills, à  mon  arrivée  à

Ithaca  samedi  dernier,  a été  de  me  transmettre

votre  lettre.  Un  tel  souvenir  de Paris ,  venant  à  ma

rencontre,  dans  la  première  ville  à  l'intérieur  de

l'Amérique …. C'est  bien  bizarre, et  cela  m'a  beaucoup

touché.

   Je  me  rappelle  les  heures  ardentes  que  nous  avons 

passées  ensemble,  dans  ce  Paris ,  dont  la  poésie  était

encore  le  seul  souci,  " le  beau  souci ".

  Et  c'est  sur  les  chemins  poétiques  de  la  terre  que

nous  nous  rencontrons  de  nouveau. J'en  suis  ravi.  La

poésie  est  notre  seul  sauvetage  et  notre  dernière  raison

d'être.  Elle  vient  à  nous,  ici  en  Amérique ,  pour  nous

faire  oublier  la  dureté  de   notre  route ,  qui  est  longue,

longue  encore  sur  une  terre  qui  devient  pourtant  petite,

si  petite.

  Selon  votre  désir,  je  vous  envoie  mes  derniers  livres

de  vers,  qui  ne  seront, à  votre étonnement,  pas  du  tout 

ce  que  vous  attendiez,  puisque  vous  me  parlez  de  ceux

que  vous  avez  connus avant  1936.   Depuis   j'ai  entrepris

ce  poème  de  " Jean  sans  Terre "  dont  la  longueur  n'est

pas  à  prévoir,  puisqu'elle  dépendra  sans  doute  de  celle 

de  ma  vie.  J'exprime dans " Jean  sans  Terre "  tout  ce  que

j'ai  sur  le  cœur  et  dans  la  tête,  et  ce  que,  je  pense,

ont  aussi  tant  de  mes  contemporains.

  Voici  les  trois  volumes  qui  ont  paru  à  Paris.  Je  suis

en  train  d'écrire  le  quatrième  ici,  qui  contiendra  des

poèmes  d'une  haleine  plus  longue  que  les  quatrains  popu-

laires  des  premiers  volumes,  tel  que  ce  poème  qui  vient

de  paraître  dans  " Partisan  Review ".  Clark  Mills  me  les

traduit.

              Je  serai  très  heureux  de  lire  dans  "Diogenes " 

qui  a  aussi  demandé  à  Clark  Mills  quelques  poèmes  trad-

uits    votre  opinion  sur  cette  œuvre ,  à  cette  distance ,

dans  le  temps  et  l'espace,  de  ses  origines.

              Je  rentrerai  la  semaine  prochaine  à  New  York, où

nous  sommes  installés,  ma  femme  et  moi,  à  Brooklyn,  et

  nous  serons  heureux  de  vous  recevoir ,  si  vous  y  passez

un  jour. 

                                      Bien  cordialement  votre

136 Columbia Heights

Brooklyn, N. Y.                                             IvanGoll

SDdV

ne  peut  être  reproduit  sans  l'accord de l'UNIVERSITY OF CALIFORNIA

, LOS ANGELES DEPARTMENT  OF SPECIAL COLLECTIONS.

            

The Nation 151-n°41 (hebdomadaire) : 28 Sept. 1940 :

Ivan Goll, * Chanson de France Nous n'irons plus au bois ma belle

2 octobre 1940 : double d'une lettre de  Goll à Laughlin

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       BROOKLYN

                                                                       New  York

                                                                       Oct.  2, 1940

                        Cher  Monsieur  Laughlin

            Après  les  premiers  encouragements  que  vous  m'avez

         écrit  au   printemps   et  l'intérêt   que  vous  avez  porté

         à  mon  œuvre,  selon  une  lettre  que  m'a  envoyée à  cette   

        époque  Delmore  Schwartz,  vous  vous  êtes  subitement  détourné 

        de  moi,  et  je  viens  d'apprendre  enfin,  pourquoi .  C'est

        Nicolas  Calas  lui-même  qui  m'a  avoué  vous  avoir  décon  -

        seillé  de  publier  mes  poèmes.

            Nicolas  Calas  a  le  droit  de  ne  pas  aimer  ce  que  je

          fais .  Il  est  surréaliste .  Il  est  d'une école .  Et  vous

          connaissez  assez  bien  les  milieux  littéraires  de  Paris

          d'antan,  pour  savoir  qu'une  chapelle  exclut  sans  pitié

          tout  poète  qui  ne  professe  pas  sa  religion.

              D'autre  part, l'hostilité  de  Calas  redouble, lorsque

          dans  Partisan - Review,  Louise  Bogan,  en  écrivant  un

          petit  article  sur  moi   ( que  vous  connaissez  sans  doute)

          attaque  le  surréalisme. Cela  ne  fut  pardonné  ni  à 

          Bogan,  ni  à  Partisan,  ni  à  moi.

               Mais  vous,  cher  Monsieur  Laughlin, vous vous intéressez

          à  toutes  les  " New   Directions ".  Vous  n'auriez  pas 

          n'écouter  que  les  voix  d'une  rive,  et  rejeter  les  autres.

             Vous  admirez  par  exemple  aussi  William  Carlos  Williams

          (qui  n'est  pas  le  moins  du  monde  surréaliste)  et  j'ai

          le  grand  honneur  d'être  estimé  par   Williams.   Je  vous

          ai  déjà  envoyé  une  traduction  qu'il  a  faite  de  mon  poème

          " John  Landless leads  the  Caravan ".  Et  voici  qu'il  vient

          de  m'envoyer  une  autre  traduction  " John  Landless  at  the

          Final  Port ".

              Je  voudrais  vraiment  savoir,  Monsieur  Laughlin ,  si

          vous  rejetez  ma  poésie ,  et  pourquoi .  Les poètes  s'entre-

          déchirent  comme  des  loups.  Mais  vous  devez  être  un  juge 

          impartial

             Faut-il  qu'à  notre  époque,  le  poète,  chassé  de  partout,

          par  les  ennemis  de  l'esprit,  soit  finalement  dévoré 

          par  ….  les  poètes  ?

                                               Croyez-moi  sincèrement  votre

                        

SDdV

9 octobre 1940 ce brouillon de Goll  pour Gustave Cohen **

datée par  Claire  9 octobre  1941

            M. Clark  Mills  a  déjà  rendu  des  services  importants

à  la  littérature  américaine  et  française, comme  poète

et  comme traducteur.

            Les  nombreux  poèmes  qu'il a  publié  dans  Poetry,

Voices,  Partisan-Review,  et  autres  magazines  prouvent

qu ' il  allie  à  une  technique  du  vers  très  raffinée  et

personnelle  une  sensibilité  et  une  émotion, qui  font

de  ses  poèmes  des  modèles  de  perfection.

            Son  séjour  en  France  a  laissé  des  traces  profondes 

dans  toute  son  œuvre : il  y  a  étudié  à  fond le  symbolisme

et  il  en  est  devenu,  non  seulement  le  commentateur, mais

mais  un  héritier  indirect  pour  l'Amérique.  En  tant  que

poète ,  Clark  Mills  a  rapporté  de  France  une  série  de

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

xxxxxxxxxxxxxxxx tableaux et  de  portraits  qui  expriment,

comme  dans   "Port-Royal "  ou  "Rimbaud" ,  xxxxxxx

toute  l'atmosphère  d'un  pays.  Le  génie  de  ses  paysages

et  l'esprit  de  ses  grands  hommes,  dans  des  raccourcis

merveilleusement  clairs  et  concluants.

            Cette  fréquentation  constante  avec  les  symbolistes

lui  a  également  permis  de  rapporter  en  Amérique, des

traductions  qui  prouvent  sa  parenté  avec  ses  pairs.

Dans  "Hérodiade"   de  Stéphane  Mallarmé,  qui  a  paru

cet  été  1940,  et  qui  lui  a  valu  les  éloges  d'un  grand

nombre  de  critiques,  Clark Mills s'est  attaqué  à  la  tâche

la  plus  rude ,   car  Mallarmé  est  réputé  pour  être  le  poète

le  plus  difficile  de  tous  les  symbolistes  ;  c'est  avec 

maîtrise  cependant  qu'il  a  surmonté  cette  suprême  épreuve.

            Ceci  dit,  c'est avec  une  grande  satisfaction  que

je  peux  attester  que  Clark  Mills  vient  de  traduire  une

grande  partie  de mon  poème en  trois  parties Jean sans Terre :

avec  une  aisance  et  un  savoir-faire  remarquables :

car  non  seulement  ,  son  vers  flexible  se  soumet  avec

un  élasticité  de  danseur  à  toutes  les  fantaisies  de

l'original,  mais  il  ajoute  aussi  les  raffinements  nouveaux

de la  langue  anglaise.  En  faisant  ceci, le  traducteur  ne

devient  pas  seulement  un  adaptateur,  mais  un  créateur.

            Clark  Mills  possède  en  lui  de  grandes  ressources

artistiques  et  spirituelles.  Je  suis  certain  que  s'il  avait

le  temps  et  la  liberté  de  s'adonner  corps  et  âme  à  la

littérature, il  produirait  des  oeuvres  de  grande  valeur.

SDdV

9 octobre 1940 : double d'une lettre de  Goll aux Chagall

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       BROOKLYN

                                                                       New  York

                                                                       U.S.A.

                                                                       9  Octobre  1940

            Chers   Marc  et  Bella

                  Nous  avons  reçu  de  vos  nouvelles  par  des  amis

            communs,  et  j'ai  eu  la  joie  d'apprendre  que  nos

            efforts  auprès  du  Museum  of  Modern  Art,  pour  organiser

            quelque  chose  pour  votre  peinture,  sont  couronnés  de

            succès.  Sans  doute  avez-vous  été  avisés  directement.

                        Mais  de  notre  départ,  nous  sommes  tout-à-fait  à

            votre  disposition  pour  faire  d'autres  démarches  dont

             vous  auriez  besoin.

                        Savez-vous  que  vos  amis  de  Toronto  sont  arrivés

            ici ?  C'est  M.  qui  vient  de  me  le  téléphoner.

                        Nous  espérons  que  vous  vous  portez  bien ,  tous 

            les  quatre, et  que   c'est  en  famille  que  vous  pourrez 

            entreprendre  le  voyage.

                        Recevez  notre  fraternel  souvenir

SDdV

10 octobre 1940  carte de Goll à Madame Veuve D. Kahn

chez Madame Le Marinier, 24 Boul Lhotelier à Dinard,Ille et Vilaine, France

retour à l'envoyeur

10 Oct. 40

136 Columbia  Heights

Brooklyn, New  York

Ma chère Rifka

A la  veille  de la  grande A 

que je célébrerai comme de coutume en pensant à toi et à tout mon passé,

je t'envoie  mes meilleurs voeux de bonne santé. Demain  ce sera le grand jeûne

pour nous tous en Amérique qui sommes de cœur  avec vous.

            Je n'ai rien reçu de toi depuis le début du mois d'Août, mais je sais que

les correspondances sont devenues très rares. Claire se joint à moi pour t'envoyer nos plus affectueux baisers

           Mignon

SDdV 510311. I

11 octobre 1940  lettre d' Edouard Roditi à  Goll

                                   11 / 10 / 40

                                   Vendredi  soir

                                   Cher  ami,

            J'ai passé  deux  jours  tuants

à  New  York  sans  trouver  un  instant

pour  vous  faire  signe,  tant ,  sans

téléphone ,  vous  êtes  difficile  à

rejoindre ;

            Je  serai  de  nouveau  à  N. Y.

dimanche  matin  ou  dimanche  soir.

Pourriez - vous  donc  essayer  de  me

téléphoner  vers  dix  heures  du  matin,

dimanche  ou   lundi ,  chez

Ed  Horn ,  3  East  69 th ,  pour

que  nous  prenions  rendez - vous.

J'habite  chez  lui  et  il  est  dans 

l'annuaire.

            J'ai  vu  Vera Sandomirsky

qui  m'a  montré votre  première

plaquette .  Bravo

                        cordialement,

                                   E Roditi

Lundi  matin  plutôt  vers  9  heures

et  demi, s. v. p.    je  veux  sortir  vers

10  heures

SDdV

13 octobre 1940  lettre de James Laughlin à  Goll


             NEW                           NORFOLK

  DIRECTIONS              CONNECTICUT

                                   Le  13  Octobre

Cher  Monsieur  Goll  -

                                   Je  vous  assure  que  vous  avez tort.

Je  n'ai  rien  contre  vous,  et  je  n'écoute  point  ce  que 

dit  Calas .  C'est  un  gentil   type  mais  un  peu  fou  dans

ses  jugements  littéraires.

                                   Si  je  ne  vous  accorde  pas  place

dans  New  Directions   1940  c'est  tout  simplement  qu'il

y  avaient  trop  de  choses  qui  m'intéressaient  plus.

                               Je  ne  veux  pas  dire  que  vos  choses 

ne  sont  pas  bonnes .  Au  contraire,  je  les  trouve  très

intéressantes.  Mais  il  n'y  a  pas  de  place  pour  tout  ce 

qu'on  aime.

                              Au  moment   je  compte  avoir  l'année

prochaine  une  partie  du  livre  devouee  a  la  France  en

exile .  J'espère  vivement  que  vous  voudrez  y  assister.

                                   Bien  à  vous

                                   J.  Laughlin

SDdV

14 octobre 1940  lettre de  Goll  à  Manolo Altolaguirre ***

                                                           136 Columbia Heights

                                                           Brooklyn

                                                           New  York

                                                                      

                                                           14  octobre  1940

     Mes  chers  Amis,

   Ce  matin  me  parvient  votre  charmante  lettre  et

la  nouvelle  traduction  de  "Jean  sans  Terre ",  par

Manolo  et  par  Bernardo  Clariana :  oh  quelle  magnifique

surprise  : c'est  devenu  un  poème  parfaitement  espagnol,

rythmé, incantatoire    de  telle  sorte  qu'il  me  semble

même  mieux  fait  pour  l'espagnol  que  pour  le  français :

vu  que  dans  cette  dernière  langue  le  quatrain  à  vers

de  5  syllabes  paraissait  étrange  et  est  réellement  très

rarement  employé.

            Je  n'ai  qu'à  vous  adresser,  mes  chers  amis,  les

remerciements  les  plus  affectueux  et,   ci-inclus,   le

chèque  de  50  dollars,  afin  que  vous  puissiez  mettre 

sous  presse  le  plutôt  possible.  Ce sera  un  grand

honneur  pour  moi  de  figurer  dans  la  célèbre  collection

" el  ciervo  herido ".  Croyez-vous  que  le  petit  volume

pourra  être  prêt  pour  Noël  ?

            J'ai  appris  que  Paul  Eluard  se  trouve  dans  le Midi

de  la  France,  en  sûreté,  et    l'on  fait  des  efforts  pour

le  faire  venir  en  Amérique.  Je  crois  aussi  que  Breton 

arrivera  bientôt  au  Mexique.  Quant  à  Malraux,  on  dit

qu'il  est  prisonnier  de  guerre  dans  le  Nord  de  la  France.

       De nombreux autres  écrivains  français sont  déjà  arrivés

à  New  York :  Maeterlinck,  Romains.  Cette  semaine,  un

grand  nombre  d'écrivains  allemands,  échappés  aux  camps 

de  concentration  français.  en  passant  clandestinement

par  les  cols  des  Pyrénées,  viennent  d'arriver  à New  York :

Franz  Werfel,  Heinrich  Mann,  Feuchtwanger,  et  beaucoup

d'autres.

      La  revue  que  je  projette   d'éditer,  est  en  bonne  voie.

L'arrivée des poètes européens va considérablement  faciliter

sa  publication.  Mais  il  y  a  encore  des  difficultés   tech -

niques  à  aplanir. Vos noms, chers Manolo et Concha, figu-

reront  parmi  les  premiers  sommaires.

            Pendant  les  vacances, il  était  difficile  d'établir

des  contacts :  maintenant  que  les  réunions  d'écrivains

recommencent ,  je  vais  voir  ce  qu'on  pourra  faire  au

sujet  d'impression  de  leurs  bouquins par  " La  Veronica ".

Je  n'ai  pas  oublié  nos  projets.

          J'espère  qu'enfin  votre  santé  à  tous  deux  est  rétablie

et  que  vous  recommencez  une  année  de  travail  fructueuse.

Transmettez  mes  meilleurs  compliments  à  tous  les  amis.

SDdV

15 octobre 1940  lettre de E.  Roditi  à Goll ***

                                                           Ponce  de Leon Hotel

le  15  octobre  1940                          4555  Main  Street

                                                           Kansas  City,  Missouri

Cher  ami,

            Merci  de  votre  lettre,  de  vos  livres  et  surtout  des

deux  beaux  poèmes  que  j'avais  d'ailleurs   déjà  lus. J'ai

terminé  mon  petit  article  il  y  a  huit  jours  et  l'ai  envoyé

à  DIOGENES.  J'espère  qu'il  vous  plaira. Franchement,  j'attache

beaucoup  d'importance  à  vos  deux  derniers  poèmes,    les

événements  ont  épuré  une  inspiration  que,  je  crois,  les

dernières  années  du  surréalisme  troublaient  encore.

            Connaissez-vous Robert Goffin, en ce moment à New York

Il  paraît  qu'il  doit  fonder  une  revue  française .  Si  vous

êtes  au  courant ,   renseignez - moi,  je  vous  prie.

            Avez - vous  des  nouvelles  de  Malraux, Aragon,  Nizan,

Benda,  Paulhan, Friedmann  ?

            Pierre-Quint  doit  arriver  prochainement  à  New York.

Je  fonderai  peut - être  avec  lui  une  maison  d ' édition ,  hériti -

ère  du  Sagittaire  que  nous  possédons  toujours  à  Paris.  Je

lui  ai  envoyés  ses  affidavits  la  semaine  dernière,  ainsi 

qu'à  son  cousin.

            J'ai  reçu  une  carte  mystérieuse ,  en  juin,  de  notre

amie  Alix  Stiel ,  qui  était  alors  internée  mais  comptait

bientôt  rejoindre  sa  mère  et  son  frère  au  Brésil.

            A  part  cela,  pas  de  nouvelles  de  France,  sauf  de

Denise  Van  Moppes,  une  romancière  que  vous  connaissez

probablement,  qui  était  lectrice  chez  Grasset.  Elle  veut 

venir  ici  et  me  demande  de  lui  procurer ,  pour  qu'elle

puisse  obtenir  un  passeport ,  des  lettres  d ' éditeurs  améri -

cains  qui  exprimeraient  le  désir  de  discuter  le  coup  avec

elle.  Si  vous  voyez  moyen  d'en  procurer,  pourriez-vous me

les  envoyer  pour  que  je  les  lui  expédie  avec  ses  autres

papiers ?  Je  maintiens  une  sorte  d'agence  d'immigration

et  n'ai pas  honte  de demander  service  à  tous  mes  amis. Je

crois  même  que  Maurois  m'en  veut  parce que j'ai  ainsi troublé

son  inspiration (?) avec  des  demandes  de  ce  genre  auxquelles,

d'ailleurs, il  n'a  pas  daigné  répondre, ce  qui  ne  m'a  guère

surpris.

            Encore  merci. Dès  que  Pierre-Quint  sera  à  New York,

je  compte  y  venir  pour  quelques  jours  de  conciliabule  et

de  conspiration.

                        Cordialement,

                        E Roditi

                        Edouard  RODITI

SDdV

16 octobre 1940  lettre de Goll  à  E.  Roditi  ****

                                                           136 Columbia Heights

                                                           Brooklyn,  N. Y.

                                                           Oct. I6, 1940

            Mon  cher  ami,

                Je  m'empresse  de  répondre  à  votre  si  amicale lettre

            et  de  vous  remercier  tout  d'abord  pour  l ' article

            que  je  lirai  avec  un  intérêt particulièrement  vif

            dans " Diogenes " : savez - vous que vous êtes très

            admiré à New York, comme poète et comme critique ?

                                           bientôt

               J'espère que  j'aurai      le  plaisir  de  vous  avoir 

            chez  nous,  dans  notre  petit  appartement qui  donne

            sur  le  Harbour,  avec  une  vue qui va de Brooklyn  Bridge

            à  Governers  Island ,  et  de  bavarder  avec  vous  xxx  sur les

            beaux  jours  de  Paris,  sur  tant  d'amis  provisoirement

            perdus   (quant  à  moi,  je  n'avais  plus  eu  de nouvelles

            d ' Alix  Stiel  depuis  des  années)  et  sur  vos  projets

            littéraires,  qui  me  semblent   si  pleins  d'avenir.

                  Je  m ' occupe  également  d ' une  quantité  d'écrivains

            désireux  de  venir  en  Amérique  :  l ' autre  jour,  un  petit 

            comité,  formé  de  Jules  Romains ,  Maritain,  Robert  de

            Saint-Jean ,  Klaus  Mann  et  autres,  s'est réuni  pour discuter

             des  moyens  de  leur  venir  en  aide.    Si  vous  voulez,  je

            leur  soumettrai  le  cas  de  Denise  van  Moppès ,  et  j'essaie -

            rai  aussi  d'obtenir   les  lettres  d ' éditeurs  que  vous 

            me  demandez.

                   Voici  d ' ailleurs  quelques  nouvelles  :  il  paraît  que 

            Malraux  est  prisonnier  de  guerre  dans  le  Nord  de  la  France.

            Jean  Paulhan  se  trouve  chez  Henri  Pourrat,  et  veut

            venir  ici.  La  NRF  n ' existe  plus.  Gallimard  est  en  disgrâce,

            notamment  à  cause  de  la  constante  collaboration  de  Benda.

            Eluard  se  trouve  dans  le  Midi.  Breton,  dit-on,  irait

            au  Mexique.

                 Malgré  que  l ' obtention  de  visas   devienne  de  plus

             en  plus  difficile ,    on  a  bon  espoir  de  les  faire  venir

            en  Amérique.

                Mais  oui ,   je  suis  souvent  avec  Goffin,   et  la  " revue

            française "  qu ' il  doit  fonder ,  est  plutôt  ma  revue  :

            c ' est - à - dire  que  j'ai  depuis  plusieurs  mois    étudié 

            le  projet ,   que  j'ai  déjà  un  bon  nombre  de  manuscrits -

            entre  autres  des  4   écrivains  du  comité  cité  plus  haut 

             et  que  je  n'attends  qu'un  surplus  de  fonds  pour  partir.

            et  Goffin  m'a  promis  de  me  procurer  ces  fonds.  D'ailleurs,

            et  tout  naturellement,  je  serais  heureux  de  recevoir

            de  vous  un  article  sur  un  thème,  que  vous  choisirez,

            je  suis  sûr,  très  judicieusement.

                        J'espère  vous  lire  bientôt  et  vous  envoie  mes

            meilleures  amitiés

                                                           Ivan  Goll

SDdV

ne  peut  être  reproduit  sans  l'accord de l'UNIVERSITY OF CALIFORNIA

, LOS ANGELES DEPARTMENT  OF SPECIAL COLLECTIONS.

16 octobre 1940  double d'une lettre de  Goll à Clark Mills :

                                               136 Columbia Heights

                                               Brooklyn,  N. Y.

                                               Oct. I6, 1940

            Mon cher Clark,

  Claire  et  moi  sommes  très  peinés  d'apprendre

les  épreuves  auxquelles  vous  êtes  soumis  continu -

ellement.  Tout  d'abord  à  l'hôpital,  puis  maintenant

cloué chez  vous    mais heureusement que ce ne sont

que  des  malaises passagers.  Et  peut-être  que  ces

vacances  forcées  vous  ont  inspiré  quelque  nouveau

poème ?

     Je vous réponds tout de suite  pour  vous annoncer

que  je  viens  de téléphoner à  Padraic  Colum,  enfin

rentré  in  town ;   il  est  tout-à-fait  d'accord  que

vous le citiez  comme  sponsor. Je  lui ai  envoyé

les poèmes  que  je  possède de vous.  Voici  sa nouvelle

adresse :  415  Central  Park  West. Téléphone  Riverside

Drive   9- 5587.

   Quant à mon nom, il est bien naturel qu'il est à votre

disposition,  s'il  peut  vous  être  utile.

   Je  me  réjouis  des  bonnes  nouvelles  concernant

" Diogenes "  et  je  suis entièrement  d'accord  avec

votre  proposition,  de leur  envoyer tout  un  choix

de  poèmes de " Jean  sans  Terre ",sauf,  je  pense :

" East Port " et " Purchases  Manhattan " qui peuvent

facilement  trouver  accès  dans  un  grand  magazine

très  réputé  ici.

    Quant aux "Chansons Malaises", je vais encore une

fois  vous  désillusionner,  en  vous  demandant de ne

pas en envoyer en même temps que "Jean  sans  Terre",

pour  ces  deux  raisons, que  je  préfère voir publier

un poème de  JST  de plus que trois  Chansons (pour le 

moment)  et, secundo, vu  que l'article  de Roditi

ne  les  mentionnera  pas, puisque je ne lui ai pas envoyé

l'exemplaire  des " Chansons ".

     Nous  pensons  souvent à Ithaca  et  à  son  automne

sanglant.  Nous  aimerions bien  savoir  quel  genre  de

vie  vous  menez maintenant  dans  votre "appartement",

et  si  Charlie  vous  est  resté  fidèle,  ou  s'il  a  tenté

sa  chance  ailleurs.

        Claire vous  envoie  son  plus  beau  sourire,  et moi

tout  mon  amitié

SDdV 818 052

19 octobre 1940  lettre  dactylographiée de E.  Roditi  à Goll    

                                               Ponce  de Leon Hotel

Samedi.                                  4555  Main  Street

                                               Kansas  City,  Missouri

Cher  ami,

            Merci  de  votre  lettre, qui  vient d'arriver.  Je  ne

savais  pas  qu'on  parlât de ma  poésie  à  New  York ……

            J'ai  tout  de  suite écrit à un  ami  Américain  de

Malraux,  qui me demande tout le temps de ses nouvelles. Cet

ami, Haakon  Chevalier,  peut  d'ailleurs vous être utile ; il

enseigne  le  français  à  l'Université  de  Californie,  à

Berkeley  et  collabore  è  la  Kenyon  Review  etc …. Je

lui  ai  conseillé  de  communiquer  avec  vous  ou  Goffin.

            J'ai  enfin  expédié  tous  les  affidavits  pour  Léon

Pierre-Quint  et  son  cousin, Claude  Constantin Goldstein. Je

pense que vous les verrez à New Tork  en Novembre. Si vous

n'avez  pas  encore  pu  organiser le départ de votre revue, il

est possible que  Pierre-Quint   puisse vous aider, puisque  nous

avons  des  projets  d'édition  ici.

               Ci-inclus  un de mes derniers poèmes. Si vous pouvez

le  traduire  et  l '  utiliser,  je  vous  en  serai  très  reconnais-

sant.  Et  je  verrai  ce  que  je  peux  faire  comme  essai  de

critique,  ou  d'esthétique.  J'ai  plusieurs  problèmes  en main,

et  j'écrirai   peut-être un  de mes  essais  en  Français.

              J'ai  pu réunir quatre lettres pour  Denise Van  Moppes :

Une  de  Harcourt  Brace,  une  de la  Revue View, une de Books

Abroad, une  de  Chevalier.  Si  vous  pouvez m'en procurer  deux

ou  trois  autres, je  crois  que  cela  suffira.

            J'ai  aussi  signé  des " affidavits  of  moral  of  sponsorship"

pour  Vladimir Pozner  qui  doit  arriver  vers  Noël ,  avec  sa

femme,  son  ex-femme, le  mari de celle-ci ( Eli  Lothar Teodores-

co)  et  toute  une  smalah  d'enfants.  Enfin,  je  m'occupe  en  ce

moment  du  cas  d'une  réfugiée  allemande qui  habitait  Paris

depuis  1933, Mlle  Lotte  Eisner. Puis, j'aurai  mes  cousins,

etc …..  ce  n'est  pas  gai .  Je  ne vois  guère comment je  pourrai

venir  à  New York, tant  j'ai  de  frais  ici,  sans bouger, mais

je  reste  optimiste.

                        Une  de mes  amies, Vera  Sandomirski, vous  fera

peut-être  signe :  elle  est  Russe,  de  Berlin  et  de  Bruxelles,

et  prépare  une  série  d'essais  sur les  poètes  soviétiques.  Je

corrige  son  anglais,  en  ce moment.  Vous la  trouverez très

intelligente  et  charmante. Elle  est  en  Amérique  depuis  trois 

mois.

              Si  je  peux  vous  être  utile, pour  obtenir  des visas,

n'hésitez  pas  à me  demander  quoi  que  ce  soit.  N'oubliez

pas  que je  suis américain  depuis  toujours,  professeur ( ce  qui 

est fort  respectable)  et  que  je  suis  éditeur  à  Paris.  Le

consul  à  Marseille  sait  tout  cela  et  je  lui  ai  écrit  que

je  compte donner  ma  garantie  morale  à  tous  les  écrivains

dont  j'ai  publié les  livres :  Mabille,  Breton  par  exemple,

sont  des  auteurs  du  Sagittaire,  ainsi  que  Pozner pour  qui j'

ai  déjà  donné  ma  garantie.

              Mon  frère  qui  était à Londres, a  eu la drôle d'idée

de  s'y  marier  et  de  vouloir   y  rester, quoiqu' américain.

Il m'a  cablé "We are in  Seventh  Heaven ",  ce qui est comique

en ce moment.  Il a  épousé la  sœur de Madame Colorni, dont le

mari  a  été  condamné à mort, pour   antifascisme  en  Italie, il

y  a  deux  ans  ( mais  il  n'a  pas  encore  été  décapité  et  je

crois  que  toute  cette  histoire  est  terminée  et  qu'il  sera

relâché)

            A  bientôt, j'espère .  Mes  hommages

         à  votre  femme.      Cordialement

                            EdouardRoditit

SDdV

            

21 octobre 1940, lettre d'Eugène Jolas à Goll

                                               1049  Park  Avenue

                                               New  York  City

                                               Oct.  21, 40

Mon  cher  Goll :

Votre lettre du  15  octobre  m'est  seulement parvenue ce matin et je m'excuse

du  retard de ma réponse.  Maria est arrivée avec les enfants il y a  deux

semaines  après  un interminable voyage de Vichy ,  et  nous  sommes  installés

finalement  à 1049  Park  Ave.  après  bien  des  péripéties. Le  courrier m'a  suivi

avec  beaucoup  de  retard. D'ailleurs  je  n'ai  jamais  reçu  votre  dernière

lettre  qui  a    être  égarée  par  la  poste .

J'ai  peu  écrit en  français  depuis  six  mois.  Je  trouve  le  brouillon  d'un

seul  poème  écrit  directement  en  français :  Lettre  à  ma  Mère  en  France. Voud -

riez  vous voir ce  poème         que  je  peux  taper  à  la  machine ? Je  comprends  bien

que  c'est  difficile  pour  vous  de  publier  des  poèmes  en  anglais.

Georges  Duthuit  est  toujours  dans  la  maison  de mon  beau-frère ,  l'écrivain

Wallace  Irwin ,  Strongbox,  East Setauket,  L. I., N.Y.  Vous  pourrez l'atteindre

à  cette  adresse.

Bien  cordialement ,  et  à  bientôt,

            EugeneJolas

SDdV

22 octobre 1940  lettre de Goll  à  E.  Roditi  ****

                                                           136 Columbia Heights

                                                           Brooklyn,  N. Y.

                                                           Oct. 22, 1940

            Cher  Ami,

                Je  vous  remercie  de  votre  charmante  lettre

et  du  poème  émouvant,    bien  des  trouvailles  me

réjouissent :

            " interned  in  timelessness"

                                   " a  flower

            " Distilled  from  night,  forgot ,  but  kept

            " Within  the  skin  like  syphilis. "

            Peut-être  dans  un  numéro,  y  aura -il  une

petite  anthologie  de  poètes  américains,  chantant

la  France.

            J'attends   en  effet  encore  du  renfort.  Vous

croyez  que  Pierre-Quint  pourra  l'apporter ?

            Pour  aujourd'hui  encore  quelques  questions

supplémentaires  : quel  genre  de  lettre  les  éditeurs

doivent-ils  écrire  pour  Moppès  ?  ( Pouvez-vous

m'envoyer  un  brouillon  ?  et  quelle  est  l'adresse

de  V.  Sandomirski ? Vous ai-je dit que de mon  côté

je  m'occupe  de  faire  venir  Chagall  et  Kisling ?

                                   Ma  main  amicale

                                               Ivan   Goll

            N'oubliez  pas  l'essai  d'esthétique  en  français !

            Dans  votre  avant-dernière  lettre,  je  n'ai  pas

tout-à-fait  pigé  le  sens  du  petit  article  que  vous

avez  envoyé  à  Diogenes .  En  avez-vous  une  copie ?

( de  l'article)

SDdV

ne  peut  être  reproduit  sans  l'accord de l'UNIVERSITY OF CALIFORNIA

, LOS ANGELES DEPARTMENT  OF SPECIAL COLLECTIONS.

28 octobre 1940, journal d'Ivan  Goll

                        Great Barrington

Le paysage de New England est, paraît-il un des plus

beaux de l'Amérique.  L'après-midi  nous  allons

dans  les  environs,    il  y  a  un  ranch, et 

Louise peut enfin  justifier son  accoutrement

d'Amazone, qu'elle n'a pas quitté de toute la journée.

Elle fait une longue course dans les bois avec „Bergie"

qui est  en extase devant elle.

  Nous faisons une petite promenade avec Kerillis

et sa belle-sœur qui est charmante comme femme et

comme mère.  Elle a  3 fillettes, dont la plus jeune

de 3 ans  est sourde  et muette, et qui pourtant  a

tant de grâce.

   Le sommet de Great Barrington est somptueux.

   Le lendemain matin, après un breakfest bien tassé,

nous repartons vers New York  avec  Bergmann   en

plus, dont  l'importance politique  se  révéla, non

seulement  par  ses  récits  pendant  le  voyage 

nous retraversons ces paysages un peu thuringiens,

mais sans âme, puisque non encore modelés par

la main et la pioche de l'homme      mais par sa

suite au Savoy Plaza, où il nous conduit un instant,

en arrivant.

29 octobre 1940, journal d'Ivan  Goll (Claire a 50 ans ce jour)

            mardi  New York

   Anniversaire  de  Claire :  Quelques roses rouges,

les Cathédrales de Rodin,  2  robes.Je  ne  veux  pas

mentionner son  âge, car elle se contente de cadeaux

comme  une  enfant.

  Nous  déjeûnons en ville : puis Claire va à l'Hôtel

St Moritz, où nous sommes invités chez Feuchtwanger.

  Moi, je vais à Gotham Book Mark 51 W 47, où

William Carlos Williams signe son livre "In the Money"

sous les auspices de son éditeur James Laughlin, et

„New Directions".

   Je vois Williams pour la première fois, et je le

remercie avec effusion pour  ses 2 traductions de

Jean sans Terre qu'il a faites sans être sollicité.

Visage très net, très droit, œil inquisiteur du

médecin, voix chaude du poète.

   Il est réellement fêté comme un maître par

toute la jeunesse littéraire de New York.

  James Laughlin „ le plus grand le plus haut " de

tous, a de douces manières pour dire„merci,non"aux

solliciteurs.

    Je suis étonné de me trouver très à l'aise dans ce

milieu poétique    presque tout le  monde  me

connaît après la publication de seulement  2  poèmes

dans Partisan Review et The Nation.

  Des groupes se forment très naturellement :

le groupe surréaliste: Calas me présente à Ch.H. Ford,

Parker Tyler, Matta  etc.

  Voici  Harry Brown et S. Thomson qui hier m'ont

demandé de collaborer à leur nouvelle revue Vice New

  Voici le groupe franco-américain : Jolas, Duthuit,

M. Block l'éditeur de Living Age, et Julien Lévy.

  Voici Oscar Williams, Horace Gregory qui est

soit ivre soit à un degré dangereux de nervosité.

Pierre Loving me présente à l'éditeur de Viking Press

Voici les Allemands : Klaus Mann, J M Grup(?) qui,

est saoûl et fait un tapage typiquement bavarois.

SDdV

29 octobre 1940, lettre d'Eugène Jolas à Goll

                                               1049  Park  Avenue

                                               New  York  City

                                               Oct.  29, 40

Mon  cher  Goll :

J'ai  essayé plusieurs fois de reconstruire le poème dont je  vous ai  parlé,

mais  ça  ne  marchait pas  du  tout. Je  suis  probablement  trop  absorbé par  l'in-

quiétude de  l'époque. Je  vous  prie  donc de m'excuser. Pourriez-vous me donner

encore  une  semaine, ou  êtes-vous trop pressé pour la parution de  FRANCE  EN

LIBERTE ?

J'ai  vu  un  entre-filet  dans  le  London Times  qui  annonçait la revue  FRANCE  EN

LIBERTE  sous  la  direction  de M. Turpin. Y a-t-il  2  revues  de ce nom ? Je  vous

signale  cela  pour  votre  information.

Georges  Duthuit  est  avec  nous  pour  cette  semaine

Si  vous  êtes  en  ville,  donnez-nous  un  coup  de  téléphone : Atwater  XXX 97967.

Ma  femme  et  moi, nous  serions  très  heureux  de vous  revoir  tous  les  deux.

Avec  mes  meilleurs  souvenirs, à Claire  et  à  vous,

Bien  cordialement ,

            EugeneJolas

SDdV

1er novembre 1940 : double d'une lettre de  Goll à Saint-John Perse :

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn

                                                                       Nov. I, 1940

            Quelle joie cela a été pour moi, de faire votre connaissance un véritable jour de gloire, où, m'a-t-il semblé, toute l'élite littéraire et l'avant-garde est venue vous apporter l'hommage le plus enviable. Ainsi je n'ai pas seulement fait la connaissance du poète le plus racé d'Amérique, mais aussi de toute une génération qui porte la marque de son esprit.

            J'aurais voulu vous dire avec encore plus de chaleur, combien je vous admire et combien je vous suis reconnaissant - le jour viendra où nous pourrons bavarder plus à notre aise.

            Aujourd'hui, je voudrais seulement continuer le rapide rappel que je vous ai fait au sujet d'une collaboration.

            Je suis en train de lancer, avec mon ami, le peintre surréaliste, Kurt Seligmann, chez Karl Nierendorff, une petite édition de haut luxe qui s'appellerait TANDEM, et qui comportera I poème + I dessin, et qui, tiré à 30 exemplaires, vendus 10 Dollars, pourra même rapporter quelque chose.

            Je vous prie de nous donner un poème d'une ou deux pages et de nous dire aussi, quel est le peintre que vous choisiriez comme illustrateur. Les autres collaborateurs choisis jusqu'à présent sont : Jolas, Auden, Clark Mills, Calas. Et vos avis seront toujours écoutés avec faveur.

            J'ai encore d'autres projets - que je vous soumettrai dans une autre lettre.

            Claire vous envoie son plus joli sourire, et moi

                                   une chaleureuse poignée de mains

SDdV  : (Ms 553 G/) Je pense que cette lettre n'a jamais été envoyée et que celle du 28 janvier est la première envoyée, voir :

Roger Little : 8 lettres de Saint-John Perse à Ivan Goll

(Cahiers Saint-John Perse n°2, 1979 p.1 ) «…. » (p.1)

8 novembre 1940 double d'une lettre de Goll à Léon  Laleau ***

                                                           136 Columbia Heights

                                                           Brooklyn

                                                           8 Nov, 1940

                                                           Léon Laleau

                                                           Port-au-Prince

                                                           Haïti

            Mon cher Ami,

      Votre nom évoque pour nous, Claire et moi, les

plus doux souvenirs d'un été triomphal à Paris, alors

que la capitale de l'Amour accueillait tous les peuples

et tous les hommes  dans les bras de la Seine.

    Temps lointains, temps de rève, irréparablement perdus

comme ceux de l'Acropole. ! Le Panthéon n'est pas encore

en ruines (Saint Paul l'est), mais son rayonnement s'efface.

Au pied de la butte gît l'Amitié des peuples, et la Poésie

mendie..

     La poésie ! Cet "orchestre " des coeurs et des flutes

printanieres que vous étiez venu diriger, de votre Ile

enchantée !

    Eh bien, non, "Poésie pas morte!" la poésie française

continue, en France naturellement ( car c'est peut-être tout

ce qui lui restera de liberté ) mais aussi dans le monde,

et ici, aux États-Unis., sans parler de Haïti où vous

et vos amis font une garde vigilante autour de cette

princesse.

    Je suis en train de fonder ici , pour les hommes de

lettres réfugiés, une grande revue qui s'intitulera soit 

" Free Men " soit " France et Liberté". L'esprit doit

continuer à s'exprimer librement sur le continent de

la liberté.  Des hommes comme Maeterlinck, Maritain,

Jules Romains m'ont déjà donné de précieux manuscrits.

Et je viens vous demander de vous joindre à la liste

des  collaborateurs.

        Voua avez sûrement écrit de belles choses dans votre

ile du Soleil et de la Beauté. Justement, je viens d'en

recevoir des détails enthousiastes de votre cousine.

Leur Cadet qui nous donne un avant-goût des femmes

merveilleuses de votre terre . Claire a fait sa connaissance

à la "National Association for the Advencement of colored

people", s'étant adressée là  pour essayer de faire venir

aux Etats-Unis ce pauvre René Maran, qui doit être dans

une grande d"tresse . Nous nous occupons d'ailleurs beaucoup

de faire sortir de lù-bas une quantité d'artistes et

d'écrivains.

                                               2

     Vous dirai‑je aussi quelques mots de nous‑mêmes?

Nous sommes ici depuis plus d'un an,  et nous continuons

à être fidèle à la Poésie,.  Claire travaille. On est

en train de traduire " Jean Sans Terre", ce long poème

dont 3 volumes ont déjà parus, et dont le 4.;  est en

préparation en langue anglaise. ( Je vous envoie sous

pli séparé deux revues où vous trouverez les extraits.)

      Je fais aussi des conférences sur la littérature

française, dans diverses universités du pays. et j'ai

même êté à Cuba, au printemps dernier. C'était tout

près de vous ‑ et nous avons souvent regardé dans

votre direction» Nous étions sur le point de vous

écrire ‑ lorsque la tragédie de France nous enleva

tout esprit d'entreprise et nous força de rentrer

aux États Unis avant d'avoir goûté tous les arômes

et les splendeurs de Cuba,  qui nous a émerveillés,

mais, nous a‑t‑on dit, n'offre pas le dixième de la

beauté haïtienne.

     Mais le goût de 1'aventure et de la beauté nous a

hanté à nouveau, et nous caressons â présent l'espoir

d'aborder un jour dans votre paradis. Ce voyage

serait‑il possible cet hiver? Nous avons nos premiers

papiers américains, de sorte que de ce point de vue,

je crois qu'il n'y aurait pas difficultés. Serait‑il

possible d'organiser une conférence pour moi et aussi

pour Claire?

         J'ai écrit "Jean sans Terre à Cuba " mais c'est

plutôt " à  La Havane" qu'il faut dire, et la nature

tropique n'y pas assez sa part. Par contre je suppose

que "Jean sans Terre à Haïti " tituberait nous l'ivresse

de vos parfums, de vos fruits, de vos femmes,

      Mais parlons avant tout de votre ravissante femme

et aussi de vos filles qui doivent, à présent, déjà

être les "palmes en marche" ! Présentez leur , je vous

prie,  nos meilleurs souvenirs,  et croyez, cher poète,

à notre inaltérable amitié

SDdV

Ivan Goll New-York à Paula Ludwig Lisbonne  6 novembre 1940 ImsL p.544

correspondance à traduire

10 novembre 1940 lettre manuscite de Bernardo Clariana

et jointe celle manuscrite de Concha Mendez de Altolaguirre

                                      imprenta

                        “ LA  VERONICA ”

                            LA  HABANA_______________         

     Calle 17, N° 258, Vedado                   Teléfono F-1-8312 

   M. Ivan Goll

              New York

                                      Cher ami !

   Je profite de la lettre de Manolo et Concha

pour vous témoigner ma sympathie depuis que

j'ai " fait" votre connaissance par eux et après

votre dernière lettre . Vous savez déjà que je suis

leur hôte depuis dès que je suis arrivé à Cuba

dans la plus grande misère . J'étais un peu votre

Jean sans Terre . J'ai entendu dire de belles

choses survous et à cause de ça j'ose vous dire

que si vous avez l'occasion de me recommander

pour faire des traductions de l'anglais ou français,

encore de l'allemand, à l'espagnol, je vous remer -

cierai beaucoup si avec ce moyen je peux me

gagner un peu d'argent +parce queje ne réusse

pas à trouver rien du tout dans ce pays.

  J'espère une fois pouvoir vous serrer la main.

J'adresse plusieurs demandes aux E. U. comme

professeur d'espagnol, quelques amis s'occupent

de me recommander et encore je ne dois pas

désespérer de pouvoir y aller. C'est mon désir

le plus vif  celui   xx  -    de compléter ma solitu-

de en m'exilant de nouveau, - depuis l'Espagne

et la France -,dans un pays où je n'entendrai pas

parler l'espagnol surtout quand ces pays

me semblent involontairement des falsifications

de l'Espagne.

       Concha et Manolo m'ont parlé de que vous

étiez en train de publier une Revue . Je serais

très content si vous me donnez l'occasion

de pouvoir vous envoyer ma collaboration. Bientôt

Manolova me publier deux livres de poésie .

             Excusez-moi l'affreux " français" dont

je me serre  pour rédiger et recevez  les

meilleures salutations de qui reste votre ami

                                      Bernardo Clariana

SDdV  518.312

                                      imprenta

                        “ LA  VERONICA ”

                            LA  HABANA_______________         

     Calle 17, N° 258, Vedado                   Teléfono F-1-8312 

            Enfin, je pensé, que l'on pourrait

réhusir  à  faire  le  voyage ,  et  j ' ai

un  gran  espoir  que de  ce voyage quel-

que chose  pourrait sortir .  Il  y a aussi

le projet de  l ' imprimerie.

    Les  "Sociedades Hispanas" pourrait

nous aider  aussi  par ce  chemin. Nous

avons des petits livres  de " El Ciervo

herido "  à  les offrir .

              Manolo pense toujours à vous

écrire ,   mais  il  travaille  tellement

que  la  fatigue  surpasse  le dessir  de

communiquer  avec  les  amis .  Je

sais  qu’ il  vous  écrira  un  de  ces

jours ,  mais  je  préfère  vous  écrire

avant qu’ il  le  fasse  pour  ne pas

retarder  la  réponse .

         J’ aime  beaucoup  vos  poèmes

et   l  ' histoire  du  petit   veau   

de  Claire.

         Je  suis  sure  que  nous  serons

des  braves  amis . C ’ est dommage

que  votre  départ  s’ ait fait  si  vite.

Mais ,  on  se  retrouvera  bientôt .

           Ecrivez - moi  à  mon  nom .

Je  suis  sure  que  nous pouvons faire

des  bonnes  affaires  ensemble , et sup -

porter  le  caos  du  monde . Il  faut

s'aider  à  sauver  l’ esprit.

          Pardonnez-moi  les  fautes d'or-

thographie .  A neuf  ans j’ écrivait par-

faitement  cette  langue ,   mais  il   y 

à longtemps  que  je  ne  pratique  pas .

             En  attendant  vous  nouvelles

Je  vous  embrasse  très  fort

                   Concha  Mendes de

                                      Altolaguirre

Manolo  vous  embrasse  aussi

SDdV  518.312

25 novembre 1940 double de la lettre de Goll à  Nicolas  Calas ***

                                                                                  136  Columbia, Heights

Main - 5 - 0475                                                          Brooklyn , N Y.

                                                                                  Nov. 25, 1940                                                                      

                        Mon  cher  Calas,

  Selon ma promesse, je  vous envoie aujourd'hui un

des trois volumes de " Jean sans Terre" , et quelques

nouveaux poèmes écrits  récemment.

      L'auteur clairvoyant des " Foyers d'Incendie " n'a

pas besoin de commentaire. Je voudrais cependant lui

exprimer mon accord profond avec la plupart des thèses

qu'il défend . Pour m'en tenir à un domaine restreint ,

vos conclusions sur "l'objet dans l'art" m'ont particu-

lièrement enthousiasmé.

        Surréaliste,  vous faites  l'apologie de l'objet.

Cela rétablit bien des vues presbytes ou myopes.

Puisque vous parlez du "chosisme" laissez-moi vous

parler d'un essai que j'ai écrit il y a quinze ans,

et que je n'ai jamais publié, parce que fatigué des

"ismes" , et parce que tout seul , le  surréalisme dé-

ployant tous ses drapeaux.

            Cet essai traitait du "Réisme", dérivé de "res"

par opposition au "réalisme" , dérivé de "réalité"

( et par conséquent aussi du "surréalisme " de cette

époque) et se proposant la recherche de l'objet nu,

l'objet‑type, l'objet unique :  moule du créateur .

Cette recherche devait être réservée à d'autres temps.

Vous êtes le premier , mon cher Calas, à apprendre

l'existence du" Réisme ". Ce n'est peut-être pas une

grande découverte. Elle eût été mieux à sa place à

quelque' autre époque. Et d'ailleurs, je ne vous la

livre qu'en passant, pour justifier ma poésie qui n'est

pas une poésie de nuit, mais une poésie de jour, qui

doit plus à la chimie qu'à l'alchimie. Mais qui oserait

jouer l'une contre l'autre ?

     Je suis très curieux de connaître votre réaction

                                   Sincèrement vôtre

SDdV 

27 novembre 1940 lettre de Goll à  Roditi ***

                                  

                                               136 Columbia Heights

                                               BROOKLYN, N.Y.

                                               Nov. 27,  1940

                     

                                   Mon cher Roditi,

         Hier, à ma grande surprise, Clark Mills m'a

envoyé le manuscrit de votre article, que " Diogenes"

lui a communiqué. N'ayant plus eu de nouvelles de

vous depuis ma lettre d'il y a environ cinq semaines,

où je vous demandais une copie, je m'attendais à la

recevoir  imprimé. Mais je suis bien content de l'avoir

vu avant : d'abord pour vous dire toute mon admiration

pour la connaissance profonde que vous avez de la

" poésie d'entre les deux guerres" dont vous devriez

un jour prochain écrira le martyrologe : vous êtes

tout qualifié pour cela.

       Mais si vous me permettez d'être tout à fait franc,

je voudrais vous dire que dans votre article manque

la partie principale : celle sur " Jean sans Terre ".

Puisque c'est ce livre que " Diogenes " se propose de

monter en épingle, en publiant trois poèmes de

" Jean sans Terre " traduit par Clark Mills, c'est

sur ce poème uniquement qu'il importe d'attirer

l'attention du lecteur.

          D'autant plus que c'est pour la première fois

que le public américain va apprendre l'existence de

ce poème, et que c'est lui qui guidera la curiosité.

          D'autant plus aussi que ce poème est l'unique

oeuvre que je considère digne de survivre : ayant

essayé, depuis 1936, de ramasser en une gerbe, et

dans une forme  aussi parfaite que possible, tout

ce que moi (et ma génération) avons senti, souffert,

espéré, craint... et balbutié, auparavant.

      Vous lui consacrez une seule phrase :

      "The first three volumes of Goll's Jean sans Terre

a long series of poems which constitute a sort of

lyrical and emotional diary of the poet's despairs in

recent years, thus use the loose rhytms and syntax

of popular songs, yet fill these with all the conven-

tional "props", the vocabulary and imagery of surrealism."

          La première partie de cette phrase est parfaite,

mais je ne suis pas d'accord avec vous sur la deuxième

Car je me suis contraint, peut-être même d'une

façon trop totale, à la forme la plus rigide et la

plus diabolique qui existe ; le quatrain et le vers

de 5 syllabes, c'est-à-dire que je me suis assigné

le plus petit espace possible, pour y exprimer les

plus vastes idées. Sauf pour le poème préambulaire

du  I - Volume - où j'ai franchement employé" the loose

rhytms and syntax of popular songs", je me suis

astreint, et aussi laissé hypnotisé par cette forme

despotique - à tel point, qu'au contraire de vous,

beaucoup de critiques m'ont fait un reproche d'être

trop formal. Et en effet, je suis moi-même d'avis

que " quelques grains de beauté", c'est-à-dire des

défauts de rythme, auraient ajouté, et rien enlevé

à la composition.

   Dans "ce plus petit espace possible", je me suis

efforcé de condenser et d'intensifier ma pensée

au point de la plus violente explosion : c'est du

moins ce à quoi j'ai tendu, et dont je ne sais pas

si j'y suis parvenu. Voilà par exemple, ce que

j'aurais voulu apprendre d'uns commentateur comme

vous.

      Ceci dit, je ne peux pas non plus souscrire à cette

phrase : "yet fill the these with all the conventional

props , the vocabulary and imagery of surrealism ."

Chaque vers de mon poème et désespérément sur la

défense contre de tels conventional props, et d'autre

part, vous ne vous doutez pas, quel plaisir vous me

faites (en me le reprochant) xxxxxxxxxxxxxxxxxx

j'emploie à ma manière, dans une oeuvre construite

et consciente, les magnifiques découvertes de l'expé-

rience surréaliste.

     Mon cher Roditi, ne m'en veuillez pas pour tant de

franchise ? Ne m'en veuillez surtout pas de vous imposer

un peu de travail supplémentaire, en remplaçant quelques

passages des trois premières pages plutôt générales, par

quelques alinéas voués plus spécialement à Jean sans

Terre

Cette publication va être d'une importance primordiale

pour moi : c'est parce que je ne la prends pas à la

légère et que j'en attends beaucoup (un éditeur vient

de m'offrir de publier tout " Jean sans Terre" simulta-

nément en français et en anglais) que j'ai le courage

de vous demander de vous pencher une fois encore sur

ce " voyage intérieur".    Si vous aviez le temps de

le faire tout de suite, je suis sûr que " Diogenes "

recevrait vos pages à temps .

             C'est en ami je vous tends ma main chaude                                                                                         

SDdV 

2 décembre 1940 lettre de  Roditi à Goll

                                                                                  4555 Main Street

                                                                                  Kansas City Missouri

            Le 2 décembre 1940

                Cher ami,

merci de votre longue lettre. J'ai été victime d'un

accident d'auto, il y a un mois, et n'ai pu porter de lunettes

tant que mon nez cassé était encore enflé. J'ai donc dû

réduira ma correspondance à un strict minimum.

            je n'ai pas la copie de mon article ici. J'écris donc

à Diogenes de me le renvoyer et je tâcherai, dans les limites

que la rédaction m'octroie, d'arranger les choses.

            Je crois que vous m'avez pourtant mal compris.

            Je choisis au hasard :

            En tête de la caravane

            Mon chameau dans le sable bis

            Cherche comme le vent profane

            La clef des éternels oublis

            "Vent profane", clés des éternels oublis", ce sont des phras-

es comme on xx en voit seulement depuis Nerval et Baudelaire,

comme on en voit de plus en plus souvent depuis ,disons,

Rimbaud, les symbolistes et les surréalistes. ( Je pense à :

            "la porte d'or des profonds paradis"

d'Ephraïm Mikhaêl, à des vers de Leconte de Lisle ou d'Hérédia

pour xxx représenter le côté le plus classique de ce genre

d'images ). Ce n'est pas classique, ni proprement romantique

( Musset, Lamartine, Hugo d'avant 1840, Vigny des débuts ).

C'est la soif de l'infini, le besoin de la religion, qui se

font sentirde plus en plus, parmi les poètes, à mesure que

le positivisme gagne la science. C'est le côté Tentation de

Saint-Antoine de l'âme de Flaubert, auteur de Bouvard lorsqu'il

est positiviste.

            En somme , je dis surréalisme parce que le surréalisme

représente la dernière métamorphose de ce courant poétique .

Il n'y a pas de nom, pour l'instant, pour ce qui est venu

depuis. Et le surréalisme est bien du Baudelaire au goût du

jour.

            De nouveau :

            Mon cœur aux quatre portes

            Ouvert aux quatre vents

            Plombez-le de ciment

            Et de tristesse forte

            Ce n(est pas classique, ni romantique, ni symboliste .

C'est bien le côté "chanson populaire" de Rimbaud et des

surréalistes . ( O saison, o châteaux . . . .) Et d'Apollinaire

                  Il n'y a que, chez Béranger, depuis la Pleïade, que vous

trouverez quoi que ce soit d'analogue, avant Glatigny., Rimbaud

et peut‑être Borel ( La chanson . dans Rapsodies, où il est

question de sa nuit au poste).

          Evidemment, il y a aussi Banville, les Odes funambules­-

ques etc….Mais Banville, c'est du Glatigny pour académiciens,

                        "'Femme sois ma mère

                          Femme sois ma mer"

              trouverez‑vous ça avant 1870 (Charles Cros). avant

Rimbaud, puis les surréalistes (  L'éphémère   les fait mères., de

Desnos,....)

                        C'est que je suis, en critique., un aristotélicien,

un classique; et c'est par l'analyse des procédés rhétoriques

que j'arrive à mes conclusions, puisqu'un même état d'âme, chez

deux poètes différents., écrivant selon deux traditions diffé -

rentes de rhétorique etc .... produira deux poèmes tout à fait

différents.

          "Ennoblis le vice, .... Pas avant Baudelaire, beaucoup

depuis Rimbaud. Il n'y a rien comme cela, pas d'antithèse de

cette sorte, depuis Corneille jusqu'à le. fin du romantisme.

Enfin, pour le rythme,.,

                        "Notre douce dame

                        Qui devines tout

                        Jamais je ne condamne

                        Ce qui rôde en nous."

        Dame‑condamne…..pas classique Assonance de chanson

populaire. Longue, brève longue brève longue brève

                         longue brève longue brève longue

                         brève longue brève brève(?) brève longue brève

                         brève brève longue brève longue.

Un rythme de chanson populaire plutôt que de poésie d'art.

                   Quant à votre autre reproche, que je ny parle pas assez

de Jean Sans Terre, j'avais d'abord compris que Diogenes vous

consacrait tout un numéro, et qu'il y aurait d'autres articles.

Je vois bien maintenant que ma petite prose, qui est plutôt un

vague hommage., ne suffit pas s'il n'y a pas les autres articles,

Évidemment., j'y changerai maintenant beaucoup de choses.

                        Je serai à New York pour Noël et vous y verrai.

                                   Cordialement.,

                                        Edouard RODITI.

Saint-Dié des Vosges

5 décembre 1940 lettre de Goll à  Roditi (  le brouillon est identique)

                                                           136 Columbia Heights

                                                           BROOKLYN

                                                           Dec  5, 1940

                                   Cher ami,

      En apprenant l'autre jour, par Vera Sadomirski,

dont j'ai fait la connaissance, que vous aviez été

victime d'un accident d'auto, j'ai eu d'âpres remords

d'être venu vous importuner avec ma dernière lettre.

      Mais votre réponse que je reçois ce matin, me soulage,

puisque vous semblez être passablement remis de votre

malheur et aussi, parce que je semble avoir eu raison

de vous parler franchement.

     Votre lettre dissippe toutes mes craintes. : vous avez

compris que l'unique article qui accompagnera les

traductions de JEAN SANS TERRE, doiT plutôt  laisser

dans l'ombre les tâtonnements des Jugendjahre "d'entre

les deux guerres", pour signaler ce qu'il peut y avoir

de positif dans le poème constructif que j'aissaie

d'échafauder.

        Et Je souscrit des deux mains à tout ce que vous

écrivez dans votre dernière lettre : il suffira de

l'insérer dans votre article pour qu'il soit parfait :

ou d'y remplacer simplement les premières pages par

celles-ci.

      D'accord avec tout ce que vous dites sur le côté 

" chanson populaire, Apollinaire, surréaliste" du poème.

C'est exactement ce que je sens et ce dont je suis fier.

Je ne vous reprocherai pas de le dire, mais de ne pas

assez le développer, de sorte qu'on pourrait s'y tromper.

      Vous avez demandé l'article à "Diogenes". Mais je

crains qu'ils ne l ' aient pas,  puisqu ' ils l'ont commu -

niqué à Clark, qui ensuite me l'a retransmis.

Je m'empresse donc de vous l'envoyer sous ce pli.

      J'espère surtout que "Diogenes". ne soit pas devenu

impatient de tout ce chassé-croisé en dernière minute,

et qu'il me réservera quand même ma place dans le

numéro 2 . J'ai l'impression que si vous lui envoyez

l'article remanié assez tôt, rien ne sera perdu.

        Et je suis sûrtout heureux que rien ne soit perdu

dans notre amitié et que vous ayez accueilli mon appel

avec tant de bonne grâce.

          Nous nous réjouissons tous de vous revoir bientôt

                 à Noël, bien amicalement vôtre

                                                      

SDdV 

12 décembre 1940 lettre de Eugene Jolas à Goll

très courte et à traduire par Nicole

                                                           1941

7 janvier 1941 : lettre d'Eugène Jolas à Goll

                                                                       Pinnacle Valley

                                                                       New Preston , Conn.

                                                                       Jan, 7,41

Cher Ivan:

Le manuscript est prêt, mais je voudrais le garder engore quelques jours

pour obtenir un peu de perspective,, Tu l'auras certainement lundi prochain.

            J'espère que cela ne te dérangera pas. Je peux dire que c'était assez

difficile, car je ne vois pas de précédents. Il faut que chaque mot soit

à sa place, c'est-à-dire, chaque mot français ou espagnol ou allemand ou

anglais soit naturel et organique et musical. Ainsi je te saurais gré de me

donner encore quelques jours.

J'ai bien aimé la traduction de Williams de ton poème dans Natlon.

J'ai envoyé mon article sur la littérature francaise à l'Encyclopaedia

Britannica où je t'ai aussi mentionné. J'avais d'ailleurs écrit dans Living Age

sur ton poème dans Partisan Review il y a quelques mois, mais en lisant,

bien de temps après, 1'article en question, je me suis apperçu que ce crétin

phosphorescent de Bloch l'avait simplement biffé, Je n'admets pas de

saloperies pareilles, et puisqu'il ne m'a jamais payé pour les 4 articles que j'ai

donnés, j'ai quitté cette pauvre bande de parasites.

J*espère que tu vas bien, ainsi que Claire,

Cordially

  Gene Jolas

SDdV 

16 janvier 1941 : lettre de Goll à William Carlos Williams

                                               136 Columbia Heights

                                               BROCKLYN, N.Y.

                                               Jan. I6, 1941

            Mon cher William Carlos Wiiîliams,

      Inutile de vous dire combien j'ai été fier de voir

nos deux noms imprimés pour la première fois côte à côte

dans "The Nation" du 4 Janvier..Inutile de vous répéter

aussi toute la joie ,  que je vous ai exprimée par un télé-

gramme, en recevant "John Landless circles the Earth"

enrichi du tempérament trépidant qui est le votre.

      Je devrais être un homme heureux. Les choses

s'aplanissent pour moi, j'aime beaucoup l'Amérique, et

les répercussions de la débâcle de France faiblissaient,

lorsque vint me frapper la nouvelle de la mort de

James Joyce.

      J'étais très lié avec lui. Je le connaissais depuis

1917 à Zurich. Dés son arrivée à  Paris, avec sa famille,

en été 1920, il vint nous voir. Nous nous sommes toujours

beaucoup fréquentés. Nous avons collaboré. Et dernièrement,

j'ai traduit, ensemble avec une dizaine d'autres écrivains,

"Anna Livia Plurabella", sous la constante supervision

de Joyce. Cette histoire méritera d'être racontée plus tard.

      Lundi dernier, Margaret Marshall me demandait un

article sur James Joyce, pour The Nation. Je me mis au

travail, mais tout ce que je pouvais écrire en prose

me déplut...Finalement, presque sans vouloir :tzxmxxxix

un poème se forma, et je compris que c'était la seule

façon d'exprimer mon émotion,

   En effet, je crois maintenant que "ELEGIE POUR JAMES

JOYCE' est une réussite, et Margaret Marshall vient

justement de me le confirmer par téléphone. E11e voudrait

publier le poème, en français et en anglais, et je crois

qu'elle va vous xx prier aujourd'hui         même  de la traduire.

      

N'est-ce pas abuser de votre bonne grâce? Mais cette fois,

vraiment, il n'y a personne qui pourrait vous remplacer.

C'est d'ailleurs le seul poème que j'ai réussi d'un bloc,

depuis "J.L. at the Final Port", en été dernier.

      Je vous envoie le poème sous ce pli: les premières

strophes dépeignent nos pérégrinations fréquentes sur

les Boulevards des Capucines où des Italiens. Ensuite,

des visions de son xxxxxxx monde. Quelques aspects de

son oeuvre.    Dans la dernière stanza, "la folle", c'est

sa fille Lucia, qu'il allait régulièrement visiter dans

son asile, tous les dimanches,  où il lui chantait des

chansons et des berceuses d'Irlande. J'ai d'ailleurs la

                  conviction que Joyce n'est pas mort de l'opération intestinale ,

                   ni même des privations de la guerre, mais du chagrin

                  que sa fille lui faisait.      Je crois aussi, que si Joyce

n'ést~pas-venu en Amérique.la dernière année, au lieu

de rester à Vichy ou de se rendre en Suisse, c'était

pour rester.près. de Lucia..

                 Croyez, mon cher William Carlos Poète,

à  ma très sincère affection

                                        

                                        

SDdV

19 janvier 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll

            le  19 Janvier  1941                            4555  Main  Street

                                                                       Kansas  City,  Missouri

Cher  ami,

            Vous n'avez pas idée combien cela m'a fait plaisir de

vous revoir, ne serait-ce que dans ces ' foules ' tapageuses...

            J'ai parlé de vous à la direction de cette Université.

Je ne peut rien promettre, mais on m'a demandé de votre curriculum

vitae, la description de vos diplômes, la liste de vos publications.

Pourriez-vous me les soumettre ? Je les montrerai en même temps

que le numéro de DIOGENES.

            Auriez-vous, dans vos messages, place pour un petit

recueil de mes poèmes? Je viens de terminer deux volumes, dont

un (trop long pour vous) que je vous ai montré, un autre qui

sera publié au printemps. J'ai un troisième, très bref et très

fou, qui sera prêt dans trois mois. Le titre ? Emperor of Midgnight.

            Le départ de Pierre-Quint a été retardé par une grave

maladie. S'il se remet assez vite, il compte venir en mars ou avril.

              Quand arrivera Kisling, faites-le moi savoir. Et Chagall

aussi

              Mes hommages à votre femme,

                                   Cordialement

                                  

                                   Edouard RODITI

               Ps .  Je prépare pour View  ( la

revue de Ford ) une petite anthologie de poètes

brésiliens ,  en traduction . mais  cela  est

assez long ç organiser et sera peut-être prêt

trop tard . Pourriez-vous , dans ce cas ,

l'utiliser ?

SDdV  :   

24 janvier 1941 : lettre d'Eugène Jolas à Goll

Pinnacle Valley

New Preston., Connecticut

Jan 24, 41

Dear Ivan :

Maria est partie avec le poème : MIGRATION CHANT, et je l'ai priée de

l'envoyer tout de suite.  J'ai assez travaillé là-dessus, enfin je l'ai écrit dans

une petite ville d'usine où j'ai travaillé comme reporter,

tout près d'ici, il y a vingt ans. On vieillit, mon cher...

La mort de Jolyce m'a bouleversé jusqu'aux larmes. Le monde est devenu

très vide sans ce grand ami.

Je vis très solitaire dans un cottage près d'une colline boisée, et le

vent est violant ici.

Écris-moi ce que tu fais et n'oublie pas de me signaler quand tu penses

publier mon poème.

With best wishes to yourself and Claire,

Always

SDdV 

3 février 1941 : lettre de Jacques Le Clerq à Goll

                                                               JACQUES LE CLERCQ                          ce 3 février

                                               145 East 40 th Street                              1941

           Cher  Monsieur :

               Je tiens à vous remercier de l'envoi de vos

         Chansons  de  France  que  j'ai  lues  plusieurs

          fois  et ,  comme de juste , à haute voix .  Avec

         une  simplicité  trop pure  pour  ne  pas  avoir

         été  vécue  et  frappée , vous  arrivez  à  créer

         chez  vos  lecteurs  une  angoisse  dantesque ,

         baudelairienne .  Il  y  a de ces vers qui hantent

         l'oreille , en  attendant  de  hanter  le  cerveau

         et  l'imagination. ;   il  y  a    mieux  que

         Jean-sans-Terre puisque le fond est universel,

         le cadre illimité . Je  vous remercie sincèrement

         de   l ' émotion   que  j'ai   éprouvée à  vous

         lire.

               J'aimerais  beaucoup vous  revoir, et  faire

         enfin  la connaissance  de madame  Goll , que

         je  connais ,   comme  je  vous  l'ai  dit ,  seule -

         ment  par  " Jupiter "  auquel   nous   avons

         failli  donner  le  Prix   Brentano .     Voyez -

         vous  Eugène  Jolas  de  tempe  en  temps  ?

         Voulez - vous  venir  prendre  un  cocktail

         chez  nous   un  après-midi  avec  les  Jolas ?

         Vous  n ' aurez   qu’ à  me  lancer  un   coup

         de téléphone  - LE 2 -1839 -  après  avoir  fixé

         avec  Jolas  le  jour  qui vous  conviendrait .      

                   Maeterlinck  m' a  dit que  vous  songiez

          à  faire éditer  vos poèmes .  Y  aurait -  il

         intérêt à  donner  une traduction  en  regard ?

         Si  oui ,  je suis à  votre  disposition. . . .

                   J'ai  vu  Clark  Mills à Cornell  cet été ;

         peut - être  vous l'a -t -il  dit  .  Et  je  viens

         de  lire  sa  traduction  dans  Poetry  : elle

         paraît claire  et  nourrie .

                   En  attendant   le  plaisir  de  vous  re -

         voir  et   en   vous  remerciant   encore  des

         bonnes   heures   que   je   passe   avec

         "  Chansons  " ,  je  vous  prie  de  recevoir ,

         Cher  Monsieur ,  le  témoignage  de  ma

         parfaite considération

                                      Jacques le Clercq

SDdV 510.218

5 février 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll

                                                                                  4555  Main  Street

            le  5  Fevrier                                                   Kansas  City, No .

                        Cher   ami,

                                        Vous  m'envoyez  si  régulièrement de  beaux  poèmes . . .

                        je  vous  envie  votre fécondité . . . Celui  de  cette  semaine , dans

                        The  Nation, est  vraiment  bien  beau .

                                        Mais  ne vous donnez  pas  la  peine de  m'envoyer ceux

                        que  vous  publiez  dans  cette  revue : je  la  lis  régulièrement  ici

                        dès  qu'elle  paraît . Vous  êtes vraiment  trop  gentil .

                                       Diogenes  est  arrivé  il  y  a  deux  jours .  Je  suis

                        assez  satisfait  mais  je  trouve  qu'on  peut  encore  découvrir,

                        dans  mon  article ,  hélas,  des  traces  du  petit  malentendu.

                        Je  n'ai  pas  pu  le  réorganiser  en  si  peu  de  temps. . . . Tant

                        pis . Une  autre  fois,  je  ferai  mieux.  Mais  j'avais  si  bien

                        compris  qu'il  s'agissait  de  plusieurs  articles  sur  vous ,

                        lorsque  Blair  m'en  a  d'abord  parlé ; puis , après ,  lorsque  j'ai

                        bien  compris  ce  qu'il  fallait, il  était  trop  tard  et  j'étais

                        surchargé  de  travail . . . .

                                   Je  viens  de  recevoir  une  lettre  assez  triste  de  ce

                        pauvre  Ilarie  Voronca ,  qui  veut  venir  en  Amérique .  Il  est

                        Roumain  et  Juif,  indésirable  en  France selon  nos  nouvelles

                        lois,  et  ne  peut  pas  rentrer  en  Roumanie  non  plus.  Vous

                        connaissez  probablement  ses  poèmes,  qui  sont  bien  beaux.

                        Je  ne  sais  au  juste  comment  l'aider .  Il  m'a  demandé  d'écrire

                        à  Samuel  Putnam,  ce que  j'ai  tout  de  suite  fait;  et  j' ai

                        écrit  à  Adamic  aussi.  Si  vous  avez  des  amis  qui  pourraient

                        s'intéresser  à  lui.  vous  seriez  bien  gentil  d'y  penser.

                                   J'ai  égaré  l'adresse  de   Charles  Henri  Ford  à  New  York .

                        Pourriez-vous  me  la  communiquer ?  Merci . . . .

                                   Denise  Van  Moppes  a  pu  quitter  la  France  et  est  à

                        Lisbonne.  Elle  sera  peut-être  ici  bientôt,  mais  elle  n'est

                        pas  encore  décidée,  ayant  aussi  la  possibilité  d'aller

                        ailleurs.

                                   Mes  hommages  à  votre  femme.  Bien  cordialement ,

                                                                                                                                             

                                                               

                                                          

SDdV

5 février 1941 : lettre de Goll à Edouard Roditi

                                      136 Columbia Heights

                                      BROCKLYN, N.Y.

                                      FeB. 5, 1941

         Mon cher ami,

         DIOGENES est donc devenu un croyant et un ami

       sincère  de la  poésie . Pour les New Yorkais, ce  numéro 2,

       avec  sa couverture  d'un goût étonnant , presque  pari-

       sienne  semble un  enseignement .   En  effet,  Madison

       travaille  mieux  que  Madison  Avenue .

       Et  que dire  de   Roditi ?   Votre  article,  dans  le

       cadre  général  qu'il  s'est  posé,  donne  une  vue  globale ,

       et  très  nouvelle  de  la  poésie  française :  la  vue  d'un

       phare  qui  darde  son  oeil  çà  travers  l'Atlantique . Les

       changements  que  vous avez  faits  l'ont  arrondi.

       Emperor of  Midnight :  quel  titre  prestigieux .

       Lui  seul  me  fait  applaudir  des   deux mains .  Mais

       vous  savez  que  la  série  de  10  Messages déjà  annoncés

       doit  avoir  vu  le  jour.,  avant  que  je  puisse m'attaquer   

       à  une  autre  série  qui  grouperait  surtout  des  jeunes

       Américains,  vous  en  tête.  et  vous  devinez  quelques

       autres .                

                 Je  suppose que VIEW utilisera votre Anthologie

       Brésilienne,  car  c'est  une  trouvaille  qu'on  ne  laisse

       pas  échapper . Dans  le  dernier  numéro. les  Cubains  ont

       une  belle  place  bien  méritée .  "  Poets '  Messages "

       appelle  des  individus ,  non  des  groupes . Mais  je  songe

       aussi  à  " Decision " ,  dont  le  2.  Numéro  vient  de  sortir ,

       avec  une  petite  anthologie  grecque  :  je  suis  sûr  que

       Klaus  Mann  sera  sensible  à  votre  suggestion .  Avez -

       vous  son  adresse  :  141  E  29  ST.  NYC.               

                 Kisling  arrive  demain  sur  le  Fernando  Marquez.

       De  Chagall  je  n'ai  plus rien  entendu .   Quelle  est

       l'adresse  de  Denise  Van  Moppès , à  Marseille ? Va-t-elle

       venir  ?

         Faut-il vous dire combien  ma gratitude est grande?

C'est  votre  article  qui  me  confère  les  first   citizen-

papers  dans  la  littérature  américaine ,  alors  que  les

magazines  précédents  m'avaient  donné  des  visas tempo-

raires . Votre  affidavit  poétique  vous  vaut  ma  reconnais-

sance  inextinguible.

                            Je  vous  serre  les  deux  mains

                                                                     

SDdV 

6 février 1941 : double de la lettre de Goll à Edouard Roditi

                                      136 Columbia Heights

                                      BROCKLYN, N.Y.

                                      Feb. 6, 1941

         Mon cher Ami ,

     Je ne sais comment vous remercier pour le  geste

de grande amitié que vous venez de faire dans DIOGENES 2 :

en  effet, votre votre  article me  confère sur le plan littéraire ,

les  first   citizen-papers ,  alors  que  les magazines  publiant

mes poèmes m'avaient donné  des visas temporaires . Votre

affidavit  poétique réclame toute ma gratitude.

          Je pense qu'il  n'y  a  vraiment  plus  rien  à  objecter

à  votre  article  :  sur  la  fin , vous  l'avez  arrondi  dans

le  sens  voulu .   Et  en  effet , il  se  tient  surtout  dans

un  cadre  général ,  marquant  bien ,  que  d'autres  investi-

gations étaient possibles .

         . . . J'étais justement en train  d'écrire  ces lignes ,

lorsque votre lettre du 5 me fut apportée. Je réponds vite

à vos questions :

         L'adresse  de Ford : 360 East  55 St. , NYC

                 Kisling  arrive  demain de Lisbonne  sur  le  Fernando 

       Marquez..

         De  Chagall  je  n'ai  plus rien  entendu .

         Je suis désolé d'apprendre le triste sort de Voranca .

Je  vais  faire  mmédiatement des démarches pour lui .

Il  faut  qu'il vienne au  plus  tôt. C'est  un  si  grand poète .

Quelle est son adresse ?

              Emperor of  Midnight: quel  titre  prestigieux .Lui 

       seul  me  fait  venir  l'eau à la bouche.  D'ailleurs  j'aime

       énormément votre poésie, et je viens de le dire ce matin

       à Kurt Seligmann, qui va illuster votre poème dans cette

       collection , que j'ai  baptisée  jadis , et dont  j'ai  aban-

      donné la direction . Il m'a aussi montré  votre belle lettre

      sur la polarité dans l'art . . .  que je trouve extrêmement

       intéressante .

          Mais vous savez que " Poets  Messages " a un plan de

       10  plaquettes .  Ensuite , il  faudra faire une  série  de

       poètes américains,   parmi lesquels  vous serez naturelle-

       ment un des premiers

                 Je  ne  voudrais  pas  vous  faire perdre  votre

      temps au sujet de la petite  Anthologie Brésilienne :

,      "  Poets '  Messages " publie pour  le  moment des isolés ,

       non  des  groupes .

                 Si   VIEW  ne  s'y intéressait  pas - ce qui m'éton-

       nerait  fort ,  car  il  vient  justement  de  publier         

       des  Cubains , avec un goût parfait  - je suis  sûr

       que  Klaus  Mann , directeur de " Decision ", 141 E  29 St,

      NYC. ,  serait  très  sensible  à  votre  suggestion . Dans

       son  Numéro  2  ,  il  publie  justement  une petite  antho -

       logie  grecque .

                 Voulez-vous que je lui en parle ?.Merci de votre

       bonne        lettre.  Ecrivez-moi  plus souvent , et surtout

       n'oubliez  pas  de  m'envoyer  l'adresse  de  Voronca  ,

       avec , si possible , un curriculum vitae .

                                   Je vous serre les deux mains

SDdV

7 février 1941 : copie de la lettre de Goll à Etiemble

                                      136 Columbia Heights

                                      BROCKLYN, N.Y.

                                      7  Février  1941

         Cher Monsieur Etiemble ,

         Je me suis permis de vous envoyer la première

plaquette de  POETS'  MESSAGES, au dos de laquelle

vous  avez  pu  lire  le  programme  de  la  série .  Vous

aurez  sans  doute  remarqué  qu'une  des plaquettes doit

être  consacrée à Supervielle .

         En  automne dernier, j'avais eu  une  autre  idée :

de publier  ici  une revue française . Je  n'ai  pas  trouvé

les fonds  nécessaires . Je  l'ai  abandonnée . Mais à ce

moment, je me suis mis en  communication avec Supervielle,

qui me répond ceci :

         "Cher Poète ,       Je viens d'envoyer à Etiemble

( qui  va  lui aussi fonder  une  revue  aux  Etats-Unis )

mes  derniers  poèmes quand  j'ai  reçu  votre  lettre .

C'est vous  dire  que  je  suis dépourvu  en  ce  moment .

J'espère  pouvoir  vous  trouver  quelque  chose  par  la 

suite . "

         Aucun écho ne m'est parvenu de  votre  revue , et

je  le  regrette : j'espère que vous avez eu plus de chance

que moi .   Je voudrais vous demander , si vous utiliserez

tous les poèmes de Supervielle , ou si vous pourriez

peut-être m'en céder quelques uns pour une plaquette ?

Il est évident que j'écris aussi à Supervielle : mais

le courrier entre le Nord et le Sud met si longtemps . . .

         Dans l'attente de vous lire, recevez , cher

Monsieur , l'expression de mes sentiments les meilleurs

                  

SDdV

10 février 1941 :double de la lettre de Goll à Renée Maeterlinck

136 Columbia Heights

Brooklyn

Feb. 10, 1941

            Chère Madame,

            Nous étions revenus hier soir exprès de

Connecticut, où nous avons été invités pour le

week-end, et nous nous réjouissions tellement de

recevoir Mélisande...

            ... hélas, la journée bleue devint noire, et l

es fleurs se fanèrent instantanément...

            Et comme vous n'avez pu m'apporter les poèmes

du Maître, comme je l'espérais, puis-je vous demander

de me les envoyer ?

            Recevez, chère Madame, pour vous et le maître 

l'expression de notre sincère admiration

SDdV 

:   

13 février 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll

                                                                                  4555  Main Street

                                                                                              Kansas City , Missouri

            

            le  13 Février  1941

                        Cher ami ,

                                   merci de votre lettre enthousiaste, qui m'a

                        réconforté car Kansas City, parfois me déprime …..

                        Je veux maintenant vous demander deux très grands services.

                                   D'abord: James A Decker publiera d'ici quelques

                        semaines, dans deux ou trois mois au plus tard, ma

                        plaquette de poèmes hébraïques que je vous avais montrés.

J'ai fait don des droits à venir à la League of American

Writters Fund for Refuges Writters, un peu parce que je veux

de leur donner de l'argent, un peu aussi parce que la publicité

de ce don m'aidera à récolter bien plus que je ne pourrais

autrement espérer, et fera vendre mon petit bouquin à un

tas de lecteurs que je ne toucherais guère sans ce geste

charitable qui ne l'est pas tant qu'on le croirait.........

Je veux donc vendre autant d'exemplaires que possible,

que toutes les revues en parlent, etc.... Comme je ne suis

pas à New York, je serai obligé de compter un peu sur mes

amis pour cette publicité. Vous serait-il possible de faire

en plus de toutes les bonnes idées que vous aurez certaine-

ment, les trois démarches suivantes ? Je veux beaucoup

m'assurer une petite note dans The Nation : comme vous y

êtes très bien reçu, j'ai pensé que vous sauriez demander

qu'ils parlent un peu de mon petit livre dans leurs

chroniques. Ensuite, vous me parlez de Decision ; j'aimerais

beaucoup y publier un poème, vers l'époque où ma plaquette

paraîtra, ce qui leur permettra de dire, dans la petite

note biographique qu'ils publient pour chaque collaborateur,

que je viens de publier une plaquette au profit de......

Je vous enverrais d'ici peu trois de mes poèmes que je

vous demanderai, si cela vous convient, de soumettre à Klaus

Mann. Enfin, je vous demanderai de bien vouloir écrire une

petite note dans Aufbau, où je viens de lire votre article

sur Joyce. J'ai d'ailleurs une excellente traduction alle-

mande d'un fragment d'un des poèmes ; et je soumettrai cela à

Manfred George lorsque la plaquette sera sur le point de

paraître.

           Vous me dites, dans votre lettre, que Seligmann

va illustrer un xx de mes poèmes "dans la collection" que

vous avez baptisée ; je n'ai pas très bien compris de quoi

il s'agit. J'avais l'impression qu'il allait illustrer ma

plaquette. Me parlez-vous d'un autre projet d'édition ?

Et duquel ? Votre explication m'intéressera beaucoup...

           Ce pauvre Voronca est à Marseille, et on peut le

rejoindre aux Cahiers du Sud, 10 Cours du Vieux. Port. Je lui

ai écrit par avion la semaine dernière mais et je ne sais guère

que faire... Il est vraiment un très grand poète.

           J'ai constaté, avec étonnement, que les Cahiers du

Sud., dans leur numéro de novembre, publient toujours

Benjamin Fondane et René Leibovitz, ce qui signifie ou que

les " lois de Vichy" sont assez souples, ou que les Cahiers du

Sud sont si peu important qu'on leur permettrait de publier

même des blagues juives sur les lois antijuives...

           Je viens de lire un beau texte politique de Bernanos

dans le dernier numéro de la France libre, de Londres. Vous

devriez leur soumettre le premier poème que vous avez

publié dans The Nation...... Je choisis celui-là parce que je

crois que nos braves amis les garagistes, les pêcheurs bretons,

les mécanos socialistes etc. .. de l'armée libre, qui lisent tous

cette revue, l'apprécieront plus facilement que les autres

poèmes, plus difficiles.....

           Emperor of Midght avance. Il y aura là des poésies

complètement loufoques, qui vous surprendront.

           Avez vous obtenu des critiques de votre dernière

plaquette dans BOOKS ABROAD ? Je peux m'en charger.....

           Bien cordialement, avec mes amitiés à votre femme et

à tous nos amis (dont Kisling, qui ne se souviendra pas de

moi mais que j'ai souvent rencontré il y a dix mille ans)

                                              

                                               Edouard Roditi

SDdV 

15 février 1941 carte de Goll à Madame Veuve D. Kahn

chez Madame Le Marinier, 24 Boul Lhotelier à Dinard France

retour à l'envoyeur

15 février 1941

136 Columbia  Heights

Brooklyn, New  York

Quelques   baisers

de Claire

                        et

            Mignon

SDdV 510311. I

15 février 1941 : double de la lettre de Goll à Serge Milliet

                                               136 Columbia Heights

                                               Brooklyn

                                               15 Février 1941

                        Mon cher Serge Milliet, 

      La vieille croûte de la terre s'est brisée en

plusieurs morceaux, et comme bien vous le pensez,

Jean Vieillissant est plus que jamais Sans Terre.

Le voici en Amérique du Nord, où il tâche de continuer

la Chanson commencée dans la gloire déjà se décolorante

de Paris.

            Claire et moi, nous sommes ici depuis plus de 18 mois

et nous nous sommes acclimatés à cette atmosphère plus

rude de New York. Nous avons assisté à l'effondrement

d'une Europe qui fut trop heureuse et trop égoïste,

et qui s'est laissée mourir par apathie et par perversité.

            Je vous envoie par ce même courrier quelques

CHANSONS DE FRANCE qui pleurent avec rage les malheurs

de ce pays que nous avons tous aimé avec notre sang

et tout l'espoir de notre vie.

Les CHANSONS DE FRANCE constituent le premier pamphlet

d'une série intitulée : MESSAGES DE POETES, dont vous

trouverez le programme en dernière page de la brochure;

inutile de m'y attarder.

            Mais j'aimerais beaucoup savoir ce que vous devenez,

vous et les vôtres, et aussi, ce qui passe en littérature ,

dans votre beau pays. Ecrivez-moi bientôt et recevez les

bonnes amitiés de Claire  et de

                                                   votre

            Claire vient de publier ici en français son dernier

roman  " Le Tombeau des Amants Inconnus " et vous l'envoie

par le même courrier.

SDdV  : 

  double de la lettre de Goll à Charles Henri Ford après 17 février 1941

Main 5-0475                                                  136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn . N.Y.

                                   Mon cher Charles  Henri Ford

                                   Votre carte me parvient juste au moment où je

                        vous expédie l'annonce de ma nouvelle entreprise

                        " Ooet's Messages" : une série de plaquette poétiques .

                        A côté du premier groupe mentionné, il y aura un

                        deuxième qui réunira les poètes plus jeunes d'écoles

                        différentes, dont, je l'espère, vous serez collaborateur .

                                   Cette entreprise remplace le projet de magazine ,

                        abandonné pour le moment jusqu'à la découverte  du

                        capitalisme magnanime. D'autre part " Tandem " s’adresse

                        à un public trop restreint .

                                   J'ai essayé plus de dix fois de vous téléphoner

                        au sujet du dialogue projeté avec Calas, sur Li-Tai-Pé.

                                   C'est avec plaisir que j'apprends que vous allez

                        publier un de mes poèmes traduits par Clark Mills . Mais

                        pour éviter un double-emploi, je vous reconnaissant de

                        me dire lr titre de ce poème, car j'en ai envoyé beaucoup

                        qui ont été acceptés par d'autres magazines tels que

                        "The Nation ", " Poetry " etc. Si le poème en question

                        était déjà pris, j'en ai d'autres à votre disposition .

                                   Vous me demandez une note bio-bibliographique:

                        « Je suis né à Saint-Dié, (France), d'un père alsacien

                        et d'une mère lorraine, c'est à dire en constante contra -

                       diction avec moi-même, avec l'Est et l'Ouest.

                  

                   " J'ai passé la plus grande partie de ma vie à Paris,

                   y menant avec ma femme Claire une pure existence de poète.

                        En été 1939, je suis venu aux Etats-Unis, apportant

                        comme tout bagage les 3 plaquettes de "Jean sans Terre",

                        des "Chansons Malaises», une prose poétique "Lucifer

                        Vieillissant". Ici en Amérique, je continue "Jean sans

                        Terre" et la résistance passive du poète. » 

                                   Dans l'espoir de vous lire bientôt, recevez, mon cher

                        Ford, une bonne poignée de mains     

SDdV

22 février 1941 : lettre d'Etiemble à Goll

                                   Esperanza 106 Col.del Valle    Mexico D F.

Cher Monsieur :

                          Excusez-moi ; je reçois, aujourd'hui 22 février, votre

lettre du 7.

                          Jusqu'à présent, la finance ne me favorisait guère ; mais

j'ai quelque espoir, maintenant, de trouver l'argent nécessaire à la

revue dont vous parlait Supervielle. D'autre part, comme je rédige en

ce moment une partie du bouquin que je prépare sur notre ami, j'ai

besoin de tous ces inédits.

                          Mais soyez assuré que si mon projet échoue, je vous

enverrai tout ce dont je dispose. De toute façon, à mon retour en

Chicago, fin mars, je vous communiquerai un ou deux de ces poèmes,

pour votre plaquette.

                          Comme on ne fait pas suivre les imprimés, le volume

que vous avez bien voulu m'envoyer  est resté à Chicago. Dès mon re-

tour j'en prendrai connaissance. Je suis vraiment heureux que votre

collection présente enfin Supervielle aux américains du Nord. On l'igno-

re là-bas à peu près complètement : aucun de mes collègues, avant mon

arrivée, ne connaissait son nom. Mais je vis en Middle West. Peut-être

New York est-il plus hospitalier aux poètes ; je vous le souhaite, en

tout cas.

                          Car je suis attentivement à vous

                                                          

SDdV 

:   

28 février 1941 : lettre de Goll à Edouard Roditi

                                                           136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn . N.Y.

                                                                       Feb.  28, 1941

   Mon cher ami,

   Votre longue lettre contenant tant de projets

m'a beaucoup intéressé, et je crois vraiment que

votre plaquette avec les magnifiques poèmes hébraïques

rencontrera un succès assuré. Votre idée d'en faire

don à la Ligue of Américain Writters est généreuse, et

sûrement portera ses fruits.

   De mon côté, ne doutez pas que je ferai tout ce

que je peux pour agrandir son succès.

   Je dois voir Klaus Mann la semaine prochaine et

lui parlerai de vous ; de même Manfred George , qui

accueillera la traduction allemande " mit Handkuss ".

Enfin, lorsque la plaquette aura vu le jour, je ne

manquerai pas de faire signe à la "Nation".

   Vous devriez d'ailleurs envoyer votre poème dès

à présent à Decision et Aufbau.

   Seligmann m'avait dit qu'il allait illustrer

vos poèmes :. un point c'est tout. J'avais fait un

petit jeu relativement au baptême.

   Ici à New York, presque rien de nouveau. Je fais

en ce moment mon sommeil d'hiver.

   Claire par contre vient de publier à la Maison

Française son roman" Le Tombeau des Amants Inconnus"

qu'elle vous enverra ces jours-ci. Si cela vous

intéresse d'en parler dans " Books Abroad "...

   Les "Chansons de France" aussi n'ont pas encore

d'autre avocat dans cette revue

   Comment vont vos travaux universitaires ? Et quand

pensez-vous revenir dans l'Est ?

   Mille bonnes choses de nous deux

                                              

SDdV  :   

5 mars 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll

à  recopier

10 mars 1941 : lettre d'Etiemble à Goll

                                   Mexico 10 mars 1941

Cher Monsieur ;

                                 merci de votre plaquette, je trouve plus d'un sujet d'aimer

ou d'admirer ; mais je n'aime pas du tout le premier vers de Terre de France.

on vous doit bien cette franchise .

                                 votre première série promet en effet d'être fort belle  : le

seul nom auquel je renâcle, c'est celui d'Eugène Jolas dont je ne tolère

ni Mots Déluges, ni I have seen monsters and angels.

                                 mais si vous espérez enrichir la prochaine de quelques poètes

mexicains contemporains, vous aurez je crois beaucoup de mal ; en ce qui me

concerne, à part Pablo Neruda, je ne vois rien qui vaille, sur ce continent

pour l'espagnol. Je connais, bien ou mal, quelques-uns des "poètes" ; et je

m'étonne toujours du décalage entre leur finesse d'esprit et la pauvreté de

leurs oeuvres ; Alfonso Reyes et Julio Torri, à qui j'ai demandé secours en vo-

tre nom, hier se sont bornés à me citer un vers vieux de 3 siècles environ

et qui dit à peu près que les poètes mexicains sont aussi abondants que le

fumier. Il me semble que Carlos Pellicer (Lomas de Chapultepec, Avenida di

Sierra Nevada, 724, Mexico) Salvador Novo (Panuco, 34, Mexico) et Xavier

Villaurrutia (Puebla, 247, Mexico) seraient vos meilleures chances. Reyes a

conseillé de vous recommander en premier lieu Enrique Gonzalez Martinez,

l'académicien et l'un des directeurs de Romance. Je le trouve bien pompier ;

mais je le connais assez mal: j'ai lu Diluvio de fuego et les poèmes commémo

rant la mort de son fils, le poète Enrique Gonzalez  Rojo .     C'est peu, sur

une oeuvre aussi abondante que la sienne.

                      je vous remercie également de xxxx m'avoir envoyé deux bulle-

tins de souscription ; je viens malheureusement d'apprendre que je serai

chômeur en juin, selon toute vraisemblance, et j'attends d'avoir à l'espérance

d'une occupation avant de vous envoyer quatre dollars . J ' essaierai de pla-

cer deux souscriptions, à mon arrivée en Chicago, qui ne tardera guère,

parmi mes étudiants.

                          oui le Mexique est un admirable pays, en cette saison surtout

mais si je trouvais un job quelconque à New York, je me consolerais un peu

- un peu seulement - de le quitter.

                 par courrier ordinaire, je vous envoie le dernier numéro de. Romance.

J'ai à Chicago la collection complète ; si quelque jour vous avec quelque

référence à y chercher, je suis à votre disposition. L'a bonnement de 12 numé-

ros coûte 75 cents américains.

                         je n'ai point reçu les "échantillons" que vous m'annonciez

des traductions anglaises du Jean sans Terre. Sont ils perdus ?

                     croyez-moi sympathiquement à vous, je vous prie,

                                             

SDdV 

11 mars 1941 : double de la lettre de Goll aux époux Jolas

                                               136 Columbia Heights

                                               Brooklyn

                                               March 11 1941

                                               Mes chers amis,

            Un mot seulement pour vous dire que le

"Monument pour James Joyce" semble prendre forme:

j'en ai parlé à divers éditeurs que l'idée intéresse,

et à quelques écrivains qui m'ont promis leur colla -

boration.

            Que Gene excuse le retard dans la publication

de son booklet :  l est dû principalement au fait,

que je prépare une modification dans le système de

POETS' MESSAGES et dans programme imprimé en dernière

page. Je dois attendre l'adhésion d'un poète et d'un

peintre. Voilà tout le mystère.

            J'espère que Madame Jolas a reçu mes devis ce

matin et que nous pourrons bientôt aller de l'avant.

                        Sincèrement

SDdV  : 

12 mars 1941 : double de la lettre de Goll à Madame Jolas

                        Brooklyn ,march 12, 1941

                        Madame Maria Jolas

                        1049 Park Avenue

                        New York City

            Chère Madame,

     Je vous accuse réception de votre lettre du 11 ct.

Ainsi que je vous l'ai expliqué dans ma précédente

lettre, le j'ai pu obtenir des devis pour les travaux

principaux de l'impression du "Booklet James Joyce",

et je vous les ai soumis.

Je ne comprends d'ailleurs pas comment vous pouvez

trouver que les prix annoncés aient varié quatre fois :

ous n'avez que les deux comptes sous les yeux, le premier

tout provisoire, contenant les chiffres suivants :

3 clichés :        dollars             21, 85

Papier arches                          10.00

Papiers                                    16,10 

Annoucement                           6.00 

Vous retrouverez les mêmes chiffres dans le second

et dernier compte , plus complet, et auquel sont

ajoutés les frais de composition pour les textes

imprimés - ainsi qu'il fut décidé entre nous, le

même jour je vous ai soumis le premier mémorandum -

l'impression, le numérotage, le pliage, le brochage :

indispensables , à mon avis.

            Il n'y a qu'une différence de prix pour le papier.

Miss Stelloff ayant choisi après coup le papier Malvern

Text (gris) au lieu du Dundee blanc, et ce nouveau

papier étant compté 14 dollars au lieu de 16 D. Est-ce là

la différence dont vous vous plaignez ?

Enfin si vous faites allusion à un troisième chiffre

qui selon vous pourrait conduire à confusion, c'est

sans doute le premier, donné au téléphone où je vous

disais approximativement que la somme à dépenser serait

d'environ 80 à 100  dollars : et j'avais raison comme

l'indique mon dernier devis : 93,89.

            Si vous lisez ma dernière lettre attentivement,

vous verrez pourquoi je ne vous ai pas envoyé les

devis pour les travaux plus courants : les ateliers

refusent de donner des devis pour de très petits

travaux comme la composition de nos textes. Ils sont

calculés à la ligne, au taux des Unions. Les travaux

d'impression à l'heure. Les travaux de brochage à la

pièce. N'importe qui peut surveiller les prix. Les

membres de votre comité pourront s'informer.

            Quoi qu'il en soit. J'ai déjà fait imprimer

plusieurs "Messages", je connais les prix, les ateliers

travaillent avec moi en confiance, et seraient choqués

que tout à coup je leur demande de nouveau des devis.

            D'ailleurs vous ne m'avez pas demandé de devis

pour "Word from the Deluge" d'Eugène Jolas.

            Vous avez entre les mains le devis de "POETS'

MESSAGES" : le Comité  lui fera confiance ou non.

            Agréez, chère Madame, mes salutations les

meilleures

SDdV  :   

brouillon de lettre de Goll à Madame Jolas non daté14 mars (probablement) :

Chère Madame

     Si je comprends bien votre lettre du 13,  vous ne

voulez plus faire  "Pastimes", parce que vous croyez

que je veux aussi faire le " Monument". Vous vous

trompez : si j'ai parlé de cette idée à quelques per-

sonnes compétentes, et c'était pour tâter le terrain

et pour savoir si un tel livre aurait des chances

de succès.

        Mais à aucun instant je n'ai considéré que ce

serait par moi ou sous mon nom qu'une telle oeuvre

pourrait être entreprise.     Un but général, un seul

but est à son origine : c'est d'aider la famille de

James Joyce. Nous sommes bien d'accord là-dessus.

       Et je suis aussi d'accord sur le fait, que, vous,

Madame Jolas, êtes la mieux qualifiée pour entre-

prendre sous votre responsabilité la publication

d'un "Monument", parce que

            1° vous avez été plus proche de Joyce

            2° vous êtes Américaine.

         Votre colère passée, ne gâchez pas le travail

de plusieurs semaines accompli pour la publication

de " Pastimes " et de " Words from the deluge" :

les prospectus sont lancés, des souscriptions sont

faites, une bonne somme d'argent est déjà engagée :

l'annulation coûterait plus que l'accomplissement

de la tâche.

          Mais pour êtret aussi  franc que vous : j'ai été

gravement choqué par les insinuations de votre avant-

dernière lettre. Sachez que je paie " Poet's Messages"

entièrement de ma poche et de mon temps, plus précieux

encore. Je suis tout au service de la Poésie. Demandez

à Miss Steloff ce que j'en ai retiré jusqu'à présent.

Et quel faible espoir il y a de retirer quelque chose

de la Poésie.   Pourquoi, étant idéaliste à ce point,

vient-on me chicaner pour les devis pour "Pastimes" ?

Alors que nous sommes tous d'accord pour venir en aide

à la famille de James Joyce. Je vous concède que vous

avez été très près de lui... Mais vous n'avez pas le

droit de dire que j'ai été tellement loin...

            Croyez, chère Madame, à mes sentiments distingués

SDdV

brouillon de lettre de Goll à Madame Jolas daté 14 mars  :

                                               136 Columbia Heights

                                               Brooklyn

                                               March 14 1941

      Non,  tout de même ! Glasgow est en flammes, le

Parthénon tremble, Madame Jolas est dans l'angoisse

et nous jouons ici une petite comédie d'amour propre

pour un booklet de 16 pages, nous nous mettons en

colère, d'abord, ensuite vous... non, tout de même...

      De quoi s'agit-il ? D'aider Madame Joyce ! Un point

c'est tout.

          Je mets aux pieds de Madame Maria Jolas le

"Monument pour James Joyce" : il est à elle ., c'est

elle qui l ' érigera, le soignera, fera le discours

d'inauguration. C'est son droit, c'est devoir, car :

            1) c'est elle qui fut le plus proche de Joyce.

            2) elle est Américaine.

            3) elle le fera mieux que quiconque. Je me retire, après

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx avoir simplement tâté le terrain

dans l'intérêt général.

    Dans l'intérêt de Madame Joyce, continuons l'oeuvre

de "Pastimes". Trop de temps et de fonds y sont déjà

engagés, trop de gens sont avertis et ont déjà souscrit.

          Oui, j'ai eu mon accès d'amour-propre, j'ai été

furieux pour quelques insinuations. Et je demande qu'on

sache, que je fais " Poet's Messages" entièrement avec

de l'argent de ma poche et le temps de ma vie, pour

l'amour de la Poésie. Et qu'on demande à Miss Stelloff

ce que "POET'S MESSAGES"m'ont déjà rapportés, et dans

quelle mesure ils me rendront millionnaire.

    Si Madame Jolas se méfie de la somme de 93 Dollars,

qu'elle paie d'abord les sommes pour lesquelles elle a

des devis, une cinquantaine de dollars, qui permettront

de payer les matières premières : papier et clichés.

Plus tard, sur les rentrées, et sur les factures, se

paiera le reste.

Etes-vous d'accord ? Liverpool brûle ….      

SDdV

14 mars 1941 : lettre de Goll à Madame Maria Jolas

Poets' Messages                 136 Columbia Heights

THE GOTHAM BOOKMART                                   BROOKLYN, N.Y.

51 West 47 th Street                                                                  March 14, 1941

New York, N.Y.

                                                                                           Mrs Eugene Jolas

                                                                     1049 Park Avenue

                                                                     New York City

                                   Chère Madame,

                                 Je m'étonne à mon tour que vous mélangiez les deux

                        questions de "Pastimes" et du "Monument".

1

                                                                       Pour ce dernier, il sera désormais difficile de

                        savoir "qui" l'a proposé l'autre jour. Vous avez parlé

                        d'une offre de Léger, et je vous ai fait part de mon

                        idée d'un "monument..

                             Mais voyant l'importance que vous y ajoutez per-

                        sonnellement, je vous déclare que je yous cède volon-

                        tiers la place, reconnaissant que vousêtes plus qualifiée

                        que moi pour cette entreprise, puisque I) vous futes

                        plus près de Joyce, 2) vous êtes Américaine.

                                    D'autre part, quoique je n'aie pas été aussi "près

                        de Joyce que vous, " votre lettre xxxxxx  x xxxxxxxxxx      

                        m'avait terriblement blessé, en insinuant que je pourrais

                        profiter de la publication de "Pastimes"  alors que tous

                        trois ;  Miss Stelloff,  vous et moi,  nous avions

                        décidé de renoncer à tout bénéfice au profit de la

                        famille Joyce.

                                   C'est par pur idéalisme et amour de la poésie que

                        je fais POETS' MESSAGES, payant tout de ma poche et de

                        mon temps, plus précieux encore, et sachant que je ne

                        gagnerai jamais un cent avec de la poésie en Amérique.

                        Vous n'avez qu'à demander à Miss Stelloff ce que mon

                        premier booklet a rapporté. Xxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

                        xxxxxxxxxxr. Et pour tant de dévouement, si peu d'encou-

                        ragement, pas un amical remerciement : C'est à désespérer.

                                   Le travail pour le 'Message "Pastimes", est déjà

                        trop avancé,    tant au point de vue fabrication que pro -

                        pagande, qu'il n'est olus possible le le suspendre.

                                   Croyez, chère Madame, à mes sentiments les meilleurs

                                                                      

SDdV  : 

17 mars 1941 : double de la lettre de Goll à C et M de Altolaguirrer

                                   136 Columbia Heights

                                   BROOKLYN, N.Y.

                                                March 17, 1941

                        Chers amis,

            Claire est tombée gravement malade : trois

médecins s'occupent d'elle. Cette une affaire

d'intestins très compliquée. On redoute une

prochaine intervention chirurgicale. J'ai besoin

de beaucoup d'argent - mes économies ont fondu

avec "Poet's Messages" - Et je vous prie de bien

vouloir me renvoyer par retour du courrier les

50 dollars que j'avais déposés chez vous.

            La publication de la traduction espagnole

de "Jean sans Terre" attendra indéfiniment.

                                   Cordialement  vôtre

SDdV  :   

20 mars 1941 : double de la lettre de Goll à ?

                                   136 Columbia Heights

                                   BROOKLYN, N.Y.

                                                March 20, 1941

                Cher Ami,

            Merci pour vos deux charmantes lettres,, dont

l'enthousiasme si jeune m'est tellement sympathique.

Dans mon style comme dans mes réflexes, je me sens

si vieux à côté de vous.

    Mais emboîtons Votre pas. Voyons. Je ne vous avais

pas oublié du tout, bien au contraire, et J'avais déjà

préparé plusieurs choses pour vous:

1) Le poème "JOHN  LANDLESS  DARK  IN  THE  MOONLIGHT"

traduction de la " Chanson de Jean sans Lune " par

Clark Mills. Cela vaudrait peut-être la peine de

publier le texte origina1 à côté de la traduction :

Je sais que les Américains apprécient1cette méthode

de publier des traductions.

2) Clark Mi1lls est un jeune professeur de Cornell

University et un excellent poète : vous trouverez

six Poèmes de lui dans le numéro de March de Poetry,

(Chicago.) En outre il va paraître de lui un volume

" MIGRANTS " avec une préface de Jules Romains.

Enfin, il vient aussi de terminer un recueil de poésies

intitulé : "A  suite for France"il évoque des

paysages, et des personnages rencontrés durant un

séjour dans notre doulx pays. Je lui conseille aujour-­

d'hui-même de se mettre en rapport avec vous et de

vous envoyer quelques morceaux de poésie. De mon

côté,  je pourrai vous donner les traductione françaises

que je suis en train de faire. .‑‑ Ici aussi, je suggère

d'imprimer les deux textes l'un en face le l'autre,

3) Haïti : J'ai par hasard quelques poèmes de mon

ami Leon Laleau, qui fut délégué de Haïti à I'Exposi­-

tion internationnale de Paris 1937 et publia à cette

occasion une anthologie de poésies françaises, sous

la titre " Orchestre" au Divan. Il faut évidemment

yenir de Hti pour avoir d'aussi bonnes idées. Claire

et Ivan Goll y figuraient. Depuis il fût Ministre

des Affaires Etrangères de son île . Son adresse :

Ministère,  Port‑au‑Prince. Voici d'excellents vers

de lui..

          Soyons Panaméricains !

4) Claire : Georges Dilks, de la Saturday Review

of Litterature, est en train d'écrire l'article que

nous avions envisagé ensemble : non seulement sur le

"Tombeau", mais, comme vous l'aviez suggéré, sur toute

la personnalité de Claire. À cet effet, Dilks  lit en ce mo-

ment les livres précédents de l'auteur. Dans ce cas,

il englobera peut être aussi les dates vous deman-

dez ? Enfin nous verrons.

5) Quant au dessinateur, je n'ai pas encore mis la

main dessus. Mes proches amis sont des "abstraits".

Je sais ce qu'il vous faut.

L'autre dimanche, votre verve gauloise a égayé

toute la compagnie. Vous avez remporté un grand succès.

Espérons que vous y ajouterez d'autres, et recevez

en attendant, de Claire et de moi, nos meilleures

amitiés

SDdV 

20 mars 1941 : lettre de Goll à Clark Mills

                                   136 Columbia Heights

                                   BROOKLYN, N.Y.

                                                March 20, 1941

      Mon cher Clark,

    J'ai bien reçu le dernier numéro de " Poetry"

où tes six poèmes brillent à la place d'honneur,

et " A suite for France ", où les pièces que je ne con-

naissais pas encore, forment avec les autres, un

ensemble de plus en plus coloré et homogène.

       J'y aime particulièrement ces poèmes qui, à

première vue, semble légers, insouciants, et qui

pourtant portent la marque du destin proche : comme

c'est bien l' image de France et de toute sa tragédie :

"Valmondois" et " Still Life with Champagne " !

          C'est avec à plaisir de gourmet que je vais

traduire ces nouveaux morceaux, afin d'avoir la série

complète pour ton arrivée du Vendredi Saint.

    En attendant, tu devrais envoyer quelques-uns de

ces poèmes au Dr. Henri Barzun, directeur du "French

Forum", 151 Center Avenue, New Rochelle, New York,

qui prépare son Spring-issue. Je lui ai parlé de toi

et de ces poèmes.

     Il  les publiera en anglais, et il m'a aussi demandé

une traduction de "Jean sans terre ". Je lui ai donné 

" John Landless abandons (loses ) the Moon".

         Enfin, une grande saison se prépare pour toi,

qu' inaugurera ou couronnera, j'espère, Gugenheim.

Nous attendons, Claire et moi, les "Migrants", avec

une curiosité croissante.

                                   Bien à toi

SDdV 818 052

27 mars 1941 : double de la lettre de Goll à Maurice Maeterlinck ***

                                   136 Columbia Heights

                                   BROOKLYN, N.Y.

                                                March 27, 1941

                               Monsieur Maurice Maeterlinck

                               Hôtel Esplanade

                               New York

                Cher Maître, 

            J'ai eu le plaisir de remettre cet après-midi,

à Madame Maeterlinck, le projet dont je vous avais

déjà parlé, lors de ma visite chez vous, il y a une

quinzaine, au sujet des quelques Chansons, que vous

avez bien voulu me remettre ce jour-là.

            J'ai l'intention de les publier, avec la traduction

anglaise de Monsieur Jacques Le Clercq, dans la série des

plaquettes poétiques, que je publie sous le titre :

" Messages de Poètes ", et où figureront aussi, en

même temps, des plaquettes consacrées à James Joyce,

à Rainer Maria Rilke et autres.

      Je suis prêt à vous garantir les 1o pourcent  régle-

mentaires, si vous y tenez. Mais Madame Maeterlinck

peut vous dire, combien les sommes d'un tel calcul

peuvent être petites.Madame Maeterlinck m'a aussi

rapporté votre exclamation, lorsqu'il fut question

de ces "Messages" : A quoi bon ? C'est une question bien

maeterlinkienne.

      Puis-je vous répéter ma réponse. Pourquoi pas ?

Pourquoi, en cette époque tournée vers le crime et le

mensonge, n'y aurait-il pas un poète, qui maintiendrait

que le droit à la poésie doit être xxxxxxxx soutenu ,

aussi bien que les autres bienfaits de la culture.

   Pour certains, la poésie est l'unique refuge, devant

la défaillance des soi-disant grands.    La Poésie...

non, non, non, est-ce à moi de la défendre, devant le

plus Grand Poète de notre temps ?

   Je viens vous demander de faire ce geste généreux ,

de me laisser imprimer sur du beau papier avec un beau

dessin, ces beaux vers, pour quelques beaux esprits.

Croyez, cher Maître, à toute mon admiration   

SDdV  818 052

1er avril 1941 : brouillon de lettre de Goll à Maurice Maeterlinck

                                   136 Columbia Heights

                                   BROOKLYN, N.Y.

                                                1 Avril, 1941

                Cher Maître, 

            Pour ne pas troubler votre repos, je vous renvoie

vos poèmes et votre signature.

            Avec mes remerciements : car sans doute dois-je

vous remercier de m'avoir débarrassé d'une illusion.

            Les "Messages de Poètes" peuvent fermer boutique.

A quoi bon,  en effet .

            Lorsque vous me donnâtes vos  4  poèmes ½, de

vos propres mains, je croyais que c'était pour la

plaquette en question. Bien mieux,  c'est vous qui

m'avez demandé ,  pourquoi on n'imprimerait pas aussi

les "  Serres Chaudes ". Je n'en croyais pas mes oreilles.

            D'ailleurs, je me rappelle maintenant, que c'est

à la suite d'une lettre de M. Le  Clercq où il m'offrait 

de traduire vos "Chansons" ( dont vous lui aviez

apparemment parlé ) que j'ai eu l'idée de vous les

demander.

            Je ne me rappelle vraiment pas avoir été indiscret .

           Après avoir obtenu vos 4 Chansons ½, le prospectus

a été imprimé, le peintre Berman a été sollicité et a

tout de suite fait des dessins que Madame Maeterlinck

a vus ) …et votre "non" est arrivé ensuite

            Non, je n'ai pas été en faute.

            J'ai perdu de l'argent, du temps,  de l'illusion.

            Mais, cher Maître, je vous rends votre parole

et vos Chansons et votre repos .

            Et je vous prie de croire à mon respectueux hommage

SDdV818 052

1er avril 1941 : lettre de Goll à Maurice Maeterlinck ***

                                   136 Columbia Heights

                                   BROOKLYN, N.Y.

                                                1 Avril, 1941

                        Monsieur Maurice Maeterlinck

                        Hôtel Esplanade

                        New York

            Cher Maître,

            Pour éviter tout malaise ou malentendu, après l'incident

d'hier soir, le je vous renvoie vos Chansons et votre parole.

            Avec tous mes remerciements : car je peux vous remercier

de m'avoir sauvé d'une illusion.

            Je ne me rappelle pas avoir été indiscret .

  Vous m'avez donné vous-même - et Madame Maeterlinck

et Madame Goll en furent témoins  -  et vous avez signé

en leur présence les 4 Chansons 1/2, qui étaient destinées

à figurer dans les "Messages de Poètes". Bien mieux, vous

m'avez demandé à ce moment-là,  pourquoi je n'impri -

merais pas aussi les "  Serres Chaudes ". Je n'en croyais

pas mes oreilles.

            C'était le samedi 15 mars. Les jours suivants, j'ai

donné les Chansons à M. Le Clercq pour qu'il les traduise

(il peut le confirmer) , j'ai invité M. Eugene Berman à

faire des dessins (et Madame Maeterlinck en a vu des

esquisses.)     j'ai envoyé le prospectus des plaquettes à

paraître à l'Imprimerie.

            Ensuite seulement, à la fin la semaine dernière, votre

"non" m'est parvenu .

            Je ne suis donc pas en faute. J'ai seulement perdu

beaucoup de temps, d'argent,   d'illusion.    

            Je vous prie de croire, cher Maître, à mes hommages

respectueux

                                              

SDdV  818 052   

2 avril 1941 : double de la lettre de Goll à Gene Jolas ***

                                   136 Columbia Heights

                                   BROOKLYN, N.Y.

                                                April 2, 1941

Mon cher Gene,

      À la suite de la sommation de ta femme, de vous

rendre tous les manuscrits appartenant à la famille

Jolas : ceux de James Joyce et ceux de Eugène Jolas...

tout l' édifice de "POET'S MESSAGES" s'écroule.

            Je t'envoie le prospectus définitif, qui venait

d'être terminé et qui promettait un avenir brillant,

comme tu conviendras.

            Après tant de semaines d'attente, après tant de

luttes pour faire des "POET'S MESSAGES" quelque chose

qui dépasse l'ordinaire, ta femme provoque l'effon  -

drement total. Quatre mois précieux complètement perdus  .

    C'xxx xx xxxxxxxx   En regardant ce prospectus, tu

comprendras pourquoi j'ai dû retarder la parution de

"Words from the Deluge" : sur le dos duquel devait

être également annoncé tout le programme. Avec ton

booklet, le start devait commencer... ces jours-ci...

       L'intérêt des cercles littéraires croissaient...

Les souscriptions s'annonçaient... Et voici tout

l'édifice détruit... Adieu, veaux, vaches... Rilke,

Joyce, Maeterlinck, Jolas... Tchélitchev, Berman...

        J'étais fier de publier ton poème prophétique.

Je l'aimais beaucoup... Je le citais partout...

          Mais enfin, il existe. Il sera publié. Je ferme

boutique. Mais peut-être reprendras- tu le flambeau ?

          Dans mon idéal farouche j'ai perdu beaucoup

d'argent, de temps, d'illusions... je ne voudrais

vraiment pas perdre ton amitié aussi...

                                   Sincèrement

SDdV  : 

9 avril 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll

SDdV  :   à recopier

à  recopier

21 avril 1941 : lettre d'Etiemble à Goll***

         Cher Monsieur ,

                     Pensez- vous  toujours  à

la  plaquette   Su pervielle  ?    Si  oui

voulez  - vous  que  je  vous  envoie

des  inédits  ?  Il  n’ y  aura  pas assez

pour  un  volume   ,  avec  les  poèmes.

Voulez   vous   un  ou  deux  contes   ?                        

                   Dans  la  confusion  du

départ   de  Mexico  ,  je ne sais plus

si  je  vous  ai envoyé le  dernier 

de  Romance .  En  tout  cas  j’ en  ai

ici     un   exemplaire  .   Si  j’ ai

oublié ,  ou  si la  poste  mexicaine

a  égaré  l’ envoi ,  je  puis  réparer

par  retour .

                   Sympathiquement  vôtre

                  

SDdV  : 

3 mai 1941 : lettre de Gene Jolas à Goll***

Apt. 9c                        1049 Park Avenue                       New York City

                                                                       May  3, 41

Cher  Ivan  :

                  N'y a-t-il pas moyen de hâter la pub-

lication de mon bouquin ? Miss Steloff  me télé-

phone pour me dire qu'elle t'a commandé 100 exem

plaires et qu'elle paiera cash .       Yves Tanguy

s'impatiente . Et moi je trouve que c'est un peu

long . Et la vie , comme disait Longfellow , est

décidément courte . . .

            J'espère que la traduction marche bien

et  que  tu  l'auras  bientôt finie . Je  connais  à

fond  ce  métier de  traducteur et  c'est  terrib -

lement hard on the  nerves .

    With  many  good the wishes to yourself and

Claire

                   As Ever

                              

SDdV 

13 mai 1941 : lettre de Goll à Clark Mills

à  recopier

SDdV 818 052

copie d'une lettre du 16 mai 1941 sur droits auteur de Goll pour sa traduction

à  recopier

lettre en anglais lettre de Goll à Mrs. Ames du ?

à  recopier

10 juin 1941 lettre de Franck Jones à Goll pour sa traduction de Eurokokke-Lucifer

à  recopier

13 juin 1941 lettre de Manuel Altolaguirre à Goll (épreuves de la traduction de La Cancion de Juan sin Tierra

à  recopier

16 juin 1941 : lettre de Gene Jolas à Goll**

à  recopier

24 juin 1941,  lettre de Archipenko à Goll

à  recopier

?? 1941,  lettre de Archipenko à Goll  redemander copie 31 à St Dié

à  recopier

29 juin 1941 lettre de Franck Jones à Goll pour sa traduction de Eurokokke-Lucifer

                                                                                  410 N. Henry Street

                                                                                  Madison, Wisconsin

                                                                                  le 29  juin  1941

Cher M.  Goll :

                        Enfin: en voilà la moitié !

                        J'ai traduit presque tout  l'ouvrage , mais

puisque taper, pour moi; est un travail affreusement lent

et d'ailleurs je fais toujours des changements en mettant

le texte sur du papier différent : vous en verrez  beaucoup - -

j'ai décidé de vous prouver que ça marche. Vous pourrez

en attendre le reste avant trois jours, tranquillement.

                      Je vous enverrai votre texte français et

l'exemplaire de l'Eurokokke que j'ai prêté à la biblio -

thèque universitaire d'ici, afin que vous puissiez voir

exactement ce que j'ai fait. La première partie se repose

principalement sur la version allemande, la seconde sur

Lucifer . Je ne sais pas si vous serez content de la dispa-

rition totale de pp.19 -38 de Lucifer ( " le pays de la vie

lente ") : j'ai cru que le commencement original, qui, pour

moi, a beaucoup plus de feu et de verve que cette partie de

la version française, sera xxxxx plus au goût américain.

Naturellement, si vous y tenez, je pourrai insérer votre

' seconde pensée' au  ' troisième état ' sans aucune difficulté;

mais je trouve que la succession des associations n'en dépend

pas du tout.

                        Vous trouverez que ma ' transfusion ' contient

cinq actes . I, exposition ; II, Le Travail (!) ; III, Intermède

avec un peu d'amour et de funérailles ; IV, scène au Bar des

Démiurges ( l'Inferno s'approche ?) ; V, Meurtre du fonctionnaire ;

découverte de l'Eurocoque ; fin sur le mode mineur ( VOUS NE

SAVEZ PAS).      Cette distribution des scènes suit l'ordre

intérieur qui est commun aux deux versions bien que les

épisodes  individuelles ne se trouvent pas toutes où vous

les avez mises dans Lucifer.

                            Des détails pourront s'arranger ; quant au

tout, je vous assure d'avance, sans fausse modestie, que

vous y aurez quelque chose de bon. Ce n'est pas qu'une

traduction de tous les jours que j'ai fait là. Et le travail

de ' transfusion ' m'a fait une grande joie.

Saint-Dié

14 juillet 1941 de Franck Jones à Goll pour sa traduction de Eurokokke-Lucifer ****

à  recopier

19 juillet 1941 de Peyre à Goll

à  recopier

5 août 1941 lettre de Goll (Yaddo) à Hilde Walters ****

à  recopier

31 août 1941, lettre de James Laughlin à Goll **

à  recopier

10 octobre 1941 : lettre de Goll à Clark Mills

SDdV 818 052

à  recopier

12 octobre 1941 lettre de Gustave Cohen  à Goll ***

à  recopier

16 octobre 1941 : double de lettre de Goll à Dali

                                                                       136 Columbia Heights

                                                                       Brooklyn, N.Y.

                                                                       Oct. 16, 1941

Mon cher Dali,

Quel dommage que vous receviez avec trois mois de retard cette profession de foi, qui a été publié en juillet dans NORTE, grande revue espagnole, surtout répandue en Amérique du Sud, dans votre propre langue.

J'ai été heureux d'avoir enfin l'occasion de proclamer tout haut tout l'amour que j'éprouve pour vos créatures saturniennes, pour tous les démons qui hantent les cavernes de New York et de mon coeur.

Je ne vous cacherai pas, cher Dali, que j'ai enduré pour vous les attaques de beaucoup d'amis, et que j'ai malgré cela continué à proclamer tout mon attachement à Gala Salvador.

Labyrinth et et les Ballets Russes vont ne donner l'occasion d'un nouvel article. Je me réjouis d'aller les voir.

J'avais annoncé à mon éditeur que vous m'aviez promis un dessin pour mes poèmes : un simple dessin au trait, c'est tout ce qu'il me faut. Le sujet pourrait être : Un homme qui marche, un homme qui tombe, qui vole... simplement. Ne pourriez-vous pas me faire ça ? Mon éditeur n'attend que ce dessin, pour tirer... un grand coup.

Je compte sur vous. Bien sincèrement

SDdV

16 octobre 1941 : lettre de Goll à Eugène Jolas

à  recopier

22 octobre 1941 : lettre de Goll à Mme Jolas ***

à  recopier

10 novembre 1941, lettre de James Laughlin à Goll **

à  recopier

5 décembre 1941 : lettre de Goll à Roger Caillois

5 décembre 2008

Correspondance de 1939 à juillet 1940

                                                           1939

Claire, Ivan et Paula envisagent de partir au Brésil mais Claire ne souhaite pas prendre le même bateau que Paula Ludwig

Le 16 mai 1939 Ivan et Claire obtiennent un visa provisoire de la Préfecture de Police de Paris valable jusqu'au  16 novembre 1939 pour se rendre au Brésil à compléter *** p.522

Télégramme d'Yvan Metz à Claire rue de Condé, Paris 10/1/1939 12h40  MST p.243

Metz 6661 - 11 heures 55

Les rythmes de la "Dichterliebe" d'hier me projetèrent passionnément vers les "Sources de Claire " Ivan

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 10/1/1939   MST p.243/244

Paris, mardi

10 - 1.39

Mon petit coeur douloureux,

            Ton télégramme bleu a mis fin, vers une heure, à cette matinée grise et inquiète. Il m'a communiqué du sang, du courage et de l'appétit, et je crois donc que je survivrai tout de même à cette semaine.

            Mais lorsque, ce matin, je t'entendis courir enrhumé, dans ton épais pardessus, vers le métro (la rue de Condé m'en renvoyait l'écho), je prévoyais naturellement déjà toutes les formes d'une congestion pulmonaire et je passais les heures à aller et venir dans le quartier, le visage à l'envers, car il ne fallait pas songer à travailler.

            À présent, cela va beaucoup, beaucoup mieux, bien que chaque passage à travers ta chambre nécessite encore toujours toutes sortes de stratégies ; car cela fait mal, de se voir rappeler un poète par des feuilles de papier vert-espérance, couvertes de "petits oiseaux ", et par un carnet d'autobus abandonné, le méchant homme dans le coeur est si bon.

            Mais, Dieu merci, le train est bien arrivé et je n'ai plus qu'à espérer maintenant que ta mère te gave bien et que tu y contribue activement en mangeant des gâteaux .

            Demain matin, j'espère taper beaucoup, grâce à ton aide.

            Quand tu iras te promener, ne choisis pas des régions trop solitaires, il y a tant de racaille, et prends une carne. Et habille -toi chaudement, surtout sur les épaules, - que je caresse tendrement.

            Le merle était là tout à l'heure et il m'a rajeunie. Bientôt, tu recevras le nouveau complet marron, qui rajeunira aussi tes yeux bruns et de la sorte, le printemps finira peut-être par arriver.

Je baise tes chères mains.

Ta

Suzu

lettre d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 11 janvier 1939   MST p.244/245

                                                                       Metz, 11.1 - 39

                                                                       Mercredi soir

Coeur douloureux, toi !

            C'est à toi que revient ce nom, et il faut que tu le gardes, tandis que l'abrupt

Iv ou If me convient plutôt ! Toute la journée déjà, je voulais écrire cette lettre, mais j'étais comme paralysé et ne parvenait pas à m'y mettre. Une sorte de grippe me privait complètement de volonté et d'activité. Après une mauvaise nuit dans la glaciale pièce d'à côté, j'éprouvais une telle peur de me lever... Seule la salle à manger est chauffée, et presque trop, en sorte que c'est une entreprise follement téméraire d'en sortir, pour passer soit dans la cuisine, soit dans les chambres à coucher. On ne bouge plus de l'endroit où l'on est . Alors, le corps et l'esprit sont entièrement rouillés. De plus, on est tout abruti par le poêle.

            Voilà que ma pauvre mère s'est imaginée qu'on doive vivre inconfortablement. Mais ces privations ne sont plus sans lui laisser, à elle aussi, leurs marques : elle a beaucoup vieilli. Son organisme semble s'épuiser  Elle ne dort que trois heures, ses mains tremblent par instants, elle éprouve souvent un point au coeur - cet hiver l'a fortement éprouvée. Mais remarque la différence avec ta mère : pas un mot de plainte, pas une tentative pour améliorer sa situation ; on sera forcé de l'y contraindre ! Je ne puis la laisser plus longtemps seule pendant ces dures semaines, pendant lesquelles elle continue à monter elle même, de sa cave obscure, les seaux de charbon.

            Elle s'est persuadée qu'elle ne peut pas partir, à cause des conduites d'eau gelée et éclatée : elle se fait l'esclave de ses maisons. En outre, la peur l'assaille quelquefois dans cet appartement vide. Elle se relève, la nuit, pour aller voir si tout est bien verrouillé. Dieu merci, la locataire du deuxième étage va bientôt déménager, à ce qu'elle a écrit.

            Malgré toutes les mesures de prudence, ma mère avait encore une grande inondation dans son propre appartement. Le soir, à huit heures, l'eau a jailli dans la cuisine. Elle était tranquillement devant sa radio, et n'a rien entendu. Au bout d'une demi-heure, le corridor, le salon, et même la chambre où elle se tenait, étaient inondés, et elle ne s'en apercevait toujours pas. Dieu merci, les locataires du 3e étage attirèrent son attention en sonnant ; ensuite, elle a épongé le l'eau jusqu'à onze heures du soir et et de tout cela, elle ne nous a pas écrit un seul mot !

            J'ai de grands soucis à son sujet. Il faut que je la persuade de venir à Paris le plus tôt possible. Le climat est épouvantable et elle sort 10 fois pour avoir un quart de litre de lait.

            Cet après-midi, je l'ai emmenée voir le fils de "Katia ", avec Danielle Darieux, et elle m'en a été très reconnaissante. Mais, toute seule, elle ne peut pas y aller ! D'ailleurs, le film est extrêmement mauvais - le principal interprète est John Loder (l'empereur Alexandre II), un idiot parfait, qui ne sait même pas parler le français, une bûche avec un beau visage. Après demain, on donnera " Pension d'artistes ".

            Ta lettre était indiciblement tendre et touchante. Elle m'a donné la force de recommencer à embrasser plus tendrement ma mère, et de t'aimer. Il faut que je redevienne fort, pour te venir en aide, et aussi être plus gai.

            Demain, nous allons au Luxembourg, et par ce temps sombre, cela sera passablement fatigant pour la petite mère.

            Nous t'enverrons une carte de là-bas.

            Je te prends tendrement dans mes bras.

                                                                                              If

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 11/1/1939   MST p.245/246

                                                                       [Paris, 11. 1. 1939]

Chéri,

Reçu à l'instant ta petite carte, sur laquelle tu ne parles plus de rhume. Le climat du Luxembourg va, je l'espère, te rétablir complètement. En revanche, je vais moins bien, du côté du coeur, je dois continuellement prendre des gouttes, pour pouvoir tenir.

Une nouvelle magnifique : "Marcel Mihalovici termine actuellement une cantate pour baryton, choeur de femmes, la Genèse, sur un texte d'Ivan Goll" - authentique entrefilet de presse. La  "Corneille" hivernale est arrivée encore une fois de et m'a apporté la fiche ci-incluse avec la menace de fermer le gaz dans cinq jours. Je suis inquiète ; ne m'as-tu pas raconté qu'il était payé ?

            Le temps qu'il fait t'est favorable. Je me réjouis de cette température modérée, en songeant à ton séjour dans votre maison glacée.

            Hier, je ne suis pas allée à la conférence, j'étais trop malade.

            Le livre de Carrell est d'une grande envergure, n'est-ce pas ? On en oublie les petits soucis du monde environnant.

            Aime-moi ; je le sens très bien quand tu oublies de m'aimer. Pendant ton voyage, j'ai reçu par deux fois une véritable gifle électrique, - par deux fois, mes oreilles ont bourdonné follement, c'est ainsi que j'ai perçu le courant de ta tendresse. Le soleil brille, je dois rester étendue, et ne puis travailler à rien, j'espère que ça ira à peu près bien, à cinq heures, quand Paolo viendra, et que je pourrai sortir avec lui.

                        Je me jette dans tes bras en fermant les yeux.

                                                                                  Ta Suzu

lettre d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 12 janvier 1939   MST p.246/247

Metz 12 janvier 39

Mon coeur de souffrance,

            Ta lettre de ce matin m'a consumé le coeur. Oh toi, délicate aile de papillon, qui frémit au moindre souffle ! Plus fragile que la graine du Bouton-d'or : comme je veux être bon pour toi, te choyer, caresser et aimer...

            Ne crains donc rien, sois vaillante à nouveau, et interdis à ton coeurde te jouer des tours si lamentables.

            Puisque le tréfonds de ton coeur peut être si fort et si courageux, si virilement circonspect et pensant, le visage de ton oeuvre semble ressembler tout au plus à ta tête, mais jamais à ta poitrine.

            Je pense perpétuellement à toi, et tu devrais le sentir, être très tranquille.

            Ce matin, levé à cinq heures, afin de partir à six heures au Luxembourg.

            Après une bonne nuit, ma mère est tout à fait rétablie, tout à fait redevenue ce qu'elle était, - une femme qui décourage toute pitié.

            À Luxembourg, il y avait tant à faire que nous ne trouvâmes pas une minute pour t'écrire une carte, et ma mère ne voulait en aucun cas rester jusqu'à midi et déjeuner là-bas. Le train partait à 11 heures 31. Nous avons parcouru la ville, au pas de course, jusqu'à la gare.

            Comme tu le penses bien, la magnifique nouvelle au sujet de Mihalovici m'a profondément  réjoui. Mais dans un journal était-elle ?

            Je quitterai donc Metz samedi à 15 heures 30 et arriverai à 20 heures 15 à la gare de l'Est.

            Pour Werfel, c'est tout à fait bien. Si tu es fatiguée, ne viens pas à la gare : je serai près de toi à 20h. 40 , me chargerai de vêtements en cinq minutes, et alors...

            Petite mère te salue, et ne veut pas encore nous laisser fixer une date pour son voyage à Paris.

                        Je t'effleure, te caresse et t'aime.

                                                           Ivan

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Paris 3 avril 1939 ImsL p.521 date à vérifier

                                                                       ....En amour ton

                                                                                              Ivan

à traduire ***

lettre d'Audiberti à Ivan et Claire Goll du 3 avril 1939 ***

                        Chers amis,

           Ces temps derniers, je suis allé deux fois chez vous, vous laissant, dans la serrure un petit mot. Peut-être n'étiez-vous pas à Paris. Je vous donnais rendez-vous, et vous n'êtes pas venus. Aujourd'hui, je reçois ce Jean sans Terre qui aura beaucoup de gloire, qui a beaucoup de grandeur, et qui m'enchante, car je suis un peu à l'origine, cher Ivan, de cette révolution prosodique qui s'est accomplie chez toi. Il y a, dans ce "Jean", des pièces de la plus grande beauté. La première poésie, et ce dernier vers qu'elle a, "la force de ma religion" me ravissent. "Le mal de Terre", "Ci-gît Jean s T" sont bouleversants.

Il y a là un ton particulier, une cadence de fièvre apaisée. Le violoneux juif se mêle à la ronde villageoise, mais un peu de l'oreille velue ou du pied fourchu dépasse — mais, c'est peut-être de la corne dorée du luth de David.

Maintenant, une petite réserve. Les trois premières strophes de J s T veille une morte sont admirables. Mais je déplore que tu aies écrit : «Hier déesse immortelle / Dont je fus sacrifié/ Ton cœur et ta cervelle / S'écoulent liquéfiés ». Cela sonne mal, et les deux premières lignes sont embarrassées. Non ?

            Donnez-moi de vos nouvelles.

            Pourquoi ne pas se voir mercredi à midi aux Deux Magots, Ivan ou Claire ou vous deux ?

                        Bien affectueusement

                                               Audiberti

SDdV Aa57 (237)  - 510.299 III

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 4 avril 1939   MST p.247/248

Chéri,

Ta lettre m'a donné une grande joie : ce qui était entre les lignes et entre les feuillets.

Quelle réception superbe ! On se demande seulement combien de temps devra durer le poulet. Peut-être  la semaine, et la carcasse sera encore servie samedi en bouillon. Je te vois nettement à la table de fête,  louchant sur le poulet et dévorant en pensée ailes et cuisses ; Ainsi vous vous faites mutuellement plaisir : l'un offre le rôti et l'autre n'en mange rien. Plus il en reste, plus tu es rassasié, ô Jean sans chair !

            Hier, je suis allée avec Irma au restaurant chinois de la place de la Sorbonne. La, c'était superbe.. Près de nous, il y avait Kurt Seligmann avec sa femme et un intéressant peintre japonais, que tu connais aussi. Ensuite, Kurt Seligmann nous invita au d'Harcourt et nous fit des récits du monde entier, et Irma fut enchantée de lui et de sa soirée.

            Ci-joint une lettre : "Mesure et Valeur".

            Invite cet homme chez nous pour samedi ou dimanche soir. Non, pas dimanche, car Adèle ne vient pas ce jour-là, et l'appartement n'est pas fait.

            Quel temps ! Le Saint-Quentin est sûrement entouré de Niagara !

            J'ai hérité de ton rhume, un rhume méchant et perfide, et comme ça, je ne suis pas seule.

            Ne m'oublie pas au sujet de Fassnidge !

            J'espère que tu as chaud.

            Le Triolet, son article n'est pas très artistique. Mais j'ai le temps, j'attends ton retour pour ajouter certaines choses à mon essai sur Rilke. J'y ai déjà introduit Valéry et ce que Rilke m'a dit de lui.. Je peux encore prendre, dans une lettre, un passage sur Gide.

            Mais n'y mettre rien de personnel, ça rapetisse tellement tout.

                                               En toute tendresse,

                                                                       Ta Zouzou

lettre d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 5 avril 1939   MST p.248/249

Ma chère Zouzou,

                        J'ai mangé les herbes amères, j'ai bu le vin rouge et chaud accoudé sur le côté gauche, j'ai chanté la chanson du cabri poursuivi par le boucher — et la poularde de trois livres, ainsi que le brochet vert furent excellents. Jamais Maman ne fut plus alerte et plus heureuse. Je profite de ces quelques journées pour lui consacrer une présence gaie et chaleureuse, sans lui dire un mot de nos ennuis.

Ta lettre de ce matin m'a fait grand plais et la soirée Ychou-Séligmann a du être bien attrayante. En ce moment tu es peut-être avec Audiberti et tu n'oublies pas de lui parler de son article de la NRF.

                 Voici encore 100 fr. pour la réception des Fassnidge vendredi. Je pense rentrer, comme convenu, samedi soir à 20h15 où tu devrais venir me prendre à la gare.

J'invite Lion pour dimanche soir à dîner : es-tu d'accord ?

La soleil enchante la vallée de la Moselle et je m'apprête à monter au St Quentin, d'où je t'envoie une branche de cerisier fleuri

                                                                                              ton Ivan

Lettre de Rebecca à Ivan 20 avril 1939

                                                                       Metz le 20 avril 1939,

                                               Mes bien Chers,,

J'ai bien reçu ce matin vos bons souhaits de fête et ainsi que le superbe sac que vous m'avez adressé ; grand merci mais vous avez fait trop bien les choses. Le sac est trop beau ! je serai fière de m'en servir. Oui, comme le disait ma lettre d'hier j'ai cru revenir au reçu du télégramme et je demande à Dieu de n'avoir pas à regretter cette résolution. Ce matin j'ai fait comme je te l'avais dit un nouveau ballot, que je pense expédier à Dinard, il contient duvet, couvertures, manteau de fourrure, et quatre draps... qu'en penses-tu ? Ici on est perplexe, et on se demande s'il faut quitter son chez soi où on est si bien ? Espérons que d'autres nouvelles nous permettront de ne plus vivre dans une anxiété perpétuelle afin d'être plus tranquilles et de jouir du beau printemps que nous avons par ici. Encore une fois grand merci pour vos bonnes intentions et recevez tous les deux mes tendres baisers

                        Rifka

P.S.: Gaby sort d'ici elle vous envoie ses compliments.

Lettre de Rebecca à Ivan 23 avril 1939

                                                                       Metz le 23 avril 1939,

                                   Mon Cher Mig,

Tu seras peut-être quelque peu surpris de recevoir la présente mais ayant quelques détails financiers à te faire savoir, je n'attends pas à te les communiquer de suite : il se trouve dans le paquet que tu sais, deux obligations Arbed à cinq et quart n° 7783 - 1190 de 150 dollars qui d'après la rubrique du journal que je te joins à la présente sont remboursables entre le 20 et le 30 avril donc incessamment. Veux-tu donc faire faire le nécessaire afin que ce remboursement ne soit pas périmé, le délai de présentation étant si court.

            J'ai omis dans ma dernière de répondre à ta question au sujet de 6.000 francs , il est inutile de les déposer au Crédit Lyonnais à mon compte. Conservez-les, ce sera une provision pour les prochains mois.

Ne voulant pas te gâter la joie que tu éprouvais à m'offrir un si joli sac, je n'ai pas cru devoir te dire dans ma dernière qu'à l'intérieur de ce bel objet, le fermoir intérieur de la poche de moire était tombé au fond de cette pochette : comme c'est un objet de prix, passe à la maison d'où il vient et préviens-les de ce défaut. À l'occasion, tu le reprendras pour qu'ils en fassent la réparation.

            Je regrette de te procurer cet ennui mais le sac est tellement beau, il serait regrettable que déjà la pochette ne puisse se fermer.

J'aime à croire que Claire et toi vous vous portez bien , ici le calme est relatif et on espère toujours. Faites-en autant de votre part et en attendant vos bonnes lignes, recevez tous les deux mes affections bien tendres

                                                           Rifka

P.S. j'ai reçu hier la réponse que tu as écrite au sujet des Modderfenten, elle se compose d'un chèque de L 1.4.10 me revenant

Arbed : le bilan qui sera présenté à l'assemblée 28 courant fait ressortir un bénéfice de 40 millions luxembourgeois contre 93 millions dont 5 % soit 2 millions contre 4 millions seront affectés à la réserve légale 40 millions contre 80 millions à la répartition aux dividendes à 160 francs luxembourgeois contre 320 brut et 4000 contre 9000 aux allocations statutaires (anciennes gratifications)

La société rachètera toutes les obligations de l'emprunt dollars US à 5 1/4 % 1927 encore en circulation et qui lui seront présentés du 20 au 30 avril prochain : inclus coupon n° 26 attaché échéance juillet 1939 aux conditions suivantes : par obligation de 600 dollars il sera payé net 23.000 francs luxembourgeois ou 28.750 francs belges et par obligation de 150 dollars il sera payé net 5.750 francs luxembourgeois ou 7.187,50 francs belges.

Lettre de Rebecca à Yvan 5 mai 1939

                                                                       Metz le 5 mai 1939,

                                               Mon bien cher Mig,

                                                                                  

Le 16 mai 1939, Ivan et Claire Goll obtenaient des titres d'identité et de Voyages  de la préfecture de Police de Paris valables jusqu'au 30 novembre 1939 pour se rendre au Brésil.

lettre de Rebecca à Ivan 19 mai 1939

                                                                       Metz le 19 mai 1939,

                                               Mon bien cher Mig,

Ton épître est toujours reçue avec un nouveau plaisir ; ainsi que le fragment du journal que tu y as joint.. Tous mes compliments pour la rédaction de ton article, qui cette fois, est de beaucoup supérieure aux précédents, et j'ai éprouvé une grande surprise en jugeant des progrès qu'avec le temps tu acquiers : continue . Inutile de te dire que je serai à l'écoute le 30, et je me réjouis de pouvoir t'applaudir, même d'ici. Je puis t'annoncer la nouvelle que Gaby a loué son appartement, ce n'est pas d'elle que je le tiens ; voilà quinze jours que je n'ai vu le bout de son nez c'est au café qu'on le raconte et qu'ils quittent Metz complètement pour rejoindreVichy où ils vont fin du mois, pour habiter Paris. Le temps est jusqu'alors très défavorable, il a encore plu ce matin à torrents, l'après-midi semble vouloir être sec ; avec cette humidité il fait très frais, presque froid. Ce n'est guère le temps de schevouoth qui se célébrera mardi soir. J'espère aller au temple comme de coutume d'ailleurs,

            espérant que Claire et toi vous portez bien, recevez ici mes baisers les plus affectueux

                                                                                                                                             Rifka

lettre de Rebecca à Ivan 26 mai 1939

                                                                                              Metz le 26 mai 1939

                                               Mon bien cher Mig,

Les fêtes terminées je m'empresse de te donner de mes nouvelles, elles se sont déroulées comme de coutume, je suis allée au Temple où l'office ne s'est terminé qu'à 11 heures 50, c'est dire si les matinées étaient occupées, les deux. L'après-midi je suis donc allée à Montigny ; Alphonse est souffrant, garde le lit j; e veux espérer que cela se dissipera comme c'est venu, tout à fait subitement : les premiers symptômes m'ont beaucoup allarmée, mais il semble que cela ne se reproduise ( il a vomi du sang) hier il était beaucoup mieux. Je ne doute pas que tu sois très occupé à la veille de la présentation de ta pièce. Inutile de te souhaiter bonne chance. Avec toi je serai heureuse de venir passer un moment parmi vous. Je comblerai ainsi ma solitude, entourée de vos gentillesses. Je vous suppose Claire et toi en bonne santé et très pris. Chez moi grâce à Dieu je me porte bien

                        Recevez tous les deux mes bons baisers

                                                                                  Rifka

Le 30 mai 1939 diffusion de Georg Kaiser : Du matin à minuit (adaptation radiophonique en 7 tableaux d'Ivan Goll sur Radio Paris (Ivan Goll), présentation de Pierre Descaves)

Le texte de cette adaptation, 77 pages, l'exemplaire de Jacques Baumer qui jouait le rôle principal,  est à la Bibliothèque de l'Arsenal référence:  4- YA 2734 Rad. Du matin à minuit.

Rebecca  est venue à Paris chez les Goll du 7 au 30 juin 1939

lettre de Rebecca à Ivan 4 juillet 1939

                                                                       Metz le 4 juillet 1939,

                                               Mon cher Mig,

            Tu seras peut-être surpris de recevoir la présente mais dans notre région règne le pessimisme en plein,. Je viens te demander si je ne devrais pas préparer ce que j'ai de plus précieux et songer à aller vers à climat moins frontières ? Justine m'engage fermement à partir avec eux. La date de leur départ d'ici est fixée au 13 juillet. Il quitteraient Metz à 12 heures 08 pour arriver à Paris à cinq heures ,coucheraient àParis et partiraient vendredi quatorze à 12 h gare Montparnasse pour être le soir à Dinard. Dis-moi ce que tu penses à ce sujet. Je suis perplexe, certes je pensais rester chez moi et ne partir qu'à la rigueur, mais m'entêter n'est peut-être pas intelligent ? Ici la vie continue. Les fraises  coûtent 2 francs 50 au détail, 2 francs par panier et la salade trois têtes pour 1 franc, les légumes en général très abordables. J'ai bien retrouvé mon couteau dans mon sac noir. À l'occasion je te remettrai le tien, utile pour éplucher les légumes. Comment vous portez-vous chère Claire ? Votre malaise est-il disparu avec le régime sévère? Chacun était heureux de me revoir et j'ai retrouvé mon clan au complet. J'espère avoir le plaisir de te lire bientôt. Dans cette attente recevez tous les deux mais baisers bien affectueux

                                   Rifka

lettre de Rebecca à Ivan 10 juillet 1939

                                                                       Metz le 10 juillet 1939,

                                               Mon cher Mig,

            Très surprise de ne pas avoir eu de réponse à la lettre que je t'adressais au reçu de la tienne. Je suppose que la présente se croisera avec la tienne et que malgré ce silence, rien de fâcheux ne s'est produit parmi vous . Je viens de relire ta lettre : oui , je suis d'avis de vendre tous les Reichsbank et ne pas racheter de valeurs allemandes ; car comme tu le dis bien, on ne peut compter sur cette sorte de citoyens qui n'ont aucune parole. Quant au réemploi, je supposais se vous voir arriver bientôt et de vive voix on en aurait causé. Avez-vous décidé votre voyage ? Est-ce celui de Challes qui sera le premier ou celui de Metz ? Autant de demandes de ma part. Chez moi grâce à Dieu, la santé se maintient. Justine m'engage beaucoup à les accompagner à Dinard, moi, si tout reste au calme je préférerais rester ici. Certes s'il le fallait je n'hésiterais pas à quitter mais la situation n'est ni meilleure ni moins tendue : j'attends. Espérant te dire et recevoir quelques réponses à mes demandes, recevez tous les deux, Claire et toi, mes baisers les meilleurs

                                                                                                          Rifka

lettre de Rebecca à Ivan 18 juillet 1939

                                                                                   Metz le 18 juillet 1939,

Mes chers Claire et Mig,

            J'ai été quelque peu surprise en recevant ta missive hier, en lisant, que votre voyage ici n'était pas encore décidé. Je veux supposer cependant que ce ne sont pas des raisons de santé qui vous obligent à ne rien préciser encore chère Claire. Inutile de vous dire que je serai très heureuse de vous posséder ici et que le changement de climat ne pourra, je crois que vous être favorable à tous les deux, la température est plutôt douce en ce moment

            T'ai-je dit, cher Mig,  Edgar est venu m'inviter à la,Brasonila, mais pour raisons de santé, elle n'a pas eu lieu . Pour être agréable à Gaby, j'ai été samedi faire ma visite officielle. Elle est donc repartie ce matin pour Vichy, où elle attend tout son monde là-bas  J'espère que si toutefois vous ajournez votre séjour ici à courant fin juillet ou août, vous m'en préviendrez aussitôt que vous-mêmes en serez fixés, ce qui je suppose ne tardera pas.

            A bientôt donc chère Claire et Mig, recevez en attendant mes baisers bien affectueux

                                               Rifka

lettre d'Ivan Goll  Paris à Paula Ludwig Paris 1 août 1939 ImsL p.522/523

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Paris 2 août 1939 ImsL p.523/524/525

lettre de Rebecca à Ivan vendredi 4 août 1939

Vendredi 4 août 1939

Mes bien Chers

            Votre mot reçu hier m'annonçant votre arrivée prochaine pour lundi 7 m'a fait  le plus grand plaisir et je me réjouis de vous revoir surtout Claire en meilleure santé s'il plaît à Dieu. Vous n'avez rien à regretter de ne pas être à Challes , jusqu'alors le temps des plus variables (il pleut si souvent) ne vous procurerait qu'une villégiature relativement agréable. Espérons que ces jours prochains  vous nous apporterez le beau temps, c'est-à-dire le temps de la saison. Donc, convenu votre arrivée pour 12 heures 05 gare de Metz , je crois ? En cas de contre-ordre, un petit mot s'il vous plaît ce que je n'espère pas. À bientôt donc

            en attendant, recevez mes bien affectueux baisers R

                                                           Rifka

P.S. : l'épaule de mouton est à 9 francs ici,  donc cher Mig, ne t'en embarrasse pas. Quant aux questions Reichsbank , je crois que verbalement on décidera plus facilement

lettre de Rebecca à Ivan dimanche 6 août 1939

Metz, le 6 août 1939

Mon cher Mig,

            Je viens de recevoir ton mot m'annonçant un retard de quelques jours pour votre voyage en Lorraine. Je conçois fort bien que chère Claire hésite à quitter son home si sa santé est encore chancelante, car malgré le confort que l'on peut trouver dehors, on n'est pas chez soi. À dire vrai j'ai eu une petite déception parce que, votre arrivée était annoncée pour lundi et comme les magasins sont fermés à-demi, j'avais dû songer à quelques achats, qu'à cela ne tienne. Mais je tiens à te faire remarquer que le délai du 15 août expire la possibilité de l'arrangement Reichsbank, donc en conséquence renseigne-toi au reçu de la présente chez les banquiers allemands, d'abord à Zurich ensuite à Luxembourg pour connaître le prix de la liquidation des 22 restants.. Car sache que la première vente a été très déficitaire mais je crois que tu ne vois pas de même que moi à ce sujet. Donc entendu, écris de suite aux maisons citées plus haut afin que notre revente n'arrive pas après coup.

Bons baisers en attendant de vous revoir ,Rifka

P.S. : Donc agis de suite

À te faire remarquer à partir du 12 les Bourses sont fermées.

Je suis très désireuse de faire le transfert entre question le plus vite possible

Ivan et Claire auraient dû arriver à Metz lundi 7 août à 12h05 mais voyage reporté

Le 8 août un télégramme de Metz annonce à Ivan une fracture du fémur sa mère. Goll arrive par le train de nuit.

lettre d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 9 août 1939   en français  MST p.250/251

                                                                                  Metz 9 août 1939

                                                                                  [mercredi]

Mon cher Ange,

            Ce que j'ai vu ce matin en arrivant brise ma vie. Maman s'est brisé le col du fémur. Je crois que c'est très grave. Non point douloureux, ni dangereux en soi, mais incollable, il me semble.

Le médecin que je suis allé voir dès 9h. que la première et la seule chose, à peu près à faire : est de rester immobile !

Rester immobile, pour ma mère, qui avait le sang d'une salamandre, toujours vive, toujours active. Ne plus courir pour elle va être la plus pénible des épreuves.

Clinique : le médecin, elle y avait pensé ! Le médecin m'a dit que le vrai danger de ces cassures fréquentes chez les vieilles femmes, c'était le brusque changement de vie active et trépidante en immobilité forcée. Ça doit être insupportable. Elle qui courait comme une belette pour une chopine de lait ! Il y a danger de pneumonie après quelques semaines, pour des poumons qui ne s'essoufflent plus, qui ne travaillent plus.

Voilà comment c'est arrivé, le plus bêtement du monde: lundi, déjà à 2h., elle est tombée dans sa chambre devant son armoire à glace. Et que fit-elle ? Elle n'appela au secours, mit un quart d'heure pour se relever, puis se traîna, devine où, au lit ? Non, au Café Excelsior ! Ses amies la ramenèrent en taxi et appelèrent le médecin, qui ne se prononça pas sur le champ, mais il l'a fit radiographier hier matin, là se révéla la cassure.

Eh bien non, la clinique est une formule trop commode. La mettre entre des mains étrangères. Alors qu'aucun soin, aucun médicament ne sont applicables ! Simplement immobilité. La solitude là-bas aurait pour elle un effet désastreux : sans appétit, sans consolation. Alors qu'un fils est là et n'a rien à faire qu'à aller se promener à Challes.

Donc j'ai décidé de rester auprès d'elle, secondé par une femme de ménage. Dans ces conditions, que vas-tu faire ? Ton séjour dans cette maison sens dessus-dessous va être des plus misérables.

Si tu allais seule à Challes, au Château, tant pis. Je ne vois d'ailleurs pas d'autre solution : plus question pour moi de m'y rendre.

Enfin, réfléchis, réfléchissons.

Je commence déjà à expier mes années insouciantes, pourtant pas tellement gaies : voici d'abord les maladies des proches, puis suivront les miennes.

Je suis sur l'autre pente.

J'agite vers toi mon mouchoir en descendant                                               ton Yvan

lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 9 août 1939 ImsL p.523/524/525

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 9 août 1939   MST p.251

                                                                                              9 août 1939

Chéri,

            Je suis très bouleversée. La pauvre maman ! Elle qui était toujours si alerte.  ! Une des fractures les plus graves ; comment guérira-t-elle, et quand ? Un bon médecin l'a-t-il radiographié ? Est-elle dans le plâtre ? S'il te plaît, dis-lui qu'après sa guérison, il faudra absolument qu'elle vienne vivre avec nous. Nous ne la laisserons plus seule dans cette maison sombre. Sans doute, pour l'instant, elle devra rester étendue de longs mois. Mais, rue Dupont des Loges, il manque les conditions d'hygiène élémentaires pour un bon traitement. Elle serait beaucoup mieux dans une clinique. Quel souci pour nous tous, mon pauvre petit garçon !

            J'ai reçu ton télégramme alors que je revenais de l'ambassade américaine; le vice-consul m'avait priée par lettre de venir avec les passeports. Il m'expliqua aimablement que, le jour où nous apporterions les billets, nous obtiendrions les visas. Certainement, mais aussi les formulaires blancs; il faudra tout recommencer depuis le début. Enfin, cette question de notre destinée est maintenant totalement résolue.

            J'espère recevoir bientôt des nouvelles détaillées de toi et de l'accident.

            J'ai voyagé avec toi, sans sommeil, toute la nuit. Mon petit garçon aimé, je te prends tendrement dans mes bras et je vous embrasse tous les deux, bien des fois.

                                                                                                          Zouzou

Paula Ludwig à Paris à Ivan à Metz : lettre du 10 août 1939 *** IsmL p.526/527/528

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 10 août 1939   MST p.251/252/253

                                                                                             

                                                                                                          Jeudi

                                                                                                          [Paris 10. 8. 39]

Bien-aimé,

            Tu ne peux pas t'imaginer de quelle pitié profonde me remplissent ces nouvelles de ta mère. Je remarque à présent aux sentiments que j'éprouve, qu'elle m'est (malgré tout) beaucoup plus proche que je ne le pensais. Et je voudrais que tout soit fait pour lui alléger cette longue épreuve.

            Naturellement, tu resteras près d'elle, et je devrai donc me rendre seule à Challes. Néanmoins, j'aimerais auparavant lui faire une visite. Cela me paraît inévitable, et ce ne sera pas de ma part, un geste conventionnel, mais un geste parti du cœur; il est inutile que ce soit un long séjour, mais je suis certaine que, si pareille chose m'arrivait, elle viendrait me voir. Mais, veux-tu réellement la laisser étendue pendant des mois dans sa sombre chambre, comme au Moyen-Age ? Tu peux prévenir la congestion pulmonaire dont elle est menacée, en l'installant dans une maison de santé, avec jardin. En outre, une fracture ne peut guérir que lorsqu'elle a été réduite par un chirurgien, car sinon, à chaque mouvement (même inconscient pendant le sommeil), les muscles en jeu déplacent les parties osseuses en contact. Voir le Larousse Médical : "Dans certaines fractures, celles de la cuisse notamment, pour lutter contre l'action des muscles fléchisseurs qui tendent à faire chevaucher les fragments, on pratique l'extension avec certains appareils dont les plus usités sont les appareils de Hennequin, de Heitz-Boyer et de Tillaux.  Dans certains cas, il est nécessaire de recourir à l'anesthésie pour permettre la réduction exacte des fragments." Cependant, notre Larousse est de l'année 1912, et de nos jours, un grand chirurgien s'y prend sans doute d'une autre manière. C'est ton devoir d'en consulter un immédiatement et de lui faire examiner Maman. Car chaque fois qu'elle urine, etc....les fragments d'os se déplacent.  Comment cela pourrait-il guérir sans être artificiellement immobilisé ? En outre : il faut qu'elle soit frictionnée, massée tous les jours, pour éviter une atrophie des autres organes. Agis donc conformément à ton époque et non à la sienne ! Si tu la laisses ainsi couchée, elle mourra prochainement. Lorsqu'elle sera dans le plâtre ou dans un appareil, on pourra l'emmener de Metz en ambulance (mais naturellement pas, telle qu'elle est maintenant). Car enfin, tu ne peux pas la laisser périr sous les balles de Hitler.

Pense à la femme de Lindner, qui fut, elle aussi, après sa fracture de la hanche, si abîmée par un charlatan gênois, parce qu'elle alla trop tard chez Sauerbruch. Dans ces cas-là, il faut agir dès les premiers jours. Si son passage à l'Excelsior n'était pas aussi triste, on serait forcé d'en rire.

Ne te plains pas. Némésis, dans la mythologie, ne poursuivait pas seulement les parjures. Ne m'as-tu pas juré, l'an dernier (comme il y a une semaine), sur la vie de ta mère, de ne plus voir P. L. ? Ta santé et la sienne dépendaient de tes actes. Pourquoi restes-tu ici ? Le démon de P. L.  nous a apporté en un an, beaucoup de malheur. Ma maladie de cœur, les passeports, l'épuisement de ta mère. L'ombre de cette femme est très noire. Que Dieu lui pardonne !

Je suis toujours avec toi, je t'embrasse ainsi que Maman.

                                                                                                          Zouzou

lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 11 août 1939 ImsL p.529/530

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 11 août 1939   MST p.253

                                                                                              [Paris vendredi 11. 8. 39]

Cher coeur,

            Un triste matinée : pas de lettre de toi, temps gris, mauvaises nouvelles. Avant-hier chez Chardonne, Delamain aussi bien que Müller ont refusé à cause de la forme épistolaire du roman *. Il m'a conseillé de l'offrir à Plon, qui pourrait plus facilement l'imprimer à frais d'auteur, puisqu' il a sa propre imprimerie., Poupet, qui part ce soir, me reçoit le matin à 11 h. Suis complètement découragés et sans force. Mon coeur s'arrête.

            Voici un formulaire de la Société des Auteurs, qui est à remplir.

            Toutes les personnes à qui je raconte l'accident de ta mère sont d'avis qu'avec une véritable fracture, on ne peut pas faire trois pas, encore moins aller jusqu'à l'Excelsior. Il faut que le médecin 'ait "monté un bateau", dit Monsieur Henry. Et sa femme m'a raconté que son grand-père, s'étant brisé le fémur à quatre-vingts ans, ne put plus faire aucun mouvement, fut tout de suite mis dans le plâtre, et survécut encore huit ans, après que la fracture eût été guérie en six mois. Il ne peut donc s'agir chez Maman que d'une fêlure ou de quelque chose d'autre.

            Consulte donc un chirurgien ! Envoie-moi les petits oiseaux de ton écriture ; si demain matin je ne les trouve pas sous la porte, je pourrai difficilement vivre tout le jour.

                                               En tout amour.

                                                           Ta Zouzou

* Il s'agit du roman "La passion selon Jean" , écrit et dactylographié entre janvier 38 et juillet 39 qui sera publié à New York aux Editions de la Maison Française en 1941 sous le titre "Le Tombeau des amants inconnus".

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 11 août 1939   MST p.254

                                                                                                          [Paris 11. 8. 39]

Petit coeur,

Trouvé à l'instant ta lettre, comme je revenais de chez Plon. Le meilleur remède pour mon coeur malade. Tout de suite, ça va mieux. Je ne pourrais sans doute plus tenir longtemps dans l'appartement. Le mieux serait que j’aille vous rejoindre. Peut-être dimanche, ou lundi ? Que conseilles-tu ?

            Ne cherche pas querelle au destin ! Maman aurait pu se blesser encore bien plus gravement. L'essentiel, c'est qu'elle ne souffre pas physiquement. Déjà une grande faveur. N'a-t-on toujours pas consulté un chirurgien ?

            Ai téléphoné tout à l'heure à Mihalovici, mais il n'était pas là. J'essaierai plus tard

Poupet ne voulut rien savoir du compte d'auteur. Il dit que Plon ne le fait jamais et que j'aurais ainsi encore moins de chances d'acceptation. Réponse à la rentrée.

            Par contre, Chastel, à qui j'ai téléphoné, a été ravi des imprimés offerts aux frais de l'auteur. Dès que le comité de lecture se réunira (début septembre), il fera lire le manuscrit en premier lieu et me fixera alors, cinquante manuscrits attendent déjà ce comité de lecture. En encourageant !

            Je tourne de-ci de-là, et je te vois surgir dans tous les coins, "le Lorrain volant", "Jean sans Terre", et je suis triste comme un petit chien qui a perdu son maître. Je me tiens debout dans ces coins, attends, écoute à la porte si tu ne viens pas : un peu égaré et mouillé de pluie. Je n'ai pas encore appris, depuis vingt ans, à manger sans toi, à rire et à vivre sans toi. Il est maintenant trop tard pour l'apprendre. L'école fermera bientôt.

                                   Je t'aime, que Dieu me vienne en aide, je ne puis faire autrement.

                                                                       Ta Zouzou

lettre d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 12 août 1939  en français  MST p.254/255

                                                                                  Metz 12 août 1939

                                                                                  10H. du matin

Mon Angelette,

Ta lettre m'a fait beaucoup de peine ce matin. Cet échec chez Stock est bien pénible. Et tes autres démarches me laissent rêveur..

Aussi ne prolonge pas inutilement en séjour à Paris. Tu vas devenir tout à fait neurasthénique. Fais immédiatement et mâle et pars.

Si tu te décides de Metz, c'est demain à 13 heures 35 mais réfléchis encore : tu vas de nouveau perdre ici des journées précieuses. Et quelles fatigues : déballer, remballer.

Quand partiras-tu pour Challes ? tu sais que vers le vingt-quatre, tes journées rouges reviennent.

            Il faut que tu y sois avant. Sans cela, ce serait le 1 septembre, bien tard.

Puisque tu descendras au Château, autant y aller tout de suite. Tes préparatifs sont les mêmes. Ensuite tu reviendrais par Metz. Maman ne t'en voudra pas.

            Avec cette tension politique, ne vaut-il pas mieux en finir immédiatement avec Challes ? Le 28 août, les nuages recommenceront à s'amonceler.

            Voici encore 150 francs pour ton voyage. Ton train pour Chambéry part à 7 heures 30 de la Gare de Lyon, et arrive à 15 heures 40

            Prends un billet aller et retour valable quarante jours, en 2 ème cela doit coûter 350 francs.

            Peut-être, lorsque tu auras fini ta cure, Maman ira mieux, et nous pourrons songer à faire ensemble un grand voyage.

            Prends courage, je sais qu'il est difficile de partir seule, mais il le faut cette fois. Il en serait de même dans huit jours, si tu devais partir d'ici.

            Pas de sentimentalité. Inutile de faire une visite de convenance à Maman, elle t'en dispense.

            C'est d'ailleurs moi qui aurai eu le plus à souffrir de ton absence, je ne peux pas bouger de la maison, de peur qu'on sonne : le médecin ou une visite... Tantôt, c'est le vase de nuit qu'elle demande, tantôt du café...

            Dans ces conditions, tu partirais donc lundi matin.

            J’espère que cette lettre te parviendra encore ce soir +, je la porte à la gare pour le train de midi

            Mais enfin à une tu décideras toi même.

            Télégraphie-moi ta décision.

                                   Je t'embrasse

                                                           Ivan

+ Non, elle ne peut en aucun cas te parvenir ce soir ; c'est pour cela que j'envoie le télégramme de 11 heures 30, afin que tu fasses tes préparatifs.

.

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 12 août 1939   MST p.254

                                                                                                          [Paris samedi 12. 8. 39]

Très cher,

Reçu ta lettre ce matin et ton télégramme vers 1 H. La visite du second médecin est très rassurante, bien que je ne crois pas non plus que quatre semaines d'immobilité suffisent, pour guérir une fracture à cet âge là.

            L'argent me fait grand plaisir, car je vais encore aujourd'hui chez le coiffeur (toute ébouriffée comme je le suis de nouveau), et j'ai aussi acheté un costume de bain, étant donné que j'ai l'intention de partir lundi pour venir vous rejoindre.

            Challes est maintenant impossible. Jusqu'au 25 août, toutes les mansardes du Château sont retenues à des prix élevés. Je sais cela d'expérience. Et aussi, je hais l'animation. Il s'agit donc d'attendre un peu. Si je ne télégraphie plus, je serai partie lundi à 1h.35; viens alors me chercher à la gare.

            Aujourd'hui est arrivée La Revue du Rhin avec la critique et avec ton poème "La Cathédrale de Strasbourg", si beau qu'il m'a arraché des larmes.

            Quelle grandeur digne de Villon dans la tristesse, et cette fin :

                                   Et je réclame

                                   Ton doux baiser

                                   Grande Madame

                                   Pour m’apaiser

Quel grand poète tu es ! et comment ne t'aimerais-je pas !

            Ton éternelle élève t'embrasse avec fierté et admiration

                                                                                  Zouzou

lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 14 août 1939 ImsL p.530

lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 21 août 1939 ImsL p.531/532

lettre d'Ivan Goll à Paula Ludwig Paris 25 août 1939 ImsL p.533/534

Télégramme d’Ivan à sa mère 25 août 1939

                                   Madame Kahn

                                   Clinique l’Espèrance

                                   Rempart Thiebaut

                                               Metz

            Espoir  attends un jour pour évacuation        Patrons           hélas

            Adieu

                                   Mignon

Ivan à sa mère, à bord du Veendam 25 août 1939

                                                Veendam

                                               En rade à Southampton

                        Ma chère Rifka,

            J’ai été arraché à cette terre  lorsque le bateau partir du port d’Europe.

Que va-t-il advenir à cette merveilleuse France ? Et je pense à toi, chère maman, qui peut-être aujourd’hui samedi, as fait un voyage infernal pour te plonger dans la paix d’un autre havre ?

            Je pense à toi, je pleure, je suis si triste – et je voudrais déjà tant pouvoir revenir !

Vers toi , dans tes bras !

            Dans 4 semaines, s’il n’y a pas la guerre .

            Il faut l’espérer, des journaux le disent encore ce matin . et mon cœur le crie.

            Je t’embrasse bien fort !

            Je t’aime, maman !

            Excuse mon départ, il le fallait. Puisqu’il me fût possible !

                        Bonne santé !  Grand courage !

                                   A bientôt

                                               Ton  chéri

                                                           Mig

                        Et Claire t’embrasse en pleurant

SDdV 510.311 F

25 août 1939 : Ivan et Claire Goll quittent la France depuis le port de Boulogne à bord du Veendam, bateau Hollandais qui  les mène à New-York le 6 septembre 1939.

Paula Ludwig devait partir fin août au Brésil où vivait sa sœur Martha et Nina Engekhardt

lettre d'Ivan Goll Southampton à Paula Ludwig Paris 26 août 1939 ImsL p.534/535

à traduire **

lettre d'Ivan Goll New-York à Paula Ludwig Paris 13 novembre 1939 ImsL p.535/536

à traduire **

Du 13 au 16 novembre Yvan et Claire essayèrent d'obtenir leur changement de visa auprès du Consulat Général de France à New-York mais ils restèrent ensuite sans

à  préciser après traduction

lettre d'Audiberti à  Claire Goll datée 11/12/1939 [à vérifier]

                        Chère, chère amie,

            J'arrive de Marseille, je repars pour Marseille, mais; entre temps, je trouve votre télégramme, et je connais toute ma honte et tout mon remords. Pardonnez-moi, Claire, de ne plus pouvoir aimer, comme ils le méritent, et comme je le mérite, mes amis. La vie, de plus en plus, m'apparaît atroce.

Comment jamais plus pourrons-nous tirer quelque joie de nous-mêmes et de ceux que nous aimons quand des créatures à notre ressemblance, avec un corps comme le nôtre, souffrent ce qu'on souffert les incendiés de Marseille et les malheureux de Berlin et de toute l'Allemagne. Je suis si faible et si petit. Je ne puis rien. Je ne puis qu'augmenter, par ma propre détresse, le niveau de l'émotivité générale, l'aptitude du monde humain à la souffrance.

            Je sais votre tendresse, Claire, et combien mes silences, mes absences ont pu vous sembler peu amicales. Je suis pris, déchiré, tenaillé - par les besognes, la famille, ce terrible sommeil toujours insatisfait, ce poids d'organes et de grippe. Mais rien ne saurait me faire oublier mon amie, ma très grande amie Claire

                                                                Jacques

            

SDdV Aa54 (232)  - 510.299 III

                                                           1940

8 janvier 1940 lettre  de Goll à  Clark  Mills (1ère  de 33 lettres  passionnantes

                                                                       New  York,  8  janvier 1940

                                   Mon  cher  Clark  Mills

                                   Vous  venez  d'entrer  en  bourrasque  dans  une

                             petite   chambre   et   de   l'emplir  de   vos   multiples

                            voix,  visages et visions. Vous m'apparaissez  maintenant

                           de  l'intérieur ,  et  si  palpable  et  si  présent, que  cela

                           me  rappelle  dans  l'ordre  spirituel ,  votre  enthousiaste

                           et   trépidante   première  visite  chez moi,  le jour  de  Noël.

                                   Merci  pour  tout  ce  bouquet  de  poèmes ,  fait

                          de   bien  différentes  sortes  de  fleurs  et   de  parfums.

                          Je   distingue  dans  votre  poésie  plusieurs   courants ,  aussi

                          forts  aussi  dynamiques  les  uns  que  les  autres,  et  je

                          comprends  immédiatement  pourquoi   vous  me  disiez ne  pas

                          encore  connaître  votre  véritable  voie.  Mais  ce  qu'il  y  a   

                          de  sûr ,   vous  vivez   partout  dans  le  réel  domaine  de 

                          la   poésie ,  et  ,     que  vous  vous  engagiez ,   vous  ne

                          pouvez  vous   tromper.

                                   Lequel  de  vos  poèmes   préférer  ?   J'y  découvre

                          trois  tendances  :       vous  êtes  contemplatif  et  visuel

                          dans    „ The   beggars "  qui   me   semble  être  une  admi -

                          rable  réussite   et  qui  a  des   qualités  rilkéennes .

                           J'aime   le   fougueux   et   visionnaire  „ Casalina  ",

                          et   j'ai   un   faible  pour   votre  „ Elegy  "  toute  mystique

                          et   empreinte  d'un  halo  cosmique .

                                   Ce  sera  un  plaisir  pour  moi  de  traduire quel -

                          ques   pièces ,  en  commençant  par    „ The   beggars "

                          qui   me   sont  chers   aussi   à   cause  de  la   Place

                          Edmond   Rostand ,    je   passais  presque  tous

                           les  jours,   en  montant  de  la  Rue  de  Condé  vers

                          l'Observatoire .  Si  j'y  passais  maintenant ,  je  la

                          verrais  avec  vos  yeux .

            SDdV

Note Ivan Goll à Claire New  York,  MST p.258

Note Ivan Goll à Claire New  York,  MST p.258

                                                           10h30

                                                           [New York]

Chérie

Je vais à la banque.

Si Roditi téléphone, écoute d'abord ce qu'il dit, puis, s'il veut venir, dit que j'ai attendu son appel, et que maintenant je suis en ville - déjeuner impossible.

N'invite pas Goffin pour demain mais pour un autre jour avec l'éditeur.

Téléphone à Wittenberg

                                   Toujours

                                               I.

Note Ivan Goll à Claire New  York,  MST p.259

                                                           10h45

                                                           [New York]

Chérie,

Il fait si beau.

Je vais au Prospect Park et chercher du pain. Mais ne touche pas à ma chambre. Je la ferai moi-même. Ne te fatigue pas

                                               I.

Note Ivan Goll à Claire New  York,  MST p.259

Note Ivan Goll à Claire New  York,  MST p.259/260

Note Ivan Goll à Claire New  York,  MST p.260

Ivan Goll New-York à Paula Ludwig Paris  7 février 1940 ImsL p.537

                        Ma chère Paula

Grande surprise pour moi d'apprendre que tu n'étais plus à St.Malo. Alors que c'est dans cette ville que je t'ai envoyé toutes mes lettres de Noël, de Nouvel-An et de 5 janvier. Je me demande avec inquiétude maintenant si tu as reçu ces envois qui comprenaient parfois des billets de dollar. Et je serais triste si tu étais restée sans nouvelles à toutes ces dates mémorables.

Mais grande joie pour moi aussi d'apprendre que tu habites de nouveau dans ta petite chambre, près du poirier, du merle et du jardin du Luxembourg qui est beau et grand par toutes les saisons.    

Tu es devenue une sage, et dans les profondeurs du malheur tu sais toujours trouver une étincelle de bonheur, comme une étoile dans la nuit. Quel plaisir pour moi de correspondre maintenant avec toi dans cette langue : ta lettre-enfant m'a fait rire aux larmes, elle était touchante.

Je savais que Friedel deviendrait un grand artiste, et rien ne pourra l'en empêcher. Dans la plus petite chambre, il trouvera à s'exprimer. Et qu'il suive les traces de Van Gogh, voilà une révélation.                                    

Je joins à cette lettre un de mes nouveaux poèmes qui te montrera que je reste le même partout, sur tous les continents, malgré toutes les tempêtes.

Je joins aussi 1 dollar comme d'habitude

et tous mes baisers      

                                               Ivan

SDdV

9 février 1940 lettre  de Goll à  Clark  Mills

                                                                       New  York,  Feb 9, 1940

                        Mon  cher  Clark  Mills

                        Quelle désillusion  pour  nous  tous,  que  vous  ne

            serez  pas  des  nôtres  demain !  Les  Seligmann  et  nous,  avions

            organisé  une  petite  soirée  pour  vous  fêter  !  la  Pâques  est

            encore  loin.

                        Nous  avions  aussi  des  choses  importantes  à  discuter,

            au  sujet  du  volume .   D'après  les  calculations,  le  tout  n'en

            vaudrait  pas  la  chandelle, comme  on  dit ,  si  je  ne  publie

            qu'un  poème ; „ J.S.T.  nettoyé  par  le  vide."  Tout  en  beau 

            papier ,  cette  publicité , ces  gravures  pour   ces  quelques

            strophes  !  m'ont  dit  les  libraires.  Il  faudrait  au  moins

            3  poèmes,  c'est  un  minimum.

                        Je  vous  envoie  donc  mon  tout  dernier  poème  :

            „ Jean  sans  Terre  traverse  l'océan "  qui  plaît  beaucoup

            à  mes  amis,  et  qui,  je  crois,  aura  aussi  vos  suffrages.

            C'est  le  poème auquel  je  travaillais, quand  vous  étiez  ici ;

            je  crois  vous  en  avoir  parlé.  S'il  n'était  pas  de la  série 

            des J.S.T. , je  pourrais  aussi  l'appeler :  „ Le  Transatlantique

            désenivré ".

                        Depuis  que  vous  m'avez  avoué  que  vous aimez  être 

            bousculé  ,  que  l'accumulation  du  travail  vous  stimule , –

            et  je  connais  cette  tension  d'activité,  c'est  vrai  pour  moi

             aussi     je  n'ai  plus  aucune  gêne  à  vous  demander

            de  traduire  ce  poème très  vite    puisque  tout  est  suspendu

            à  cela !    Ce  ne  sera  pas  une  tâche  facile ,  je  le

            reconnais ,  mais  un  exercice  salutaire ,  excellent   pour 

            moi  aussi .  Je  suis  bien  de  votre  avis  qu'une  traduction

            devrait  dans  bien  des  cas  être une  sorte  de collaboration,

SDdV

14 février 1940 lettre  de Goll à  Clark  Mills

                                                                       New  York,  Feb 14, 1940

                        Mon  cher  Clark  Mills,

                               Il  m'arrive  une  aventure  étonnante ,  qui

            se  rapporte  d'ailleurs  à  la  question  de  la  traduction

            poétique  en  général.

                        Dans  le  miroir  grossissant  de  votre  traduction,

            j'ai  revu  mon  propre  poème  à  distance ,  et  j'ai  été

            amené  à  jeter certaines  parties  à  la  refonte.

                        Ainsi  les  trois  dernières  strophes  m'ont  paru

            d'un  esprit  et  d'une tonalité  très différents  du  reste, comme

            greffées sur  un  arbre  d'une  autre  espèce. Je  les  ai

            finalement  supprimées  et  remplacées  par  une  seule 

            nouvelle  strophe, qui,  je  crois,  forme  une  fin  beaucoup 

            plus  naturelle.

                        D'autre  part  le  dernier  vers  de  la  strophe  8

            „ Without  beginning ,   without  end  ” donnait  à  celle-ci

            un  accent  contraire. Je  l'ai  changé  comme  vous  verrez.

                                   Et  en  général ,  j'ai  beaucoup ,  beaucoup

            changé .  Et  en  changeant ,  c'est  beaucoup  moins  à  votre

             texte  que  je  m'en  suis  pris,  qu'au  mien.  Vous  allez

            le  voir , et  vous  n'en  serez  sûrement  pas  fâché   ,  je

            suppose.

                        Dans  mon  avant  dernière  lettre ,  je  vous  avais 

            envoyé  mes  applaudissements  enthousiastes  – après  avoir

            entendu  lire  votre  traduction ,  si  gracieuse,  si  rythmée ,

            d'une  langue  si  fine.

                        Mais,  en  me  penchant  sur  le  texte ,  il  en  a 

            été  autrement :

                        Je  suis  un   maniaque  du  mot.

                        Comme  tel ,  j'ai  été  affligé  de  ne  pas  retrouver :

            „ le  poison  de  la  lune ”    „ la  ville  d'amiante 

               Ni  d'alcalin  ni  de  métal 

               Sans  Graal  sans  Baal  ” etc. ” etc.

                        Et  alors  j'ai  eu  l'audace  d'essayer  de  les  remettre

            dans  votre  texte,  et  je  crois,  y  avoir  bousculé  beaucoup

            de  choses.  Je  crains  surtout  avoir  nui   à  la

            fluidité  du  rythme  anglais ,  en  sacrifiant  aux  „mots”.

                        Dites-moi  ce  que  vous  pensez  de  tout  cela ,  aussi

            franchement  que  je  le  fais  ici.

SDdV

14 février 1940 double dactylographié lettre  de Goll à  Clark  Mills

                                               New  York,  February 14, 1940

                                               616  West  11  3th  Street

            Mon  cher  Clark  Mills,

                               Il  m'arrive  une  aventure  étonnante,  qui se  rapporte 

            d'ailleurs  à  la  question  de  la  traduction poétique  en  général.

                        Dans le miroir grandissant de votre  traduction, j'ai  revu mon propre 

            poème à distance, et j'ai été amené  à jeter certaines  parties  à  la  refonte.

             Ainsi  les  trois  dernières  strophes  m'ont  paru d'un  esprit  et  d'une to -

            nalité  très différents  du  reste, comme greffées sur  un  arbre  d'une  autre

             espèce. Je les ai finalement supprimées et remplacées  par  une  seule  nou-

             velle  strophe, qui,  je  crois,  forme  une  fin  beaucoup plus  naturelle.

                        D'autre  part  le  dernier  vers  de  la  strophe  8„ Without  beginning ,

              without  end  ” donnait  à  celle-ci un  accent  contraire. Je  l'ai  changé comme

             vous  verrez.

                     Et  en  général, j'ai  beaucoup,  beaucoup changé. Et en  changeant,  c'est    beaucoup  moins  à  votre texte que je m'en suis  pris,  qu'au  mien.  Vous  allez

            le  voir, et  vous  n'en  serez  sûrement  pas  fâché,  je suppose.

                 Dans mon  avant  dernière  lettre,  je  vous  avais  envoyé  mes  applaudisse-

            ments  enthousiastes    après  avoir entendu  lire  votre  traduction ,  si 

            gracieuse,  si  rythmée, d'une  langue  si  fine.

                        Mais,  en  me  penchant  sur  le  texte ,  il  en  a  été  autrement :

                                               Je  suis  un   maniaque  du  mot.

            Comme  tel ,  j'ai  été  affligé  de  ne  pas  retrouver :

            " le  poison  de  la  lune " ,  " La  ville  d'amiante ", Ni  d'alcalin  ni  de  métal "

               Sans  Graal  sans  Baal  ” etc. ” etc.

                        Et  alors  j'ai  eu  l'audace  d'essayer  de  les  remettre dans  votre  tex -

            te,  et  je  crois,  y  avoir  bousculé  beaucoup de  choses.  Je  crains  surtout

             avoir  nui   à  la fluidité  du  rythme  anglais ,  en  sacrifiant  aux  "mots".

                        Dites-moi  ce  que  vous  pensez  de  tout  cela,  aussi franchement

             que  je  le  fais  ici.

SDdV

16 février 1940  lettre dactylographiée de Clark  Mills à Goll

Dear  Ivan  Goll,

                        Thanks  for  the  new  version  of  Jean  sans Terre ; it  is

a  great  improvement  over  the  first,  I  think,  I  have  already  done a

rough  draft  of  it,  and  as  usual,  a  few  difficult  points arose.  Here

thery  are :

                        I. Partout je plante ma forêt de hampes. The dictionary

gives a  number of  meaning for hampes. I don't have a clear  picture of

the  image.

                        2. Regrettes-tu  les rouges Salamine ? Salamine is listed

as a Greek  island. What does the plural mean ? And  why  "rouges" ?

                        3. Le Tétanos de Terre à  Thalatta. I  don't find this

word in the dictionary

Do you know the English equivalent ?

                        4. Do you object if  I  change the  word  vérole  in the

translation ?  It  sounds absurd in the line in English.

                        5. Entre les terres au-delà des Temps. Le temps  here

times  or  weathers, and should one read,  " je  rêve entre  les Terres..."

or  " nos amours provisoires entre  les Terres... " ?

                        I  hope  this  does seem too much  trouble to elucidate.

Also, if you  cara  to send back  à copy of  the English version of JST

cleansed by the void, with  your suggestions,  I shall do my best with  it.

                        Now did  the  versions of  Chansons Malaises strike you ?

                        I  send  best wishes to Madame  Goll and  to  yourself.

                                                                       Hastily,

                                                                       Clark  Mills

SDdV

20 février 1940  double de la lettre dactylographiée de Goll à Flora Diaz-Parrado ***

                                                           New  York,  N. Y.  (U.S.A.)

                                                           616  West  113  Street

                                                           Feb. 20, 1940

            Chère  Amie,

            En  novembre  dernier,  vous  nous  écriviez  que  peut-être

vous  viendriez  à  New York,  peut-être  aussi  vous  retourneriez

en  Europe –  mais  il  y  a une  troisième  possibilité,  c'est

que  vous  resteriez  dans  votre  charmante  île  natale.  Claire

et  moi ,  nous  pensons  et  espérons  que  vous  avez  choisi  cette

troisième  éventualité, car  cela  nous  permettra  de  vous  revoir

bientôt.

   Car  nous  pensons  venir  à  la  Havana  sous  peu. Simplement

comme  passants,  et  sans  doute  pour  ne  rester  que  quelques 

jours.  Voici  comment  :  Nous  sommes  venus  aux  Etats - Unis

avec  un  simple   visitors   visa ,   et  nous  avons  fait  depuis

les  démarches  nécessaires  pour  immigrer.  Cela  est  facile,

puisque  je  suis    en  France,  et  que  le  quota  est  libre

pour  ce  pays.  Tous  les  papiers  nécessaires  ont déjà  été

envoyés  au   Consul  Américain  de  Havana, et  nous  attendons

incessamment  sa  réponse.

      Si  elle  est  favorable,  ce  que  j'espère, un  autre  problème

se  pose :  le  visa  de  visiteur  pour  Cuba  Nous  sommes  venus

en  Amérique avec  un  "titre  de  voyage"  français ,  étant  de

"nationalité  indéterminée".  Mais  la  validité  de  ce  titre

était  limitée  au  15  Novembre  1939, et  depuis,  le  consul

français  à  New York  a  refusé  de  le  prolonger  ou  de  le  renou-

veler, un  décret  le  lui  interdisant.

            Voici  donc  la  difficulté  qui  surgit  :  comment  obtenir

un  visa  de  courte  durée  pour  Cuba ?  On  nous  dit  qu'avec  une

bonne  recommandation  des  autorités  cubaines,  le  consul

de  New York  nous  les  donnera. Pouvez-vous  faire  quelquechose

pour  nous ?  Nous  espérons  dans  votre  bienveillante  amitié.

Si  nous  ne  pouvions  pas  entrer  à  Cuba,  pour  un  séjour  très

court  seulement,   la  situation  pourrait  devenir  inextricable

pour  nous,  car  notre  permis  de  résider  en  Amérique  expire

le  18  avril ,  et  nous  perdrions  en  même  temps  les  1000  dollars

que  nous  avons  déposés  en  entrant.

      Et  d'autre  part,  nous  nous  réjouissons  tellement  de

voir  enfin  cette  île  féerique  que  vous  nous  avez  tant  vantée,

sa  nature  luxuriante  et  sa  population  si  entraînante .  Ce

voyage  nous  est  promis  comme  un  beau  rêve:  voulez-vous nous

permettre  de  le  réaliser  et  être  l ' ange  aux  portes  de ce

paradis ?

            Claire  vous  écrira  avec  son  style  poétique.

                        Croyez  à  la  très  sincère  affection  de  votre

SDdV

23 février 1940  lettre  manuscrite de Goll à  Clark  Mills ***

                                               New  York,  Feb. 24, 1940

            Mon  cher  Clark  Mills,

                Nos  lettres  se  sont  croisées, pendant  Washington ' s 

Birthday.La  vôtre  m'apporte  la  réjouissance  nouvelle  que 

vous  déjà   mis  sur  pied  la  traduction  de  " JST  traverse 

l'Atlantique " :  réponse  à  la  mienne .  Dwight  Macdonald

s'en  réjouira.

            Voici  la  réponse  à  vos  questions :

                1) Une  forêt  de  hampes : le  bois  d'un  drapeau  =

            le  mât  qui  supporte  un  fanion.

                        Signification du  vers :  partout  mes  mâts  couvrent 

            la  surface  des  mers.

                 2) Regrettes-tu les rouges Salamine ? –  Regrettes-tu les 

            anciennes  batailles  navales, comme  celle  de    Salamine

           (ou   Salamis, en  grec et  peut-être en anglais) où  Thémis-

            tocle remporta la victoire sur les Perses. Rouges = sanglantes

            Même  signification  pour " les  Armadas ".  Ces  batailles 

            fournissent  à  la  mer  ses  meilleurs " repas ".

                3) Le  Tétanos  de  Terre  à  Thalatta :

            Tout  simplement  le  mot  grec  qui  signifie  la Mer.

                        Signification  de  la  strophe:  Les  terriens  tous les

             habitants  de  la terre, infectés de  maladies  de  la  terre,

            dont  la  plus  violente  et  la  plus  dangereuse  est  le 

            tétanos , bacille qui se trouve dans le crottin des  chevaux.

            Ainsi  les  malades  de  poussière  apportent"(prière de 

            traduire littéralement),  par  exemple 

                                   "To  Thalatta  the  earthy  Tetanus "

                     J'oppose partout  la  Terre –   origine  de  tous  les  maux

            ( à  commencer  par  la  naissance)  pour  Jean  sans  Terre   

              à  la  Mer  qui  représente  ici  l'évasion  par  l'Amour

            ( destructeur)  d'abord,  par  la  mort  ensuite,  qui  est

             fatale  et  purifiante  et  libératrice.

                   Les  vivants  craignent  la  mort,  qui   est  peut-être

             un  bienfait :  ainsi  les  Gens  de  Terre  craignent  de 

            devenir des  Gens  sans  Terre  ( des Jeans   sans  Terre).

                        Mais  le  destin  est  péremptoire.

                La  Terre qu'ils  fuient  (involontairement) devient

            le germe de tout mal, de toute maladie, incorporée

            4)dans  la  poussière : "tétanos", " vérole" (mais oui, vous 

            pouvez  pendre  autre  mal,  si  vous  voulez)  " peste ",

            "la  haine dure  des  rochers ",  "  les  rives  rancunières ".

            En  même  temps  je  décris le  déclin  de  l' "homo

            occidentalis" et  je  lui rends,  pour  l'atmosphère  poétique,

            son  premier visage, modelé par l'histoire et  la  mythologie 

            grecques.

            5) " Nos  amours  provisoires  entre  les  Terres "  :

            la  traversée  rapide  sur  l'Océan - amour - néant,

            entre  les Espace  au-delà  des Temps.

                " Essaient  de  déboulonner  mon  armure" :

            détruire  les  tissus  de  mon   corps,  la   chair étant considérée

            comme l'armure qui défend l'homme intérieur, l'âme, 

            contre  l'amour - la mort  :  le  "baiser  profond".

                        Je  n'ignore  pas  que  la  traduction  de  ce  poème

            représente une  tâche difficile, très  courageuse ? Vous  vous 

            y lancez  à  corps  perdu,  et  je  vous  applaudis. Ne

           craignez  pas  de  me  demander  la  signification  de

            tout  ce  qui  vous  échappe. Allez  y  de  bon cœur et d'un

            pas intrépide. En  retour,  ne  m'en  veuillez  pas, si  je 

            n'accepte  pas  toutes  vos  formulations,  et   je vous 

             suggère  ensuite  une autre interprétation.

                        Je  crois  qu'une  telle  traduction  peut  être  une

            collaboration  entre  l'auteur  et  le  traducteur   

            dans  les cas  heureux    celui-là  n'est  pas  mort 

            et  possède un  peu  la  langue  nouvelle.

                        Si  vous  voulez,  envoyez-moi  simplement  d'abord

             une ébauche .           

                        D'autre  part,  si  vous  avez  besoin  de  matériaux 

            pour    une     Introduction ,  je  suis  tout  à  votre 

            disposition.  A  Noël,  j'ai  peut-être  été  trop  peu

            loquace.

                        Mais comme je vous sens  proche  dans  ce travail

            commun,         je  vous  serre  sur  mon  cœur

                                                                       Ivan Goll

SDdV

24 février 1940 double dactylographié brouillon (?) de la lettre  de Goll à  Clark  Mills

                                               New  York,  Feb. 24, 1940

            Mon  cher  Clark  Mills,

                Nos  lettres  se  sont  croisées, pendant  Washington ' s  Birthday.

            La  vôtre  m'apporte  la  réjouissance  nouvelle  que  vous  avez 

            mis  sur  pied  la  traduction  de  " JST  traverse  l'Atlantique " ,

            tandis  que  la  mienne  vous  annonçait  que  celle - ci  serait

            la  bienvenue  chez  Dwight  Macdonald.

                        Je  m'empresse  de  répondre  à  vos  questions :

                        I) hampe : bois  du  drapeau  = mât  décoré  d'un  fanion.

                        Signification du  vers :  partout  mes  mâts  couvrent  la  surface

                        des  mers.

                        2) Salamine :  =  Salamis  en  grec  et  sans doute  en  anglais.

                        La  fameuse  bataille navale    Thémistocle  remporta  la  victoire

                       sur  les  Perses .  Rouges  =  sanglantes . Autre  bataille  navale :

                        " les  Armadas ".  Ces  batailles  fournissent  à  la  mer  ses  meilleurs

                        " repas ".

                        3) Le  Tétanos  de  Terre  à  Thalatta :

                        Simplement  le  mot  grec  qui  signifie  la  Mer.

                                   Signification du  vers :  Les  terriens . Les  gens  de  terre

                        ( dans  " terrien "  se  trouve  " rien ") sont  les  porteurs  de  toutes 

                        les  maladies  de  la  terre,  dont  la  plus  violente  et  la  plus 

                        mortelle  est  le  tétanos,  bacille  qui  se  trouve  dans  le  crottin

                        des  chevaux.

                                   Ainsi  les  "malades  de  poussière "apportent" ;

                                               "To  Thalatta  the  sarthy  tetanus "

                        en traduction  littérale , j'imagine.

                                   Dans  tout  le  poème, la  Terre –   origine  de  tous  les  maux

                        ( à  commencer  par  la  naissance)  pour  Jean  sans  Terre    est

                        opposé  à  la  Mer  qui  représente  ici  l'évasion  par  l'Amour

                        ( destructeur)  d'abord,  par  la  mort  ensuite,  qui  est  fatale

                        et  purifiante  et  libératrice.

                                   Les  vivants  craignent  la  mort,  qui   est  peut-être  un

                        bienfait :  ainsi  les  Gens  xxxx  de  Terre  craignent  de  devenir

                        des  Gens  sans  Terre  (Jeans   sans  Terre).

                                   Mais  le  destin  est  péremptoire.

                                   La  Terre contient le germe de tout mal, de toute maladie,

                        incorporée à  la  poussière : "tétanos", " vérole" (que  vous  pouvez

                        remplacer  par  autre  chose,  si  vous  voulez)  " peste ", "la  haine

                        dure  des  rochers ",  "  les  rives  rancunières ".

                              C'est  en  même  temps  la  description  du  déclin  de  "homo

                        occidentalis" , auquel,  pour  l'intensité  poétique,  je  rends

                        son  premier  visage,  modelé par  la  mythologie  et  l'histoire

                        grecques.

                                   5) " Nos  amours  provisoires  entre  les  Terres "  :

                                   5) "Nos  amours  provisoires  entre  les  Terres" :

                        la  traversée  rapide  sur  l'Océan-amour-vie, entre  les

                        continents  territoriaux,  au-delà  de l'Espace  et  des

                        Temps.

                                   Prière  de  traduire  aussi  verbalement  que  possible.

                                   " Essaient  de  déboulonner  mon  armure" :

                        essaient  de  détruire  les  tissus  de  mon   corps,  la   chair

                        étant considérée comme l'armure qui défend l'homme intérieur,

                        l'âme,  contre  l'amour-mort  :  le  "baiser  profond".

                                   Je  n'ignore  pas  que  la  traduction  de  ce  poème  est

                        une  tâche  très  difficile ,  très  courageuse ?  Vous  vous  y

                        lancez  à  corps  perdu ,  et  je  vous  applaudis.  Allez-y  de

                        bon  cœur,  d'un  pas  intrépide.

                                   Ne  craignez  pas  de  me  demander  la  signification  de

                        tout  ce  qui  vous  échappe.  En  retour,  ne  m'en  veuillez  pas,

                        si  je  n'accepte  pas  toutes  vos  interprétations,  et  si  je

                        vous  en  suggère  ensuite  d'autres.

                                   Si  vous  voulez,  envoyez-moi  simplement  d'abord  une

                        ébauche .  Je  crois  qu'une  telle  traduction  doit  être  une

                        collaboration  entre  le  poète et  le  traducteur    dans  les

                        cas  heureux  et  rares où  celui-là  n'est  pas  mort  et  possède

                        quelque  peu  la  langue  étrangère.

                                   D'autre  part,  si  vous  avez  besoin  de  matériaux  pour

                        une  Introduction,  je  suis  tout  à  votre  disposition.  A  Noël,

                        j'ai  peut-être  été  trop  laconique.

                                   Mais comme ce travail commun m'exalte !  Comme je vous

                        sens  proche  !

                                               Je  vous  serre  sur  mon  cœur

SDdV

1 Mars 1940 double dactylographié lettre  de Goll à  Clark  Mills

                                               New  York,  March  1,  1940

            Mon  cher  Clark  Mills,

  J'ai  été  ravi  de recevoir  le  "rough draft" de  votre

traduction  de  "JST  traverse l'Atlantique".  Il valait

mieux m'envoyer d'abord cette ébauche. Mais peut-être.

Ainsi que je vous l'ai suggéré  dans  ma  dernière  lettre,

une collaboration commune nous permettra-t-elle de mattre

sur pied une traduction  tout-à-fait adéquate, même avec

rimes.

         Je me suis penché sur votre texte, ainsi que sur le

poème précédent :  laissez-moi encore une nuit de travail :

je vous enverrai demain ou après-demain les rectifications

ou embellissements que j'ai à vous proposer.

     En attendant,  suivant votre désir,  je me suis efforcé

de mettre sur pied un aperçu général  des  3  Livres de Jean

sans Terre, de son  "philosophical background" etc.  En tant

qu'auteur, j'étais un peu gêné de préciser des points  que

j'eus préféré  entendre confirmés par  un commentateur :

mais je me suis laissé guider par les nombreuses critiques

qui ont déjà paru sur le poème – critiques dont je joins

d'ailleurs quelques extraits à mon commentaire.

   Maintenant, je pense que vous avez tout ce qu'il vous

faut pour écrire rapidement cette Préface que demande

Dwight Macdonald.  Préface que d'ailleurs on pourra peut-

être utiliser plus tard pour le Livre des traductions,

si vous lui donnez tout de suite l'ampleur voulue.

     Après  vos travaux sur Mallarmé, le symbolisme et le

surréalisme, vous xxxxxxxxxxx  êtes on ne peut plus qualifié

pour prononcer un verdict.

            Croyez-moi bien amicalement vôtre

SDdV

7 Mars 1940 double dactylographié lettre  de Goll à Clark  Mills

                                               New  York,  March  7,  1940

            Mon  cher  Clark  Mills,

            Et puis, voici vos deux traductions : celle de "Landless

John  crosses The Atlantic" est  tout-à-fait magnifique,  à

l'unanimité des voix des amis auxquels je l'ai montrée.

J'ai toutefois fait quelques changements qui sont plutôt

des modifications de mon texte que du vôtre. Ainsi que je

vous le disais dans ma dernière lettre, cette traduction

devient une collaboration fructueuse.

            J'ai accepté votre texte –   pour vous, pour moi et pour

Dwight Macdonald     avec les changements suivants :

            Strophe 2, j'ai rétabli "kursaals d'or"  pour  deux raisons :

d'abord  parce que je ne sais pas si "spa" vaut mieux, "Spa"

étant plutôt une ville d'eau qu'une plage,  et aussi  pour

maintenir intact l'image des "vaines boutiques du sentiment".

            Str.  3,  Vers 2 :

                        "Why  are you  drawing me  towards your  chouches"

pour  conserver  le  temps  présent,  et  pour  supprimer  "outward"

qui me  semble  inutile.

            Str.  6,  Vers 3 :

                        " I  plant  my  wood  of  masts  from  shore  to  shore"

pour  conserver  le  temps  présent,  et  l'image  de  la  forêt  de

mats ". Peut-être  préférez-vous  : "forrest of the masts" ?

            Str.  8,  Vers 1 :

j'aurais aimé :

                        "You  rue the red  banquet of  Salamis ?"

mais  peut-on supprimer le  "Do (you) " dans  une  question ?

            Str.  9

est complètement changée  dans le texte  original :

            Voici les bateaux montés du Tartare

            Pleins  de vivants dont la mort avorta

            Qui t'apportent leur poussière et leur tare

            Le tetanos de terre à Thalatta

en anglais :

            But  see  the  great hulls  rise teeming  with  lice

            With  passagers grown  out  of  Tartarus

            All sickened  with  the  blasphemy  they  carry

            The  earthy  tetanus  to  Thalatta

            Str.  14

ne me  satisfait  pas  en  français mais  je  ne  peux  pas

la  changer pour  le  moment. Par  contre, en anglais, je

crois  avoir  trouvé  beaucoup mieux.  Ce n'est pas  une

correction  de  votre  traduction, c'est  une  nouvelle 

version :

            Adopt  o  sea  queen  all  this  landless  host

            Wo  have  no  blade  of  grass  nor  sprig  of  thyme

            Nor  chest  not  stove  nor  lark  nor  cloud  nor  ghost

            Nor  even  the  small  tree  of  loneliness

            Dans " Landless John  cleansed  by  the  void "

j'ai dû  faire  des  transformations beaucoup plus profondes,

parce que l'emploi  de la  rime, auquel  je  vous avais entraîné,

vous avait forcé parfois d'altérer le  texte dans  un  sens  qui

n'était  plus  le  mien. C'est donc  moi  le  coupable. Ne  m'en

veuillez donc pas  de  vous  soumettre ici  une  autre  version

qui  comprend  aussi  de  sensibles  changements  dans  le  texte

français.

            D'abord, pour  commencer par la  fin,  j'ai  complètement

supprimé  les  3  dernières  strophes  et  je  les   ai  remplacées

par  une  seule  qui  donne,  je crois, au  poème  une  unité  plus

complète.

            Voyez  l'ensemble. Un  commentaire  est  inutile. Vous

m'avez  donné  donné  la  structure  essentielle, dans  laquelle

j'ai  rétabli  ou  ajouté  des  images qui  me  sont  chères.

Sans  doute, mes  vers n'ont  plus la musicalité des  vôtres,

parce que  mon  oreille  n'est  pas  un  instrument  anglais .

Aussi,  je  vous  prie d'y  faire  à  votre  tour  les  transformations

qui  vous  paraissent  nécessaires.

            Dès  que  j'aurai  votre  réponse  et  la  préface, je porterai

le  tout à Dwight Macdonald.

            J'ai assisté  au  combat  intérieur que  Seligmann  a  livré

à  son  démon. C'est  un  artiste  inquiet  qui  cherche  son

chemin  frénétiquement  dans  la  nuit  des temps.  Mais  je

conserve  tous  mes  suffrages  au  premier  dessin.

SDdV 818 052

Ivan Goll New-York à Paula Ludwig Paris  13 mars 1940 ImsL p.538/539

                        Ma chère Paula

Depuis ta première lettre écrite en français, qui était si drôle et si touchante, je n'ai rien reçu de toi et je vais trois fois par semaine chez Cook. Cela ne me semble pas naturel. Toutefois j'espère que cela n'est imputable qu'à des difficultés de transmission : et que tu es toujours en bonne santé et en aussi bonne disposition d'esprit qu'à ton retour de Saint-Malo.

Je ne sais toujours pas si tu as reçu les différentes lettres que j'avais envoyées avant le 1 janvier à St Malo, et je serais bien triste si elle(s) étaient perdues.

Voici le 3. printemps que tu passes en France, et les arbres du Luxembourg doivent déjà avoir des bourgeons, et à leurs pieds, dans le gazon, les crocus qui te rappellent les pentes d'Ehrwald.

D'ailleurs voici de nouveau un printemps noir, et la date du 13 mars est fatale. Il y a 2 ans, les Viennois pleuraient, comme aujourd'hui les Finnois. Les peuples sombrent dans le néant. Et il y a 5 ans exactement, te rappelles-tu ma prédiction, le même jour : « Si  aujourd'hui ils n'agissent pas, toute l'Europe va à la ruine. »

Aujourd'hui à New-York comme ailleurs, les gens pleurent.

Comme tu vois, l'océan n'est pas si grand, et le battement des coeurs est resté le même. J'ai de nouveau l'impression d'un profond déchirement dans ma chair.

Rien n'a changé en moi. Partout Jean sans Terre me poursuit. Partout aussi j'emporte ton image. Et je sais que ton visage a conservé sa grandeur, rehaussée encore par tous les malheurs de cet hiver.

Que devient Friedel ? Peut-il continuer à peindre ? Quel dommage si le génie qui sommeille en lui, devait être étouffé !

Je n'ai malheureusement plus eu de nouvelles non plus de Nina, ce qui m'étonne beaucoup ? En principe, je crois que tu pourrais partir : mais obtiendra-t-elle les visas pour vous deux ?

Dans sa lettre, elle semblait assez confiante.

A pâques je cueillerai une anémone pour toi. Mais aujourd'hui nous avons encore de la neige et de la glace, dans les jardins comme dans les coeurs

Je t'embrasse bien fort

                                                                                  Ivan

(sur le bord gauche)

Je t'envoie aujourd'hui 200 Frs par envoi postal

mettre  au  clair  le brouillon  et la longue  lettre dactylographiée

envoyée à Clark ou  non ???

15 Mars 1940 double dactylographié de la lettre  de Goll à  Clark  Mills

                                   New  York,  March  15,  1940

            Mon  cher  Clark  Mills,

    Et  voici  une  autre  surprise :  je n'ai  pas  eu

de  repos,  j'ai  pensé  qu'il  fallait aussi  mettre

en  rimes  la  traduction  de  " Landless  John

crosses   the  Atlantic "  pour  obtenir  une  homo -

généité  relative,  et  voici  le  résultat.

    J'espère  que  vous  ne  serez  ni trop  effrayé

ni  fâché.  J'ai  employé  votre  texte  autant

que  possible,  et  j'espère que  malgré  tout

je  ne  l'ai  pas  alourdi.

   Dites-moi franchement ce que vous en pensez.

Pour  ma  part,  je  crois  que  cette "collaboration"

dont  je  vous  parlais  dans  ma  dernière  lettre

est  fructueuse.

   Je n'ai  point  de  nouvelles  de  vous  depuis

quinze  jours.  Vous  êtes  certainement  accablé 

de  travail. Mais  j'espère  vous  lire  bientôt.

            Croyez-moi  bien  amicalement  vôtre

SDdV

22 Mars 1940 double dactylographié de la lettre  de Goll à  Clark  Mills

SDdV

22 Mars 1940  lettre  de William Carlos Williams à Goll

SDdV

26 Mars 1940  lettre  de Goll à William Carlos Williams

SDdV 510 D 21

28 Mars 1940  lettre  de William Carlos Williams à Goll

                                   March   28, 1940

Dear  Goll :

            You  will have  to  blame your  good Wife  for  anything

I have  said  and  done

SDdV 

29 Mars 1940  double  dactylographié de la lettre  de Goll à sa  mère

                                                                       29 mars 1940

Ma chère Rifka,

            Mon anniversaire a très bien commencé ce matin : puisque 3 lettres de toi sont arrivées, juste à point, celle du 23 février et du 4 mars, ainsi que la lettre par avion du 12 mars. Toutes trois m'apportent des vœux qui, je le sais et je le sens, viennent du cœur et me comblent de joie, mais par dessus tout elles m'apportent l'assurance que tu es en bonne santé et que ta jambe est si bien rétablie que pour un peu, tu vas te remettre à trotter comme autrefois. Au fait, c'est bien ce que la radiographie m'avait suggéré : ton fémur n'était pas complètement brisé mais fêlé à plusieurs endroits, et la chose capitale, c'est que les os ne s'étaient pas déplacés ? Ainsi tout a pu se remettre plus facilement. Certes, je ne doute pas qu'il faut que tu continues à faire attention.

            Tu me dis que tu habites "dans un jardin" : dois-je comprendre que tu habites le rez-de-chaussée ? Ce serait merveilleux. Mais même s'il n'en était pas ainsi, nous sommes heureux, Claire et moi que tu puisses enfin comprendre ce que c'est de jouir de la nature, de regarder pousser petit à petit les herbes et les fleurs. Tu découvres soudainement ton amour pour la création de Dieu et pour l'essence de la poésie ? Cela aussi est fait pour me ravir. D'ailleurs, je me rappelle, avec quelle sollicitude tu soignais tes géraniums, sur la fenêtre de ta cuisine.

            Et maintenant, le 30 avril, cela va être ton tour : ton anniversaire pour un cycle Claire te l'a déjà annoncé sur une carte, nous avons envoyé le renard que nous avons acheté à bon compte, en automne dernier. J'espère qu'il arrivera à bon port. J'ai signalé sur un formulaire pour la douane que c'est une fourrure déjà porté, usagée. Tu n'auras qu'à dire la même chose. Elle vient de Claire. J'espère que tu n'auras pas d'ennuis.

            Et puis voici une autre grande nouvelle. Les lois d'Amérique ne permettent aux visiteurs comme nous qu'un séjour maximum de 6 mois. Mais comme il est impossible de retourner au pays en ce moment, il nous faut sortir des frontières, aller dans un pays voisin, ne serait-ce que pour quelques jours, puis ensuite nous pourrons de nouveau revenir pour un nouveau bail. Nous sommes donc forcés de faire ce que font des milliers d'autres, nous allons faire un petit tour à Cuba, l'ile la plus rapprochée et nous y resterons le temps qu'il faudra, et puis nous reviendrons ici.

Nous laisserons d'ailleurs la plupart de nos affaires à New York, chez des amis, où nous comptons revenir, avec tout une moisson d'impressions qui nous permettront d'écrire des articles qu'on nous demande. Notre séjour à Cuba dépendra du travail que nous pourrons y fournir. Là, comme ici, d'ailleurs, on est très friand de littérature française, et nous pourrons sans doute y faire quelques conférences.

            Pour nos relations, il n'y aura rien de changé. Cuba n'est pas plus éloignée de la France que New York - des avions transportent tous les jours le courrier d'un pays à l'autre. Tu peux continuer à nous écrire à notre adresse de New York, notre courrier nous suivra, ou bien, mieux encore, m'écrire directement à l'adresse suivante :

Monsieur Ivan Lang, Américan Express Co.

La Havane (Cuba)

            Et puis, en attendant, qui sait, les choses auront changé dans le monde, et nous pourrons peut-être songer à un avenir plus calme. Ton petit jardin français nous attire beaucoup.

.           Nous étions invités hier soir à une soirée de poètes, où il y avait beaucoup de noms réputés en Amérique. A minuit tapant, tous se sont mis à chanter en cœur : "Joyeux anniversaire ! Joyeux anniversaire !" Je ne sais pas qui les avait prévenus. C'était très touchant.

            Bientôt paraîtront mes poèmes traduits en anglais.

            J'ai été satisfait d'apprendre que tu as fait un petit cadeau à Francine. Mais n'en reste pas là. Il faut continuer dans cette voie. Ne va jamais chez eux les mains vides. Apporte-leur tantôt des bonbons, tantôt un gâteau, tantôt des fleurs. Pour cuire ta soupe, il faut du feu. Pour entretenir l'amitié, il faut susciter l'intérêt des autres par de petits présents. C'est humain. On n'a rien pour rien, ici-bas. Que ton argent te serve au moins à avoir des jours agréable. Ne crains pas d'en dépenser plus. Je te le répète, tu en auras toujours assez.

Reçois de Claire et de moi nos plus affectueux baisers

2 avril 1940 lettre de William Carlos Williams  à Goll

                                               avril  2.  1940

                        Dear Goll :

                                   Yes, please  wait  before

                        unday  any  tranlations  of many

                        work  of  France.

                                         your  letters

                                                           you  retourn

                        from  Cuba   before                :  I

                        could,  that  is, rush in  to  New  York

                        before  Thursday  for  a

                        tolle    -   but

                                   I '    finals  translating   the

                        Jean  Sans  Terre and  Sund  it  to

                        you  at  ihre  Cuban   adress  -  Them

                        you  instructs              to  do

                        with      .  Bon   voyage  .

                                               Sincerely

                                               WCWilliams

                        à rectifier  et  à  traduire

                                              

Le 3 avril 1940, Ivan et Claire Goll quittaient New-York pour Cuba, vivaient à La Havane avant de revenir à New-York le 21 mai 1940 où ils habiteront jusqu'en mai 1947 au 136, Columbia Heights dans Brooklyn, New-York

8 avril 1940 lettre de C B à Goll

                                               UNIVERSITY  OF  CALIFORNIA

                                                      DEPARTMENT  OF  FRENCH

                                                                 BERKELEY

                                               Cher  Monsieur,

Ivan Goll La Havane à Paula Ludwig Paris  25 avril 1940 ImsL p.540/541

Chère Paula

Je suis maintenant à Cuba

PS. Je m'aperçois maintenant que j'aurais du t'écrire en français. Tant pis.

Salue Friedel et donne-moi de ses nouvelles.

De Nina aussi je n'ai plus rien entendu

à traduire

28 avril 1940  Ivan Goll La Havane à Paula Ludwig Paris  ImsL p.541 à 543

Ma chère Paula

Tu seras sans doute très étonnée d'apprendre que je me trouve maintenant à Cuba. J'ai été obligé de m'y rendre par la loi américaine. Je n'avais qu'un permis de 6 mois pour résider aux Etats-Unis. Ensuite, j'ai du sortir, pour pouvoir y rentrer de nouveau et pour immigrer réellement. Ainsi dans cinq ans, je pourrai devenir citoyen américain.

Voilà comment les hasards de l'histoire ont conduit Jean sans Terre sur cette île qui pourrait être le paradis si les hommes avaient un peu de bon sens. Mais ils sont stupides partout. Ici la nature est abondante et généreuse et pourrait facilement nourrir tout le peuple. Mais il y a des injustices grotesques

Je n'ai jamais vu autant de misère qu'à la Havane : autant de mendiants, de nègres presque nus, obligés à mendier.

Pourtant, toute l'année, la terre produit des fruits miraculeux, étranges, magnifiques. On a 3 bananes pour 1 sou. Il y a le marney, un fruit rouge comme de la viande et aussi nourrissant. Il y a le guanaba, comme de l'ice-cream. Le caïmito comme une crème à la vanille. Sans parler du mango, plus connu. La vie ici-bas pourrait être si belle, si les hommes pacifiques avaient su imposer la paix.

Mais dans ce rêve bercé par les vagues bleues de l'Océan, où, en avril, nous avons 30 ° de chaleur et tout le monde se promène en blanc — sous le bruit frais des palmiers et des bananiers qui montrent leurs membres érotiques de proportions immense —  les petits nègres passent et crient les titres des journaux, les malheurs quotidiens de l'Europe, le martyre des peuples hypnotisés, le démembrement de la Scandinavie, prélude à tant d'autres catastrophes.

J'aimerais m'enfoncer dans le soleil et dans le sable.

Mais les soucis me tracassent. Sans nouvelles de toi et de Friedel depuis des mois, je ne sais ce que vous êtes devenus

Je suppose cependant que tu continues à vivre dans cette petite chambre, philosophiquement, avec ton merle et ton poirier. L'hiver aura été dur. Puis le printemps est venu. Et je lis dans les journaux que Paris est plus doux, plus paisible que jamais, que les gens donnent des bals, et que les tulipes au Luxembourg, ainsi que les "éléphants blancs" des carrousels, ont leurs anciens attraits.

C'est très bien, tout cela.

Je souhaite que tes amis aient assez de temps pour venir te voir, et que toi, tu aies assez de temps et de santé pour écrire les poésies de sagesse et de maturité, qui devraient un jour échoir dans ton cœur si douloureux.

Je n'ai pas de nouvelles de Nina. Mais ma dernière lettre s'est sans doute perdue; et elle ne m'a jamais répondu. Je resterai ici encore un mois, puis je retournerai en Amérique du Nord. A mi-chemin du Brésil: il ne m'est pas possible d'y accéder !

Je t'embrasse

                                                                                                                      Ivan

Adresse :

Hotel Plaza

La Havane

(Cuba)

12 mai 1940 double de la lettre de Goll à Sazia  (épouse de Jean Booss)

SDdV

22 mai 1940, lettre  manuscrite d'Ivan à sa mère

                                   22 mai 1940

             Ma chère Rifka,

                        Je suis rentré à New-York hier, à mon ancienne adresse.

La situation en Europe a vite tourné au tragique, et toute l'Amérique suit avec angoisse le dénouement de ce drame.

Que ce sera-t-il encore passé quand tu recevras cette lettre ? Aujourd'hui, c'était la chute d'Arras...

Dans ces circonstances nous avons jugé qu'il valait mieux quitter La Havane et revenir à notre port d'attache. Nous avons obtenu tout ce que nous voulions à Cuba, et maintenant nous sommes immigrés régulièrement aux Etats-Unis, et nous pourrons un jour devenir citoyens américains.

            D'ailleurs, nous avons passé là-bas des semaines éblouissantes dans un pays paradisiaque, fêtés par des douzaines d'amis, encensés par de nombreux articles de journaux!

            Le 9 mai au soir, le "Cercle des Amis de la Culture Française" nous avait consacré une soirée où Claire et moi, nous avons lu des poèmes et des morceaux de prose, après qu'un orateur eût tracé un panorama de l'ensemble de notre production littéraire.

            Je t'écris cette lettre par avion, afin que tu la reçoives plus vite : et je t'envoie par lettre régulière une photo de moi, prise à La Havane, ainsi que quelques extraits d'articles sur nous.

            J'avais bien reçu à La Havane aussi, tes deux lettres du 8 et du 21 avril qui étaient pénétrées de calme et d'espoir. Tu me parlais de ton jardin, de tes petites promenades et de tes soucis avec les maisons.

            Mais depuis, que de catastrophes - et comme les soucis ont pris un aspect plus tragique !

            Je souhaite que ces lignes te parviennent et te trouves en bonne santé. Au moins, dans ton petit coin tu sembles en sûreté et une vieille dame comme toi n'a pas grand chose à craindre d'événements qui la dépassent..

            Nous ici essayons de nous organiser dans l'attente d'on ne sait quoi, et nous sommes heureux d'être en bonne santé et de pouvoir t'envoyer nos baisers comme toujours

                                                                                              Mig

Paula Ludwig s'enfuit de Paris vers Bordeaux  début juin devant l'avance des troupes de Hitler. Elle resta deux semaines dans le camp d'internement de Gurs à partir du 21 juin 1940 et quand les troupes hitlériennes entrèrent en zone occupée, elle partit en voiture pour Marseille où elle séjournera plusieurs mois dans un espace pour réfugiés  32, rue de Hesse

à traduire car ceci est une approximation

2 juin 1940 lettre de William Carlos Williams  à Goll

                                                 June 2.  1940

SDdV

17 juin 1940 de Manuel Altolaguirre à Goll

                        Mi querido Ivan !

Recihi? la traduccion de T. P. " Juan sin Tierra " en español aparecerá dentio ?

de tres semanas. Pronto terminaré la revisioñ del texto castellanoy de acuerdo con

T. P. lo imprimiré en "El Ciervo Herido". Disculpe mi silencio, no puedo ? escrivir

a nadie, solamente lo hago ? dar una noticia, como muy ?, la de  ? libro.

Concha y yo pensanos ? en Claire et Ivan con mucho cariño.

            Un abrajo de

                        Manolo

Ivan à sa mère 8 juillet 1940

             Ma chère Rifka,

                        Avant-hier, j'ai reçu ta lettre du 31 mai et malgré son ancienneté, elle m'a fait plaisir en me rassurant sur ta santé. J'espère qu'elle a continué de se maintenir depuis, et que tu acceptes avec sérénité les volontés du destin. Depuis plusieurs semaines, nous n'avons ici, en Amérique, aucune nouvelle directe de France, de sorte que je ne peux me faire aucune image de ton existence actuelle. Il m'est impossible d'imaginer quelle est ta situation, mais je pense que pour toi, personnellement, elle n'a pas beaucoup changé. Tu as pu être heureuse d'avoir un toit sur la tête, pendant que toute une population errait sur les routes de France. Mais maintenant ?

Nous nous somme réinstallés à New-York, mais à une autre adresse, que tu trouveras en tête de cette lettre. C'est un agréable petit appartement de deux pièces, donnant sur le port, avec une vue fort jolie, et un peu moins cher que le précédent. Nous avons renoué toutes nos anciennes relations, et attendons de pied ferme ce que l'avenir nous réserve. Personne au monde ne peut savoir,  de quoi demain sera fait. Comment vont tes voisins, les Alphonse et les Gaby ? J'ai été heureux que la fourrure t'ait fait tant plaisir, et je t'envoie les meilleurs baisers de nous deux

                                   Mig

30 juillet 1940 : lettre de Jacques Maritain à Goll

New York City

            30 Fifth   Avenue

                                               30 juillet 1940

                                   Cher Ivan Goll,

                        Je viens de regarder mes papiers, et je ne trouve rien

qui puisse faire un article sans des remaniements que je n'ai pas le

temps de faire en ce moment.  D'autre part, j'ai eu tant d'occasions

déjà  de    constater  qu ' entre  un  périodique  en  projet et le même

périodique réalisé il  peut  y  avoir des différences dont les fondateurs

ne sont pas responsables, et qui tiennent à des circonstances accidentelles

que je préférerais, je vous l'avoue, avoir vu  un ou deux des premiers

numéros pour savoir  si  je puis  précisément  collaborer  comme je le

désire  à  la  revue  projetée. Autant une revue française publiée ici

est  désirable,  autant  la  moindre  erreur  d ' aiguillage  risque

d ' entraîner  des  malentendus  qui  ne  seraient  pas  réparables.  Je

voudrais  beaucoup, avant  de  donner  un  papier,  que  certaines

questions   actuellement  en suspens aient  été  résolues,  je  veux 

dire  que   le  titre  même  de   la  revue  ait   été   fixé ,  et

qu ' on  sache  aussi  quels  seront  les  autres collaborateurs, et

qu ' elle  sera  ( si  il  y  en  a  une)  la  déclaration  donnant  le

  programme  de  la   revue ,  et  quels  seront  ( au  cas  où vous

vous adjoindriez  un  conseil  de  rédaction )  les noms  de ceux,

Français  et  Américains ,  qui  feraient  partie  de ce  conseil.

  Ces  diverses  questions  se  poseront  sans  doute  pour  vous

   à  mesure  que  vous  passerez  à  la  réalisation ,  et  je  vous

serais très reconnaissant de me dire alors à quelles conclusions vous

aboutissez. Je suis sûr que vous comprenez pourquoi je vous demande

tout cela, et  que  ma présente perplexité ne  concerne ni le projet

de  revue  ni les intentions du  directeur ! mais les difficultés pratiques

auxquelles  toute  revue  doit  faire  face  et  dont  ni  vous  ni  moi

ne sommes responsables.

                        Nous avons été enchantés,  ma femme et moi,  de

notre soirée d'hier sur les Hauteurs de Columbia, et si heureux de

causer avec Madame Goll et vous  de  tant  de  choses  qui  nous

sont chères.

                                   A bientôt, j'espère, et à vous deux en toute

sympathie

                                                           Jacques  Maritain

5 décembre 2008

Correspondance de 1937 à 1939

1937 Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 janvier 1937 ImsL p.455/456 *** carte d'Henri de Montherlant à Claire Goll du 5 janvier 1937 Nice 5.1.37 Chère Madame Les "Dieux", comme vous dites, sont actuellement enfouis dans leur propre création et ne sauraient plus distraire sans péril grave, celui de perdre l'unité de leur pensée et de leur mouvement. Oh ! mon Dieu ! Perdre son unité, ce serait horrible ! Mais quand nous serons redescendu des sommets, nous lirons avec plaisir, l'histoire de l'enfant abandonné après vous avoir fait un signe de nos sourcils. Montherlant Yvan est à Nice, avec sa mère depuis le 7 février 1937 Lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 11 février 1937 *** En réponse à une lettre d'Yvan (Nice) accompagnée du poème JsT épouse la lune soumis à l'avis critique de Jacques A. qui sera en mai 38 dans le deuxième livre de JsT. Mon bien cher Ami, J'ai reçu avec la plus grande joie, partagée par ma petite Marie-Louise, la gentille et douce boîte de fruits confits. Je vous remercie de ne pas oublier votre camarade métrique. Jacqueline, la pauvre, n'a pas pu participer au repas sucré de votre amitié. Elle est couchée depuis quinze jours, non plus à cause del' rhume, mais elle nous fait quelque chose comme une dysenterie amibienne. Hier, une consultation a eu lieu ici. Aujourd'hui, je dois porter dans un laboratoire ses déjections, pour que l'on sache exactement quelle médication lui appliquer. Pardonnez-moi de ne pas vous avoir écrit plus tôt. Je suis soumis à de fortes peines. Le quatrain hélium péplum, n'est pas évidemment, dans le jaillissement de ce que j'eusse moi-même écrit, non plus que "insouciantes tètent", mais là n'est pas la question. Personnellement, je n'aime pas énormément nous drape un péplum. Nous tisse un péplum est mieux (Ici, c'est le mystère de la voix personnelle, et je suis moi-même trop lié à une certaine forme d'expression pour que mon jugement soit tout à fait valable). La strophe : le blême liquide ... m'enchante. Mon bon ami, ne m'en veuillez pas d'être si bref. Je dois partir au laboratoire. La vie est exigeante... dure parfois. Ce que vous dites de Nice m'enchante. Tout cela est si juste. Ce faux soleil, ces cadavres debout mais il y a la vieille ville, la patrie nissarde. Allez la saluer, place Saint-François, ou bien au coin de la rue Colonna d’Istria et de la rue de la Préfecture. La mer et la montagne forniquent là dans l’ordure. Le Dialecte y célèbre le Scepticisme et la Famille. Et les pigeons prennent de beaux virages ramés. Allez, avec votre maman, manger "Da Bouttan", place du marché aux herbes, à huit pas de Santa Reparata. Montez au premier étage. C’est chiqué, littéraire, mais tout de même, il y a des vestiges, des allusions authentiques. Le patron a l'accent marseillais, mais le garçon parle un bon niçard. Nice ... Tout y est faux, mais la mer, même sous les pilotis de la Jetée-Promenade, a cette voix profonde et régulière A bientôt ? Et merci, et pardon J SDdV Aa45 (257) - 510.299 III Lettre d'Yvan (Nice) à Claire (Lastra - Florence) 12 février 1937 MST p.219/220 Nice 12.2.37 Chère petite Suzu Aujourd'hui vendredi matin, rien d'autre à la Poste que ton télégramme qui m'attriste, car je t'avais envoyé une longue lettre mardi et je suis désolé que ce soit aussi long pour arriver. Tu l'as maintenant certainement en sécurité entre les mains. Hier, ta lettre a coloré en bleu toute ma journée, bien qu'il ait plu et que je me sois montré sur la Promenade des Anglais avec mon beau costume, comme tous les snobs. L'atmosphère ici est toujours répugnante. D'ailleurs, du matin au soir il fait très frais et humide si bien que beaucoup de gens ont pris froid. Je ne regrette plus autant maintenant ton départ. Et quand le soleil luit sur tes bosquets d'oliviers, ce doit être là-bas complètement magnifique, à Lastra. En outre, le soleil brouille complètement le vide babil à côté de moi. Je suis immatériel et intérieurement encore je n'ai jamais baigné dans un tel gris et un tel néant comme actuellement. Impossible de penser à autre chose qu'à cette idée; Qu'allons-nous manger maintenant ? Combien ça va coûter ? Et à cause d'un bruyant désespoir j'ai fumé toute la semaine comme un malotru si bien que je me sens maintenant complètement mal. Je me laisse aller, je ne fais plus aucune culture physique, ne lisais rien : - pourtant, hier matin, j'éprouvais un tel dégoût que je pris une grande résolution ! Voulais-je réellement devenir déjà un vieillard grisonnant ? Je mangeais un kilo d'oranges et je décidais de ne plus jamais fumer ! Aujourd'hui, ça va déjà mieux. Dis à Kurt Wolf que je le remercie de sa lettre et que je verse aujourd'hui 500 frs. sur la Banque de Barclay. Combien te compte-t-il la pension ? Sinon, pas de courrier que l'invitation Eliat. Ecris-lui une petite carte, et salue tous les loups [Wölffe] pour ton mouton Yvan lettre d'Yvan (Nice) à Claire (Lastra - Florence) 17 février 1937 MST p.220/221 Chère petite Suzu, Ta lettre de vendredi dernier a enrichi de ton sourire ma journée d'hier. Et j'en avais amèrement besoin. Si je ne t'ai pas écrit tout de suite, c'est que j'allais assez mal. Trois maux se sont abattus sur moi. Le rhume du début ne s'améliore pas dans cet air humide. Il souffle un mauvais vent ; mais le soleil brille dangereusement et cela vous induit toujours en erreur. C'est ainsi que j'ai pris un coup de soleil et de forts maux de tête. Troisièmement, voici que fleurit à mon cou un gentil furoncle, proprement attisé par le mauvais régime du Prix-fixe : c'est ainsi que déambule sur la promenade des Anglais ma silhouette mélancolique, bandée et frissonnante … Ma mère me fait des pansements … et le fameux Midi me malmène. C'est une chance que tu aies fui ce rivage. Et je suis heureux que tu te trouves si bien chez les Wolff, et que tes petits amandiers soient plus poétiques que ceux d'ici. Le froid de Florence est certainement plus sain que la chaleur niçoise. Ici, tout est faux même le soleil. Ma mère reste jusqu'à la fin du mois : cela ne fait plus bien longtemps. J'espère qu'à ce moment-là, ma furonculose sera guérie. Je n'ai pas encore décidé si j'irai alors te rejoindre : je n'en ai pas grande envie. Je suis bien trop désireux de me remettre à faire confortablement ma cuisine, car je suis sursaturé des nourritures d'hôtel. Absolument aucun courrier intéressant : rien que cette coupure de La Revue Doloriste avec ton très intéressant article. Je déplore cependant que tu cherches trop à y faire preuve de savoir et ne parles pas assez de ta propre douleur. Quand, quand te laisseras-tu aller entièrement dans tes écrits, quand y seras-tu toi-même ? Se donner tout simplement, tout humainement, avec moins de style ? Entièrement femme ? Entièrement Mansfield ? Comme je te l'ai dit, 500 lires ont été versées chez Barclay pour Kurt Wolff. 500 autres lires suivront dans quelques jours. Salue tout le monde, y compris Hasenclever, dont, si bizarrement, tu ne dis rien. En tout amour, ton Yvan lettre d'Yvan (Nice) à Claire (Lastra - Florence) 19 février 1937 MST p.221/222 Nice, 19.2.37 Chère petite Suzu Comme tes trois violettes sentent bon : plus enivrantes que les buissons de mimosa et d'oeillets du marché niçois ! C'est par un matin ensoleillé que tu m'as fait fleurir ce don, et je suis à nouveau riche d'espoir. De mes trois maux il ne me reste guère que le bouton de furonculose, sur lequel je pose une des trois violettes : d'ailleurs, il se guérit déjà grâce à un sérum, qui stoppe toute propagation du mal. Le ciel est doux, et mon cœur aussi. Comme je me réjouis que tu te portes bien. Mais pour que non seulement ton petit corps, mais aussi ton âme engraissent, je te l'annonce tout de suite : je viens ! Ma mère part d'ici le 28. Moi le 1er mars, je partirai pour Gênes, Lastra et Santa Clara. Ce seront alors les jours où se répandra sur les collines florentines le plus rose délire des amandiers. Oui, les petites maisons avec leurs oliveraies, ou même sans, me séduisent beaucoup, et aussi leur prix. Nous examinerons tout cela tranquillement. Pas de courrier. Pas de travail. Rien que des fleurs et du soleil. Mais prends en considération ma dernière critique : n'écris qu'avec abandon ! Tendrement à toi Ivan lettre d'Yvan (Nice) à Claire (Florence) 23 février 1937 MST p.222/223 Nice, 23.2.37 Chère petite Suzu, J'ai reçu tout à l'heure, ensemble ta lettre de samedi et ta carte de dimanche (mais le télégramme hier matin). Tu me plonges dans la perplexité. Avant toutes choses, tu devrais dire aux Wolff que je peux rester, tout au plus, de 8 à 10 jours. Notre billet échoit le 12 mars, Et pour d'autres raisons encore, nous devons rentrer à Paris. Est-ce bien la peine que les Wolff bouleversent tous leurs projets pour si peu de temps ? Est-ce la peine de s'installer dans un appartement avec cuisine, pour une semaine ? Juste le temps que je fasse connaissance avec les casseroles ? que j'ai appris à faire le marché ? D'un autre côté, l'invitation à Rapallo est aussi très séduisante. Mais puisqu'il ne s'agit que de toi, puisque je ne vais en Italie que pour toi, je te laisse choisir le lieu où nous pouvons passer ces dix journées de mars. Télégraphie-moi ta décision. J'ai versé aujourd'hui, de nouveau, 500 lires à la Banque de Barclay pour K. W. Fais donc les comptes avec lui. Si je ne viens pas, j'en verserai encore autant, afin qu'il puisse te transmettre un peu d'argent de poche. Ci-inclus, des cartes postales de Nice. Je suis de nouveau, tout à fait bien portant et je fais de splendides excursions, seul à Cagnes, à Eze, etc. A la roulette, j'ai gagné 400 Fr. en 20 minutes, mais le jour suivant j'en ai reperdu la moitié. Mes meilleurs saluts à tous. A toi, beaucoup d'amour Ivan lettre d'Yvan (Nice) à Claire (Florence) Mardi Gras 2/3/16/23/30 vérifier mars MST p.223/224 Nice, Mardi-Gras 1937 Ma chère Zouzou, Avant-hier, en causant avec un Italien venant de Bologne, qui m'apprit qu'il y pleuvait depuis trois jours, je ne pus retenir un de ces cris rauques, coutumiers à mes ancêtres les hiboux. Je rageai une fois de plus de t'avoir laissée partir de ce paradis, où il fait du soleil tous les jours, où douze douzaines d'oeillets gros comme le poing coûtent 10 frs., où tu n'aurais eu qu'à te laisser vivre, par exemple dans un hôtel de Cimiez à 15m. du centre de Nice en bus.... Au lieu de cela, tu es allée te jeter sous les averses de Florence, dans les hôtels désuets et dans la gueule des loups.... Certes, il y a ma mère, mais pas aussi encombrante qu'on eût pu le croire. L'Hôtel Félix Faure est ma foi, très confortable, situé juste à côté du Grand Hôtel que nous avons vu de loin, de la place Masséna, te rappelles-tu ? Et nous mangeons dans des restaurants qui valent bien Le Rallye. J'ai trouvé la cavalcade vraiment intéressante. Les têtes sont modelées par de vrais artistes, et elles ont souvent cette force de comique ou de tragique que nous recherchons dans les masques des primitifs La bataille aux confettis de plâtre, qui tombent de certains chars ou lancés sur le public avec des pelles et avec la force de mitrailleuses, est exubérante et déchaîne des tonnerres de rire et d'effroi, car ils font mal, et le public est forcé de se munir de véritables masques défensifs; le roi Gustave V lui-même l'a porté. Pour le reste, évidemment, il est entendu que Nice n'est qu'un cimetière où les vivants plus que morts mènent une sarabande effrayante. Tous les vieillards d'Europe gâteux et galetteux se sont donné rendez-vous devant le Ruhl sur la promenade des Anglais. On frissonne en les voyant, lorsque, quelques minutes auparavant, on a lu un discours du sud ou du nord. Ici, on assiste vraiment à la fin d'un monde. Et tous ces spectres ingurgitent paisiblement leurs menus à prix fixe. J'attends avec anxiété de tes nouvelles. Es-tu contente, ou regrettes-tu ton départ? C'est de cela que dépend la couleur des jours prochains de ton éternel amant Ivan lettre en français ** Claire (Florence) à Ivan, 49 Quai de Bourbon à Paris (IV ème) 28 mars 1937 MST p.224 A Jean sans Cœur Mon Chéri, J'aime ta présence et ton absence, car tu es davantage présent quand tu es absent. Je me réjouis dès le matin de te revoir le soir après une absence douloureuse et pleine de dangers inconnus. Et le soir, je m'endors en attendant le matin pour te revoir pour la première fois. Innombrable et étrange, je te rencontre partout et tu ne me reconnais jamais. Seule, mon écriture - témoigne de ma main droite et de mon cœur plus que gauche - est pour toi une preuve certaine que j'existe malgré moi et surtout quand tu m'admets dans tes rêves en voyant ma signature. Claire Sans Lune (A la veille de l'anniversaire de "Jean sans Terre") carte-lettre d'Ivan (Metz) à Claire (Haybes s/Meuse) 14 avril 1937 MST p.224 Metz 6h. du soir Chérie, Quelle chance tu as dans ton château!: ici l'appartement n'est pas chauffé. Vers le soir maman a essayé d'allumer le poêle, mais elle n'a réussi qu'a remplir toutes les pièces de fumée. Il est vrai qu'il y a du bon pot-au-feu et des carpes farcies. Pendant tout le voyage, je ne pensais qu'à toi et je t'aimais davantage à chaque kilomètre. Sois patiente et écoute le chant du pluvier, mon frère ton Ivan Ecris-moi encore, s'il-te-plaît poste restante carte-lettre d'Ivan (Metz) à Claire (Haybes s/Meuse) 15 avril 1937 MST p.225 Chérie, Je pense à toi avec de la peine au cœur : il fait si froid. S'il te plaît, dis à la Baronne [Catoir] que tu es disposée à payer du bois en supplément, comme à Lastra [chez Kurt Wolf] : qu'on t'en donne beaucoup ! En tout amour, Ivan dédicace d'Audiberti à Ivan et Claire Goll du 3 juin 1937 *** à Ivan et à Claire au bord de la Seine, qui, déjà, roule nos cadavres, mais vers quelle éternité ? Je n'ai, une fois encore, à donner que mon cœur lourd de mots... Mais je voudrais, mais je veux que, parmi ces mots, germe, lève et fleurisse, sans cesse, la perle de mon amitié et de ma pure tendresse pour Jean - Sans - Terre (qui m'a attendu sur la route et pour Claire qui se méfie de Dieu . Audiberti 3 juin 1937 lettre d'Ivan (Metz) à Claire (49, Quai de Bourbon) 30 juin 1937 MST p.225/226 Metz 30 juin [37] Chère petite Suzu, Ta lettre bleue a apporté un peu de ciel dans cette demeure grise. Tu sais que ma faculté de souffrir est inouïe et que le froid de cet été m'atteint durement. Je recommence à devenir de plus en plus jaune. Si le temps était beau, j'aurais nagé dans la Moselle, j'aurais fait l'ascension du Mont St-Quentin, la montagne de mon enfance. Mais il me reste peu de temps pour cela. Hier, j'ai téléphoné au notaire, à Nancy, qui nous a fait savoir qu'il a enfin la réponse des parents, mais que celle-ci est en partie négative en ce qui concerne les prétentions de ma mère. Pour mettre cela au clair, nous devons aller demain à Nancy, et je ne lâcherai pas prise, jusqu'à ce que toutes les questions soient éclaircies jusque dans le détail. Cela peut durer des heures. Mais les récents événements de Paris indiquent toujours plus nettement qu'il faut résoudre, le plus vite possible, toutes les questions en suspens. C'est encore un nouveau glissement vers l'abîme. Dans ces conditions, je ne rentrerai à Paris que vendredi; et probablement tard dans la nuit. Je ne veux pas t'indiquer d'heure précise, car tout est encore dans le vague. Espérons que l'après-midi d'aujourd'hui, chez Grasset, t'a donné pleine satisfaction. Le succès de ton livre dépend de ton charme, pas seulement de ta coiffure. L'emploi de tes soirées est fixé : hier, Audiberti, aujourd'hui Beye, demain Grabinoulor, et après-demain je serai de retour. Je suis très content de l'article de Maxence. Et surtout de te retrouver Ton Y. lettre de Lion Feuchtwanger. 9 Juillet 1937 à Goll à Paris (il faisait partie de la rédaction de Wort, mais vivait à Sanary-sur-Mer) « Cher Ivan Goll, veuillez envoyer maintenant le manuscrit de votre oratorio à la rédaction de "Wort", Moscou, 11, Strastnoi Boulevard, en vous référant à moi. J’écris à Moscou par le même courrier. Meilleures salutations à vous et Madame Goll, Votre Lion Feuchtwanger. [P.S.] Je me rappelle avec plaisir l’agréable après-midi passée chez vous. »97 Ivan avait préparé la fuite de Paula de l'Autriche en raison de l'aggravation de la situation politique et il avait loué dès le 10 juillet 1937 un petit logement pour Paula dans la rue Saint-Louis-en-l'Ile. Quand Paula viendra quelques jours à Paris à la mi-avril 1938, sans que Claire en soit informée, elle ne s'installera pas dans l'île Saint-Louis mais prendra une chambre rue d'Assas dans le VIème arrondissement carte-lettre d'Ivan (Metz) à Claire (Paris) 20 septembre 1937 MST p.226 Metz 20 septembre 37 Chère petite Zouzou, Ma mère se réjouit fort de mon arrivée. C'est réellement pour elle un jour férié. Depuis ce matin, nous nous occupons de choses sérieuses. Je ne peux pas aujourd'hui pousser à aller à la Banque et pense t'envoyer les 100 frs. demain matin. Pourvu que tu te remettes bien et que tu sois de nouveau calme et gaie. Ton Vani Je me suis régalé de tes magnifiques sandwichs lettre d'Yvan (Metz) à Claire (Paris) mardi 21 septembre 1937 MST p.226/227 Metz 21 septembre 37 Chère Zouzou, A peine suis-je depuis une heure à Metz, que la vie y reprend son cours comme si, depuis 30 ans, je n'avais jamais quitté cette ville. Ni les gens ni leurs affaires ne semblent avoir changé, et on en éprouve une sorte d'horreur de soi-même. Demain, mercredi, ma mère et moi partirons pour Nancy, et nous espérons y mettre fin à cette histoire d'héritage. Mais il n'est pas certain que tout ira sur des roulettes. Si oui, nous nous rendrons jeudi au Luxembourg, en sorte que je ne pourrai sûrement pas quitter Metz avant vendredi matin : j'arriverai alors à Paris à midi et je serai dès 1h½ au Quai Bourbon, où un repas frais et pur, à la Bircher Benner voudra bien m'attendre. Ici, je recommence à manger beaucoup de viande. Les deux abcès sont apparemment guéris : celui du bras est tout-à-fait fermé, et celui du cou est en régression. Comment vas-tu ? Comment te réussit la solitude ? Tu devrais peut-être un matin, chercher encore dans les quartiers du Luxembourg et de Grenelle, s'il n'y aurait pas un appartement intéressant. La guerre se rapproche toujours, vue d'ici, et 13.000 Frs. paraît être un chiffre trop pesant. Se retirer à la campagne serait le plus sage, en gardant un tout petit pied-à-terre à Paris. Voici 100 frs. que je t'ai promis, pour les dépenses d'intérieur. Salutations de Rifka et de ton vieil I carte-lettre d'Ivan (Luxembourg) à Claire (Paris) jeudi 24 septembre 1937 MST p. 227 Luxembourg 24 septembre 37 Chère Zou, nous sommes arrivés ici de grand matin. Levés à 5h. pour être à 8h. à la Poste. Mais le temps est devenu magnifique et la Banque offre un bon accueil. Malheureusement, je ne peux pas t'envoyer d'ici le billet que je t'ai promis : étranger. Ce soir, au retour au pays, je te l'envoie dans une enveloppe. Peut-être que je trouverai une autre lettre de toi à Metz, avec des nouvelles de toi et de Doralies ? Bons baisers de ma part Rifka carte postale de Goll Paris 20 Octobre 1937 à Alfred Kurella Nice (l’un des rédacteurs de Wort, à Moscou) « Cher camarade. Le 21 Juillet vous m’aviez promis une lecture rapide de ma poésie "Tscheljuskin". Je serais très content d’avoir bientôt de vos nouvelles. Si le poème vous paraît trop long, vous pouvez bien sûr en publier des extraits. Mais ce serait dommage. Meilleures salutations, Ivan Goll. » 98 réponse de la rédaction de Wort de Moscou à Goll, 22 Novembre 1937 « Cher Monsieur Goll, par l’intermédiaire du Dr. Feuchtwanger, nous avons été informés que vous attendez une réponse au sujet de votre cantate "Tscheljuskin". Nous avons envoyé il y a quelque temps le manuscrit au Dr. Feuchtwanger pour que, après examen de la cantate, il nous dise quelle partie nous devrions publier. Nous vous prions donc de bien vouloir patienter et nous vous informerons immédiatement dès que nous aurons reçu l’avis du Dr. Feuchtwanger. Meilleures salutations. »99 carte-lettre d'Ivan (Metz) à Claire (Paris) 9 novembre 1937 MST p. 228 Chère petite Suzu, Merci pour ta lettre bleue papillonnante. Je reviens après-demain vendredi. . Je pars d’ici après-midi et serai vers 20 heures à la Gare de l’Est Ton I. Beaucoup de tendresses de ma mère chérie (et de l'autre côté de la carte, en français) Ma chère Claire, Inutile de vous décrire le plaisir que j'ai éprouvé en ouvrant la porte d'y trouver mon cher Mig qui est venu combler un moment ma solitude journalière. Je vous remercie également de la gentille missive que vous m'avez adressée, elle m'a procuré une vive joie ; Recevez ici les meilleures tendresses de ma part Rifka lettre d'Ivan (Metz) à Claire Vendredi 17 décembre 1937 MST p. 228/229 Metz 18 décembre 37 Cher petit cœur, Jamais on ne verrait à Paris une journée aussi grise, aussi inhospitalière, qu'ici à Metz. Les jours diminuent encore (jusqu'au 24), ils sont de plus en plus privés d'âme, et c'est à peine si l'on sent la vie qui s'en va, et à quel point on disparaît soi-même, déjà apparenté au néant. J'ai lu dans le train quelques chapitres de "Espoir" de Malraux : Tolède, où les hommes rejettent leur peau et leur haut idéal, comme un vieux manteau : les Espagnols et les Chinois se laissent écraser à mort comme des fourmis, et le monde fait comme s'il ne se passait rien : en fait, il ne s'est rien passé. Et je me sens parfois, maintenant, dans cette froidure, que mon cœur s'arrêtera, une fois - et rien ne se sera passé... Il n'y aura eu que ton chaud sentiment et ton angoisse douloureuse à mon sujet, et les larmes auront animé des fleurs éphémères - il ne faut sans doute rien demander de plus. Enveloppons-nous pour la nuit dans ce manteau glacé de la lucidité et soyons bons et aimants l'un envers l'autre. Ivan lettre d'Ivan (Metz) à Claire Samedi 18 décembre 1937 MST p. 229 Cher petit cœur, Pourquoi me sens-je aujourd'hui pareil à un vieillard ? Tous les membres las, abandonné par tous les esprits vitaux et le cerveau tout glacé. Aucun hiver n'est aussi froid, aussi désespéré que celui d'une belle petite ville de l'Est, d'une rue aussi hermétiquement close, d'une demeure comme celle-ci, dont une seule pièce est chauffée par des boulets que l'on compte un à un. Mon âme est frissonnante et vieille : lentement, la mort me devient familière. J'ai bien dormi, avec une bouillotte dans mon lit, apportée par ma mère. Mais mes engelures m'ont réveillé dans la nuit, et je n'osais pas ouvrir la fenêtre, et alors, les pensées inquiètes, à ton sujet, m'ont assailli. Je suis très angoissé de rester si longtemps loin de Paris. Ton "non" à ma question, de savoir si tu ne commençais pas à prendre de mauvaises habitudes, était si faible et si incertain. Mon absence et l'appartement vide vont te pousser à sortir : vois-tu, tu as besoin d'un nouveau présent, et moi qui suis ici, dans le chaud appui maternel, je ne peux pas compter sur toi, quand je ne suis pas là pour te tenir - cela est tout à fait la même chose que si je t'étais infidèle, comme tu appelles ça. Ou alors voudrais-tu m'écrire bientôt une lettre souriante ? Ton triste Ivan lettre d'Ivan (Metz) à Claire Lundi 20 décembre 1937 MST p. 230 Metz, lundi 20.12.37 Cher petit cœur, Ta lettre claire et bleue de samedi voltigea comme un papillon dans ce monde hivernal, si froid. J'ai eu du remords pour ma lettre amère qui t'est tombée dans la main, au même moment, mais qui te confirmait en même temps mon complet dévouement (oh ! quel mot !). Jamais plus je ne m'éloignerai de toi pour si longtemps, au plus pour trois ou quatre jours, jamais plus pour sept. Je passe à présent mes journées à taper activement les Brigands. Peut-être téléphoneras-tu à Charles pour le lui faire savoir. Je voudrais suivre de loin ton emploi du temps : demain Frensky et Grabinoulor, et pour le soir de Noël, je me réjouis d'aller avec toi à Saint-Etienne du Mont. Je porte à présent des sous-vêtements et ne souffre plus autant du froid. Ma mère a fait rôtir aujourd'hui une belle cuisse d'oie. Je me porte bien de nouveau, et je te caresse tendrement Ivan 1938 lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 janvier 1938 ImsL p.483 à traduire Le 20 janvier 1938, Ivan Goll signe un bail de location pour un appartement, 14 rue de Condé dans le VIème arrondissement de Paris. Il déménage et s'y installe du 28 au 31 mars 1938. lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 22 janvier 1938 ImsL p.484 à traduire Le 22 janvier Ivan avait invité Paula à venir à Nice, où il serait avec sa mère, mais Paula n'avait pu accepter à cause de la situation politique. Du 26 janvier au 3 mars Ivan, sa mère et Claire sont à Nice, Saint-Paul de Vence et Cannes. daté du 24 Janvier 1938, se trouve aux mêmes archives, le double d’un virement d’honoraires de 350 roubles pour Tscheljuskin à « Mr. Ivan Goll, Paris/France, 49, Quai de Bourbon » Sous le titre Tscheljuskin. Auszüge aus einer Kantate l’oeuvre de Goll fut publiée en Février 1938 dans Das Wort (« These », « Der Reporter », « Das Lied vom Genossen Schiff », « Der Reporter », « Das Lied vom gefährlichen Leben », « Der Reporter », « Ballade der 104 ») 100. Carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald mercredi 26 janvier 1938 ImsL p.483 à traduire Le 13 mars, les troupes d'Hitler occupent l'Autriche. Paula fuit par Zurich ; elle viendra à Paris autour du 10 avril. vérifier car Ivan lui écrit encore le 12 à Zurich lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 17 mars 1938 ImsL p.485/486 à traduire lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 22 mars 1938 ImsL p.487/488 à traduire lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 30 mars 1938 ImsL p.488/489 à traduire lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 8 avril 1938 ImsL p.489/490 à traduire Ivan se rend du 11 au 17 avril à Metz puis à Luxembourg pour y régler des affaires d'argent. lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Zürich 12 avril 1938 ImsL p.490/491 à traduire lettre d'Ivan (Metz) à Claire (14, rue de Condé Paris) 12 avril 1938 MST p. 231 Metz 12 avril Chère petite Zouzou, Ta lettre de dimanche soir vient d'arriver mais elle contient encore assez de tension et ta carte du 11, lundi matin, arrvera ici aujourd'hui ou demain. à traduire O si seulement il faisait aussi chaud dans ton âme que dans ta maison C'est ce que je te souhaite Ton Ivan lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 14 avril 1938 ImsL p.491 à traduire Paula Ludwig à Paris à Ivan à Metz : lettre du 14 avril 1938 *** IsmL p.492/493 (lettre douloureuse à traduire) elle n'a plus d'argent, plus de papier pour écrire, plus de timbre-poste Par hasard se produit une rencontre entre Claire et Paula dans le VIème arrdt. le 17/18 avril qui permet une explication entre elles. Télégramme Ivan Goll Zürich à Paula Ludwig Paris 21 avril 1938 - 12h30 ImsL p.493 à traduire lettre d'Audiberti à Claire du 19 mai 1938 Très chère amie, Je sais mes torts, mais ne m'accablez pas. Mon père … Ma femme absente toute la journée, et les deux enfants, parfois, à garder un peu. Et cette roue des jours qui est à la fois si rapide, si pesante. Je ne sais pas trop si je mérite votre affectueuse fidélité. En tout cas, je vous remercie de me la conserver, malgré tout. Herslichst J A vendredi, 10 heures, bistrot Odéon SDdV Aa50 (218) - 510.299 III pneumatique d'Audiberti à Claire et Ivan du 3 juin 1938 Au moment où l'Académie Mallarmé vient de consacrer tant de kilomètres de solitude, ma pensée affectueuse et fidèle va vers vous qui toujours m'avez aidé et soutenu. Toutes mes tendresses et pour Ivan, ma chaude amitié. Jacques lettre d'Audiberti à Claire du 6 juin 1938 Chère Claire, Je suis honteux de ne pouvoir venir demain, "Vendredi" me demande un grand article et je dois le livrer mardi à midi. Il faut que je livre mardi et que je l'écrive. Je crois que c'est important n'est-ce pas ? Mercredi, si vous voulez bien, même endroit, même heure. Regrets et affectueuses amitiés Jacques SDdV Aa52 (285) - 510.299 III Lettre d'Ivan à sa mère du 6 juin 1938, de retour à Paris Chère petite maman, Je tiens à te rendre compte immédiatement des résultats de ma journée d'hier qui s'est passée exactement selon le programme établi. Le voyage en Pullman s'est effectué comme dans un rêve : juste le temps de me raser dans une cabine magnifique, et la moitié du parcours était déjà fait. Arrivé vers 1 heure ¼, je suis allé manger un morceau. Comme j'ai eu raison de prendre le premier train, car j'ai été retenu jusqu'à 4h½, courant d'un guichet à l'autre, et voulant mettre un ordre définitif dans toutes les questions. Eh bien, tout est fait. Tous les coupons sont mis à l'encaissement, je tiens le bordereau à ta disposition. J'ai déposé au compte les 10000 frs. billets et les 15 Bons ainsi que les 14 Crédit National. Le reste est allé au coffre, soigneusement trié et inscrit. Enfin, j'ai donné l'ordre d'acheter ce que nous avions décidé. Et rien ne se vend pour le moment. Je pense que nous pouvons être contents tous les deux de cette journée, malgré la fatigue encourue. Finalement, j'ai dû courir à pied à la gare, dans la pluie, ne trouvant pas de tramway, et n'ayant même pas le temps d'acheter des cigarettes. J'ai sauté dans le train, deux minutes avant le départ. Mais, à 22h50, j'étais rendu en gare, et Claire me reçut avec joie, m'ayant attendu sans grand espoir. A bientôt tous les détails. Bon dimanche et mille baisers Mig SDdV 510.311 III Rés 780 2) Lettre d'Ivan Paris à sa mère du 10 juin 1938 Ma chère maman, Sans nouvelles de ta part, je pense néanmoins que tu te portes toujours bien et que tu arranges tranquillement ta petite vie. Aujourd'hui, je tiens à joindre à mes dernières explications des pièces justificatives qui te montreront ce qui a été fait lors de mon dernier voyage. Nous avons à notre crédit : 10000 frs. en espèces 8000 frs. de Bons de la Défense au 7 juin 5000 frs. de Bons de la Défense au 6 octobre 10000 frs. de Bons de la Défense au 20 octobre 33000 frs. pour lesquels j'ai acheté ou commandé diverses devises. Dès que leur acquisition me sera confirmée, je t'en aviserai. Le coupon du Crédit National se détache le 15, et c'est seulement après que je le ferai vendre. Pour les 2000 autres Bons de la Défense, j'ai également acheté des Livres. Claire me charge de t'envoyer ses bons baisers Je reste ton très affectionné Mig SDdV 510.311 III Rés 780 3) Du 20 au 23 juin, Ivan et Claire vont à Metz puis à Luxembourg lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 20 juin 1938 ImsL p.494 à traduire Carte d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 21 juin 1938 ImsL p.494 poème à traduire lettre I d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 21 juin 1938 ImsL p.495/496 lettre II d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 21 juin 1938 ImsL p.496/497 lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 22 juin 1938 ImsL p.497/498 à traduire *** Le 23 juin, Ivan et Claire rentrent ensemble à Paris le 29 juin ils s'embarquent à Southampton. lettre d'Ivan Goll Southampton à Paula Ludwig Paris 30 juin 1938 ImsL p.499/500 à traduire *** lettre d'Ivan Goll Southampton à Paula Ludwig Paris 1 juillet 1938 ImsL p.501 à traduire ** Carte d'Ivan Goll Southampton à Paula Ludwig Paris 4 juillet 1938 ImsL p.501 à traduire ** Du 4 au 9 juillet Ivan et Claire sont à Londres lettre d'Ivan Goll Londres à Paula Ludwig Paris 6 juillet 1938 ImsL p.502/503/504 à traduire ** lettre d'Ivan Goll Londres à Paula Ludwig Paris 9 juillet 1938 ImsL p.504/505 à traduire ** Le 9 Ivan et Claire reviennent à Southampton Le 13 juillet Ivan et Claire quittent Southampton pour Paris où ils arrivent le 14 juillet. Le 21 juillet, Claire fait seule un voyage surprise à Metz et revient le 22 au soir à Paris Lettre de Claire à Ivan du 23 juillet 1938 MST p. 232 23 juillet 1938 9 h du soir [Paris, 14 rue de Condé] Mon Iwan, Tu as écrit un jour : Pour qu’un jour dans notre vieillesse Nous nous contemplions l’un l’autre et voici que mon rêve de vieillir ensemble avec toi tombe en poussière. Car on m’a changé mon Iwan d’autrefois. Et, en ce moment, où je dois rendre des comptes, je sens plus fortement que jamais à quel point je n’ai pas du tout changé, et t’aime encore du bel amour de notre bon vieux temps, quand tu répondais à mon sentiment avec le sérieux d’une vraie et rare parenté d’âme. Sans égards, une troisième a plongé un dard dans ce sentiment et m’a, ce faisant, poussée dans la mort. Et s’il est vrai que, dans ces minutes, je pardonne tout, je t’adresse cependant une prière sacrée : ne vis pas avec Paula L. Tu ne peux pas jouir de l’existence avec l’être humain qui me l’a volée, et qui, depuis bien des mois, connaissait l’approche du dénouement inéluctable. Une mauvaise magie s’est abattue sur nous depuis neuf ans, tu me dois une pénitence pour ces tourments d’une si longue durée que je n’ai plus la force de supporter et qui m’arrachèrent des cris furieux, au lieu de mots d’amour. Mon chéri, derrière les cris, le vieil amour pleurait, 'enfantin, vindicatif, buté) au point d’en rendre l’âme. Cette âme veillera sur toi, l’avenir appartient au remords, qui n’a pas assez prié. Je construirai autour de toi une prière forte comme une tour. Là-dedans, elle te trouvera, la vraie : la jeune fille qui te donnera l’enfant dont tu as la nostalgie. Sois béni, Aimé, pour tes longues années de bonté. Et sois remercié pour tout l’indicible. Ne sois pas triste, mon grand enfant! Pense à ton art, peut-être fera-t-il ton deuil plus profond et plus grand. Sois doux envers ta mère, ne la laisse plus si souvent seule. Elle est une brave femme, je le sais maintenant, dans l’instant où l’on sait tout. Embrasse-la pour moi ; une lettre t’attend là-bas chez elle. Et sois paternel pour ma pauvre Doralie. Je vais penser à toi avec une tendresse transcendante, aussi longtemps que je pourrai penser, et je baise avec dévotion tes chères mains. Dans toute l’éternité Ta Zouzou Sur l’original de cette lettre (en allemand) donc à Marbach, Claire a écrit en 1966, ce qui suit : Ce soir-là, je pris du véronal, car Iwan m’avait dit adieu pour toujours. Deux jours avant, il était "parti" avec une grande malle et m’avait fait croire qu’il quittait Paris avec Paula Ludwig. En réalité, il avait été rejoindre une jeune fille pour laquelle il louait, depuis plusieurs mois, un petit appartement dans la rue Saint-Louis-en-l’Isle, à Paris. Le 24 juillet, de bon matin, quand il vint prendre en cachette, son courrier chez notre concierge, celle-ci lui dit qu’elle était inquiète, que, la veille au soir, j’étais complètement bouleversée. Il se précipita avec elle à l’étage, et ils me trouvèrent.” Jean Sans Terre veille une Morte Ivan à Claire (Hôpital Cochin) 24 juillet 1938 MST p. 233 Dimanche après-midi Chère petite Zouzou, Enfin tu te réveilles à la vie, dans le milieu doré de l'été. Je voudrais bien rester à ton chevet, mais on me le défend. J'aurais préféré te confier à une clinique privée, mais je n'avais pas le choix. Affolé, j'appelais Police-Secours et l'ambulance t'amena aussitôt à l'hôpital Cochin. Quelques heures de patience et je tiendrai tes mains, de nouveau. Ton Ivan Ivan (14, rue de Condé Paris) à Claire (Hôpital Cochin) 25 juillet 1938 MST p. 233 Madame Claire Goll Pavillon Cornil Lundi matin 9 h [le 25 juillet] Chérie, On ne me permet pas d'aller te voir ce matin mais on me dit que tu as passé une bonne nuit. A 1 heure, je serai admis à te voir A la visite du docteur, entre 10 et 11h tu apprendras si tu peux quitter l'hôpital aujourd'hui. Je t'apporterai à 1 h une valise avec une robe etc. A tantôt, bonne patience Yvan pneumatique d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Paris 28 juillet 1938 ImsL p.505 à traduire ** Ivan arrive chez sa mère à Metz entre le 5 et 7 août ? lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 10 août 1938 ImsL p.505/506 Metz 10 juillet [exact 10 août] Ma chère Palu, Ici depuis quelques jours - mais tout est passablement détraqué. Ma mère, qui ne m'avait pas prévenu dans sa lettre, m'accueillit avec une fureur glaciale. En dépit de la calamité suivante, la trahison de Claire avait lentement porté ses fruits : la tromperie de Nice et toutes les histoires de couple du fils ne pouvaient laisser intact un cerveau aussi bourgeois. Elle est amèrement déçue et je peux à peine lui en vouloir pour cela. J'ai perdu sa confiance pour toujours, si bien que la vie quotidienne, avec repas et excursions se poursuivent en silence. Il faudra beaucoup de patience et de temps pour cicatriser les blessures sans qu'elles soient effacées. Mais toi, comment vas-tu ? Je souhaiterais bien t'entendre et savoir si tu as bien reçu celuici et mes précédents envois. En amour, Ton Ivan vérifier ma traduction lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 14 août 1938 ImsL p.506/507 à traduire lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 18 août 1938 ImsL p.507 à traduire lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 26 août 1938 ImsL p.508/509 à traduire Le 28 août Claire et Ivan vont ensemble à Chambéry pour la cure de Claire à Challes-les-Eaux, où ils occupent 2 chambres dans la "Villa Eugène" qui dépend de l'hôtel du Château Carte d'Ivan Goll Chambéry à Paula Ludwig Paris 1 septembre 1938 ImsL p.509 lettre d'Ivan Goll Challes-les-Eaux à sa maman à Paris du 1/9/1938 Chère maman, J'ai bien reçu ta lettre du 30, qui ne contenait hélas, pas de nouvelles de toi, mais une missive de Strasbourg, avec un article sur moi que je joins à celle-ci, et que je te prie de me retourner. On me dit m'avoir envoyé 2 exemplaires de la "Revue du Rhin" : si tu as reçu ces "imprimés", je te prie de me les faire également suivre, en biffant simplement l'adresse de Metz, et en inscrivant à côté celle de Challes, et en la portant à la poste, sans supplément d'affranchissement. J'ai également reçu déjà la réponse de Zurich que le surplus du paiement des coupons Reichsb. A été effectué le 20 juillet : d'une part 50 et d'autre part 27 coupons. On devrait toucher 11,90 à 8 % et les sommes sont réalisées à 18 francs Suisse pour 100 Marks. Il n'y avait sans doute pas plus à en tirer. Nous t'avons écrit lundi soir pour t'annoncer notre agréable installation ici. Pendant 3 jours, il a fait froid et pluvieux, mais ce matin, un soleil radieux éclate sur les montagnes qui nous environnent. Je me prépare à faire un grand tour en vélo, tandis que Claire se rendra à l'établissement thermal Nous t'embrassons affectueusement Mig SDdV 510.311 III Rés 780 1) lettre d'Ivan Goll Chambéry à Paula Ludwig Paris 2 septembre 1938 ImsL p.509/510 à traduire *** Le 11 septembre Ivan va seul chez sa mère à Metz et de là le 12 à Luxembourg puis à Bruxelles, avant de revenir à Paris le 20 septembre Carte d'Ivan Goll Luxembourg à Paula Ludwig Paris 12 septembre 1938 ImsL p.511 à traduire *** Claire revient à Paris le 13 septembre lettre d'Ivan Goll à Bruxelles à Claire Paris 13 septembre 1938 MST p.234/235 [Bruxelles 13.9.38] Chère petite Zouzou, 13 septembre, Hitler a parlé ! La bombe siffle — et ne tombe pas ! Sentiment intolérable. Les gens continuent à se rendre gaiement à leurs affaires. A Bruxelles, c'est comme si rien ne se passait. Et hier, il y a eu dans mon âme une telle alarme. L'excitation du grand voyage d'adieu de ma mère. Mon départ à 2 h pour le Lux. Là-bas, réglé beaucoup de choses. Pris à 7h le train pour Bruxelles. Arrivé à 11h à Bruxelles-Nord, et je me rends tout de suite à notre vieil hôtel qui en est proche : Hôtel Splendid, 14, rue des Croisades, chambre à 30 Frs. Puis, redescendu : dans les rues on diffuse le discours d'Hitler, qui me déplaît beaucoup et qui fait présager le pire. Mauvaise nuit, et la décision prise d'aller, ce matin, interroger une agence de voyages. Mais, vers midi, tout demeure paisible, je sonde les journaux, qui recommencent déjà à tout déguiser sous des formules d'optimisme démocratique, à tout alléger. D'ailleurs, j'ai maintenant un plan : si les choses se gâtent, un bateau part d'Anvers tous les vendredis en direction de Göteborg (Göteborg, Centervall) et Oslo : il arrive le dimanche là-bas, traversée directe sans escale, relativement pas chère, et pour l'instant sans visa. De là, il y a des bateaux directs pour New-York. Voilà dons une voie, pour le plus pressé. Sinon, il faut sans doute de longs préparatifs et toutes sortes de paperasses, — pour le Brésil. Mais à présent, que faire si les choses traînent encore en longueur ? Dois-je revenir à Paris ? De toutes manières, il me semble prématuré pour toi de te rendre à Bruxelles avec tout ton bagage et attirail d'hibernation, pour que nous y restions dans l'attente et l'indécision. Je pense recevoir demain matin une lettre de toi. Peut-être par la poste aérienne. Il n'est, en fin de compte, pas grave que j'attende ici pendant 1 ou 2 jours. Je suis tout seul, je reste seul. Cela je te le jure. Personne ne doit savoir que je suis ici, et je n'irai pas voir non plus Flouquet, etc.. La situation est sérieuse, crois-moi sur parole ! Mais mettre en branle tout ton dispositif de voyage, alors que tu franchirais toujours la frontière... pas encore. Peut-être aussi reviendrai-je déjà demain ou après-demain J'attends ton conseil. S'il nous reste du temps, nous nous attaquerons au problème difficultueux du Brésil. Un temps terriblement superbe. Quel dommage ! Raconte-moi en détail ton voyage de retour et ce qu'a fait ma mère ce matin. En tout amour, ton Yvan télégramme de Claire à Paris à Ivan Goll à Bruxelles 13 septembre 1938 /18h40 MST p.236 MAMAN PAS ARRIVEE TA LETTRE VIDE QUE FAIRE [ Claire ] lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Bruxelles 13 septembre 1938 MST p.235 Bien-aimé, Enfin ton télégramme. Tu es là-bas ! A présent, je pourrai retrouver le sommeil, que j'avais perdu depuis 2 nuits. Ah ! Promène-toi au soleil et repose-toi, mon cœur ! Comme j'ai souffert à cause de toi ! Mon cœur battait tumultueusement ! Le rein, enflammé, a des élancements, la tête me battait. Depuis que tu es parti, je n’ai rien mangé, je n’ai que les souvenirs de nos repas... Ce matin, 36 de température seulement au lieu de 38 hier., Comme tu l'avais télégraphié, ta mère qui devait arriver à 10h37, n’y était pas ,. Une erreur de toi, ou peut-être de la poste ? Et dans ta lettre, il n'y avait qu'une feuille de papier blanc. Je te demande de m'envoyer au plus vite un mot. A présent, il est deux heures et Maman n'est pas encore là. Suis très inquiète. Quand y aura-t-il à nouveau du soleil et quand serai-je près de toi ? Je gèle de fièvre. Avec un amour bien trop grand, t'embrasse Ta Zouzou lettre d'Ivan Goll à Bruxelles à Claire Paris 14 septembre 1938 MST p.236/237 Bruxelles, mercredi 14 septembre 1938 10h.¼ Bien-aimée, A l'instant, je reçois ta lettre bleue d'hier : quelle peur ! Dans ma lettre de Metz, il n'y avait qu'une feuille de papier blanc ? Comment est-ce possible ? je t'avais écrit 2 longues pages sur ma mère et mes projets : elle devait quitter Metz, mardi à 7h. par la Micheline et arriver à Paris à 10h.37 à la gare de l'Est. (Peut-être aussi ai-je perdu la tête à Metz ; j'ai écrit l'adresse à la gare). De plus, nous étions accompagnés par tante Justine et oncle Alphonse. Ma mère devait repartir à midi de la Gare Montparnasse en direction de Dinard et elle portait tous ses trésors sur elle. Tu peux te représenter combien je suis inquiet. Et surtout du fait que tu as trouvé une feuille blanche dans mon enveloppe. Qui en a extrait la lettre ? Je t'y écrivais au sujet de mon voyage ici et de mes projets concernant notre déplacement vers l'Angleterre ou la Suède. Je t'ai récrit tout cela dans ma lettre d'hier soir, que tu devrais avoir reçue aujourd'hui mercredi matin. En outre, je t'ai expédié ce matin à 9h. une lettre par avion, avec un billet de 1000 Frs. car j'avais interprété ton télégramme "lettre vide" comme s'il signifiait que la lettre ne contenait pas d'argent. Par contre, dans ma lettre de Metz, je t'avais fait savoir que ma mère te remettrait 1000 fr. en mains propres lors de son passage à Paris. Tu vois, j'avais pensé à tout. En ce moment, le valet de l'hôtel frappe à ma porte et m'apporte ton télégramme de 9h.44. Il est 10h.35. Donc, tu as reçu ma lettre d'hier. Bon. Vers midi, tu devrais recevoir le billet de 1000 fr. dans la lettre par avion : malheureusement, je n'ai pu recommander cette lettre, il était trop tard. Elle est partie à 9h. Télégraphie-moi de suite un accusé de réception. A l'instant, on affiche des télégrammes très inquiétants. Chute de la Bourse. Graves événements à Prague. Midi. Apporte-moi encore les deux carnets de chèques pour les banques anglaises : un grand noir à reliure dure, et un qui est dans une enveloppe de lettre recommandée, ainsi que le carnet d'adresses. Tout cela, je te le demandais déjà dans ma lettre de Metz, et j'avais confié la clef à ma mère : car tout cela se trouve dans mon tiroir de droite, ou peut-être de gauche. force-les : ce n'est pas difficile. Prends aussi avec toi les lettres de Duarte, qui s'y trouvent et sont faciles à découvrir dans leurs enveloppes. Ensuite, mon pardessus d'hiver, 2 manteaux gris, les chemises et pyjamas qui sont bons, le complet bleu-lavande, quelques "Chansons Malaises" et "Poèmes d'Amour" Ecris aussi souvent et aussi vite que possible. En tout amour Ton Yvan Apporte aussi la Radio. 4h. Si Prague accepte le plébiscite, tout se calmera. Attends, pour venir ici, que je t'appelle. Ne te mets pas en voyage avant d'avoir reçu un télégramme de moi. lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Bruxelles 15 septembre 1938 MST p.237/238/239 15.9.38 [jeudi] Mon cher petit Ivan, Merci pour la lettre et l'argent, qui m'ont délivrée de multiples soucis. Mais le plus important, plus important que le sommeil, la nourriture et la lumière, ce sont les mots que tu m'adresses. Si seulement, ils venaient plus souvent, si tu prenais un peu plus de temps pour m'écrire ! Alors, hier, devant cette feuille blanche et vide, je n'aurais pas été prise de panique et je n'aurais pas déjà cru voir ta mère assassinée dans son lit ! Car, lorsque tu télégraphies : "train et chercher Maman", qui penserait à une Micheline et un train de correspondance ? Je pensais qu'elle habiterait chez moi, avais préparé un repas de fête, que finalement j'ai jeté à la poubelle sans y avoir touché, et naturellement j'ai couru chez Henri avec ce feuillet blanc et, malheureusement, ils sont au courant. Mais je leur ai expliqué aujourd'hui que j'ai reçu maintenant ton explication : tu étais troublé. Ta mère, souffrante a conduit son frère très âgé à Dinard, étant donné que les vieillards doivent être évacués de Metz et elle t'a prié de chercher quelque chose à Bruxelles pour elle et pour moi. A l'avenir, soyons très précis et complets quand nous nous écrivons ou télégraphions. Oui, et maintenant, la situation semble se prolonger ou s'éclairer. C'est que les guerres, maintenant, on les fait à la manière de Hitler, ce suranimal. Et le Français, plus humain succombera, comme toujours, au muscle. Que l'univers tout entier parle jour et nuit d'un homme avec lequel aucun homme intelligent ne voudrait converser cinq minutes car il est tellement médiocre. Et un Chamberlain qui s'enfuit à Canossa, ô honte ! Mais Holopherne aussi a trouvé une Judith ! Comment passes-tu ta journée en Belgique, mon chéri ? Et, la nuit ? Ecris plus souvent, toi aussi, nous en avons malheureusement le temps. Comme toujours il fait beau, pour aggraver la torture d'être seule et la lune allonge les nuits blanches. J'aspire douloureusement l'odeur de ta chambre et quand je veux manger, cela me reste dans la gorge. Mais avant tout, tu es enfermé dans la chambre secrète et spéciale de mon cœur et nul chirurgien ne pourra plus t'en déloger. Une maladie honteuse, cet amour immémorial. Sois gai, tu vis et tu es un poète rare, que veux-tu de plus ? Je crois en toi, en la vérité du sentiment et l'éternité de la bonté, mais je ne crois pas à la guerre et à la destruction. En toute tendresse Ta Zouzou En tous cas, vois un peu à Bruxelles et dans les environs s'il y a possibilités d'habitation, car nous devrons peut-être partir d'ici tôt ou tard. 2ème de Claire à Paris à Ivan Goll à Bruxelles 15 septembre 1938 MST p.239/240 15.9.38 [jeudi] Mon tout doux, Je n'ai reçu qu'hier soir ta lettre par avion, à 9H., et il était trop tard pour te répondre. Vers 6 H. j'ai aussi reçu un télégramme de ta mère, avec réponse payée de Dinard : "Où envoyer billet baisers Réb." Sans indication d'adresse, en sorte que je n'ai pu lui répondre, bien que j'aie passé 36 heures dans une affreuse angoisse à cause d'elle, la voyant assassinée dans sa demeure, et que je lui aie télégraphié à Metz et que le télégramme me soit revenu, car là-bas non plus, elle n'a pas laissé d'adresse. Quel dommage, que vous perdiez ainsi la tête tous les deux, en un moment où il est nécessaire d'être aussi précis que possible et où l'on devrait prendre son temps quand on écrit une lettre ! C'est ainsi, par exemple, que je ne trouve pas ton livre sur Alexandre, car tu ne m'indiques pas où il est rangé. Tu n'écris pas si tu veux ton smoking, une chemise blanche, des chemises de couleur neuves, un pyjama etc. Car, cette fois, il s'agit de renoncer à tout ce qui reste dans la maison. Avec Manchez (*) on ne plaisante pas. Je pense aussi à mes livres, à mes articles dans le B.T., à toutes nos critiques, à toutes tes oeuvres, etc.: ne devrais-je pas, dès maintenant, en expédier un certain nombre d'exemplaires, en petite vitesse, au Splendid ? Qu'en penses-tu ? En outre, je ne crois pas que mes vêtements d'hiver et les tiens tiennent dans le CG et dans la malle-cabine, il faudrait une malle plate assez grande, d'autant plus que la mienne est détériorée. Comme nous avons manqué de prévoyance ! Tu n'écris pas non plus s'il faut mettre Goll ou Lang - tu me l'écris seulement dans ta lettre par avion. Et tu réponds trop tard à mes deux télégrammes, au lieu de rentrer souvent à ton hôtel, où il peut toujours arriver un mot important de moi. Fort heureusement, cette fois, le billet était inclus dans ta lettre, mais je crois que l'on n'a pas le droit d'inclure quoi que ce soit dans les lettres. Et maintenant, chéri, ton intention de te rendre en Angleterre ? On peut bien faire annuler ou un dépôt par écrit. Ou est-ce que tu veux te rendre compte un peu à Londres, qui sera immédiatement bombardée, de la négligence que tu as eue ici ? Quand on est déjà dans un pays neutre, à quoi bon se transporter dans un pays belligérant ! Fais-toi, éventuellement verser une très grosse somme, mais : 1°) l'Angleterre est riche, elle ne fera pas banqueroute 2°) dès le début des hostilités, les banques dirigeront certainement les biens de leurs clients vers l'intérieur du pays. C'est ce qui aura lieu en Suisse aussi, espérons-le puisque nous y avons tout laissé en plan. Bruxelles, cette fois-ci me paraît à l'abri de tout danger. D'abord, parce que la princesse héritière d'Italie (alliée d'Hitler) est une Belge. Tout au plus les vivres peuvent-ils s'amoindrir, mais qu'est-ce que cela nous fait ? Mais si tu veux aller en Angleterre, le mieux sera que nous y allions ensemble. Je ne peux pas, moi non plus, attendre la dernière minute, car avec mes nombreux bagages, je ne trouverai plus de taxi (ils seront aussitôt réquisitionnés) et les gares, les trains ne seraient presque plus accessibles qu'aux militaires. Déjà, avant-hier, quand j'ai voulu aller chercher ta mère, la gare de l'Est était partiellement barrée à cause des réservistes. On ne distribuait plus du tout de billets de quai. En plus de toutes ces courses et empaquetages, j'ai été indisposée la nuit dernière, en sorte que je me sens fort misérable sans ta proximité. Mais à présent, il ne s'agit pas de gémir, mais de ne pas manquer le moment décisif. Réponds de suite, si tu crois devoir encore aller à Londres. Mais comment pourrons-nous ensuite en ressortir avec les mines tout autour, ou y rester ? Non.dans notre cas particulier. J'enverrai cette lettre par avion, si c'est faisable. En amour Ta Zouzou (*) notre propriétaire, ami intime du Ministre Flandin, qui était pro-Hitler Carte d'Ivan Goll Bruxelles à Paula Ludwig Paris 15 septembre 1938 ImsL p.512 à traduire *** Le 20 septembre Goll est de retour à Paris; Le 24 septembre, il envoie 10 exemplaires de leurs livres à Dinard ainsi que différents objets de valeur. Le 25 septembre Ivan part en train pour Bruxelles et Ostende d’où il va à Londres pour réaliser des ordres bancaires, il revient le 28 septembre à Bruxelles avant de rentrer à Paris le 1er Octobre. Carte d'Ivan Goll Bruxelles à Paula Ludwig Paris 25 septembre 1938 ImsL p.512 Paula Ludwig part début octobre à Ascona pour y passer quelques semaines avec son amie Nina Engelhardt ; après son départs Goll loge dans sa chambre, rue d'Assas ; Paula ne reviendra à Paris que début décembre lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 7 octobre 1938 ImsL p.513 lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 14 octobre 1938 ImsL p.514/515 lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 15 octobre 1938 ImsL p.515/516/517 à traduire lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 4 novembre 1938 ImsL p.517/518 lettre d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 8 novembre 1938 MST p.240/241/242 Metz 8 novembre 1938 Aimée, La journée d'hier lundi a été bien remplie, riche en expériences très diverses, et elle s'est achevée par un splendide clair de lune. Cela commença par la grande aurore à Bâle, après un intéressant parcours nocturne, avec le grand Suisse auquel tu m'avais confié; Il m'a pris sous sa protection virile, comme c'est son habitude professionnelle, car il est un célèbre guide de montagne des Alpes bernoises. Un merveilleux enfant de la nature. Chose touchante, il venait de passer deux jours à paris avec son jeune ami, et tous deux avaient parcouru la ville à pied : de la Tour Eiffel au Sacré Cœur. Ce qui l'a le plus étonné, c'est qu'il n'a pas été accosté par une seule femme, et que, par conséquent, Paris n'est pas la Babylone du péché comme il l'avait cru : comment avait-il pu se l'imaginer ? Ensuite, il m'a raconté pendant des heures des histoires de ses montagnes, avec un tel amour pour la nature alpestre, pour les secrets des glaciers - jusqu'à 26 ans, il était pâtre, sur un pâturage élevé, à trois heures de la plus proche habitation. Il n'était "descendu" qu'une fois, pour son service militaire. Ensuite, il devint un guide recherché et héroïque. Cet été, il a fait 59 fois l'ascension du Pic Palu, 41 fois une autre, etc.; et il a gagné 3.000 francs suisses. Mais à Paris, il a dépensé 20 frs. suisses en tout et pour tout. Quelle âme pure. Cette chasteté - il a 46 ans, n'est pas marié, parce que son métier est trop dangereux. Son père et ses trois frères se sont tués en montagne. il sait que cela lui arrivera un jour - mais il accepte la mort avec beaucoup de simplicité. Le plus bel être humain que j'ai rencontré de ma vie. Et, comme il parlait des fleurs, des levers de soleil ou du pain ! Ensuite, à Zurich, j'ai rapidement réglé mes affaires. L'employé que je connais, à la banque, s'est réjoui de me voir, et a été très content que je lui offre "Jean sans Terre", - une idée de toi. Je suis reparti l'après-midi et j'ai eu assez de temps d'attente à Bâle - à cause de la différence entre l'heure de l'Europe centrale et celle de l'Ouest - pour aller au Musée, où j'ai fait intimement connaissance avec Konrad Witz, Holbein et Urs Graf. Lors du voyage de retour (Bâle-Strasbourg-Metz-Luxembourg) on passe par Schlettstadt : peut-on passer ainsi tout simplement, à toute vitesse, devant le tombeau de son père ? Je résolus de descendre, bien qu'il fût déjà 7 h. du soir, pour rendre une visite nocturne à ce cimetière de légende. Il faut marcher environ ¾ d'heure à travers des champs et des vignobles. Au ciel étincelait la plus pleine de toutes les lunes. J'étais parcouru par des frissons de peur, mon ombre m'effrayait. Loin, à l'horizon, les Vosges argentées. Mais plus j'approchais du cimetière, plus j'étais épouvanté. Enfin, le grand et vieux mur. Devant, la maison du gardien. Trois chiens aboyaient, trois êtres humains tout noirs passèrent la tête à travers la grille. Moi, je me dissimulai derrière des buissons, trouvai entrouverte la porte qui mène aux tombes, ce qui est étrange, et bondis en plein mystère. Je trouvai sans peine la pierre tombale de mon père, un peu oblique, toute habillée de lierre, et je restai longtemps à genoux… mais le gardien, ses chiens et sa famille ne reposaient pas - tandis que je dialoguais convulsivement avec les étoiles et avec le mort. Finalement, ils me trouvèrent et poussèrent de grands cris, dont j'eus honte en présence de ces ossements. On me traita comme un profanateur de cadavres, comme un criminel, et le silence ne se rétablit que lorsque je mis un billet de 50 fr. dans la main de l'homme. Le gardien m'avoua que, de toute sa carrière, rien de semblable ne lui était jamais arrivé. S'il raconte cette histoire à ma famille, on en déduira que je suis mûr pour l'asile d'aliénés. Sur le chemin du retour, la lune commença lentement à pourrir, comme une pomme dans laquelle on mord, et qui s'oxyde. Des ombres bondissaient sur la vaste plaine. Une nouvelle forme de peur m'assaillit. Mais bientôt je perçus le signe accueillant que me faisait le clocher de Schlettstadt, petite ville typiquement alsacienne. A vrai dire, c'est d'abord une haute tour carrée qui me reçut, - on l'appelle la Tour des Sorcières. En bas, se trouve un restaurant. Les repas d'enterrement y sont quelque chose de particulier, qui réconcilie l'homme avec la terre. Je commandai un menu fabuleux avec poularde et vin pétillant d'Alsace, le vin même que mon père aimait tant et dont il avait dans sa cave de pleins tonneaux, ce qui me remplit d'admiration posthume à son égard. Posséder un tonneau et descendre, tous les soirs, à sa cave, quel sentiment de richesse cela doit inspirer ! Pendant le dîner, la tragédie lunaire était arrivée à son dénouement. Un seul hôte était assis près de moi, un authentique Alsacien, avec lorgnons et redingote ; il mangeait un brochet au bleu. Comme tout cela évoquait ma patrie ! Vers 10h., l'express doré fila avec un bruit de tonnerre à travers la nuit - passant devant le cimetière et effarouchant les spectres. Comme une journée de 24 heures peut être remplie à éclater, de vivants et de morts, d'aventures alpines, de frayeurs lunaires, de danses macabres d'Holbein et de paysages féériques ! Et seul un solitaire peut vivre aussi pleinement ! Mais à présent, grâce à cette lettre, toi aussi tu prendras part à tout ceci. Ton Ivan Carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 9 novembre 1938 ImsL p.518 Carte d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 10 novembre 1938 ImsL p.519 lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 14 novembre 1938 ImsL p.517/518 à traduire Paula Ludwig rentre à Paris début décembre
5 décembre 2008

Correspondance de 1934 à 1937

                                                           1934

Paula Ludwig Ehrwald à Ivan Goll Paris 2 janvier 1934 ImsL p. 231 à 235

                                                                                  2. 1. 34

J'avais repris hier soir pour la première fois en mains le livre de Florence et le relisais. Je l'avais si longtemps protégé comme un jeune vin que l'on garde intact et maintenant, j'allais chercher ton vin ressorti des plus profondes caves de l'été, et mon cœur débordait. Je regardais les images et caressais de la main les murs du Palazzo

traduire

Yvan : immortelle constellation de mon âme

            Je t'embrasse avec un nouveau cœur

            Je t'aime d'un amour nouveau

[dans la marge gauche]

Les pierres de tes manchettes ne sont pas des améthystes mais des grenats, des grenats presque noirs, tirés des montagnes de ce pays.

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 5 janvier 1934 ImsL p.235

                                                                                              5.1.33

                                                                                  [mais cachet de la Poste : 1934 Paris]

Chère Paula

Tu reçois aujourd'hui ou tu dois recevoir 1 manuscrit et un cartable - Fra Angelico : dans la crainte qu'il m'arrive le même tour qu'avec les coraux je t'envoie mes voeux par le chemin habituel afin que tu vives une année aussi grande aussi enthousiasmée que cette déesse.

En tout cas, dés lors, je m'incline devant toi                                                            

                                                                       Yvan

                                                          

[dans la marge gauche]

Je me réjouis de ton arrivée

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 18 janvier 1934 ImsL p. 236/237/238

                                                                                              Paris 18 janvier 34

Chère Palu

traduire

                                               Yvan

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 30 janvier 1934 ImsL p. 238/239/240

                                                                                              Paris 30.1.34

Chère Palu

traduire

                                               Yvan

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 10 février 1934 ImsL p. 240

                                                                                  [ Paris 10.II.34 ]

Chère Palu

                                                Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 23 février 1934 ImsL p. 241/242

                                                                                              Paris 30.1.34

Chère Palu

traduire

                                               Ma's

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 9 mars 1934 ImsL p. 242

                                                                                  [ Paris 9.III.34 ]

J'attendais avec beaucoup d'inquiétude ta "publication"

 

                                               Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 22 mars 1934 ImsL p. 242/243/244

                                                                                              Paris 22 mars 34

Chère Paula

J'ai du relire plusieurs fois d'un bout à l'autre ta lettre : je ne savais pas  si je la trouvais triste, ou si elle était le reflet de l'amertume de ton humeur ou tantôt optimiste ou tantôt dépitée ; j'ai mis longtemps à me décider et je te réponds aujourd'hui, bien que je ne sache pas bien encore si je suis arrivé à un résultat. Ceci me gêne, en effet, de m'approcher plus souvent de toi

vérifier mon bout de traduction et traduire la suite

                                               Yvan

Paula Ludwig Ehrwald à Ivan Goll Paris 25 mars 1934 ImsL p. 244 à 248

                                                                                  Ehrwald - Dimanche des Rameaux

                                                                                  25. 3. 34

traduire ****

le 26 mars 1934, Paula revient à Berlin

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 2 avril 1934 ImsL p. 249/250

                                                                                              Paris lundi de Pâques

                                                                                             

                                                                                               [2.4.34]

Ma Chère Palu

o mon ravisseur -

                                                           Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 15 avril 1934 ImsL p. 251

                                                                                               15.4.34

Chère petite Paula

                                                           Many

                                              

Paula Ludwig Berlin, à Ivan Goll Paris, 18 avril ****1934 ImsL p. 251 à 254

                                                                                             18 avril 1934

                                                                                             

Ma chère Manyana -

                                                                                             

traduire, mais manque la fin de la lettre

Yvan Goll à Jean Follain 23 avril 1934

                                                           Paris 23 IV 34

Cher Fol

            Notre femme de ménage a une petite nièce

Cette petite nièce fait sa première communion,

Comme un lilas blanc

Mercredi prochain - notre maison délaissée

nos plats et casseroles abandonnées

il sera impossible de vous héberger

            mercredi prochain

mais l'autre mercredi 2 mai - plus belle date -

voulez-vous ? à 7 heures ?

un mot de vous pour confirmer s.v.p.

                        Et mille excuses

                                   votre Ivan

ref : IMEC : FLL.C12-02

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 28 avril 1934 ImsL p. 255

                                                                                  Paris 28 avril 34

Chère Palu

traduire

                                               Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 3 mai 1934 ImsL p. 256/257

                                                                                  Paris 3 mai 34

Chère Palu      

traduire

                                               Ta

                                                           Ma

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 30 mai 1934 ImsL p. 257

                                                                                  30 mai 1934

                                                                                  [Paris]

Chère Palu      

traduire

                        Salut à Nina, à Falk et tiens-toi en bonne santé

                                                                       Ma

Le 1er juin 1934, Paula quittait définitivement Berlin pour Ehrwald

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 juin 1934 ImsL p. 258/259

                                                                                  Paris 3 juin 34

Chère Palu      

traduire

                                                           Ma

Paula Ludwig Ehrwald, à Ivan Goll Paris, 8 juin 1934 ImsL p. 260/261

                                                                                             Ehrwald 8 juin [1934]

                                                                                             

Chère Ma.

                                                           Ton Palu

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 15 juin 1934 ImsL p. 260/261

                                                                                  Paris 15 juin 34

Chère Palu      

traduire

                                                           Ma

Marcel Raymond (Bâle) à Yvan Goll le 23 juin 1934

                                                           Bâle le 23 juin 34

                                   Cher Monsieur,

            Vous êtes très aimable d'avoir songé à m'envoyer votre "Lucifer". Je le lirai à l'ombre dans quelques semaines. Quant à votre "Orphée", que je connaissais en partie, il me rappellera cette atmosphère de Paris  d'après-guerre, qui était assez enivrante, et qu'on ne peut oublier.

            J'ai lu avec intérêt votre "Surréalisme" ; en pensant à lui, j'ai des remords …, mais je vous l'ai déjà dit.

            Nous vous attendons à Bâle, vous et Madame Goll, n'est-ce-pas ?

                        A bientôt, j'espère, et croyez-moi votre dévoué

                                                                       Marcel Raymond

P.S.:    Nous quittons Bâle vers le 10 juillet : du 1 août au 15 octobre, nous serons à Genève   (Chemin Bizot), puis à nouveau à Bâle

SDdV

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 26 juin 1934 ImsL p. 261/262

                                                                                  Paris 15 juin 34

Chère Palu      

traduire

                        Pourquoi ?                              

                                                                       I

Claire Goll, part vers le 25 juin en Italie pour un séjour en cure (?).

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 juillet 1934 ImsL p. 262/263

                                                                                  Paris 15 juin 34

Chère Palu      

traduire

                                                           Ton                            

                                                                       I

Et j'ai aussi de l'argent; sois sans souci. Salue la petite Nina. Mais ne parle à personne d'autre de mon arrivée. Je veux rester entièrement caché.

                                                          

Claire a envoyé un télégramme laconique le samedi 7 juillet, depuis Rome. Yvan lui écrit Poste Restante. Yvan sait qu'elle est avec l'homme avec lequel elle était en Italie en 1931, et à la même adresse

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 7 juillet 1934 MST p.142/143

                                                           samedi 7 juillet 1934

            Chère petite Suzu,

            Cette nuit a été l'une des plus douloureuses de ma vie : étrangement pleine de voix et d'appels - de tes appels - et de vertes cimes d'arbres, parce que là-bas, il y avait une fête nocturne sur les lacs du Bois.

            Symbole : je devais recueillir seul les comètes qui tombaient sur notre balcon, tandis qu'au loin, tu ramassais de tes mains d'enfant, la lune brisée, dans les champs de blé mûr, et te brûlais …

            L'aube vint de bonne heure, mais non le repos. Je fis un séjour avec toi à Turin, à Gênes ; tu te montras enchantée de la langue italienne, puis vint cette expérience avec la mer étincelante. Je ne sais pas quel fut ton parcours, mais je l'ai vécu.

            Ensuite, m'arriva avec le courrier, ta lettre apaisante de Laroche, avec la fraîcheur paisible des  peupliers crépusculaires qui t'ont vue. J'allais mieux. Mais à 5 h 35, la fièvre monte de nouveau ; as-tu vu tout de suite, en face de la gare, le Museo delle Terme ?

            Une grande souffrance est en moi, d'autant plus grande que je sais l'avoir méritée.

J'aurais parfois grande envie de ramper sous le piano. Je vais subir de lourdes épreuves, et je crains la plus lourde, au Tyrol. Ce ne sera pas comme les années précédentes. Le long pèlerinage que je projette me conduira finalement à toi, - définitivement. J'ai le sentiment, pour la première fois, que je ne vais là-bas que pour poser un point final.

            Mais le temps de l'attente, ici, sera encore plus cruel. Encore dix jours au moins.

            Chez Halphen, il n'y avait pas encore de robe.

            Mary a disparu depuis huit jours, sans laisser de trace. Elle m'a fait dire que les photos sont rue du Bac, mais le photographe n'en savait rien. C'est tout à fait Mary.

            Et maintenant, puissent les dieux de Rome te bénir !

                                                                       Yvan

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 8 juillet 1934 MST p.143/144

                                                           Dimanche soir 8 juillet 1934 [Paris]

            Chère petite Suzu,

Étranges sont les voix du destin. Hier, après n'avoir pas quitté de toute la journée, la fraîche terrasse, je suis allé au café et j'y ai trouvé une ambiance bien italienne : là se trouvait, en effet, le peintre Cristofanetti et sa femme. Te rappelles-tu que j'ai fait la connaissance de cette dame, il y a deux ans, dans le train du Tyrol, alors que je me hâtais de revenir à toi ! Autour de lui, dix autres italiens étaient assis, et j'entendais parler cette langue céleste avec autant de pureté que si j'avais été au Café Cok de la Piazza Venezzia.

            On m'a submergé de lettres d'introduction pour toi. D'abord à Son Excellence le Conseiller d'Etat Luigi Cristofanetti, père de notre ami, qui pourra te recommander en tous lieux, peut-être même au Duce, si tu en as envie.

            Une autre dame d'un certain âge, qui joue, paraît-il, un rôle dans le parti fasciste, te recommande à l'Hôtel National, où tu trouverais éventuellement une chambre pour 6 lires, si tu n'as rien trouvé de bien ailleurs. Ton télégramme laconique d'hier m'a fait supposer que tout n'est pas si simple.

            Cependant, il se peut que tu n’aies aucun besoin de recommandations, et c'est même probable, car on peut découvrir sans elles les colonnes, les temples et les chapelles, et finalement c'est ce qu'il y a de plus intéressant à Rome.

            J'espère que tu as de très belles impressions.

                                                                              Ivan

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 12 juillet 1934 MST p.144/145

Paris

Jeudi 12 juillet 1934

Chère petite Suzu,

            Tes impressions grandioses sur Rome ne feront que s'intensifier chaque jour. C'est la seule ville où pareille chose est possible.

            Dommage que je ne puisse toucher, dans cette lettre, qu'au côté administratif de ton voyage - mais explique-moi ce qu'est un appartement ? Depuis le début, je ne l'ai pas compris, étant donné que l'Italie est si diverse, et qu'avec un billet comme le tien, on ne veut pas séjourner dans un seul endroit, surtout avec ton programme, qui comporte certainement encore Florence, Assise, sinon Naples ? Pourquoi un appartement ? Je t'adresse une très importante recommandation à l'Hôtel National, un des plus grands de Rome, où tu n'aurais à payer que 15 lires lieu de 40.

            Mais tout cela est déjà passé, probablement.

            Je voudrais que tu retires de ce voyage de belles impressions.

            Je donne aujourd'hui à la Schweizerische Bankgesellschaft l'ordre de t'envoyer 800  lires, qui viennent être converties en liquide, grâce à une vente de titres à Madame Lang.

            Entre-temps, j'ai eu beaucoup de peine et j'ai dû m'humilier pour obtenir seulement quelques centaines de francs (300 francs) chez Shermann ou Drach. Cela est terminé.

            Je n'ai reçu qu'aujourd'hui l'argent pour Halphen. La petite robe part aujourd'hui. La jaquette demain. Toujours poste restante.

            Je pars au début de la semaine prochaine : mais d'ici là, écris à Paris. Ensuite, je te donnerai mon adresse. En hâte.

                                               Ivan

a) s'il te plaît, ne m'écris pas tes belles lettres sur ces étroites feuilles de bloc ; prend un grand bloc, car cela m'irrite toujours qu'il y ait si peu de place.

b) 300 lires de gaz et d'électricité : c'est la consommation d'une famille avec trois enfants pour trois mois d'été ! Alors que tu ne peux pas faire cuire un oeuf. Qui fait la cuisine ?

Ivan Goll écrit un livre sur le psychographologue Shermann, qui fut retenu en Allemagne contre son gré jusqu'en 1933. Raphaël Shermann "l'écriture ne ment pas", Gallimard 1935

Drach, éditeur de la revue "Vu" qui publia en 1934 des passages du livre.

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 13 juillet 1934 ImsL p. 263

                                                                                  Paris 13 juillet 34

Chère petite Paula      

S'il n'est pas possible d'intervenir entre cela, je pars le mardi soir d'ici et je suis mercredi, vers 1 heure à Innsbruck. A l'avance, je t'envoie déjà mon bonheur                                 

                        

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 14 juillet 1934 MST p.145

                                                                       Paris

14 juillet 1934

Chère Suzu,

            Je te félicite : ton acte de vengeance a réussi cent pour cent. Ta théorie du rachat se réalise pleinement.

            Ici encore, un complément à ma première lettre :.

            Pendant la nuit que j'ai passée en voyage avec toi, j'eus soudain une vision : le chapeau mou, gris-pigeon, qui était posé dans le coin, en face de toi, près de la casquette de voyage et de Gringoire, je le vis sur une tête que je connais très bien, et nullement sur celle du vieux monsieur qui se tenait dans le couloir. C'était assez bizarre que cet inconnu restât absent si longtemps, et qu'il n'assistât pas à notre dernier baiser.

            J'envoie donc ton adresse au receveur ; elle n'est pas nouvelle pour moi, car j'y ai télégraphié plusieurs fois, il y a trois ans.

            Sans doute, tous mes envois ont été faits " fermo posta ": a) le petit costume en 2 envois.  b) 1.000 lires (au lieu de 800), qu'à la dernière minute, je t'ai fait adresser télégraphiquement par la SchweizBankgesellschaft ..

            Je pars mardi.

                                   Au revoir,

                                                                                          Ivan                                        I

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 14 juillet 1934 MST p.145/146

                                                                       Paris

14 juillet 1934

Chère Suzu,

Reçu à l'instant cette carte de Doralies. Il faut que tu y répondes, vite, que nous serons probablement à Paris dans la seconde moitié de septembre, que tu lui paieras, bien entendu, le voyage vers à Paris  (très petite somme) étant reçue chez nous, elle n'aura guère de dépenses à faire ici.

            Faire une autre réponse est presque impossible. Anvers est à peine à cinq heures de Paris. Il faut apprendre aux mères à faire leur devoir. Voilà ce qui arrive quand on a des filles.

            Ci-inclus aussi le Zuri Zittig.

                                               Ton

                                                           Ivan

            Peut-être la vision dont je t'ai fait ce matin le récit n'est-elle que l'hallucination d'un torturé ?

À partir de mercredi : Innsbruck, poste restante.

Yvan arrive le 17 juillet chez Paula. Ils prennent quelques jours de vacances ensemble à Schönwies dans le Tyrol avant de revenir à Ehrwald.

lettre d'Ivan Goll Schönwies,Tyrol à Claire Italie du 19 juillet 1934 MST p.146/147

Steinseehütte (1934)

par Schönwies ( Oberinntal)

jeudi 19 juillet (1934)

Chère petite Suzu,

La première chose que j'ai faite, lors de mon arrivée à Innsbrück, (à une heure de l'après-midi), ce fut de me précipiter à la poste, où j'ai trouvé ta lettre d'amour, non plus bleue, mais d'autant plus céleste. Je suis si heureux que tu aies compris tout de suite mon état d'âme et ma peine. Je suis heureux de ton expérience romaine et de la force dont tu fais preuve, dans cette solitude relative. Et je t'envie presque pour les petits frottements humains que tu as rencontrés dans cette ville unique en son genre : c'est par eux que l'on peut le mieux connaître une atmosphère. Dans les grands hôtels, où tout marche sur des roulettes, on n'a pas cette occasion.

Au Tyrol, tout se passe comme prévu. Je n'irai pas à Ehrwald ce qui va te rassurer beaucoup. Paula m'attendait à la gare d'Innsbruck, nous allâmes aussitôt au bureau de tourisme et nous rendîmes, dès le soir, ici à Schönwies un tout petit trou villageois. Ce matin, nous allons monter à Steinseehütte, avec des sacs à dos, et y rester éventuellement quelques jours ou plus longtemps. Ce sera selon... Nos bagages restent en bas. Peut-être ne nous plairons-nous pas là-haut, et alors nous irons ailleurs mais pour l'instant, mon adresse est celle indiquée ci-dessus.

            En outre, je sais déjà que je suis réuni à Paula  pour la dernière fois. Cette part de ma vie est déjà morte pour moi. Je regrette presque d'être venu . Je crains qu'elle soit déçue et qu'elle remarque trop tôt que je ne suis plus le même que l'an dernier. Je le pressentais déjà,à Paris, mais ici, maintenant, je le sais et j'aurais peut-être dû procéder d'une façon plus abrupte.

            Il est à espérer que la nature et le soleil nous aideront à écarter de nos esprits ce malentendu de notre actuelle rencontre. À parler franc, j'ai presque peur de m'ennuyer bientôt.

            Et je répète, en l'inversant, la phrase de ta dernière lettre : malgré les belles impressions (Rome) du Tyrol, je désire vivement être, de nouveau, réuni à toi, dans un lien indivisible. Comme les attirances corporelles sont faibles.

            Mais les liens d'amour entre nos âmes sont éternels.

                                                                       Ivan

lettre d'Ivan Goll Schönwies,Tyrol à Claire Italie du 21 juillet 1934 MST p.147

Schönwies, samedi 21 juillet 1934

Chère petite Suzu,

Aujourd'hui samedi, nous sommes déjà redescendus . La Steinseehütte, que tu vois sur les deux cartes incluses, était située à 2.000 m, nous avions monté pendant cinq heures, par des gorges et des lieux sauvages : c'était fatiguant, surtout ainsi, sans transition, après avoir respiré l'air du métro parisien pendant une année, - mais une fois arrivé en haut, nous avons été déçus : car le chalet était tout petit et ne comportait qu'une pièce avec seize couchettes...

            Nous restâmes néanmoins deux jours là-haut, nous baignant dans le lac glacé, cueillant ces petites fleurs si délicates, aux couleurs profondes, dont je voudrais poser quelques unes contre tes joues : même quelques edelweiss, dans des endroits accessibles sans danger, et des buissons de rhododendrons.

            Toutefois, nous dûmes nous décider à redescendre. Nous allons maintenant rester un peu à Schönwies, puis continueront peut-être à explorer la vallée.

            Mais en ce qui concerne le courrier, ce sera de plus en plus difficile. Je crois qu'il vaut mieux que tu recommences à écrire à Innsbruck, poste restante.

            Je pense beaucoup à toi ; chaque pas que je faisais à la rencontre des sommets me donnait le sentiment que je me rapprochais de toi. Chaque fleur que je cueillais était pour toi, et chaque étoile qui s'allumait pour moi avait l'éclat de tes yeux aimants.

                                                           Ivan

lettre d'Ivan Goll Ehrwald,Tyrol à Claire Italie du 24 juillet 1934 MST p.148/149

Ehrwald

Mardi 24 juillet 34

Chère petite Suzu,

            Nous avons encore erré, trois jours, dans les vallées Tyroliennes et sur des Alpages, sans trouver nulle part un lieu de séjour durable. Partout manquait, même dans les montagnes les plus éloignées, l’isolement. Ensuite, le temps est devenu mauvais - plusieurs violents orages, puis une pluie torrentielle : bref, nous avons dû nous réfugier à Ehrwald, où Paula possède un ravissant petit appartement, installé de façon coquette, avec bains, balcon avec vue  sur un panorama de montagnes : à gauche le Zugspitze, à droite, la Sonnenspitze.

            Et des livres, autant qu'on veut. Ici enfin, nous nous sentons bien.

            Par ailleurs, pas la moindre crainte à avoir. Ehrwald est totalement désert. Pas un seul vacancier. Les habitants eux-mêmes sont complètement absorbés par la moisson et les soucis de ravitaillement. Pas une être âme ne se soucie de nous. L’appartement est tel que je n'ai ni besoin ni envie de faire un pas au dehors. Politiquement, on est ici totalement apathique  Je m'étonne moi-même, à présent, de nos inquiétudes. Personne ne sait rien de moi

            Enfin je me remets de mes douleurs musculaires, de mes coups de soleil, de ma fatigue. Paula me soigne bien. Mais je pense beaucoup, beaucoup à toi, petite Suzu, trois lettres (2 bleues, et ce sont quand même celles que je préfère) et 1 express. Toutes trois expriment le même souhait : celui de nous rencontrer dans quinze jours à Florence, Capri ou Portofino.

            Je réfléchis, je calcule, je médite. Mon désir de te voir est si grand ..

Mais en premier lieu : peux-tu vraiment te passer de ta cure à Challes ? Pense aux nuits parisiennes à venir. Je me souviens que tu affirmais, il y a trois semaines, que Challes t'était indispensable, que tu aurais déjà dû y aller au printemps si possible. Ç'aurait été le plus simple, que tu accomplisses d'abord ton devoir à Challes et t'offres ensuite l'Italie comme récompense, - et si nous avions agi d'une façon mieux concertée, si j'avais pu atténuer ta soudaine soif de Rome, si nous avions mieux réfléchi. Mais cela est du passé. Nous ne devrons plus commettre de faute.

            D'abord, j'ai peur de l'Italie en août. Ensuite, je ne voudrais pas aller à Challes, surtout parce que cela reviendrait très cher. Là-bas, la journée coûte au moins 60 francs - 20 schillings, par tête, tandis que je ne dépense ici pas plus de 3 schillings.

            Alors, qu’en dirais-tu, si après ton mois triomphal à Rome, tu allais à Challes, je t'y reprendrais vingt jours plus tard, donc par exemple le 20 août, et nous irions tous les deux encore une fois en Italie.

            Cela ne reviendrait pas plus cher. Car sur ton billet actuel pour l'Italie, tu paierais pendant trente jours 2 % de supplément, donc 60 %, et tu en perdras tout le bénéfice. Un nouveau billet pour l'Italie, fin août, et pour tout le mois de septembre coûte moins que rien, comme tu le sais. Et alors nous serons libres et pourrons rester aussi longtemps que nous le voudrons, tandis que le souci de Challes et le souci du billet (avec ton ancien billet) ne nous laisseraient pas de répit. Pour Challes, septembre est trop tard ; pour Florence, c'est le mois idéal.

            Troisième point : tu laisseras alors tes malles à Chambéry, et bondiras avec moi sur les collines de Fiesole, en petite tenue de voyage, ne cherchant à plaire qu'à moi. Ou bien nous irons au bord de la mer à Gênes, à Portofino. C'est égal. Mais nous serons libres. Tu as eu assez de temps pour séduire les Romains avec ton chic parisien. En aucun cas je ne supporterais d'être chargé de 50 kg de bagages (je me vois suant, le 15 août, à la gare de Torentolo, bifurcation pour Assise - Horrible !) le parcours de Chambéry à Modane ne coûte, lui non plus, presque rien. Veux-tu donc, cette fois, réfléchir mieux, avec moi, à ce projet, et être très raisonnable ? Je te promets d'aller te chercher à Challes au bout de 18 à 20 jours ! Cette cure n'est-elle pas alors supportable, après Rome et avant Florence ? Songes-y bien attentivement.

            Par contre, si je me précipite tout de suite vers toi le 1er août, - que ferons-nous, en septembre, le billet étant utilisé ?

            Mais avant tout, avant tout, sache que je t'aime, que je n'aime que toi. Je cherche seulement à rendre aussi belles que possible les circonstances de notre revoir, et je ne pense qu'à ton émouvant cadeau de Mélusine.

                                               Ton Ivan

Ici, l'expérience Tyrol achève de mûrir et se termine entièrement ; je pourrai peut-être encore achever un travail.

Le 27 juillet Yvan part d'Innsbruck vers Vérone, pour y retrouver sa mère, puis Claire Goll à Port d'Ischia

carte d'Ivan Goll Fernpass à Paula Ludwig Ehrwald 27 juillet 1934 ImsL p. 264

                                                                                  Fernpass 9H

                                                                                   Hôtel des Alpes

Chère chère grande Palu

Tout à l'heure, je voyais dans le Blindsee les rêves qui nous ont déjà jeté depuis deux ans dans des problèmes très vert-bleu mieux traduire ça et la suite

carte d'Ivan Goll Innsbruck à Paula Ludwig Ehrwald 27 juillet 1934 ImsL p. 265

Trop triste était ce superbe trajet vers le bas sans toi ! Pas sans toi, car j'emportais avec moi te yeux bruns d'hermine - j'embrassais tes mains - j'aime ton âme.

                                                                                              Ma

               

Ivan Goll Vérone à Paula Ludwig Ehrwald 27 juillet 1934 ImsL p. 265/266

                                                                                                              Vérone vendredi soir

                                                                                  [27 juillet 1934]

Aujourd'hui, j'écris à la pauvre, la petite, la petite Paula, toujours abandonnée …

                                                                                                          Yvan

J'ai grimpé dans le néflier

Pour suivre ta course

Vers la montagne bleue

J'ai vu ta route à travers les rhododendrons

Des nuées de perruches blanches

S'élevaient comme une poussière

Autour de tes pas

Et lorsque tu passas le dernier col

J'ai vu dans un nuage

Ton ombre retournée vers moi

écrit entre le 1er et le 7 août 1934     (Chansons Malaises 1935   (31)                II/197)

La neige parfumée du caféier

A rouillé en trois jours

L'amour roux de l'abricotier

A duré moins longtemps

Le melatta pourrit

En une nuit de pluie

Mais moi présomptueuse

Dardant mes seins

A la lune

Au soleil

Croirais-je donc ma beauté immortelle ?

Hélas bientôt refleuriront

Anis safran et poivrier

Et les branches de mon squelette

Resteront nues

écrit entre le 1er et le 7 août 1934   (Chansons Malaises 1935   (33)                  II/197)

Je te croyais le soleil qui fait éclater

                              les rhododendrons

Je te croyais la statue de pierre qui

               ordonne la marche des jours

Je te croyais le roi étincelant qu'aucun

                       mortel n'ose approcher

Mais de mon doigt de nacre

Frôlant ton épaule orgueilleuse

J'ai fait de toi un tout petit garçon

Qui cache son angoisse sous mon

                                      aisselle brune

écrit entre le 1er et le 7 août 1934 (Chansons Malaises 1935              (28)        II/199)

Quelque part fleurit l'épice amère

La sens-tu ?

Quelque part est perché l'oiseau aveugle

Le vois-tu ?

Quelque part souffle le vent noir

L'entends-tu ?

Quelque part se lève l'ombre glacée

Le sais-tu ?

écrit entre le 1er et le 7 août 1934 Chansons Malaises 1935  (37)   II/199

L'oiseau chanta comme tous les matins

Et je voulus te réveiller

Car la rizière est loin

Ma main pour te chercher

Erra tout le long de la couche

S'allongea jusqu'aux Iles

Et parcourut toute l'Asie

Oh j'avais dormi seule :

Mais l'oiseau chantait tout de même

écrit entre le 1er et le 7 août 1934 Chansons Malaises 1935  (32)   II/199

       

Seras-tu l'oiseau rapace

Frère de l'Est ?

Seras-tu la colonne du temple

Frère du Sud ?

Seras-tu mon étoile

Frère de l'Ouest ?

Seras-tu ma tombe

Frère du Nord ?

Qui que tu sois : je t'attends ! je t'attends !

écrit entre le 1er et le 7 août 1934 Chansons Malaises 1935  (29)   II/201

                        

Mon amant le pêcheur

Me quitte chaque nuit

Comme s'il me trompait

Il se penche sur la mer pâle

Les vagues ont des corps de femmes

Habillées de dentelle

Il leur tend longuement les bras

Il se penche toujours plus bas :

Va-t-il tomber ?

Mais dès le petit jour

Il se redresse, levant au soleil

Ses paniers tressés d'or

Il vient déposer à mes pieds

Comme un bouquet de fleurs

Ses plus beaux poissons roses

écrit entre le 1er et le 7 août 1934 Chansons Malaises 1935  (30)   II/201

Le 7 août Ivan part avec sa mère pour  Port d’Ischia, ils accompagneront Claire qui partira en cure à Montecatini le 4/5 octobre

                      

Ivan Goll Port d'Ischia à Paula Ludwig Ehrwald 8 août 1934 ImsL p. 274/275

                                                                                                              Port d'Ischia

                                                                                  8.8.34

Chère petite Paula,

                                                                                                          Yvan

Ivan Goll Port d'Ischia à Paula Ludwig Ehrwald 16 août 1934 ImsL p. 275/276

                                                                                                              Port d'Ischia 16.8.34

Chère Palu,

                                                                                                                      Ma

Ivan Goll Port d'Ischia à Paula Ludwig Ehrwald 24 août 1934 ImsL p. 277/278

                                                                                                              Port d'Ischia 16.8.34

Chère Palu,

                                                                                                                      Ma

Ivan Goll Port d'Ischia à Paula Ludwig Ehrwald 29 août 1934 ImsL p. 277/278

                                                                                                              Ischia 29 septembre 34

                                                                                  [ la date exacte 29.8.34 ]

Chère Palu,

                                                                                                                      Ma

Dans ton baiser plus profond que la mort

Je sens ta rage de rentrer en terre

De retourner vers ton néant

Tu te dissous

Tu te détruis

Nuage tu tombes

Fleuve tu cours vers ta mer

Et ma chair te reçoit comme un sépulcre

écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935  - 20 - II/203

J'habite le corps d'une morte

Toute ma joie s'en est allée

Mes yeux écarquillés ne captent plus

                                               la lumière

Mes genoux s'effritent comme du

                                               sable

Tout me fuit

Seuls les fauves continuent à rôder

Flairant la charogne de mon cœur

écrit pendant l'automne 1934 Chansons Malaises 1935  (39)          II/204

Je ne suis que du sable

Du sable indifférent

Sous le soleil roux

Je ne suis qu'une rive

Eperdument perdue

Au bord de l'infini

Mais je t'attends toi qui me veux

Toi marée léonine

Dieu qui me créas pour me dévorer

Eau qui me boiras

Feu qui m'incendieras

J'attends que tu m'exauces me dissolves

En sable encore plus fin

Encore plus indifférent

Sous le soleil roux

écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935  - 22 - II/204

Je suis l'amphore qu'un potier savant

A voulu svelte et accueillante

Mais je t'attends : o ma substance !

Verse-moi, mon amant

Le vin de ta force

L'huile de ta bonté

L'eau fraîche de ta foi !

Peu m'importe : exauce-moi

Et donne-moi mon nom !

écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935  - 12 - II/206

Ivan voyage avec sa mère en Italie depuis le 7 août 1934

Ivan Goll dans le train Florence/Bologne à Claire Montecatini 5 sept. 1934 MST p.150

Signora Claire Goll

Albergo "Villa Berta"

Montecatini - Terme                                      5 septembre 1934

                                                                       dans le train Florence-Bologne

Mon tout petit enfant,

            J'ai tout juste eu le temps de courir à l'hôtel : le portier n'était au courant de rien et il sonna la femme de chambre au moins cinq minutes, mais on ne put la trouver nulle part. Finalement, je dus repartir en toute hâte sans être renseigné, car le train partait cinq minutes après, il m'emporta.

Je pense beaucoup à toi et à ta triste destinée. Ah ! j'ai si mal au fond du coeur : un tel enfant, ma petite Suzu !

           Le portier de l'hôtel, qui est très gentil, a ton adresse et t'écrira si l'on trouve quelque chose. Je suis monté à la chambre. Elle est louée, à nouveau à un petit couple.

Qu'elle fut belle, cette nuit de colombes, auprès de la fille de légende que j'aime.

Ivan

Je suis la terre

Que tu laboures

Pour semer le riz et la joie

Sous l'allégresse de tes pieds

Mes prairies dansent

De ta tête ruisselle le soleil

Mais quand tu jettes l'ombre

J'ai froid comme une morte

Un jour en me creusant

Tu trouveras ta tombe

écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935  - 14 - II/206

Ivan arrive le 5 septembre à la Torbole( lac de Garde) avec Paula Ludwig

Ivan Goll Torbole, lac de Garde à Claire Montecatini 6 sept. 1934 MST p.150/151

Torbole

Lago di Garda

Villa Helvétia

Chère petite Suzu                              6 septembre 1934

            Ta lettre rafraîchissante et pleine de bonté, de la Fontaine Rinfresco, a conforté ton voyageur fatigué, à l'heure voulue.

            Hier, en minuit, je suis tombé comme un aveugle dans un lit d'hôtel, sans le regarder : mais, ce matin, un train omnibus m'aa bientôt amené à la Riva simili - mondaine, toute rutilante d'or, mais ennuyeuse à bailler.

            Je m'enfuis, peu après, sur une route brûlante, à 4 km de là, à Torbole : dans ce coquet village de pêcheurs, j'ai trouvé la chambre que je souhaitais, sur le lac, avec possibilité de faire la cuisine, pour 11 lires. La dame, une Suissesse, met à ma disposition sa vaisselle et ses services : en présent seulement, je comprends combien on nous estampait à Ischia.

            Sous ma fenêtre, le bateau à vapeur du Lac de Garde a sa station.

            Mais à chaque heure, je me représente ce que tu es en train de faire :

Es-tu courageuse ?

Bois-tu ce qu'il faut de Regina ?

Comment se porte notre cyprès d'adoption ?

Te pèseras-tu demain ?

Tes oreilles s'habituent-elles aux coraux ?

J'espère, ici, bien travailler.

Le ciel s'ennuage.

                                               Mes pensées d'amour

                                               nagent vers toi

                                                                                  Ivan

            Je suis ton ruisseau    

            Ivre de menthe

                                  

            Penche-toi sur moi                                                                                                                           Que je te ressemble                   

                                                                                                         

Baigne en moi                        

Et sens comme je tremble

                                                                                             

Mange mes poissons             

Pour mieux m’engloutir

Bois-moi                                 

Pour mieux m’anéantir

Aime-moi                                                                                                                            

Je t’aiderai à te noyer

écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935  - 17 -           II/208

Ivan Goll Torbole à Claire Montecatini 10 sept. 1934 MST p.151/152

Torbole,  lundi 10 septembre 1934

Chère petite Suzu

            Ta  lettre calme et tendre de samedi m'a rassuré bien que je sache qu'entre les visites au château et au cinéma, il te reste encore assez de temps pour une pénible solitude. Et je subis cette séparation, commune une épreuve, presque autant que toi-même.

            Il est vrai que je suis très bien ici. Le repos complet de l'esprit et du corps. Jusqu'à ce jour, nous avons été au lac, pour nous baigner, dès neuf heures du matin. Il faisait un temps divin. Torbole est vide et semble n'appartenir qu'à nous. À midi, avant de rentrer, nous achetons un poisson - une truite de taille moyenne, 3 lires, - la propriétaire de la maison nous a préparé des pommes de terre.

            Mais hier soir a éclaté un violent orage : toute la nuit, les éclairs illuminaient la chambre comme en plein jour - à présent, il pleut. Je vais donc me mettre à travailler. D'abord, au premier acte de la pièce. Dès que j'aurai terminé cette lettre. Tout est déjà prêt sur la table, dans un petit cabinet attenant que j'ai réquisitionné pour mon travail.

            Car je sais qu'à Paris, en ce moment; devra commencer une période de grande activité, si nous ne voulons pas être complètement submergés. Ou une pièce de théâtre, ou une machine à café expression, quelque chose doit être fait maintenant et conduire au succès !

            Je pense déjà à notre voyage de retour : je quitterai ce lieu, probablement dimanche en 8, donc le 23 septembre car la traversée jusqu'à Decenzano dure cinq heures. Mais, le dimanche, elle coûte sensiblement moins cher. Je passerai la nuit à Decenzano,  serai lundi matin à Milan, et le soir, vers cinq heures, à Paris.

            Il faut encore que tu m'envoies ici là l'adresse des éditeurs de Milan et  les indications précises sur les démarches déjà en cours auprès d'eux.

            Je recevrai après-demain de l'argent de Suisse et je t'en enverrai alors.

            Mange bien, bois bien, engraisse

                                                           et aime

                                                                       ton

                                                     Ivan

Ivan Goll Torbole à Claire Montecatini 13 sept. 1934 MST p.152

Torbole, 13 septembre 1934

Chère petite Suzu,

            Le développement de mon aventure avec Paula - qui fut interrompu prématurément au Tyrol - a maintenant atteint son point culminant dans le paisible isolement du Lac de Garde : celui-là même que je t'avais précédemment fait entrevoir : nous avons décidé de ne plus nous revoir après ces journées d'automne. Notre actuelle vie en commun n'est qu'une fête d'adieu. Nous y sommes prêts, tous les deux, consciemment et calmement. Car je ne peux plus répondre au sentiment de Paula, qui est grand et total, avec la même plénitude ; et cela, parce que je ne peux pas disposer de la liberté de mes  sentiments et de mon coeur, - les ayant déjà engagés (devines-tu à qui ?). Mais ce serait une trop grave responsabilité que de continuer à peser sur sa liberté et sur ses sentiments ; et elle n'a pas le droit de continuer à amputer sa vie.

            Je te le fais savoir en mots tranquilles, comme une donnée objective, et non parce que je souhaite te rassurer, te tromper ou t'influencer d'aucune manière.

            Mais, étant donné que tu sens et souffres avec moi, depuis le début, tu as aussi le droit d'être instruite du dénouement.

            Le programme des prochaines semaines est le même : mais si ta cure ne te réussit pas ou s'il y a quelque chose d'autre en vue, pourrait-on éventuellement partir trois jours plus tôt ?

            Je m'étonne de ne plus avoir signe de vie depuis si longtemps (depuis samedi !) et je t'étreins.

                                               Ivan

Ivan Goll Torbole à Claire Montecatini 14 sept. 1934 MST p.153

Torbole, 14 septembre 1934

Chère petite Suzu,

            Tes deux dernières lettres, qui sont arrivées aujourd'hui en même temps, avaient une nuance mélancolique. Te voilà donc malade, de nouveau et je ne m'en étonne pas. Je l'ai crains, dès que j'ai vu le premier menu de l'hôtel : pas trace de régime. Et, comme tu obéis sagement aux prescriptions de Landau - engraisser - tu manges des choses défendues ! Ces stations thermales ! Donc, ce Montecatini aussi est une faillite. Tu allais certainement mieux à Albergoll Ischia.

            Maintenant, je n'ai plus confiance en Montecatini. Et toi ? Et qu'en pense Landau ? Peut-être pourrais-tu partir un peu plus tôt que prévu ? Par exemple, le samedi 22 septembre ? Deux jours plus tôt ? En ce cas, je partirais moi-même dès le vendredi 21, et resterai un jour entier à Milan, pour rendre visite à Léonard de Vinci et aux éditeurs. Je t'attendrais alors le samedi à 18 heures 35 à Turin ? C'est à voir car enfin, nous avons le champ libre.

            Bien entendu, tu devras prendre un nouveau billet jusqu'à Pise. C'est ainsi que je l'ai toujours compris et tu feras enregistrer ta grande malle jusqu'à Modane (et non : Modène).

            Mais nous pouvons aussi en rester à l'ancienne date.

            Une petite surprise désagréable, c'est que le petit déjeuner n'est pas compris dans le prix. Dans ce cas, je me ferai moi-même mon thé, pour ne pas avoir inutilement traîné avec moi le grille-pain.

            As-tu déjà reçu une facture ? Tu recevras directement de Suisse 500 lires, et de-moi le reste, dès que je pourrai me rendre compte approximativement de la somme totale. Je vends, je vends, à Zurich - les bourses mondiales ont ressenti cette secousse !

            Merci de me transmettre les diverses lettres. Ci-inclus, une lettre pour Nancy, dans laquelle j'envoie à Daniel l'articles Angeler (*) que j'ai récemment écrit, en attendant que je le donne à l'Intran.

            Je travaille tout seul à la pièce.

            Tu as du recevoir ma lettre d'hier, qui contenait le "faire part" dans tu parlais justement.

            Ainsi donc, la tête haute, la poitrine en dehors, le ventre rentrée, la bouche en pointe pour le baiser.

                                   Ivan

(*) Pêcheur, peintre du Dimanche à Ischia

Ivan Goll Torbole à Claire Montecatini 15 sept. 1934 MST p.154

Torbole, 15 septembre 1934

Chère petite Suzu,

            Voici, en hâte, une petite lettre entre deux autres. La poste d’ici est lamentablement mal dirigée. Une lettre de toi met souvent deux jours et demi à me parvenir. Je me fais des soucis à ton sujet.

            En outre, il y a eu aussi un retard dans les envois de Zurich : c’est pourquoi, je t’envoie d’ici, en hâte, 100 lire d’argent de poche. J’espère que le reste suivra aussitôt.

            Landau n’a pourtant pas raison d’exiger de toi qu’à Montecatini tu grossisses immédiatement. Son régime convient pour après. En ce moment, tu dois boire de l’eau, etc. Et cela ne fait grossir personne !

            Il a plu ici, à seaux, toute la semaine. Aujourd’hui, le ciel s’éclaircit.

            J’attends bientôt une longue lettre de toi et je t’embrasse

                                                                                              Ivan

Sous les rosiers qui t'émerveillent

J'ai planté le goena-goena

Mon herbe maléfique

Bientôt dans le thé d'or

Tu boiras une goutte rouge

Une goutte du sang lunaire

Ta lèvre oubliera les autres noms

Tes pieds ne pourront plus courir

Ta tête croulera sur ton épaule

Tu m'aimeras

Malgré toi

écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935  - 26 - II/208

Ivan rentre à Paris le 24 septembre à 17h

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 octobre 1934 ImsL p. 286/287

                                                                                  Paris 5 octobre 34

Chère Palu      

                                                                                  Ma

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 octobre 1934 ImsL p. 288

                                                                                  5 octobre 34 [Paris]

                                               II         

Embrasse Nina !

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 15 octobre 1934 ImsL p. 288/289/290

                                                                                  Paris 15 octobre 34

Chère Palu      

                                                                                                          Ma

traduire

Paula Ludwig Ehrwald, à Ivan Goll Paris, 17 octobre 1934

ImsL p. 290/291/292/293/294/295 ****

                                                                                 17 octobre 1934 [ Ehrwald  ]

                                                                                             

Johannes Thor -

                                   à traduire impérativement ***

                                                                                               P.

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 octobre 1934 ImsL p. 296/297

                                                                                  Paris 23 X 34

Chère Palu      

                                                                                                          Ma

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 1er novembre 1934 ImsL p. 297/298/299

                                                                                  Paris 1 nov. 34

Chère Palu      

                                                                                  Je t'aime

                                                                                                          Ma

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 8 novembre 1934 ImsL p. 297/298/299

                                                                                  jeudi 8 nov. 34 [Paris]

O Palu 

                                                                                   

                                                                                                          Ma

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 11 novembre 1934 ImsL p. 300

                                                                                  Paris 11 nov. 34

Chère Palu      

traduire

mais

la suite de la lettre manque

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 11 novembre 1934 ImsL p. 300/301

                                                           II                    Paris 11 nov. 34

Chère Palu      

                        traduire

                                               Ma

Paula Ludwig Ehrwald, à Ivan Goll Paris, 13 novembre 1934 ImsL p. 301/302/303/304/305 ****

                                                                                  Ehrwald  - mardi

                                                                                  [13 novembre 1934 ]

                                                                                             

Oh Ma -

                                   à traduire impérativement ***

                                                                                               Ta Palu

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 13 novembre 1934 ImsL p. 300/301

                                                                                               Paris 13 nov. [1934]

                                                                                              à l'imprimerie

Chère Palu                  traduire

                                                                                                          Ma

Télégramme Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  17 novembre 1934 - 10h45 ImsL p.306

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17 novembre 1934 ImsL p. 306/307

                                                                       Paris 17 nov. 34

Chère Palou   

                        traduire

                                               Ma

traduire

Je t'aime

je m'affaisse encore une fois

et dès lors éternellement pâle et tien

                                               Yvan

Merveilleux tes "Honneurs funèbres", merveilleux la fameuse récompense à travers la  « Neue Rundschau ». Tu as sans doute besoin d'une épreuve ? Ici ! Dis-moi vite encore : comment veux-tu signer ? «Palou» ou «Paula Ludwig» ?

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 novembre 1934 ImsL p. 308

                                                                       Paris 23 nov. 34

Chère Palu      

                        traduire

                                               Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 novembre 1934 ImsL p. 308/309

                                                                       23 XI 34

                                                                       [Paris]

                        traduire, manque la fin de la lettre

                                  

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 1er décembre 1934 ImsL p. 309

                                                                       Samedi

                                                                       1. Déc. [ 34  Paris ]

Chère Palou

Voici le nouveau cliché : ton souhait n'est-il pas accompli avec célérité et immédiatement ? J'ai dessiné …

                        traduire

                                               Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 8 décembre 1934 ImsL p. 310/311

                                                                       Paris 8. Déc. 34

O Palu

                                                                       Ton

                                                                                  Ma

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  8 décembre 1934 ImsL p. 312

                                                                       Samedi soir 

                                                                       [Paris 8. Déc. 34]

Chère Palu

A la dernière minute avant la fermeture des magasins je reçois ta lettre : je voudrais t'acheter le premier, lundi matin, Chanel 5 et pouvoir l'expédier : le 10 décembre.      

                        traduire

                                               I

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  13 décembre 1934 ImsL p. 313/314

                                                                       Paris 13. Décembre 34

Palu !

                        traduire

                                               I

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  19 décembre 1934 ImsL p. 314/315

                                                                       Paris 19 XII.  [1934]

Chère Palu

Tout à l'heure, ta lettre double pour moi et Friedel.

Je te réponds rapidement de la Poste : Friedel n'est pas encore arrivé à Paris

                        traduire

                                               Oh ! comme ta joie me réjouis !

                                                                                  Yvan

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  21 décembre 1934 ImsL p. 315/316

                                                                       Paris vendredi soir [21 décembre 1934]

Chère Palu

Tout à l'heure, ta lettre !

Je te réponds rapidement de la Poste :

                        traduire

                                               Demain, une longue lettre

                                                                                              ton Yvan

Paula Ludwig Ehrwald, à Ivan Goll Paris, 22 décembre 1934 ImsL p. 316/317/318/319/320/321

****

                                                                                 22. Déc. 34

                                                                                  [ Ehrwald  ]

                                                                                             

Mon cadeau de Noël va pour la Saint-Sylvestre !

Cher Yvan - Justement un télégramme de Friedel est arrivé

                                   à traduire impérativement ***

                                                                                               Je t'aime

                                                                                                          Palu

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  27 décembre 1934 ImsL p. 321/322

                                                                       Paris  27.12 [1934]

Chère Palu

                        traduire

1) tes 52 dessins et 7 Chansons Malaises

2) Le Dunkle Gott sur parchemin

3) 2 gravures pour Palu et Nina

4) 1 livre et 1 béret basque pour Friedl que j'avais déjà préparé avec beaucoup de soin à Paris…

vérifier et traduire la suite

                                                                                              Ma

1935 au Brésil ? en Afrique orientale ? Aux Galapagos ? Tente de déchiffrer cela à l'aide de ton stylo-mine.

                                      1935

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  5 janvier 1935 ImsL p. 323/324

                                                                       5.1.35  [Paris]

                                               PALU

traduire

                                               Yvan

Lettre d'Yvan à Jean Follain du 8 janvier 1935

lettre d'Audiberti à Claire et Yvan du 18 janvier 1935

Cher Ivan et chère Claire,

            S'il n'est pas trop tard - et il n'est jamais trop tard pour bien faire - recevez ici, la très vive expression du grand plaisir que j'ai eu, l'autre dimanche, auprès de vous. C'était, nous le sentions, une de nos dernières haltes, en plein chemin d'angoisse et de menace, avant, peut-être, un événement rude et noir. Dans ce milieu de poètes et de peintres, et sous l'œil vague et profond de tableaux et de livres, notre bavardage et même notre existence avaient le grand charme, déjà d'un repas d'ombres à la fois ardentes et apaisées. J'ai lu avec plaisir, ça et là, des critiques favorables à Chansons Malaises, pleines (Les Chansons...) d'une grande simplicité, mère d'une vigilante pureté.

            Je souhaite, que l'un et l'autre, vous alliez bien et me gardiez votre amitié

SDdV  Aa15

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  19 janvier 1935 ImsL p. 324/325

                                                                         Paris 19.1.35

Chère Palu

- et cette dernière lettre de "ETRE et MOURIR", cette dramatique cantate sur la naissance et la mort d'un petit enfant

traduire

                                               Yvan

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  19 janvier 1935 ImsL p. 325/326/327

2                                                                       Paris 19.1.35

                                                                       de ton Yvan

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  30 janvier 1935 ImsL p. 327/328

                                                                         Paris 30.1.35

Chère Palu

                                                                       de ton Yvan

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  7 février 1935 ImsL p. 328/329

                                                                         7.2..35  [Paris]

Palu

traduire

                                                                       Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  7 février 1935 ImsL p. 328/329

                                                                         7.2..35  [Paris]

Palu mon souverain

traduire

                                                                       Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  9 février 1935 ImsL p. 330/331

                                                                         Paris 9.2..35 

mon cher petit Palu

traduire

                                                                       Je t'embrasse

                                                                                  Yvan

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  16 février 1935 ImsL p. 330/331

                                                                         Paris 16.2..35 

Cher petit Palu

traduire

                                                                      

                                                                                  Yvan

Lettre d'Yvan à Jean Follain du 2 mars 1935

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  5 mars 1935 ImsL p. 333 à 336

                                                                         Paris 5 mars.35 

Très cher petit Palu

traduire ***

                                                                       Ton

                                                                                  Yvan

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  21 mars 1935 ImsL p. 336 à 339

                                                                         Paris commencement du Printemps

                                                                         21 mars.35 

Chère Palu

traduire ***

                                                                       Ton

                                                                                  I

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  2 avril 1935 ImsL p. 340/341/342

                                                                         Paris 2 avril 35

                                                                          

Chère Palu

traduire ***

                                                                       Ma

                                                                                 

Lettre d'Yvan à Jean Follain du 7 avril 1935

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  12 avril 1935 ImsL p. 342/343

                                                                         Paris 12 avril 35

                                                                          

Chère Palu

traduire ***

                                                                       Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  17 avril 1935 ImsL p. 343/344/345

                                                                         Paris 17 avril 35

                                                                          

Chère Palu

traduire ***

                                                                       Yvan

Comment Thor peut-il se réjouir de sa vie !

Wie freut sich Thor seines Lebens !

Lettre d'Yvan à Jean Follain du 19 avril 1935

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  24 avril 1935 ImsL p. 345/346/347

                                                                         Paris 24 avril 35

                                                                          

Chère Palu

traduire ***

                                                                       Yvan

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  5 mai 1935 ImsL p. 347/348/349

                                                                         Paris 5 mai 35

                                                                          

Chère Palu

traduire ***

            Mais nous voulons de nouveau être joyeux, n'est-ce pas ?

                                                                                   Ton Yvan

lettre d'Audiberti à Claire et Yvan du 18 mai 1935

Chers amis,

Je viens de recevoir deux places pour la première, à Sarah Bernhardt, de Yossché Kalb, magnifique, mais vu et revu. Je n'ai guère l'intention d'y retourner. Et vous ?

Fixez-moi par un mot rapide, afin que je puisse, (si vous non plus vous ne comptez pas retourner au Kalb) rendre la précieuse carte ou en disposer. Santé bonne ? Moi verkältet.

            Poétiques amitiés

                        Audiberti

                        18, rue d'Enghien

            Je me suis amusé à écrire, à ma manière, un chant des hommes pieux.

SDdV  Aa19

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  22 mai 1935 ImsL p. 350/351

                                                                         Paris 22 mai 35                                               

Chère Palu

traduire ***

            

                                                                                  Ta

                                                                                              Ma

lettre d'Audiberti à Claire du 25 mai 1935

            Chère amie, chère Smaragd Schlange,

J'ai été ce matin à l'hôpital Bichat où l'on m'a radiographié  Il semble que cela n'ait rien donné, et qu'il faille admettre que je doive vivre avec cette fièvre et cette fatigue - mon malaise étant de ceux qui n'ont pas de nom immédiat. Peut-être est-ce une poétite ? Me voyez-vous, pendant dix jours, comme on me le conseille, alité à Bichat, en état d'observation, dans un lit ? Ce serait grotesque. Non ? Le professeur Mondor fut parfait pour moi. Aujourd'hui, on m'a réquisitionné au Petit Parisien, encore que j'ai force fatigue. Ne suis-je pas un peu comique, avec ces maladies invisibles, indicibles, mystérieuses ?

J'ai été, et je suis encore, bien sonné cette fois. Votre regard évoqué est pour moi d'un grand et tendre profit. Vous savez que Dannie (J'ai été pris de court et n'ai point changé ce titre) - va paraître dans les Ecrits du Nord, nouvelle revue de luxe. Pardonnez-moi de ne pas vous envoyer l'autre poème. Je vais le faire ce soir.

            Je suis infiniment à vous

                        Audiberti Jacques

SDdV Aa 22

lettre d'Audiberti à Claire du 27 mai 1935

            Bien chère amie,

Je viens d'achever l'Opéra du Monde, qui sera sans doute édité (Touchons du boa) Votre lettre me fait grand plaisir. Ne pourriez-vous pas venir lundi ?

L'Opéra du Monde m'effraie. Ce sont les aventures comiques de Dieu lui-même sur la terre. J'ai été hier affreusement malade. Aujourd'hui cela va mieux. Vous vous souvenez de ce vent froid. J'étais tellement désespéré hier. Votre amitié me fait tant de bien. Paulhan m'a dit les choses positivement les plus encourageantes. Quel parfait ami. ! Si j'avais du temps                          faire une série énorme d'oeuvres. Il faudrait que je puisse un jour me dégager de la nécessité du travail régulier et salarié. Que je parle de moi ! Il faudrait, au contraire ne parler que de vous, mais je n'ose, et il ne convient.

      A demain, chère feuerliliesmaragdschlange, qui parlez un allemand si poli et moelleux. J'ai au bout des doigts tous les personnages de mon Opéra.

            Téléphonez-moi, je vous prie, autour de 19h30 pour être plus sûre de me trouver.

            Mille amitiés

                        Jacques

SDdV Aa 23/24

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  28 mai 1935 ImsL p. 351/352

                                                                         Paris 5 mai 35

                                                                          

Chère Palu

traduire ***

            Je travaille comme un dément. Et toi ?

                                                                                  Ton appliquée

                                                                                              Ma

Lettre d'Yvan à Jean Follain du 29 mai 1935

A recopier

lettre d'Audiberti à Claire du 1er juin 1935

                        Bien chère amie,

            Je vous remercie bien des fois de votre pneu, qui m'aurait peut-être encore plus ému s'il m'avait parlé de quelque heure et de quelque jour où nous aurions ensemble avalé la Seine. Vous rappelez-vous ? Vous ne me connaissiez pas encore exactement et me preniez tout-à-fait pour quelqu'un. Je vous ai fait, l'autre soir, une bien gentille lettre, mais pour vous punir de tous les crimes que vous commettrez, je ne l'ai pas mise à la poste. Un de vos crimes est d'avoir écrit le Nègre et Europe, et de ne m'en avoir jamais parlé. Dites donc, où allez-vous été chercher tout cela, les poissons, les hippopotames, la queue des paons et la peau couleur de crêpe de Chine, et tant d'images et de trouvailles, tout humectées de bonne grâce perverse, de malice ronronnante ? Si vous avez tant de talent que ça, de quoi ai-je l'air, moi, qui suis incapable d'inventer quoi que ce soit ? Je crois que le Nègre m'a touché plus qu'une Allemande à Paris (Pour un coup, vous avez un échantillon) de ma vraie écriture. Il faut que nous travaillions ensemble, si, toutefois les hommes, trop bons pour moi, m'en laissent le temps. Vous riez comme l'amour, mais vous savez pleurer aussi, comme l'amour. Je marche dans la boue de l'Opéra du Monde. Si vous savez encore des choses sur les Nègres et sur la queue des paons, dites-le moi. Vous savez que, l'autre nuit, j'ai vu, de mes yeux vu - trois pendus au plafond de ma chambre. J'ai crié d'épouvante. Ma femme est exceptionnellement douce et fraternelle pour moi, et très bonne. Je ne l'ai jamais vue ainsi. Je lui fais un peu mes confidences. Alors, elle me caresse les cheveux et m'embrasse. Pourquoi tout à la fois ainsi ?Pendant dix ans, elle est dure et close comme une lame d'épée, comme un mur de galère. Et pas une amie intelligente ne me sourit avec une bouche pareille au croissant des belles soirées. Tout d'un coup, le sourire apparaît, d'une amie si parfaite, et ma moitié s'humanise. Que va-t-il m'arriver ?

            Oui, je manque de courage. Quelquefois, cela va - aujourd'hui, par exemple, fameux ! - et puis on me force à travailler, et je dois abandonner mon énorme et dérisoire rêve intérieur, et je me tourne vers vous comme vers une gentille œuvre de  secours pour le pauvre poète mal peigné.

            Peut-être, dans dix ans, nous reverrons-nous. Ce qui m'ennuie, c'est que le temps est précieux. Un jour perdu, une joie perdue... Bien entendu, ce griffonnage est un poème, une chose littéraire, comme vous les aimez.

                        Vous êtes bonne et je vous remercie

                                                                       Audiberti

                                                                       rue d'Enghien

SDdV 510.299 III (Aa 25/26)

lettre d'Audiberti à Claire du 6 juin 1935

                        Chère amie,

            Je suis très rassuré par votre lettre, mais je ne saurai jamais exactement si vous n'êtes point fâchée. Enfin, l'essentiel, c'est que vous alliez bien.

            Je travaille comme un bœuf, comme un palmier. Si je peux tenir le coup et achever l'Opéra, ce sera bien, très bien. Voulez-vous que je vous envoie une NRF ?

            Je recommence à ne plus avoir de nouvelles d'Haumont (mon éditeur de poèmes).

            Je mets mes hommages à vos pieds

                                   d'or

            

SDdV Aa27

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  7 juin 1935 ImsL p. 352

                                                                                    7 juin [1935]

                                                                                  [Paris]

                                                            

traduire

Lettre d'Yvan à Jean Follain du 9 juin avril 1935 A recopier

pneu d'Yvan à Jean Follain du 10 juin avril 1935 A recopier

lettre d'Audiberti à Claire du 14 juin 1935

            Ma bien chère amie,

Je me permets de vous écrire pour avoir des nouvelles de votre santé. Cela va-t-il mieux depuis hier ? Je suis assez inquiet. J'espère que vous n'avez pas pris froid.. Je l'espère réellement. Si avant votre départ, vous vouliez m'envoyer un mot, aussi bref que possible ou me téléphoner de 7 à 7½, pour me rassurer, cela me ferait plaisir, mais à la condition expresse et absolue que cela ne vous causera le moindre trouble, la moindre gêne. Même si je ne reçois rien de vous, je saurai que notre amitié ne se dément pas, pas plus que la mienne qui est très grande. Je ne suis pas capable d'avoir beaucoup d'amitié, mais elle est tout de même, pour vous très grande, celle que j'ai pour vous (tout cela est très maladroitement dit, mais ça ne fait rien, n'est-ce pas ?)

            Je suis seul dans ma maison, entre la zone et la lune. Ce soir il n'y aura peut-être pas de fantôme *. Faible, insatisfait, avide, incurablement solitaire, je pense à ma fraternelle camarade...

                        Jacques

            * Il y aura tout de même des fantômes

SDdV Aa29

            

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  15 juin 1935 ImsL p. 352/353

                                                                          

traduire

                                                                                  Paris 15 juin 35

Chère Palu

                                                                          Ma

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  17 juin 1935 ImsL p. 353

                                                                                  Paris 17 juin [1935]

Chère Palu

                                                                          Yvan

Si tu pouvais encore m'écrire de quel coup tu bouillonnes.

traduire

carte d'Yvan à Jean Follain du 20 juin avril 1935 A recopier

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  20 juin 1935 ImsL p. 354

                                                                                  Paris 20 juin [1935]

Quelle superbe sorte de poésie ta dernière lettre.

traduire

Ecris-moi, je t'en prie, l'heure exacte à laquelle tu arrives ici mardi 25. Si n'importe quoi n'allait pas dans le rendez-vous : on se retrouve au Studio Hôtel

                                                                       Ton tremblant en suspens   Ma

Claire part le 24 juin dans une petite station de bains près de Bourges et fait sa  cure jusqu'au 20 juillet.

lettre d'Ivan Goll Paris 19, rue Raffet à Claire  du 24.06.35*** MST p.154/155

PARIS, 24 juin  1935

Ma chère petite Suzu,

La carte représentant les champs de pavot des environs de Bourges m'a apporté l'assurance que tu venais de passer un bon dimanche. Oh ! Comme mes pensées t'accompagnaient à travers ce rouge été!

Quant à moi, je suis allé à Fontenay-aux-Roses* et j'y ai mangé, en joyeuse compagnie, des gâteaux au fromage, sous des rosiers déjà cueillis. Le petit pavillon russe convient très bien aux deux, Genin et Genia.**. David apporta les photos ci-jointes, que je trouve très réussies (s'il n'y avait pas mon intervention !).

Plus tard, j'ai encore été à la Mutualité, au Congrès des écrivains, où l'on voyait réellement, à portée de son regard, des "grands" de tous les pays. Là, on parle à longueur de journée de l'homme, de l'humanité, de l'inhumanité, on tourne autour, on passe à côté, et un vieux juif a déclaré, avec le dernier reste d'esprit qu'il avait pu sauver, que c'étaient "les six jours du discours". Toute la colonie d’émigrés était naturellement présente, ainsi que Heinrich et Klaus Mann, avec Brecht et Becker, et Feuchtwanger ; parmi les Français, Malraux, Gide, Cassou ; parmi les Russes, Pasternak - mais à la fin, personne ne savait plus ce qu'il avait bien voulu dire. On ne sentait qu'une chose : ils parleront de révolution, jusqu'à ce que vienne le dictateur, qui leur demandera comment ils l’entendent.

Au lieu de parler j'écris le "Tscheljuskin ". Il devrait être terminé d'ici dimanche. Mais Paula arrive demain.

Sasia a déjà un intéressé pour l'Italie. Un rendez-vous général avec Madame Nathalie Ouvry (*). On a établi le nouveau contrat, valable pour tous les pays. Dès que je l'aurai signé, je te l'enverrai.

Hier, au congrès, Hirsch m'adressa la parole et m'annonça que ton livre sur Chaplin paraît à la N.R.F. au milieu de juillet. Il voulait avoir une de "Prière d’insérer" de toi. S'il te plaît, rédige-la comme il te viendra à l'esprit, - je le ferai aussi, de mon côté - et fais le texte définitif en te servant des deux.

J'espère que tu es maintenant tout à fait rétablie et que tu peux livrer tes beaux membres aux sources chaudes.

Je suis perpétuellement près de toi, plein de tendresse et d'amour.

Ivan

* Chez Fernand Léger

** peintres russes

(*) le "masque de Hollywood", (aujourd'hui, rue Royale, Paris), une des affaires, plus tard si prospères, qu'on nous proposa tout d'abord, et que des poètes sont trop peu doués pour mener à bien.

Sur le thème de cette expédition du Tscheljuskin, Goll écrivit en 1935 le texte pour une cantate. La musique fut créée par le compositeur Hans David qui avait émigré de la République Russe de la Volga et qui s’apprêtait à retourner en Union Soviétique avec son épouse, l’actrice Li David-Nolden, pour y travailler dans le domaine artistique.

Paula arrive le 25 juin 1935 et habite chez Goll à Paris du 25 juin au 20 juillet,.

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire à  Bourges du 27.06.35 MST p. 155/156

Paris , 27 juin 1935

19 rue Raffet

Chère petite Suzu,

            Ainsi, depuis hier, Paula habite la chambrette d'en haut, et elle est toute étonnée de ce qui lui arrive. Elle s'habitue difficilement à la pensée de rester dans l'appartement, et elle s'enfuit vite et là-haut, lorsqu'il m'arrive de sortir. Seule, ma présence lui fait tout oublier. Mais elle s'est pourtant déjà débrouillée dans la cuisine et met la main à tout

            Quelle différence entre cette créature aimante, serviable et l'hôtesse précédente de la chambrette ! (") Il émane d'elle tant de douceur et de calme. Depuis 2 jours, nous nous asseyons sur le balcon, et je travaille. Car David me presse, et je veux lui donner à emporter le plus possible du texte de Tscheljuskin, étant donné qu'il file lundi à toute vapeur, en direction de l'Italie.

            Tu trouveras ci-inclus ce qui est rédigé d'une façon à peu près définitive et que David a approuvé.

            C'est une très grande chance, que la vieille Clauzel soit absente. Renée est absolument silencieuse et ne se fait pas voir. Jeannine est là, aujourd'hui, pendant deux heures, et reviendra samedi.

            Je suis heureux que tu aies trouvé un médecin si gentil : encore un qui reprend tout depuis le commencement ! Reste à attendre le résultat. Oh ! si réellement une guérison devait survenir ! En tout cas, il te restera peu de temps pour te sentir seule. Et chez Drisel, qui s'est comporté en malin, je sais au moins que mon petit oiseau est confortablement niché.

            Je t'ai envoyé à lire, hier, le nouveau livre de Cassou qui pourra te distraire - et peut-être aussi t'inspirer. Aujourd'hui partent les deux volumes que tu désires.

            Je donne, aujourd'hui même, en Suisse, l'ordre de t'envoyer provisoirement les 750 francs disponibles.

Et mon coeur t'adresse ses rayons les plus chaleureux.

                                                                                  Ivan

(*) Doralies Studer, fille née du premier mariage de Claire

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire à  Bourges ? du 30.06.35 MST p. 156/157/158

Paris, 30 juin 1935

Ma chère petite Suzu,

J'ai bien ri de ton prix de beauté : Miss sans Terre ! Miss Poésie ! Certes, c'est le plus beau titre et la plus enviable Jeunesse et sans le "Masque d'Hollywood" qu’une femme peut souhaiter et que même l'épouse légitime de Zeus a tenté en vain de se procurer je pense !

Et, conformément à la logique, je dois me croire aujourd'hui aussi heureux que Zeus, - un Zeus qui, par-dessus le marché, s’est métamorphosé en une biche fragile, qui se repose de lutter et de bramer. Il faut bien que l'on tire un avantage de sa condition de poète : pouvoir fuir hors de soi-même.

Non, je ne puis réellement me calmer au sujet de ce succès que t’a si innocemment décerné la voix du peuple, vox populi. Tu as le droit d'en être fière. Il serait trop dommage que le monde n’en soit pas informé (par un écho).

L'idée d’écrire les Mémoires de Fraulein Spitz me semble être très fructueuse : mais dans ce cas, à ta place, j'écrirais tout de suite le roman des reines de beauté, au-delà de tout élément personnel en reflétant l'époque, en dépassant la petit Spitz tout en l'utilisant.

Ah ! qu’avec tant de génie et de beauté, tu doives souffrir ainsi de solitude cosmique - comme tous les vrais grands de cette terre ! Cela m'attriste et m'attire invinciblement de plus en plus près de toi ! Petit oiseau, déesse secrète de cette terre - Sans Terre - sache-le donc à la fin combien je te révère, combien je t'aime ! Tu n'as pas le droit d'être aussi triste, et surtout, tu n'as pas le droit de douter et de désespérer ! Si seulement tu guéris corporellement, je sais que ton esprit te prépare encore de très grandes victoires et de très grandes joies. Étant donné que tu as, depuis des années, soutenu si vaillamment le combat contre ton corps, le combat contre ton âme devrait à présent t’être facile. Car, intérieurement, tu es supérieure ! Et alors, - quel épanouissement se serait.

e reçois de Paula une influence de calme animal, bienfaisant. Sa confiance illimitée en son amour crée autour d'elle une atmosphère de douceur. Près d’elle, tout devient grand et simple. De plus, elle n'est plus aucunement la créature primitive et naturelle d'autrefois, comment on pourrait le croire encore. Elle a derrière elle des périodes de nervosité et de morbidité. Quand on pense qu'elle arrive à faire son chemin dans le monde, n'ayant toujours encore rien dans les mains, et avec un minimum de travail !

Elle est timide comme au premier jour. L'appartement est parfaitement intouché. Ce n'est pas elle qui y vit, ce n'est que l'ombre de l’être qui m’aime. Pas un atome, pas une poussière d'elle-même ne reste derrière elle, dans une pièce quand elle en est sortie. Quand tu rentreras, elle n'aura pas laissé une trace. Elle n'a même pas jeté encore un regard dans la salle de bains. Quand je sors, elle vole jusqu'à sa chambre, trouvant que c'est le seul lieu qui lui convient.

Pas une fois, elle n'a encore voulu descendre en ville : ni les devantures, ni les expositions ne l’attirent. Elle reste tranquillement sur le balcon, où elle s'affaire, et dans la cuisine, dont je suis le plus souvent tenu à l'écart.

Ci-inclus une lettre de la banque, qui s'excuse de ne t'avoir envoyé que 650 francs au lieu de 1.750 francs parce qu'elle n'avait pas plus de disponibilités. Il faut que je donne de nouveaux ordres de vente, afin qu'on t'envoie, la semaine prochaine, le reliquat.

Pas un mot de Doralies. Mais j'ai été, une seule fois, sur le boulevard Saint-Germain, et là je l'ai aperçue de loin, alors qu'elle traînait d'un air ennuyé, avec sa Viennoise. Elle ne m'a pas vu. C'était il y a trois jours. Son adresse : Hôtel Saint-Pierre, rue de l'Ecole de Médecine.

Toi, baigne-toi sagement dans tes sources, et bois leur eau. Cela te fera du bien. Tu finiras bien par guérir un jour, et par redevenir gaie et active, car c'est dans ta nature. Seulement, encore un peu de patience.

Je pense à toi, plein d’amour et de reconnaissance.

Ivan

Écris donc une petite carte à Nancy.

lettre d'Audiberti à Claire du 3 juillet 1935

            Chère Claire,

Je suis très heureux de votre lettre bleue. En effet, c'est toujours quand on se sent vraiment triste et seul que les coeurs sur qui l'on compte ne sont pas là. Et quand ils sont là, et c'est là la grande peine, ils ont tort...J'espère qu'à votre retour vous daignerez, chère Claire, me convoquer auprès de vous en quelque Napolitain de derrière les fagots. Je suis fort favorisé par le côté littéraire de la vie, aujourd'hui, puisque mes petits trucs paraissent de mieux en mieux, mais des joies véritables de la vie, je ne sais pas grand chose. Ivan Goll m'a demandé des vers pour Jeune Europe. Je lui ai envoyé un poème qui s'appelle : « Chanson pour mourir un jour»

      A  bientôt, chère Claire, écrivez-moi, je vous en prie, et ne m'oubliez.

                                               Audiberti

       T. S. V. P.

   

      Vous êtes vraiment ma sœur, sentimentale, capricieuse, un petit peu amie de détester ce que vous aimez. A la pensée que je vous attends, déjà vous vous glacez. Que je ne vous attende plus, vous penserez à moi. les dames...

                                 

SDdV Aa30/31 (155)  - 510.259 III

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire à  Bourges  du 04/07.35 MST p. 158

                                                                                 Paris, 4 juillet 1935

Chère petite Suzu,

            Ta dernière lettre m'a infiniment touché. Tu es devenue très sage et très bonne mais l'un ne conditionne pas l'autre. J'espère que tu emmagasines à présent de la santé pour l'hiver prochain. Il y a eu trois jours de pluie diluvienne, tu en as peut-être souffert aussi ? À présent, les journées sont redevenues fraîches, presque trop fraîches.

            Je voulais, aujourd'hui, aller avec Paula à l'exposition italienne, et j'ai remarqué que tu ne m'en a pas envoyé le catalogue. Peux-tu le faire encore, vite, s'il te plaît ?

            Dans la maison, tout continue à être très silencieux et très contemplatif. Personne ne sonne. Et nous allons peu en ville. Je travaille courageusement au Tscheljuskin.. David est parti pour l'Italie, définitivement.

            Récemment, j'ai rencontré Malraux aux Deux Magots ; il est, comme toujours très excité par de nouvelles idées. Il prévoit aussi pour bientôt, soit un "putsch" du Reich soit une révolution de gauche. Octobre, dernier délai .

            D'ici-là, il faut encore que nous sauvions un petit pécule.

            Je donne en Suisse des indications pour le prochain envoi qu'on doit te faire,

                                               et t'étreins avec amour.

                                                                                  Ivan

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire  du 10/07/35 MST p. 159

Paris 10 juillet 1935

Chère petite Suzu,

Ta petite carte, encore pleine de l'odeur de pavot des collines auvergnates, m'a fait un grand plaisir.

Tranquillise-toi, la " prière d'insérer" est déjà en à la.N R F.

           Je n'ai pas pu me retenir de traiter un peu ironiquement Reeves, la fiancée de Chaplin.

            La N R F es d'accord pour n'importe quelle date ; ce n'est pas à 2 jours près.

            Mais pourtant, je voudrais bien savoir pour quelle date précise tu te décides. S'il te plaît, dis-le moi au plus vite, car Paula, elle aussi, doit organiser son départ en conséquence. Pour le 14 juillet, tu n'as rien à craindre : d'abord il ne se passera rien, et ensuite ni Paula ni moi n'avons la moindre envie de nous mêler à une foule idiote. Peut-être même irons-nous à Chartres, car nous avons terminé notre visite à l'exposition italienne. Elle n'était ni intéressante ni instructive.

            As-tu reçu, samedi dernier les 550 francs ?

            Je viens de recevoir 15 francs du Neue Wiener Journal !

            Certainement, tu peux inviter Aldo à prendre le thé, si cela te fait plaisir.

            Alice Cocéa me fait traîner ; mais les perspectives deviennent chaque jour plus faibles.

            Tscheljuskin est bloqué dans la glace.

            S'il te plaît, n'oublie pas de m'envoyer tout de suite l'analyse, dans son texte original, ainsi que le diagnostic

            Monsieur Clauzel est revenu et il a des exigences meurtrières.

            Soigne-toi courageusement et indique-moi exactement ton programme pour les prochains jours.

                                               En amour

                                                                       Ton

                                                                                  Ivan

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire  du 18/07/35 MST p. 160

                                                           Paris, 18 juillet 1935

Ma chère petite Suzu,

            Qu'est-ce qui s'est fait entendre si mystérieusement, hier soir, au téléphone ? Etait-ce seulement ta voix ? ou ton balbutiement ? Il me semblait que j'entendais un enfant perdu gémir dans une forêt lointaine.

            J'ai à peine compris ce que tu me disais : mais je ne l'ai pas regretté, car il m'a semblé que tu n'avais rien de précis à m'apprendre, comme si tu avais à me dissimuler un quelconque malheur du corps ou de l'âme. Et 5 ou 6 minutes ne pouvaient pas suffire pour pénétrer en toi.

            Je ne puis qu'avoir confiance en toi et en Dieu, et rester assuré que tout sera bien vite arrangé et que, samedi, tu reviendras saine et sauve, définitivement.

            Ci-inclus les correspondances : une gentille proposition du Neue Wiener Journal, naguère si sec, qui offre un travail durable, et la prière d'insérer de la N R F.

            Avec mon amour plein d'inquiétude et d'espérance.

                                                                                  Ivan

Paula Ludwig repart le 20 juillet pour aller voir son fils à Wetzlar tandis que Claire rentre le même jour de sa cure.

Carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Wetzlar  26 juillet 1935 ImsL p. 354/355

                                                                                  vendredi

                                                                                  [Paris 26 juillet 1935]

Chère petite Paula

traduire

En amour

                        Ma

Lettre d'Yvan à Jean Follain du 26 juillet

pneu d'Yvan à Jean Follain du 27 juillet

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Wetzlar  30 juillet 1935 ImsL p. 355/356

                                                                                  vendredi

                                                                                  [Paris 30 juillet 1935]

Cher  Palu

traduire et surtout vérifier la traduction  suivante

Je voudrais que tu aies résolu le lourd problème, simultané de la déclaration lyrique et de la forme tactique - comme cela est exigé de la Fugue même - de réaliser. Est-ce réussi ? C'est à apprécier. Tu dois jouer dans un disque "l'Art de la Fugue", ou connais-tu une quelconque autre Fugue, Connais-tu des fugues ? (jeu de mot qui existe en français entre le sens musical et l'action de s'enfuir du lieu habituel)

                        Yvan

lettre d'Audiberti à Claire du 1er août 1935

            Ma chère amie,

Je suis heureux de penser, de supposer que votre santé est bonne, mais faute de nouvelles de vous, je n'en sais trop rien.

Vous plairait-il de me faire un petit mot. Dannie est parue. En voulez-vous ?

                        Je baise vos mains

                                   Audiberti

SDdV Aa31 (160)

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Wetzlar  3 août 1935 ImsL p. 356/357/358

                                                                                  Paris 3 août 35

Cher  Palu

                                               Yvan

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Wetzlar  8 août 1935 ImsL p. 359/360

                                                                                  Paris 8 août 35

O  Palu

                                               Yvan

Je n'ai rien contre cela que tu donnes la Fugue Ellermann.

traduire

Yvan part le 11 août à Sori, chez son ami le compositeur Hans David pour terminer  avec lui, ensemble le texte et la musique de sa cantate "Tscheljuskin"où Paula viendra le retrouver jusqu’au 4 septembre. Claire est en cure à Challes

lettre de Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll à Sori ? 11 août 35   MST p.160/161

11.8. 35

Dimanche

Hôtel du Château

Challes-les-Eaux

Mon Ivan,

Il est six heures et demie et je te cherche derrière le cristal transparent infiniment délicat de la chaîne de montagnes italiennes qui s'encadrent dans ma fenêtre, en même temps que la vallée si intime que tu as dessinée un jour.Je suis tout seule dans une délicieuse petite maison perdue, avec jardin, et l'unique étage, que j'habite, a deux petites chambres jumelles, dont tu aurais pu occuper l'une, - et je t'y aurais aimé, si tendrement, purement, et depuis le commencement... Je sais cela, aujourd'hui, plus fortement et plus certainement que jamais je ne l'avais su, depuis longtemps, depuis longtemps... Ah ! toi qui es si bon, toi dont le coeur vibre avec tant de délicatesse,. Faut-il toujours que je sois au loin pour reconnaître ta valeur unique en son genre, ton âme de poète, ton amour, qui est inépuisable. Pardonne -moi bien des choses, toi, et laisse-moi baiser 1000 fois avec dévotion et respect tes mains offensées aujourd'hui par le plus vil des propriétaires (*), ou plutôt des valets. Ah ! si tu pouvais être là-bas, heureux, sous le soleil de Sori ! Je veux savoir que son pauvre visage est rayonnant. Une seule chose peut sécher mes larmes, un mot de toi "je suis heureux !" Envoie-moi ce mot bien vite et laisse-toi baiser sur la bouche, longtemps et fermement par

                                               celle qui t'appartient éternellement

                                                                                              Suzu

(*) notre propriétaire parisien, Monsieur Clauzel, après 7 ans d'amitié, inspiré par Hitler, avait traité Ivan de "Juif" (Ivan lui devait 2 mois de loyers).

lettre d'Ivan Goll Sori à Claire  Challes-les-Eaux du 13 août 35  MST p. 161/162

Sori, 13. 8. 35

Chère petite Suzu,

Ainsi donc, je suis magnifiquement tombé. La Casina est une villa ravissante, pourvue de tout le confort, sur une colline de figuiers, de vignes, de mimosas et d'agaves, à 10 mètres du bord de la mer. Installation très commode pleine de goût artistique, salle de bains, des carillons et du silence. Une pleine lune dorée rebondit sur le lit

Je suis arrivé dimanche, chancelant de fatigue et amitié. Je ne savais réellement pas ce qui m'arrivait. Tout semblait irréel. Les David (*) m’attendaient à la petite gare - mais lui est encore malade, malheureusement, il se lève pour la première fois depuis des semaines. Sa lettre avait donné une description exacte de la réalité.

            Mais tous deux sont très gentils pour moi. Et nous avons élaboré aussitôt, le lundi, un plan d'économie domestique : tout d'abord, une servante est là, qui fait tout et gagne 100 lires par mois. Il m'en incombe le tiers, c'est-à-dire 35 lires, autant que Jeanine prétend gagner  en 3 jours. Je n'ai donc à me préoccuper de rien : pas d'achats à faire, pas à cuisiner, pas à laver, mais j'ai le droit de ne rien faire, de dormir, de me coucher dans l'herbe et - de jouer au tennis.

    Oui, imagine-toi, il y a un tennis, absolument privé, continuellement à notre disposition ! En effet, la villa fait partie d'un groupe de 4 maisons semblables, qu'un riche Italien a fait construire sur un terrain immense. Et trois autres villas, sont habitées par des ménages américains, qui sont d'ailleurs des écrivains et des gens de cinéma. Une des dames est la cousine de David, et lui a procuré la Casina. Vraiment, c'est seulement par les relations qu'on trouve quelque chose, en ce monde, sinon on n’est au courant de rien.

En outre, Li David aura, chaque semaine, 150 lires pour tenir la maison, c'est-à-dire ma participation sera de 50 lires, pour toute la nourriture, la boisson etc.. Peut-on vivre mieux et à meilleur marché ? La servante nous fait des minestrone merveilleux, des spaghettis etc.. Il n’y a plus de poissons dans cette vaste mer : les Italiens ont trop pêché, et sans prudence. La viande est également rare et mauvaise. Nous sommes donc presque végétariens, avec aussi des crudités, presque comme autrefois à. Terrena (*).Mais dix fois moins cher.

A l'instant, une petite fille de 5 ans apporte ta lettre, qui me remplit d'émotion. Je peux te donner tout de suite la réponse souhaitée : je suis heureux

Au premier étage de la Casina, il y a trois chambres contiguës : l'une est habitée par les David, l'autre par moi, et la troisième t'es réservée pour le 5 septembre. Ici, tu pourras réellement bien te rétablir.

Hier matin, nous avons joué au tennis pendant 3 heures, puis nous sommes descendus jusqu'à la mer, qui est à  10 minutes ; il y a une petite baie, presque privée, entre les rochers, et qui rappelle beaucoup celle d'Ischia. D’ailleurs, c'est presque exactement le même paysage, la même vie, seulement bien plus confortable .

Pour l'instant, je me rétablis et ne veut pas encore travailler.

Paris est loin, Clauzel n’existe plus, depuis longtemps.

Rien que du soleil, du vent, des vignobles, qui vous poussent jusque dans la bouche

Donc, je pense à toi et je prépare, pour toi aussi, d’aussi belles semaines

Ton

Ivan. (qui respire enfin)

(*) à Majorque

Ivan Goll Sori à Paula Ludwig Wetzlar  14 août 1935 ImsL p. 361/362

                                                                                  Sori 14 août 35

Cher  Palu

traduire

Apporte-moi tes livres pour les David. Ci-joint 50 lires pour le trajet, seulement c'est peut-être trop juste.

J'espère que ce rêve s'accomplisse bientôt !

                                                           Ta

                                                                       Ma

Villa La Casina

Sori (Gênes)

Italie

Ivan Goll Sori à Paula Ludwig Ehrwald 15 août 1935 ImsL p. 362

                                                                                  Sori 15.8.35

                                                                                  Villa Casina

                                                                                  Sori (Gênes) Italie

Chère Palu

En toute éventualité, te t'envoie ici une fois encore le contenu de ma lettre envoyée hier à Wetzlar. Je calculais que tu y arrivais le 16 au matin et que tu voulais quitter Wetzlar le 17 - et que tu souhaitais au lieu de passer par Ehrwald, venir directement ici : 

les David sont des êtres magnifiques. La maison de campagne est admirable dans les vignes et les figuiers, au-dessus d'une anse rocheuse où l'on peut nager chaque jour.

Il y a une chambre prête pour toi.  Et voici mon projet : je pense rester ici jusqu'au 1er septembre, et je serais comblé si tu voulais bien venir me retrouver dans ce paysage paradisiaque. J'espère que tu n'as pas d'autre projet. Le voyage ici ne vaut pas la peine pour moins de 14 jours. Le trajet Brenner - Gênes coûte environ 50 lires que je t'ai envoyé par chèque bancaire dans ma lettre à Wetzlar. Viens vite. Aussi vite que tu peux. C'est tellement admirable, ici. Je soupire aussi après toi : 3 années en Italie :  si magnifiques. Sori est à 40 minutes de Gênes : le coût du billet, 4 lires pour ici.

Adresse pour ton télégramme : Goll Villa Casina Sori

en attente heureuse

                                   Ton

                                               Ma

vérifier ma traduction

lettre de Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll à Sori 16 août 35   MST p. 162/163

Challes-les-Eaux

(Savoie)

16 août 1935

Mon Yvan,

Ta lettre m'a rendue enfin paisible et heureuse. Tu es bien, tu te réjouis, tu revis. Le cauchemar s'éloigne, je respire. Oublions ce monde inférieur haïssable qui vit dans notre appartement, ces animaux méprisables avec qui nous devons partager notre logis, alors qu'il existe des gens si bons, gentils et chaleureux, comme par exemple, ces David. Comme j'aspire au 5, à toi, au soleil !

            Ici, en effet, il y a eu tempête. Audiberti (*) pendant trois jours. Seule avec lui dans cette petite maison ! Il ne m'a rien épargné, depuis les crises de larmes du désespoir jusqu'au murmure dévotieux des formules d'amitié, de la fureur de la jalousie jusqu'aux plus douces, au plus enfantine effusions de gratitude. Même dans cette passion obsédée pour moi, sa nature géniale ne lui laisse pas un moment de répit. Pas de sommeil, aucune possibilité de s'anesthésier. Il se vautre dans sa souffrance, il s'y intensifie, et comme je ne peux pas apaiser la soif qu'il a de moi, explosion sur explosion ! Une épreuve inouïe, qui sera peut-être féconde pour lui, il en sortira peut-être un livre.

            En tout cas, il a fait pour moi un grand poème, chantant mon propre tourment et ma nostalgie de la mort

            Il était déjà dimanche à Chambéry et s'est annoncé à l'improviste, lundi matin, par téléphone. Je te dirai le reste oralement, car c'est indescriptible. Aujourd'hui, je ne suis plus seule dans la maison, des gens ont emménagé au-dessous de moi. La première note d'hôtel sera bientôt échue. Cela fait 44 + 10 % par jour. Je chauffe ma chambre avec un magnifique radiateur à vapeur, car il fait très froid le matin et le soir. Mais le temps s'est remis au calme après la tempête gigantesque qui a marqué, extérieurement aussi, l'arrivée de Jacques.

Écris-moi bientôt un mot

Je t'embrasse très tendrement

                                                                           Ta Suzu

lettre d'Audiberti à Claire du 16 août 1935 sur papier à en-tête :

      HOTEL - CAFE - RESTAURANT

                             DU

CHEMIN DE FER  & DES NEGOCIANTS

                   CHAMBERY

              Dannie aux cheveux roux que d'aucuns nomment Claire, o sabre tout saignant encore et frémissant de tant de coups donnés? De tant de coups reçus, depuis que tes yeux verts comme l'éternité ouvrirent sur le monde une dure lumière, j'écoute encore en moi le fil crissant et doux de ta courbe trempée aux sources de Vénus, le fil coupant et pur de l'arme qui t'habite exaspérer mon cœur d'une infinie coupure. La montagne écrivait sur le limpide ciel des combats de géants, des épopées d'archanges. On les voyait bondir, chargés de butins pâles, d'une falaise à l'autre, et les arbres, plus bas, terrés dans la décence horrible du silence, enchaînés par le pied comme des mitrailleurs, nous regardaient passer avec leurs yeux vidés, sous leur âme étalée ainsi qu'une couronne, et se disaient entre eux, à l'aide des bras noirs, qu'enfin ils avaient vu des archanges le roi. Et puis, la grande peur et la grande colère des célestes troupeaux par les plaines du ciel, par toutes ces Hongrie et toutes ces Bavière qui regardent la terre où je n'existe pas, commencèrent soudain leurs galopades nues, mille et mille escadrons aux croupes de bitume, aux sabots de fumée, aux casques sans espoir.

Dans cette foule grise et pressée et nocturne où pauvrement luttait le soleil piétiné, une traînée plus sombre et plus en plus voisine décelait les chemins des démons de l'élite, un cortège plombé qui vole vers Satan. Alors la pluie, ainsi qu'une énorme souris, qu'une calamité méticuleuse et tendre, qu'une rémission du mal de la clarté, vint sur nous et sur moi, et puisque c'est la cage et puisque c'est la dent qui règnent ici-bas, elle fut la prison, elle fut la morsure avec une franchise auguste et maternelle, un recommencement inépuisable et sage  et son bruit coutumier de flamme lente et fraîche, de dissolution à base de pitié, de javelots d'oubli, de flèches de sommeil. Mais le soleil, sculptant les angles responsables, arrachant le manteau pour que la plaie surgisse, le dieu jaloux de voir et jamais las de vaincre, dans ses puissantes mains de pourpre et de cobalt étouffa les traînards de l'armée nébuleuse, brisa  les mols épis des moissons de l'ondée, dessina dans les airs le devoir et la honte, redora, repeignit, restaura, rajusta son domaine, et la pierre, et le sel, et le feu, et l'acier. Sans retour des  plus frêles oiselles, o Dannie ! Et pourtant je serai le soleil... Le soleil est ma forme au loin que j'atteindrai, la parfaite saison de mon cri solitaire et du pesant orgueil qui m'accable déjà. Comme lui je rayonne au sommet des ténèbres. Je flambe comme lui de triomphes impairs. Mes rayons contre moi renversés dans ma pulpe me percent plus encore qu'ils ne font les nuées. D'autre douceur sur moi que celle de mes larmes je ne connus jamais dans ma hutte de gloire. Tu les a fait couler, ces larmes, o Dannie. Le monde tout entier brilla dans cette goutte, tout le drame de l'homme en proie à la beauté, et cette triste ondée fut quand même un baptême, une onction divine où nous baignâmes ensemble

                                   Audiberti

SDdV Aa32 (166)

carte de Rebecca Lazard de Mondorf à Yvan à Sori chez Mr David 16 août 35   

                                               Mondorf  le 16 août 1935

            Mon cher Mig,

Ici depuis le 11, nous faisons une excellente cure de repos et avons l'avantage d'une excellente température. Nous avons bien reçu en son temps ta lettre de Londres et de Paris et t'aurais répondu plus tôt si j'avais eu ton adresse. Nous prolongerions volontiers notre séjour ici si des occupations locatives non encore terminées mais en bonne voie de l'être ne nous rappelaient au pays. En te souhaitant bon séjour et parfaite santé, nous t'embrassons bien affectueusement

                        Reb.

PS : Nous attendons ta prochaine à Metz

SDdV

lettre d'Audiberti à Claire non datée après le 16 août 1935

           Chère et très  chère,

Dans la petite poésie que je vous ai envoyée de Chambéry, il faut que vous compreniez bien que "le roi des archanges", que les arbres regardent passer, c'est vous. Je tremble que vous ne l'ayez pas compris ainsi, o mince roi d'or !

Jusqu'à nouvel ordre, j'ai dénombré  4 vous (en état de fard)

1°: Telle qu'à côté de la fenêtre, à Auteuil   yeux grands ouverts et fulgurants, bouche comme ci-contre : exquise. Inouïe

2° De profil. Penchée. creusée

Combattante   " Qui s'en croit  ". Moins sympathique

3° Qui rit en buvant. J'aime mieux ne pas en parler

  (ressemble à Georges V)

4° Qui vient vers vous, mauve, humaine, l'amitié, la tendresse.

Mon cœur pour celle-là ! (et pour le n° 1 aussi)

SDdV Aa33 (169)

17 août 1935, Paula quitte Wetzlar pour retrouver Goll à Sori et y reste jusqu'au 4 sept.

lettre d'Ivan Goll Sori à Claire  Challes-les-Eaux du 20 août 35  MST p. 163/164/165

                                               Sori 20 août 1935

Chère petite Suzu,

            Il faut que je te raconte un peu la vie que je mène ici.. Je me porte magnifiquement bien, pour la première fois depuis longtemps. Aucun souci, ni provisions, ni cuisine, on me recoud mes boutons ; c'est une existence confiante et amicale.. On se rencontre pour les repas, sur la terrasse ombragée ; il n'y a qu'un plat : gnocchi ou raviolis ou minestrone, dont on peut se remplir le ventre. Ensuite, on se cueille soi-même ses figues. Peu d'extras - on est économe et il ne faut pas dépenser plus de 150 lires par semaine. Avec ça, la famille des David est la plus riche de tout Düsseldorf, ils ont été élevés dans le plus grand luxe. Et ils vont pouvoir aussi s'offrir, à leurs propres frais, un voyage à deux en Russie, bien que l'aller seul coûte 5.000 francs.

            David n'a pas pu travailler, à cause de sa maladie. En outre, il a depuis longtemps une cantate en chantier, de sorte que le Tscheljuskin n'avance pas.

            Par contre, je travaille sans discontinuer à la traduction de César .J'ai déjà 100 pages.

            Deux parents américains de David habitent ici aussi ; avec eux, nous jouons au tennis dès huit heures du matin. Vers dix heures on va dans la baie rocheuse, au bord de la mer, on s'y écorche les pieds et les mains en marchant sur les oursins. Je suis couvert de plaies, du haut en bas. Mais déjà tout bruni. Je dors mal, cinq heures, à cause des moustiques, - mais suis néanmoins en très bonne santé.

            Le 15 août, il y a eu au village une fête italienne bariolée, procession à neuf heures du soir, des pétards toute la journée, baraques foraines avec des jeux de roulettes auxquels j'ai gagné 8 lires. Par contre, j'ai perdu ma belle bague en me baignant dans une mer très tumultueuse, le même jour. La vague, comme une femme, la doucement tirée du doigt. Tu sais qu'elle était trop large. Je n'ai pas été très attristé, car ce n'était pas un témoignage d'affection, une preuve de sentiment : tout à fait impersonnelle. J'espère qu'on m'en donnera un jour une autre. Je suis presque content de ne plus la posséder, car elle était un cadeau bien superflu de Mme Bergner.

            Li David est une femme aimable, gentille, qui se soumet volontiers à ce têtu de David. Elle joue la petite fille, sur le même ton que Mme Bergner . David aime beaucoup ça. Douze années déjà. Au fond, elle n'est pas heureuse. Le mariage raté typique, le manque d'enfants, la prétention à l'éternelle jeunesse... et certainement, elle ne l'a encore jamais trompé...

            Ta tempête - Audiberti semble avoir été aussi forte que celle de la mer d'Ovado, en Italie, le même jour. Dommage que toi, l'écrivain, tu déclares que c'est indescriptible ! C'est justement ta description qui m'aurait intéressé. Je trouve grotesque la carte qu'il m'a écrite.

            Hier, tu as dû recevoir 400 francs de Zurich. À présent, j'ai déjà écrit à Albin Michel qu'il veuille bien t'envoyer 1.000 francs. Pour ta note finale. J'espère qu'il le fera. Sinon, nous nous arrangerons autrement.

            J'espère que tu fais régulièrement la cure du diable ! Et te portes-tu bien ? Tu ne dois pas t'ennuyer, cette fois. C'est bien. Prends de la vie ce que tu peux. Nous voulons encore une fois être non des anges, mais des diables.

                                                           Ton Ivan, qui reprend des forces

lettre d'Audiberti à Claire du 22 août 1935

                        Chère, chère Claire,

            Jacques peigné, rasé et lavé – le tout en l'honneur de votre fantôme – vous écrit du fond de sa détresse humaine et de son ratage fatal. Quelques vers péniblement extraits de la lourde éponge de ma substance corporelle (corporelle bien plus que sentimentale ou cérébrale) constituent ma seule monnaie. Elle est bien maigre. Vous la dites très haute. J'aurai au moins eu ça (vos éloges, votre admiration sincère ou charitable, ou les deux à la fois).

            Votre lettre ici arriva peu de temps après ma propre arrivée, comme si nous avions, elle et moi, voyagé ensemble. Ainsi, d'ailleurs fîmes-nous. Toutes vos faces derrière ma face, et de votre odeur, encore sur mes vêtements. J'étais le possédé peut-être possesseur et, aussi, ce bloc de boue modelable en proie à votre art, ô subtil sculpteur. Déjà, je ressemble à ce que vous voulez, par la grâce de votre amitié tutélaire, et je promène l'apparence d'un amant qui, pour être platonique, n'en est pas moins fier et comblé. Mais, autour de moi, passent les couples d'heureuse chair. La longue jambe nue des jeunes femmes brille dans les nuits. La perfection de ma solitude physique, après m'avoir fait pleurer, commence à me faire rire. Peut-être arriverai-je à me barder tout entier d'une pellicule divine que ne traverseront plus les prestiges cruels de la beauté muselée, élancée, balancée. Au loin, ma femme, statue noire et insondable, ne sait pas que c'est la nuit, car elle est la nuit. Elle ne sait pas que sur moi s'étend la nuit.

            Merci, Claire chérie, pour votre gentille puissance et sagesse, et pour avoir si bien, et si courageusement, su ménager mon amour-propre sans compromettre vos devoirs. Nous partageons un pacte tendre et difficile et cette communauté me déchire autant qu'elle me console.

                                   Jacques

(6 avenue Saint-Roch, Antibes)

SDdV Aa34 (172)  - 510.299 III

lettre de Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll à Sori 22 août 35   MST p. 167/168

                                                           Hôtel du Château

                                                           Challes-les-Eaux (Savoie)

                                                           1935 jeudi

Chéri,

Depuis ta carte de Rapallo, je n'ai reçu aucun signe de vie de toi. Est-ce que réellement tu vis encore ? Je me fais l'effet d'être si abandonnée, quand tes petits oiseaux griffonnés sur le papier ne volent plus vers moi. Tous ces jours, j'ai été si seule. Seul Jacques (*) m'a adressé un grand poème et une lettre démentie. Avec ça, le livre sur Chaplin trouve des échos dont je m'étonne fort. On m'écrit de partout. Même Wolfenstein se souvient de mon existence et demande un exemplaire. Et il est arrivé une longue lettre de Gaston Chéron :  " votre livre m'a passionné, etc.".

            Aujourd'hui, enfin, vient une visite, avec voiture, pour trois jours. On pourra peut-être excursionner jusqu'à Chamonix où le Grand Saint-Bernard.

            Souvent je contemple avec la tendresse la plus profonde tes traits "photogéniaux". Dans quinze jours, je regarderai ton visage. S'il te plaît, écris-moi vite s'il sourit, s'il est heureux, afin que je n'ai pas à me réveiller, la nuit, et à pleurer.

            Avec mon ancienne fidélité, je t'embrasse.

                                                                       Ta Suzu

Lundi, je suis invitée, avec Georges Suarès, chez un charmant ménage, dont j'ai fait la connaissance à la salle à manger, des amis de Dufour. Un peintre extrêmement doué, qui a fait une grande toile pour un panneau mural du "Normandie".

            Et toi ? Vois-tu des gens gentils, à part les David ? Travailles-tu ? J'adresse un doux salut aux Davidsbundler.

            Tout de même, je voudrais encore te dire quelque chose sur ces 3 jours avec Audiberti. Il demandait de l'amour à grands cris, et - tu le sais - je ne puis lui donner que de l'amitié. Il m'arrive avec lui la même chose qu'avec Frantz Werfel : j'étais alors une toute jeune fille, et son premier baiser m'a fait reculer pour toujours devant l'homme qui était en lui. Et quand il m'a dit, plus tard, à Paris : "maintenant je t'aimerais en mettant en jeu toute ma personnalité"  (à cet instant, il devait avoir totalement oublié l'Errynie Alma, à l'hôtel Royal Madison), je sus pourquoi j'avais reculé : son physique me répugnait. D'autant plus qu'entre-temps, j'avais été gâtée par le corps d'Adonis de mon Ivan. Vis-à-vis de Jacques, même paralysie. Peut-être le génie n'est-il qu'une maladie des glandes, et elle défigure le corps (Rilke). En outre, je suis protégée de Jacques par la nature et par le respect qu'il a pour le poète de "Jean sans Terre". Tout à coup, j'ai eu mes règles et j'ai dû m'aliter, naturellement. Il resta assis près de mon lit, balbutiant : " Dannie.! Dannie ! ". Car pendant ces jours-là, comme toujours, j'étais désespérée. Tout particulièrement par ta  rechute dans l'ancienne infidélité. Et comme je m'exclamais : " si je pouvais m'achever.... ", il commença à tout prendre par écrit. Il travailla, toute la nuit, à un poème : La période, dont je t'envoie quelques vers :

                                   tu sais, la petite maison se trouve dans les vignobles,          

            Parmi l'astre de l'aventure

            Devant les monstres du verger

            La douloureuse créature

            Ecoute son sang la manger ...

Et un peu plus loin : "O Cléopâtre achève-toi",  sur quoi je lui conseillai d'intituler le poème "La mort de Cléopâtre". Il en écrivit encore deux autres : "Sémiramis" et "La maison de Dannie".

            Je n'aurais pas supporté cet ouragan plus de trois jours, bien que tu m'aies habituée aux tempêtes.

                                                           Encore une fois tienne.

                                                                                  Suzu

(*) Audiberti

lettre de Claire à Challes-les-Eaux à Ivan Goll à Sori 27 août 35   MST p. 165

                                                           Hôtel du Château

                                                           Challes-les-Eaux (Savoie)

                                                           1935 jeudi [27 août]

Chéri,

            Reçu ce matin ta lettre, qui m'a un peu surprise. Tu es chez des gens aimables - et non solitaire comme moi - et tu te plains de ta solitude. Tu justifies ton invitation de Paula à Sori en disant que, dans la vie, tu n'as jamais été l'objet de tendresse. Ne pouvais-tu pas motiver tes actions avec plus de franchise et sans digressions blessantes ? Car, pendant douze ans, je n'ai été, à ton égard, que tendresse. Peut-être tendresse non sensuelle, non celle dont tu as besoin, mais néanmoins tendresse. De plus, la manière hypocrite dont tu  interprètes l'union conjugale des D. me déplaît. Il faut toujours chercher à rester juste quoi qu'on fasse. Paula est donc auprès de toi.. A cela, je n'ai qu'une chose à ajouter : espèrons que tu es apaisé et parfaitement heureux. Quand j'arriverai le 4, elle ne sera certainement déjà plus là, et tu ne m'en voudras donc pas de devoir abréger, par ma faute, ton bonheur  idyllique. Vous pourrez d'ailleurs vous rencontrer encore, cet hiver, même de manière non officielle, chez des amis communs.

                                   Pensées affectueuses.

                                               Suzu

lettre d'Ivan Goll Sori à Claire Challes-les-Eaux du 28.08.35  MST p. 168/169

                                               Sori, 28 août 1935

Chère petite Suzu,

                        Foin de discussion : on ne devrait jamais écrire en partant de la mauvaise humeur d'une nuit d'insomnie. Pensons tout de suite à l'avenir proche, merveilleux : la mer fortifiante et sauvage pour toi, des figuiers murs, des terrasses ensoleillées, le plus profond repos.

            À vrai dire, depuis huit jours, ici, le temps est pluvieux et tempêtueux, et la pauvre Paula, qui n'a jamais vu la Méditerranée, n'aura guère une idée de ce qu'est le Midi. Mais les indigènes disent que, dans huit jours, il refera beau.

            Tu peux accomplir le trajet en un jour : je crois que je t'ai indiqué le trajet le plus agréable ; il est vrai qu' il y a une attente de cinq heures à Turin. Donc, mercredi 4 septembre.

            Mais je vais te prier, en ami, très énergiquement, - je laisse la galanterie à tes adorateurs - d'arriver ici en toute simplicité et sans bagages prétentieux. Tout le monde, ici, très simple. On ne met perpétuellement que des costumes de bains, des robes de plage, dans lesquels on descend directement sur les rochers de la baie. Bref, exactement comme à Ischia. Pourtant, ne pas oublier des vêtements chauds pour la nuit. La pelisse aussi.

            Ici, il ne sera pas question pour toi de travailler. Laisse donc la malle de livres à Challes, ou expédie la à petite vitesse à la maison. Et si tu voulais renoncer aussi à la malle-cabine, tu serais tout à fait dans le style d'ici.

            Tu devras, avant ton départ, aller une fois exprès à Chambéry, pour y faire établir le billet italien " Modane - Gênes - Modane (*) avec une réduction de 50 %. Il doit coûter environ 120 lires (150 francs) en deuxième classe. Peut-être un peu plus. Mais je crains que l'enregistrement d'une malle en coûte tout autant. De Chambéry à Modane, le voyage ne peut pas être cher.

            Deux américains, qui partaient d'ici pour la Grèce, m'ont laissé leurs 2 billets de retour pour Paris (et même jusqu'à Londres). Ils sont périmés le 10 septembre. Si tu connaissais quelqu'un qui puisse les utiliser, cela nous rapporterait une assez grosse somme. Mais cela aussi est très difficile.

            J'ai récemment téléphoné à Lindner - il est à la campagne, avec sa famille, jusqu'à fin septembre. Cela, le consulat ne voulait pas me le dire.

            Ton télégramme au sujet du Monde Illustré m'a surpris : j'ai mis cet article dans la boîte aux lettres, le samedi soir qui a précédé notre départ. Ce serait-il perdu ? Damnation !

            En même temps que ta lettre de mardi, j'ai reçu ta carte de dimanche ; comment se fait-il que tu ne supportes pas du tout la solitude ?

            Mais la mer emportera bientôt toutes les eaux de Challes, ainsi que tes larmes.

                                                           Ton

                                                                       Ivan

(*) par Vintimille

lettre d'Ivan Goll Sori à Claire Challes-les-Eaux du 31.08.35  MST p. 170

                                               Sori, 31 août 1935

Chère petite Suzu,

            Je me réjouis beaucoup de ton arrivée, mercredi. J'espère que mon horaire était exact : renseigne-toi encore une fois.

            Clauzel fait encore parler de lui. Il a écrit trois lettres à Daniel, et là-dessus, je lui ai envoyé le mot ci-joint, par un bureau de poste français (Nice). Il l'a alors transmis à Daniel, qui est muet de stupeur !

            Alors, il a fallu que j'explique tout à Metz, en détail. Je n'ai pas voulu te préoccuper non plus.

            Tout le reste oralement.

            Mais il ne faut pas que tu fasses réexpédier notre courrier directement de Paris à Sori . Fais- le,  comme précédemment, suivre à Challes, et de là, à Sori : ne donne ton adresse qu'à Challes (ce courrier est si restreint que c'est kif-kif bourriquot).

Apporte deux ou trois paquets de gauloises bleues et dix timbres français de 50 centimes.

            Ici, temps magnifique ! mer, figues, raisins, paradis ! Paradis ! On oublie tout.

                                               Je t'attends vite

                                                                       Ton Ivan

Paula part mercredi

lettre de Claire à Challes à Ivan Goll à Sori  du 31 août 31 ou 35 , n’est pas dans  MST

à traduire

Le 4 septembre, Paula Ludwig repart à Ehrwald où elle va rester jusqu'à la fin de l'année 1935 tandis que ce même 4 septembre, Claire rejoint Goll à Sori et reviendra seule début octobre à Paris.

Ivan Goll Nice à Paula Ludwig Ehrwald 9 septembre 1935 ImsL p. 363/364

                                                                                  Nice 9 sep..35

Chère Palu, comme il est déjà tard dans la soirée de mercredi,, et le train si inhumain, que je m'échappe vers toi. Tant que je reculais, j'équilibrais le croissant de lune au-dessus de la mer  et je me taillais la gorge par les nerfs (! ?)

…le télégramme libérateur arrivait alors vendredi mais samedi je revenais en France par Vintimille.

…je me lamente après toi

                                   Ma

Ivan Goll Sori à Paula Ludwig Ehrwald 13 septembre 1935 ImsL p. 364/365

                                                                                  Sori 13 sep..35

Chère Palu,

Maintenant, je n'ai pas encore trouvé le chemin du retour auprès des pères, certes pas les saints de Paris, Dieu merci, mais au contraire auprès d'Adam et David, à l'éternelle belle terre d'Adam et à la musique bienfaisante de David.

lettre de Gerrmain Dorel à Claire

samedi soir

Le calme. Je peux penser à toi sans soucis. Ta lettre m’a fait le plaisir que tu devines, et je vois que tu as pris la volupté de la femme aimante, à parler longuement avec celui qui l'aime. Je reste sur mes positions : je hais la littérature amoureuse,  il est trop question de soi et de quoi peut-on parler puisque l'autre est absent ? Enfin tu aimes savoir que ces quelques lignes sont la preuve que ta  présence est constante auprès de moi : je respecte tous tes points de vue, en t'embrassant sur les yeux.

Je détruis tes lettres mais après la précédente je me suis souvenu que tu voulais, souhaitais que l'appartement désiré n'ait pas d'habitant à l'étage supérieur : hélas à Paris c'est rare et celui que je t'ai signalé en comporte. De toute façon attendons ton retour, et nous chercherons ensemble, c'est plus sage quoi que tu aies pu me répondre dans ta lettre que je vais recevoir.

Elan a refusé mon rendez-vous, courtoisement d'ailleurs. J'ai insisté d'une telle manière qu'il devra accepter .Attendons. Quel hypocrite !

Je vois avec plaisir que tu te livres toujours au petit jeu des écritures et que la graphologie n’a que peu de secrets pour toi. Mais si j'ai mal déjeuné, j'ai une écriture pessimiste et si j'ai fait un repas réussi, j'ai une radieuse écriture. Si un client est venu troubler ma quiétude je traduis cela dans mon écriture, etc. etc.. Où est le vrai caractère ? Quelle douce blague mais je reconnais qu'il faut amuser les enfants, surtout les grands. Et si... je sais que tu arriveras bientôt je suis encore plus radieux alors vosx quelle écriture encore plus optimiste, en diagonale, dirigée vers le haut.

Je suis maintenant fixé sur l'emploi de mon temps : je pars d'ici mercredi par le train de nuit j'arrive jeudi matin. Je ramène mon concon de samedi à lundi 23. Je suis à Moulins le 27 je rentre le lundi 30. Si tu rentres au début d'octobre, je te propose la chose suivante. Arrête-toi à une gare proche de Paris . Consulte ton horaire Laroche ou autre. Donne-moi l'heure j'y serai. Laisse tes bagages continuer. Nous passerons la nuit où nous voudrons et ... et rentrons tranquillement le lendemain après midi : si tu veux je te préparerai ton itinéraire mais si tu peux le faire mieux,tant mieux,  réponds-moi par retour. Si je suis parti, je trouverai ta lettre en rentrant et te répondrai par dépêche, mais nous avons le temps de décider.

Entendu pour le 5. Tu ne seras pas seule, au contraire : je te réchaufferai sans arrêt, sois tranquille, j'ai autant besoin de toi que toi de moi.

Je suis vraiment heureux de ton séjour. Mais pourquoi n'en pas profiter pleinement et te torturer avec tous ces soucis ? Profite de la nature et du soleil, crois-moi. Je ne mange pas de choses trop grasses.

Je ne mange pas de crustacés (que de temps en temps)

je n'ai pas vu mon dentiste ", il me faut deux mois consécutifs, ce sera pour cet hiver.

À part cela va bien,  trop bien, enfin j’attendrai bien 15 jours, ce n'est rien du moment que je t’ai et que je te revois.

À bientôt de tes bonnes nouvelles mon chéri, sois sûre que je pense à toi de la même façon que toi. je te baise longuement partout comme je t'aime

                                                                                  "Lemarchand "

lettre de Germain Dorel à Claire ( 17 septembre 1935 ?)

Dimanche

Ma chère amie,

            Tu as eu une idée ravissante de me téléphoner. C'est vraiment une belle invention que cet engin que j'ai si souvent maudit quand il me dérange cinquante fois par heure. Je profite d'une délicieuse pluie à verse pour travailler. Si tu peux arriver le 3 ou le 4 ce sera mieux, mais Claire si tu ne peux que le 2 ce sera aussi bien. Préviens-moi bien. Elan a refusé une première fois un rendez-vous que je lui demandais , la seconde fois il a posté une carte-lettre samedi 11 heures distribution 6 heures pour me dire qu'il m'attendait chez lui à 6 heures, et un samedi après-midi où mes bureaux sont fermés.

Je lui ai répondu que si j'avais insisté c'est que la situation était très grave et dangereuse, mais puisqu'il mettait tant de soin à m'éviter, il arriverait ce qu'il arriverait.. Restons calmes et sans impatience. Quand tu seras de retour, nous verrons ce que nous devons faire.

            Il eût été évidemment très agréable de te revoir lundi ; mais mes deux absences de cette quinzaine t'aurait laissée seule quelques jours, ce que tu détestes. Combien de temps seras-tu seule à dater de ton retour ?

            Tu retrouvera Auteuil comme tu l'as quitté ; le mur un peu plus haut que lorsque tu es partie ; et les voisins un peu plus affolés ! Les pauvres, quel sabbat on leur fait ! C'est une vraie rage de dents, mais quand ce sera fini ils n'y penseront plus, et moi non plus. Flip va bien, et certainement il t'a cherchée quelquefois, il a dû remarquer que tu lui portais quelque bienveillante attention.

            Je suis vraiment heureux de penser qu'au lieu de te mouiller les pieds ici, tu as du soleil, du vrai. Paris sous la pluie autrement que dans une chambre close, c'est un enfer qui me fait l'effet, sans toi, du châtiment de Paola Malatesta, ma Francesca étant loin...

            À part ce bavardage, tu sais très bien quelles pensées m'agitent continuellement: Toi ! Toi !. Toi ! Toi ! Toi ! Ça fait un bruit charmant mais je n'étreins que le vide. (est-ce que mon écriture descend ?) et les t sont-ils bien barrés ? Les s bien fermés ? que d'exigences !

A bientôt la joie de te lire, mille affections bien placées

As-tu besoin de quelque chose ?

                                                           "Lemarchand"

                                                                                              ( sacré Lemarchand !)

SDdV 510.306 ц

carte d'Yvan à Jean Follain du 24 septembre 35

Mon cher Follain

            Depuis un mois, me voici sur cette côte ligure, sur une colline enchantée, parmi les oliviers d'un vert platine, en consommant des figues qui pendent dans la bouche, dans toutes les variations : les unes pâles et roses comme des glaces rafraîchissantes, les autres aussi rouges et consistantes que des bifsteacks saignants .Le ciel d'automne est encore plus serein que celui d'été.

            C'est pourquoi je ne peux pas me décider à rentrer dans la ville aux métros mortuaires. Mais avez-vous reçu "Jeune Europe" en août ? Avez-vous passé de bonnes vacances ?

            Bien des choses de Claire et de votre ami Ivan Goll

Référence IMEC : FLL 2.C12-02

Jeune Europe: 1 - Septembre 1935, Cahiers d'Art et de Poésie - In-8 broché, 16 pages : Aniante, Arp, Aubray, Audiberti, Bert Brecht : Discours matinal à l'arbre green, traduit par Ivan Goll, de Chirico, Collet, Courthion, Eliot, Essenine, Follain, Garfias, Ivan Goll : Thanatos Poème de 36 vers, p. 9, Halé Hasaf, G.L. Mano, Moravia, P.H. Michel, Okamoto, Pasternak, Petersen, Gisèle Prassinos, Rossi, Seifert, Kurt Séligmann, Torrès-Garcia, Vulliamy

Editions Poésie & Cie, 37 Quai d'Anjou, Paris.

Se trouve à la Librairie d'Art R van den Berg, 120 Bd. du Montparnasse, Paris

Jeune Europe est en fait le numéro 2 d'Apollinaire (1935) - même format,  mêmes collaborateurs,  même imprimeur,  même éditeur,  même Librairie,  des clichés communs,  seul le titre diffère (ce changement car la librairie Jean Budry avait publié sous le même titre "Apollinaire "en 1924,  le n° 26 de L'Esprit nouveau)

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 5 octobre 35   MST p. 170/171/172/173/174 ***

Paris, Jour du Grand Pardon, 5h½

[5 octobre 1935]

[19, rue Raffet]

            Chéri, tu as aujourd'hui une longue journée. Aussi je veux venir vers toi dès le petit matin, afin que tu ne passes pas ce jour si seul et que tu ne te frappes pas la poitrine seul. Alors, faisons-le tous les deux, oublions les vétilles qui parfois nous divisent et entrons  ensemble, réconciliés, dans cette nouvelle semaine et dans un monde nouveau. Car un autre monde s'ouvre : j'ai un appartement ! Au 21 Quai des Fleurs ! Cela sonne comment ? Cela n'a-t-il pas l'odeur d'une place pleine de fleurs, de la Seine et d'un rivage plein de pêcheurs dominicaux perdus et des Tours de Notre-Dame qui se bousculent en même temps qu'un cloître pour entrer derrière dans la fenêtre de la cuisine et l'immense fenêtre côté sud de la troisième pièce, baigiée toute la journée de soleil ?

            Alors je vais commencer par le début, pas par la fin : je suis bien arrivée à Paris et rue Raffet . Dès le lendemain, nous sommes allés quai d'Anjou ; l'appartement était loué! j'étais désespérée, si désespérée que nous avons aussitôt continué à chercher dans l'île, que D. avait déjà prospectée durant trois jours dans tous les sens. Nous avions déjà perdu tout espoir lorsque je vois de l'auto quelques fenêtres sans rideaux au 4e étage d'une maison. Tu sais que j'ai du flair. D. (*).me dit : "il n'y a pas d'écriteau, donc pas d'appartement à louer " .Je persiste à vouloir demander et je trouve notre appartement. Et D.dit qu'il est de beaucoup préférable aux autres, non obtenus, justement parce qu'il a une pièce orientée au sud ; car aussi bien le Quai d'Anjou que le Quai des Fleurs donne sur le nord. Sur le quai sud on ne peut rien trouver du tout. - la maison est en face de l'Hôtel de Ville qui est entièrement caché par des arbres, ce qu'on ne remarque jamais qu'en passant en voiture, si bien que de la fenêtre on voit la Seine et la rive opposée plantée de plusieurs rangées d'arbres ; un peu plus loin est le pont qui mène vers la place de l'Hôtel de Ville. On n’entend presque pas de bruit alors que dans l'autre maison, les autobus passaient au ras de la maison qui se trouvait directement près d’un pont.

Deux pièces sur le devant et entre ces deux et la pièce de derrière un espace assez grand dans lequel sera aménagée la salle de bains, car il n'y a ni bain ni chauffage. D. nous installera les deux à prix coûtant.

Le propriétaire habite au-dessus de nous, c'est un Monsieur distingué d'un certain âge, officier de marine en retraite qui nous a plu énormément à l'un et à l'autre, il voulait 5000 plus de 20 % de charges et à ce pris en soi modéré ne voulait pas faire faire de travaux d'aucune sorte dans  l’appartement. Au bout d'une heure de discussion toute en souplesse, D. a obtenu tout ce que nous voulions : 5100 sans charges et il fera faire les plafonds en blanc et repeindre les murs pour que nous puissions y coller des papiers peints neufs car les anciens sont vieux comme tout et doivent être enlevés.

Trois pièces à 5.000 francs au coeur de Paris, sur les quais, donc la situation la plus convoitée où on ne trouve que rarement quelque chose, dit D. Le chauffage en plus, environ 1.800 francs de charbon pour tout l'hiver. Mercredi après-midi (j'ai demandé ce délai pour avoir ta réponse d'ici là) nous avons à nouveau rendez-vous avec le propriétaire pour mettre le contrat au net.

            D. a obtenu que nous n'ayons pas à nous engager pour trois ou six ans mais que seul le propriétaire soit lié, mais que nous puissions donner congé tous les trois mois. Il m’a expliqué ensuite que pour nous cela était important dans les conditions actuelles. Le propriétaire ne voulait d'abord absolument pas, mais D. lui dit qu'il n'avait aucune crainte à avoir, que nous ne partirions pas tout de suite après y avoir engagé plusieurs milliers de Francs de frais et il indiqua  2.000 francs pour l'installation de la salle de bains et  2.500 francs pour le chauffage, en présence du propriétaire. Mais il nous le fera pour moins cher. Dès que le contrat sera signé, je te l'enverrai jeudi ou vendredi et tu le retourneras aussitôt, je ferai commencer les travaux. Nous pourrons alors emménager dans quatre ou cinq semaines.

La poésie de la fenêtre (sans voisins) fera mûrir de beaux poèmes, cela est certain. Sur notre quai il n'y a guère de circulation car il est directement sur l'île entre plusieurs ponts. Vers l'arrière nous avons, seulement séparée par quelques rues cahoteuses qui ne sont certes pas visibles à cause de vieilles maisons, vieilles mais basses (nos fenêtres arrière sont plus hautes) cette vue ravissante sur Notre-Dame et l'autre bras de la Seine.

La lettre à Clauzel est partie hier, sa réponse arrivera sans doute demain.

Il est arrivé une convocation du Juge de Paix "organisée" par l’Argus pour le 10 octobre. J'ai écrit une lettre recommandée déclarant que tu étais encore dans le Midi "en train de te soigner" et que je priais Monsieur le Juge de Paix de vouloir bien reporter la convocation à novembre. Encore une fois, tu en as fait de belles ! Etait-ce bien nécessaire ? Pourquoi ne pas payer tout de suite ? Vraiment et sans tergiversations ?

D'ailleurs dans ton classeur je n'ai trouvé qu’un reçu de 100 francs versée à l’Argus pour 1935. Ils ont sûrement raison. Et le dommage, c'est moi qui l'ai car je ne reçois plus aucune coupure pour Chaplin.

Tu compliques toujours les choses. D. trouve que dans l'affaire avec Clauzel tu ne t'es pas bien conduit non plus. Les lettres avec "Juif par-ci, juif par là ", tu n'aurais pas dû les écrire et qu’auparavant tu l’as aussi irrité inutilement. Par ailleurs : si un appartement aussi vieux revient à 7000 avec frais de chauffage, celui-là à 9000 n'était quand même pas exagérément cher. Des frais, on en a partout.

Dans l'appartement du Quai d'Anjou qui nous a échappé il fallait aussi installer chauffage et bain. Bien sûr, la situation y vaut de l'or.

Trois pièces dans une construction neuve coûtent 8500 m'a déclaré D. Et tout logement à ses avantages et ses inconvénients. Mais n'en parlons plus. Espérons qu'en revanche tu t'entendras d'autant mieux avec notre nouveau propriétaire qui est très cultivé

D. lui a dit " Vous aurez un homme charmant, un célèbre écrivain comme locataire ". Est-ce que le contrat doit être établi au nom de I. Lang ou I. Goll ou bien aux deux noms ?

Est-ce que le compteur à gaz de notre appartement nous appartient ? Peut-on l’emporter ? Là-bas non nous n'aurons pas non plus à payer l'eau et nous aurons un marchand de légumes dans la maison juste à côté.

Comment va ton petit doigt ? Le talon d'Achille ? Le poème des péchés? As-tu du soleil ? As-tu été à  Recco nous excuser toi et moi et y a-t-il eu du grabuge ? Mieux vaut que non. La guerre qui a commencé avant hier semble devoir devenir bien sérieuse. Je t'envoie aujourd'hui l'Intran et Paris-Soir. Espérons qu'ils te parviendront.

Une prière : téléphone ou écrit à la (baronne) Mumm pour avoir l'adresse du café instantané et  rapporte-m'en de Gênes et ne mange pas la commission, je serais très déçue.

            En outre l'adresse privée exacte de Lindner s'il te plaît, tu la trouveras en bas dans la localité dans l'annuaire téléphonique. Gamboro ou Gambari et quel numéro ?

  Aujourd'hui, nous sommes le 5. Mais nous n'allons qu'à Chartres et nous rentrons le soir.

            Jeannine m'a laissée tomber. Les clefs étaient en bas avec une lettre. Elle ne m'a même pas fait mon lit ! Mais j'en ai déjà une nouvelle, une amie de Victoire la jolie vendeuse de bronzes..

            Le livre "Le coeur est éveillé " m'a beaucoup déçue. Un amour littéraire de bas-bleu, à la manière de Rilke en beaucoup de phrases et un hymne à l'Allemagne, de sorte qu'on a les yeux pleins de croix gammées de tant de patriotisme . Je le rendrai à Lindner en même temps que le Jean d'Agrève et le Conrad .

            Et maintenant salut, j'espère que tu as eu un " gud Jomtoff "[jour de fête : Yan Kippour]. Continue à  être heureux sur cette douce colline. D'ailleurs les hommes ne te font rien. Tu n'entends que les voix des oiseaux, bienheureux paradis. Salue les Daniel. Je les remercie pour la façon aimable, douce, bonne et fraternelle dont ils m'ont gâtée, sans penser à eux, et le respect qu'ils m'ont  témoigné.

            J'aurai besoin de quelque temps pour me remettre de tout cela, je vais encore mal mais cela ira mieux bientôt et tout de suite après mon indisposition, mardi ou mercredi j'irai chez Gerson.

                                   Bien des choses à toi

                                               très affectueusement

                                                                       ta Suzu

J'attends une réponse par express 8 heures. Vient d'arriver la lettre de la N R F.  Je te félicite.

(*) l'architecte parisien Germain DOREL, qui eût une liaison passagère avec Claire.

lettre d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du 7.10.35 (Jour du Grand Pardon)  MST p. 174/175/176

            Sori, 7 octobre 1935

                                               Lundi matin

                                               Jour du grand pardon

Chère petite Suzu,

            Comme le début de ta lettre était pieux et sain ! c'est ainsi seulement que nous voulons éprouver le divin. Le temple de Gênes m'a guéri pour toujours de ces bigoteries collectives. Je ne veux plus m'agenouiller que sous des oliviers.

            Et c'est aujourd'hui, et non samedi, le jour du Grand Pardon .Que l'arrivée de ta lettre est étrange ! J'avais grand besoin d'elle, car j'ai déjà grand' faim ; je jeûne et 6 heures du soir est encore loin . Les David sont hors d'eux parce que je manquerai le repas de midi en revanche, ils achètent un poisson pour ce soir !

            Et maintenant, aux choses terrestres.

Je suis d'accord pour l'appartement du Quai aux Fleurs et je te laisse "carte blanche " pour tout . Fais établir au contrat ou nom d'Ivan Lang-Goll  Envoie-le moi. je  le signerai aussitôt

            À vrai dire, l'idée de cette nouvelle demeure ne ne me réjouit pas encore beaucoup. Pourquoi ? Je me l'explique à peine . Il est difficile de se représenter cette nouvelle vie . Je me sens géné par la pensée que je ne présiderai pas à toute cette installation . Oui, je serai un étranger là-bas, malgré tout. Il n'est certainement pas bon que le propriétaire habite au-dessus de nous, étant donné les conditions d'existence très bizarres que nous avons maintenant. Mais cela ne fait rien. Je te le dis, à toi : pourquoi ne pas tout essayer ? Le monde est grand . L'homme est petit (David, compose justement cela sous ma chambre)

            Sais-tu aussi pourquoi je ne m'excite pas sur la question d'emménager à bref délai, à Paris ? parce que je suis de plus en plus préoccupé par l'idée d'une petite maison sur la côte ligurienne. Je cours en tous sens, tous les jours, et je sais que toute offre serait une affaire . Mais je n'ai pas encore trouvé juste ce qu'il faut . néanmoins, je dois trouver cela et le saisir à la volée.

            Comme je déplore que tu n'aies pas mis ici, un seul jour, à ma disposition ta volonté active et tes " antennes " Nous aurions trouvé . au lieu de cela, tu remettais sans cesse à plus tard la petite promenade à Recco . A présent, j'ai été là-bas,  Zega m'a montré dix maisons

            Ravissant était le palais rose sur la colline, avec 4.000 m carrés d'oliviers, tout entouré du bruissement des pins. Il a été vendu, il y a 15 jours, à une dame qui ne l'a pas vu (elle n'était pas là ) pour 60.000  Je suis aussi triste que tu l'as été de perdre le Quai d'Anjou !

            Maintenant, je suis quotidiennement en route. J'ai aussi écrit à Nancy, au sujet de mon intention. Comprends-tu que je préférerais installer ici, pour ma vieillesse, un chauffage central !

            Le même jour, je suis monté chez les Weils, qui m'ont retenu à dîner. Ils ont parlé de toi avec enthousiasme. Je leur ai donné tes livres, qui les ont vraiment enchantés .

            Voici l'adresse des Lindner : 20, via Gambaro. Oui, renvoie-leur, s'il te plaît, rapidement, tous les livres . j'ai déjà téléphoné, pour remercier.

            Tu ne m'as pas raconté, en somme, si tu as déjà parlé aux Clauzel ? Et quelle solution a-t-on trouvé ?

           Puisqu tu prévois 4 ou 5 semaines de travaux Quai aux Fleurs, il est bien que je ne rentre pas plus tôt à Paris . pourvu que la situation politique ne nous joue pas un tour

            Inutile de t'énerver au sujet de l'Argus . Tu n'as pas non plus besoin d'écrire au Juge de Paix : j'écris tout de suite à l'Argus pour lui donner mon opinion : toi, téléphone seulement à l'étude de l'Avoué,.de Lavarde, Anjou 30 - 87, que je m'occupe d'une conciliation avec l'Argus, que je serai à Paris à la fin de ce mois et que je paierai tout

            Merci pour la lettre NRF.

            Je pense à l'Instant Café

            Et aussi à ton anniversaire, pour lequel je me procurerai le spencer tyrolien.

            N'as-tu pas trouvé, peut-être, parmi les imprimés, la revue japonaise ? cela me ferait grand plaisir, si tu voulais bien me l'envoyer

Et tu as raison, envoie-moi régulièrement Paris-Soir, etc. ; cela peut être important.

.           Je porte vite cette lettre, avant 10 heures, à la poste. As-tu reçu ma lettre de samedi avec la recommandation de Gerson ? Vas bientôt là-bas.

            Recommence à bien manger

            Aujourd'hui, je continue à bien jeûner .

                                                                       Ton

                                                                                  Ivan

lettre d'Audiberti à Claire du 7 octobre 1935

            Chère Claire,

J'ai été très secoué par une histoire idiote : une douleur dans la jambe, un peu au-dessus de la cheville. Enflure, petites nodosités sous la peau, douleur intolérable. Le médecin a parlé de synovite, inflammation des gaines sérieuses des tendons. Pas très grave, mais très gênant, surtout que je ne dors pas et que je m'énerve beaucoup. On me fait des piqûres de novocaïne dans le tendon pour diminuer la douleur et me permettre de marcher un peu. Aujourd'hui, j'y suis parvenu un peu, et à peu près sans souffrir. Je suis venu au PP. Où vous pourrez m'écrire, si vous le désirez ce qui me fera grand plaisir. J'ai bien reçu votre pneu et je vous en remercie vivement. Quand nous verrons-nous ? Mercredi ? Jeudi ? Si vous pouviez venir du côté du PP., au Nègre, par exemple, j'en serais bien heureux, car je dois, autant que possible, éviter de circuler trop. Bien entendu, s'il ne vous est pas possible de sortir, ou que ces dates vous semblent trop rapprochées, je ne vous en voudrais pas. Mes amitiés à Ivan Goll et croyez que je suis, très affectueusement, votre ami, votre poète.

SDdV Aa35 (177)  - 510.299 III

lettre d'Audiberti à Claire du 9 octobre 1935 [mercredi]

            Ma bien chère amie,

Je suis très heureux, très heureux de vous voir dimanche. Il faut que vous sachiez tout de suite comment les choses se présentent. En fait, il m'arrive d'avoir à moi quelques heures l'après-midi, mais entrecoupées de téléphonages. En principe, j'appartiens au Petit Parisien et il m'est impossible de savoir si je passerai le dimanche au journal, ou, librement à l'extérieur ou à l'extérieur mais en enquête. Il m'est donc difficile, amèrement difficile, de vous promettre qu'il me sera possible de circuler tranquillement dimanche après-midi, tandis que je serais très sûr (dans la mesure où une créature humaine peut être sûre de quoi que ce soit) de pouvoir dîner dimanche soir et passer la soirée ensuite avec vous. Je n'ose, naturellement, pas vous proposer que vous vous rendiez, à tout hasard, vers cinq heures, en quelque Nègre. Si, par extraordinaire, vous deviez vous y trouver, de toute façon, je serais ravi de courir l'exquise chance de vous y retrouver l'après-midi ; dans un bistro des environs du PP., Nègre ou non, j'aurais, d'ailleurs, beaucoup de chance de pouvoir vous rejoindre à cette heure, assez creuse. Mais je ne voudrais pas vous imposer une attente, ou un déplacement, qui vous déplût? Donc, belle amie, veuillez me dire :

1° S'il vous est possible de me consacrer dîner et après-dîner, en sacrifiant l'après-midi

2° si votre flânerie dominicale vous conduit, l'après-midi, en quelque lieu que je puisse, à l'occasion, atteindre facilement, sans que vous dussiez m'en vouloir si les nécessités professionnelles alias "l'abondance des matières", m'en tiennent éloigné

3° En quel endroit vous désirez que, vers sept heures ½, nous nous rencontrions ?

                        Je baise votre main et je prie le ciel que le monde, dimanche, existe encore

                                                                                              Audiberti

SDdV Aa36 (181)  - 510.299 III

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 9 octobre 35   MST p. 176/177

Tu ne m'as pas envoyé l'article pour Cognat.

Je ne peux donc pas y aller.

                                               Paris , 1935

                                               19, rue Raffet

                                               mercredi matin

Chéri,

            Merci pour ta lettre. On l'a apportée 2 fois dans l'après-midi, comme je n'étais pas là, on l'a remportée. Quand je suis rentrée, à huit heures, j'ai trouvé l'avis dans la boîte, comme quoi je devais aller chercher cette lettre au bureau de poste, le lendemain matin. Soudain, à 8 h et quart, en sonne : c'est ce touchant Bureau 53 qui m'apporte encore une fois ta lettre. Ainsi donc, j'étais en ta compagnie, hier soir. Si tu m'envoies encore une lettre express, adresse-la, je te prie à Claire Lang pour que je n'aie pas de difficultés à La Poste au sujet du passeport. Les Clauzel n'ouvrent pas, et tout reste sur le palier.

            Donc, ils n'ont pas répondu à une troisième lettre très énergique de D S. Nous  avons été hier chez maître Martin, l'Avoué de D. S., lequel nous a dit qu'on ne peut pas forcer un propriétaire d'immeuble à reconnaître que son loyer est trop élevé. Mais étant donné que nous n'avons qu'un contrat moral, tu n'as qu'à provisoirement faire le mort en ce qui concerne l'argent et le laisser aller jusqu'à la sommation (mise en congé) dont il m'a menacé. La première partie de la lettre est de Martin j'ai ajouté la deuxième, je la soumettrai à D; aujourd'hui à midi, et lui demanderai si lui ou moi doit l'expédier et si c'est sous cette forme (joint : une copie).

            Le Journal japonais n'est pas encore arrivé, malheureusement. Mais j'attends tous les imprimés, en retour de Challes, aujourd'hui ou demain.

            Notre terrasse serait maintenant très dépréciée, car la nouvelle maison de D. aurait vue sur elle, de toutes ses fenêtres. Même de mon lit, on voit une haute muraille.

            L'affaire avec l'Argus est très ennuyeuse. Car Thomas m'a dit qu'il a vu plusieurs grandes critiques, entre autre une colonne et demie de Daudet, dans Candide.

            Ta prise de position, au sujet d'un nouvel appartement, me paraît un peu étrange. C'est pourtant important pour toi aussi d'avoir un pied-à-terre à Paris, même en faisant abstraction de moi. En outre, maître Martin est d'avis que tu ne devrais plus en aucun cas te montrer rue Raffet cela ne pourrait que provoquer un malheur. Tu devras donc habiter tout de suite une chambre, 21, quai aux Fleurs, même pendant les travaux qu'on fera là-bas le propriétaire de la maison est un homme distingué qui ne s'occupera pas de nous . Avec 6 étages, il aurait trop à faire.

            Reproche au sujet de la petite maison italienne sont injustes. Tu étais là un mois avant moi, tu n'avais qu'à chercher - trouver ! Naturellement, pas un immeuble de rapport à deux étages sur les routes de 100 à mardi à Rita déclaration car nous ne voulons pas nous tromper nous-mêmes, nous ne voulons pas faire des affaires de sous-location d'appartement, mais avoir un nature, les arbres, amer en ce aussi petite que la ouvrit " Casina" ou encore plus modestes. Reste simplement à Sori jusqu'à ce que tu aies trouvé puisque, tu ne tiens pas à Paris.

            As-tu maintenant du soleil ? Comment va ton petit doigt ? Et le Tscheljuskin ? Moi, je vais remarquablement bien, physiquement. L'intestin fonctionne normalement. Pour combien de temps ? Mais je suis reconnaissante. Je ne souffre plus, enfin  D. pense que cela venait de la nourriture et du vin, lui-même ne peut pas supporter le vin italien..

                        Je pense tendrement à toi et avec amour.

                                                                                  Suzu

Lettre d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du 9.10.35  MST p. 177/178

Sori, 9 octobre 35

Ma chère Zouzou,

            Merci de ta carte. Elle est si optimiste que je me sens le cœur plus léger. Tous ces jours-ci, le temps était si gris, si pluvieux, et les soucis m’ennuyaient jour et nuit.

            En ce qui concerne le Quai aux Fleurs, j’attends la suite de tes nouvelles. Dans les circonstances actuelles, je ne vois en tout ceci que du provisoire, et je me demande s’il est bon de fourrer tant de choses dans ce nouvel appartement  Mais je m’en remets entièrement à toi . Et aussi : est-ce que tout va te convenir, en particulier les bruits, et l’air (n’est-il pas humide au bord de la Seine) etc.

            A la nouvelle que tu devais payer aussi la note d’électricité, je me suis mis aussitôt à ma table et j’ai tapé, aussi bien que je l’ai pu l’article pour Le Monde Illustré. Il est composé d’un mélange de réminiscences et de fraude. Porte-le tout de suite à Cognat et fais-toi remettre les 200 Frs. Tu expliqueras que ce n’est pas de ma faute et ce texte n’est pas tel qu’il était ; ce n’est pas de ma faute s’ils ont égaré le manuscrit primitif  Car il doit sûrement leur être parvenu. A ce moment-là, Cognat était en vacances. Les photos, à elles seules, valent plus de 200 Frs. –  4 photos à 50 Frs. Vu me paye 125 Frs. pièce d’autres photos.

            Merci aussi pour les journaux – mais pourquoi tant dépenser pour cela ? Si tu me les envoies sous bande, cela ne coûtera que 10 ou 30 cts.

            Ci-inclus aussi, copie de la lettre de l’Argus. Je ne lui dois que 100 Frs. comme tu pourras le voir. Tu as, entre temps, téléphoné ?

            A part ça, rien de neuf.

            Je travaille farouchement.

            Et suis souvent près de toi,

                                                           I.

* Raymond Cognat, Rédacteur en Chef du Monde Illustré

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 11 octobre 35   MST p. 178/179/180

                                              

                                               19, rue Raffet, Paris , XVI

                                               vendredi                     1935

                                              

Chéri,

            Merci pour ta longue et belle lettre. j'espère que tu as beaucoup de soleil, que tu vas bien et que tu es en harmonie avec toi-même, avec les pins et les oliviers (et avec moi) et que tu es sur les traces d'une maisonnette . Naturellement, je rendrai à Lindner ses livres, y compris Jean d'Agrève et Crime en Province, comme je le lui ai promis.

À sa Lore j'ai envoyé un collier de bulles de savon

Clauzel a enfin répondu à D. mais il n'insiste que sur le mot "départ ".. Il dit qu'il est volontiers prêt à résilier le bail. Ma lettre, dont je t'ai expédié une copie, lui sera envoyée bientôt, mais il faut encore que l'avocat la relise et l'approuve. Ci-joint les deux nouveaux contrats pour le nouvel appartement ; il faut que tu me les renvoies, signés (sous pli recommandé à Claire Lang). Ne prends pas ombrage des formules démodées du contrat, c'est ainsi qu'elles sont dans le Code Civil et Monsieur Migeon, qui a hérité sa maison de ses grands-parents, imite encore les usages de ses ancêtres, car sa maison existe depuis 1860 et est aussi vétuste que ses locataires. Nous sommes les premiers à y introduire une radio, à ce qu'il m'a dit. Cela te permettra d'évaluer quelles sortes de fossiles sont là, en train de regarder paisiblement, de leur fenêtre, couler la Seine. Quoi qu'il en soit : c'est tranquille à l'intérieur, moins à l'extérieur. Mais sur tous les quais, c'est la même chose. Ce n'est pas mieux chez Lise, et pourtant, tu voulais l'ile Saint-Louis.

            Cependant, pour que nous soyons plus libres et pour que, selon les circonstances, nous puissions quitter à nouveau cet appartement sans nul regret, et plus facilement, j'ai décidé - après quelques réflexions - de ne pas installer de chauffage : rien qu'un radiateur à gaz dans chaque pièce ; la compagnie du gaz les louent et les installent à très peu de frais. De la sorte, il ne nous reste à faire que l'installation de la salle de bains, dans la 4e pièce, qui est sombre, et que notre propriétaire, dans le contrat, appelle sans vergogne une 4e chambre ; avec la lumière électrique, on pourra l'utiliser à cela.

            Nous emploierons mes appareils sanitaires, qui seront arrachés de notre salle de bains actuelle, et cela ne coûtera pas cher. Si tu pouvais, avant d'aller chez tes parents, venir rapidement ici pour voir l'appartement, j'aimerais réellement mieux ça que d'en prendre toute la responsabilité. Il faudrait alors que ce soit dans les prochains jours, car Monsieur Migeon a déjà prié de lui verser ses premiers 1.200 francs le 15 octobre  J'ai dit : " mon mari est en Italie... " . lui : " Ah ! vous avez sûrement ici une aussi petite somme". S'il savait que j'ai encore 145 francs dans mon sac, car j'en ai versé, à l'instant, 48 à ma femme de ménage... Ci-joint, de plus, deux lettres de banques. Qu'advient-il à présent des 12.000 prélevés par l'Angleterre ? Ainsi donc, viens, si cela peut se faire. Sinon, renvoie les contrats. Car enfin, cet appartement est ridiculement bon marché, de l'avis de D.. Sa situation est ravissante, et il est pratique et vaste. Et contre le bruit du quai, on se fera poser, comme Lise, des doubles fenêtres !

            Tous mes voeux pour toi !

                                                           En grande tendresse

                                                                                  Ta Suzu

Je vais tout à fait bien. L'intestin fonctionne brillamment de. Ne te fais donc pas le moindre souci. C'est seulement la nourriture des David, là-bas qui m'a nui.

PS J'ai encore une fois tout à l'heure reparlé à D. Il veut aller voir encore Monsieur Migeon pour lui faire rogner un demi-terme, c'est-à-dire que nous n'aurions à payer le loyer qu'à partir du 15 novembre, donc 600 francs seulement pour 1935, étant donné que les travaux dureront bien six semaines. À moins que tu veuilles aménager avant le 15, car, au cas contraire, tu devras attendre à Nancy. Ecris donc par retour : viens-tu de suite, et en passant, regarder l'appartement ? Quand emménageons-nous ? Dès le 15 novembre ? Il faudra alors que je porte des contrats à cet homme, pour qu'il y ajoute une phrase concernant le demi-terme, c'est ce que m'a dit D. Il est inutile de les envoyer avant cette modification.

lettre d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du 11.10.35  MST p. 180/181

                                                                                              Sori, 11 oct. 35

Ma chère Sou

            Merci pour ta gentille lettre et pour tout : Paris-Soir, le Japon, etc..

Avant hier, j'ai déjà répondu d'avance à tes demandes concernant Cogniat et l'Argus.

Tout à fait excellent, le brouillon à Clauzel. En retour, ci-joint. Il faut que cette lettre soit en sa possession avant le 15 ! je trouve absolument génial la situation extraite de sa propre lettre du 28 mars.

            Et déjà je m'apprivoise avec l'idée du Quai aux Fleurs.

            Ici, il n'y a toujours pas de soleil - mais du travail et une paix agréable . Tous les jours, je cherche Tusculum dans à la région. Difficile à trouver. Tu as raison, naturellement : seulement petit, rien que des oliviers et la mer. On m'offre, de bien des côtés, du terrain, par exemple près de la propriété du Comte C.. Construire une maison reviendrait à 20.000. Mais...

            Et tout serait encore beau ici pour le moment, si je n'avais pas trouvé par hasard cette coupure sur Marie Bashkirtcheff ! Quelle peur ! Probablement l'autrichienne. Je suis malade de désespoir. Que dois-je faire ? Peux-tu obtenir des renseignements ? Téléphone à Bruckner. Son adresse provisoire, en été, était chez Jenny Holt, cette petite actrice, tu sais, dont il était aussi question pour MB. Galvani 78-18, 1, rue Catulle Mendès. Là, tu en apprendras plus long. Oh ! Aide- moi !

            Mon doigt a été guéri au bout de deux jours.

            Je t'enverrai prochainement deux paragraphes achevés de Tascheljuskin.

            Combien je suis heureux que maintenant, tu te portes bien.

                                                           Très tendrement ton

                                                                                              Ivan

Va aussi chez Alice Cocéa. Une bonne occasion pour la connaître dans son intérieur, rue Nungesser et Coli. Tu trouveras la maison. Elle est là, tous les soirs, vers 6 heures, même le dimanche. Demande-lui d'abord ce qu'elle pense de M.B. ; au cas où sa réponse serait négative, raconte-lui les histoires Pitoëff - propose lui d'entrer en concurrence avec elle. Elle a le manuscrit.

lettre d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du 12.10.35 ***  MST p. 181/182

Sori, 12 oct. 35

cinq heures du matin

Chère petite Zou,

Je suis de nouveau, indiciblement triste, depuis que le monde extérieur, sous la forme d'une petite coupure de presse, a fait irruption dans mon paisible tête à tête avec la nature!

Ma destinée toute entière m'est apparue clairement : rien ne me réussira, rien ne doit me réussir !

N'ai-je pas de talent ? n'ai-je pas de zèle ! n'ai-je pas de patience ? Peut-être beaucoup plus que d'autres. Et cependant, rien ne me réussira !

Marie Bashkirtcheff en est le meilleur exemple, le dernier peut-être, car maintenant, je jette le manche après la cognée.

Tout un hiver, avoir étudié le sujet, tout un printemps avoir écrit la pièce, tout un été, avoir cherché un théâtre et une actrice ! ceux qui ont lu la pièce en ont fait l'éloge. En vain ! en vain ! le jour même où la pièce était terminée et où je voulais la donner à Bruckner, j'apprends qu'un autre auteur a choisi le même sujet et l'a déjà fait représenter à Vienne !

C'est ainsi qu'on devient un raté !

J'avais pensé à Cocéa , à Marie Bell , à Boggaert, à Ozeray - pas à Ludmilla, que j'avais sous la main - et le destin m'a joué son tour.

C'en est trop ! comment aurais-je à présent le courage d'entreprendre un travail de quelque importance ?

Un raté, un déchu, un oublié !

Sori, ensevelis-moi sous tes oliviers !

Ma place n'est pas en ce monde.

Et où est-elle, la maisonnette aux murs délabrés, hantée de lézards, qui me cachera définitivement à tous ? Aucun travail ne me la procurera. La Bashkirtcheff devait me la fournir...

Pleure avec ton

                                               Ivan

Sori, 12 oct.

10 heures du matin

Le désespoir dure.

            Je ne supporte plus de rester à Sori.

Les David ne sont certes pas les gens qui peuvent consoler quelqu'un. Je ne le leur dirai pas du tout. Croirais-tu que ce pédant [David] travaille actuellement au "Tscheljuskin" ? Il copie d'abord proprement mon autre texte…Cela l'occupe jour et nuit ; C'est ainsi qu'il m'a composé deux chansons, "Berceuse pour Karina" et une autre. Mais ce n'est que du bricolage. Tu sais comment il travaille. Il faudra des semaines, des mois. Et ils partent le 29. Mais Tscheljuskin n'est pas là. Et qu'arrivera-t-il ensuite, à Moscou ?

Encore un été perdu, un automne...

Le Tscheljuskin est-il mauvais ? Le talent a-t-il manqué, ou le travail ? ou la patience ?

Le destin ne me fait pas la faveur d'un seul succès !

Il me faudrait si peu pour être heureux.

Jamais je ne parviendrai à avoir une petite maison !

Hier, j’ai vu quelque chose de splendide ! à Mulinetti, en face de Becco, sur une hauteur qui domine tout le golfe, un palais, 2.000 m² de terrain, la maison magnifiquement conservée, des murs épais d'un mètre. Au rez-de-chaussée, une salle gigantesque et une autre au premier étage, au deuxième quatre petites chambres, les escaliers en marbre, une citerne de grande dimension ; propriétaire : un avocat gênois, ex préfet, 70.000 lires. C'est donné. À Maisons-Laffitte, cela coûterait 800.000 francs. Qui sait s'il n'y aura pas, un jour, une grande hausse sur cette côte ? 300 arbres fruitiers : citronniers, orangers, pêchers, etc.

Et si, de plus, la lire baisse ? Incroyable de bon marché !

À Sori, un terrain seul coûte 35 lires le mètre carré ; cela fait 70.000 lires pour 2.000 m². Juste celui qui est derrière le Conté, là où il y avait un écriteau.

Du coup, j'en oublie presque ma souffrance.

Dieu, je serais si facile à contenter ! avec un palais !

Ivan

Crois-tu que l'on peut encore sauver quelque chose pour Marie Bashkirtcheff ? Il le faut ! Ô tourment  Je ne supporte plus d'être ici  Je voudrais rentrer à la maison la semaine prochaine, par exemple le jeudi 17. Quelle maison ? Sais-tu où je pourrais loger à Paris ? Écris-moi vite ce que tu en penses.

En Octobre 1935, David et son épouse partent pour l’Union Soviétique. Li David-Nolden est engagée au Théâtre National à Engels, Hans David devient directeur de la chorale allemande de la Volga.

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 13 octobre 35   MST p. 183/184

19, rue Raffet, Paris XVIème

Dimanche 

Cher petit Yvan,

            Je suis très attristée par la nouvelle que la Pitoëff veut jouer la Bashkirtcheff. La malchance, cette fois, est réellement bouleversante, mais vois, mon pauvre petit garçon, il se peut que la pièce viennoise déplaise, et alors tu pourrais encore arriver avec la tienne, à moins que tu ne te hâtes et paraisses le premier : car la Pitoëff semble, en effet, mettre cette pièce à son programme, mais ne pas avoir l'intention de la jouer en premier lieu. En tout cas, je ne puis faire grand-chose à cela . Même si je vais voir Alice Cocéa elle te connaît bien. Éventuellement, elle me jettera dehors parce que je suis une femme. Avec beaucoup de grâce, sans doute, si tout va bien. Non, il faut ici que tu voies toi-même ce qu'on peut faire d'autant plus que je crois ta présence utile pour l'appartement. J'hésite de plus en plus à louer celui du Quai aux Fleurs . Il y a beaucoup de bruit par devant, même pour toi ! on est obligé de fermer les fenêtres pour pouvoir causer, à ce que m'a dit imprudemment le propriétaire lui-même, ces jours-ci . En hiver, la Seine donne des brouillards. Sans doute, j'ai du soleil par derrière, mais tu vas recommencer à geler. Il y a aussi que l'installation du gaz est payante, contrairement à ma supposition, et le chauffage au gaz coûte cher. D'autre part, installer le chauffage central et les bains dans cette maison vétuste, peut-être pour peu de temps, cela profiterait ensuite, encore une fois, au propriétaire  Bref : j'hésite et je crois devoir attendre que tu décides (après avoir visité). Certes, il faudrait alors que tu viennes vite et, en conséquence, prendre quelque temps une chambre d'hôtel quelque part, tandis que je resterais rue Raffet, et j'incline de plus en plus à trouver que ce dernier appartement n'est pas trop cher car lorsqu'il faut payer 7000 plus le chauffage pour trois vieilles chambres, plus le déménagement, Dieu sait combien, l'installation électrique, le tapissier : de nouveaux papiers muraux, car là-bas il n'existe rien, des rideaux, des placards, l'impôt qui est de 5000, te non de 2000, etc..On peut dire que 9000 pour la rue Raffet, ce n'était guère excessif. Si seulement, on pouvait s'entendre avec Clauzel ! lundi, je lui enverrai la lettre contresignée par l'avoué.

            À présent, on trouve beaucoup de grands appartements, mais rarement de petits.

Je ne sais pas si Cogniat nme donnera les 200 francs vendredi matin (son jour de réception). Le mieux est que tu m'envoies un peu d'argent. Ici, il fait très froid. As-tu du soleil ? Travailles-tu ? Dans la Italia Letteraria a paru un grand article sur Chaplin et ma "célébrité internationale ". Et dans le dernier numéro, un superbe article de Carossa sur Rilke

            Gemma Luini, - tu te rappelles cette admiratrice de moi ? - veut écrire un livre sur moi. J'en suis presque honteuse. Devant de telles manifestations d'admiration, on se sent toujours si minuscule.

            Je continue à ne porter très bien corporellement et je deviens très gâtée. Aussi, sois sans aucun souci en ce qui me concerne. Espérons que ton âme est intérieurement aussi rose que la Casina l'est extérieurement.

                                                           En grande tendresse

                                                                                              Ta Zouzou

lettre d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du 13.10.35  MST p. 185

Sori, le 13 octobre 1935

Dimanche matin

Petit Zou,

À l'instant même, la lettre express. Elle me ramène à des pensées plus salubres . Vite la réponse :

            Demi- terme ou pas du tout.

            Voici ce qui plaide en faveur du demi-terme :

            1) Si je viens aussi à Paris, je peux habiter dans un hôtel quelconque. Je connais aussi un sculpteur à Boulogne , tous près, qui loue 1 ou 2 chambres charmantes.

            2) J'arriverai probablement à la fin de la semaine, en particulier à cause de Marie Bashkirtcheff. Je dois aussi aller à Nancy. Impossible de préciser déjà le jour de mon arrivée, vu que je n'ai pas 1 centime, et que Daniel, avant-hier seulement, m'a demandé 500 lires.

            3) Peut-être, tout de même, un chauffage à l'eau chaude ? Alors, cela durera longtemps.

            a) Combien coûte l'installation ? 2 500 ?

            b) Je crains, en effet, que le chauffage au gaz soit follement coûteux ! Tes poëles, le bain, la cuisine, 500 francs par mois, sûrement ! Par contre, le chauffage à l'eau chaude pourrait servir en même temps le bain et la cuisine. Comment ? Jadis, Hellessen avait à payer 500 francs de gaz. Non : le chauffage au gaz est impossible .

            Et tu ne pourrais pas te décider pour un petit poêle à combustion continue, à l'anthracite ?         

             Mais peut-être pourra-t-on reculer jusqu'à la fin de la semaine toutes ces signatures de contrats ? Dis pourtant à Migeon que je lui verserai volontiers de suite les 500 francs. Quel chiffre agréable !

            Je vais m'arranger pour arriver dans la matinée, et t'enverrai alors un pneu, pour que nous nous rencontrions.

            Je ne comprends pas ta question au sujet de la banque de Londres : les 12.000 francs = 180  livres y sont placés. Il faut les laisser dormir.

            Aujourd'hui je suis plus gai.

            Je voudrais envoyer cette lettre en express mais aucun courrier ne part avant demain matin. Je vais la porter au chemin de fer et la donnerai à un voyageur allant à Gênes. Espérons que ça ira.

            Comme c'est magnifique que tu sois si bien portante ! Magnifique.

            Et beaucoup de remerciements pour ton amour.

                                                                                  Ton

                                                                                              Ivan

À l'instant, deux exemplaires Paris-Soir Mais, 1,50 c'est trop cher. Les David les rapportent toujours à présent de Rapallo, où leurs parents séjournent.

                                                                                              Merci encore

Carte de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 13 octobre 35   MST p. 186

                                                                       Dimanche 13

Chéri,

            Encore une fois, j'ai passé l'après-midi à parcourir l'île Saint-Louis. Rien que des appartements a 10, 12 ou 15.000. Finalement, je suis passée, sans être vue par la concierge, dans la maison du Quai d'Anjou, dont l'appartement nous a échappé. Les gens déménagent après-demain et ils m'ont fait visiter : deux  pièces et demie, tout y est ravissant et remis à neuf par ces gens. Douche, waters, lavabo, délicieux.

J'avais le coeur très lourd. Pourquoi, à ce moment, ne m'as-tu pas laissé partir ? Mais ils m'ont dit qu'à cause des déchargements sur les quais, il y a plus de bruit sur le quai d'Anjou que sur le Quai aux Fleurs. Là-dessus, j'ai été tourner plusieurs fois autour de notre future demeure. Elle est joliment située et très appréciable, si seulement elle avait le chauffage et une salle de bains. Iil faut que tu viennes vite : éventuellement, un aller retour, en troisième classe.

                Momentanément je suis au Napolitain avec Jacques Audiberti. Il me conseille l'appartement, mais seulement si nous y faisons mettre le chauffage ; car le gaz est trop malsain et trop coûteux, et sans chauffage, l’appartement est invivable

                                                           Tendrement tienne

                                                                                  Zouzou

lettre d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du 15.10.35  MST p. 186/187/188

                                                           Sori, 15 octobre, 35

                                                           Mardi matin

Ma chère Zou

            Ta carte et  ta lettre de dimanche arrivent à l'instant, aussi vite que des express. Leur contenu coïncide tout à fait avec celui de ma lettre de dimanche, que tu as reçue tout aussi rapidement, je l'espère ? je m'inquiète un peu, car je l'ai donnée à un inconnu, à la gare, à dix heures, pour qu'il l'emporte à Gênes, et celui-ci a fait un salut très fasciste. Il inspirait la confiance.

            Dans cette lettre, je répondais à presque toutes tes questions : nous sommes d'accord pour trouver qu'il ne peut être question de chauffage au gaz je comprends aussi ta peur du changement de logis et surtout ta crainte de l'inconnu. Je redoute également pour toi les froides brumes nocturnes de la Seine. Et si réellement cela nous donne tant de peine d'installer et d'organiser quelque chose dont on est persuadé que ce n'est pas "pour la vie", il y a de quoi s'inquiéter. Je le comprends bien.

            Attends donc jusqu'à mon retour. Je ne puis encore préciser exactement le jour : je voudrais partir à la fin de la semaine, si l'argent arrive à temps . Dimanche, je ne peux pas partir, car, - étant donné que le train quitte Gênes vers 4 ou 5 heures, je voudrais consacrer la journée (de 10 heures à 4 heures) à faire là-bas des achats (Instant-Café, etc. et billets de chemin de fer). Je ne pourrai donc partir que lundi, mais c'est le dernier délai ; je serais mardi matin à Paris. Je t'attendrais pas exempt à 10 heures, au Café-Tabac de la place du Trocadéro.

            Ces deux jours y compris le dimanche n'ont plus beaucoup d'importance. J'avais fait un grand pas : j'ai commandé à Rapallo, sur les conseils de David, un costume authentiquement anglais,dans une étoffe qui durera dix ans, tailleur de première classe, 350 lires, le même qui à Paris me coûterait 1000 . Le tailleur est un maître, un personnage d'Opéra ; quand je pense à la saleté que j'ai eue à Paris pour le même prix sur les Boulevards, et que je vais revendre, je l'aurai jeudi.

            Mon énervement à propos de Marie Bashk s'est quelque peu apaisé. Mais ce malheur a aussi éteint mon enthousiasme pour une maison. Oui, avec les droits d'auteur sur la pièce on aurait pu faire tout cela ! hélas !

            Peut-être peux-tu encore d'ici mon retour regarder autour de toi, à Neuilly, ne serait-ce que par curiosité. Fais un petit tour à droite et à gauche près,de la Seine, en arrivant à gauche du Boulevard de Neuilly, on a construit là de magnifiques maisons neuves .

            Rends donc une fois visite à Ophuls, Maillot 56-59, 10 rue Ernest Deloison, Neuilly . Ce qui ne veut pas dire que nous abandonnons complètement l'idée du Quai aux Fleurs . Mais, ne pas se fixer à tout prix.

            À oui, s'il y avait une entente sur la rue Raffet, est-ce que tu préférerais cela ? de toute façon tu n'es pas à la rue . Nous avons trois mois. N'est-ce pas ?

            Que Gémina Luini ait envie d'écrire 1 livre sur toi, je trouve cela splendide et plus que largement mérité...

Tu devras absolument l'y encourager. Grandiose !

Je te conseille aussi aller à la N R F : de là, tu pourras consulter sans frais toutes les coupures de presse sur le livre-Chaplin.

            Et ensuite, tu achètes les plus intéressants des journaux en question.

            As-tu reçu la lettre de Guttmann ? (*)

            Sotte, tu pourrais aussi bien aller lundi ou mardi chez Cogniat. ! Préviens-le par téléphone : ELY 93-64. Le jeudi seulement, il est à l'imprimerie.

            Va tranquillement voir Cocéa. De ce côté, il n'y a plus grand-chose à perdre, de toute manière. Je ne crois pas qu'elle jouera cette pièce sinon, j'irai la voir avec toi, mardi après-midi. Cela t'intéressera et nous n'y retourneront tout de même jamais plus

            La traduction avance convenablement. Presque page 300. Le plus difficile est fait.

Ici aussi, il continue à pleuvoir. Plus question de la mer ni du soleil. Mais les pentes sont toutes vertes, pleines de nouvelles fleurs. Vraiment, un second printemps ! Pour cette terre-ci, l'été était pays béni !

            La minestra a toujours bon goût. Et cela d'autant plus que je te sais momentanément bien portante.

                                   Je te prends dans mes bras

                                                                                          Ivan

(*) Bernard Guttmann, écrivain et journaliste. Correspondant du Frankfurter Allgemeinen Zeitung à Londres, Berlin et Paris

Ivan rentre à Paris le 22 octobre.

de novembre 1935 au 1er janvier 1936, il habitera dans la maison d'un ami sculpteur tout près de Paris (Boulogne)

Claire habite 19, rue Raffet puis 19, rue Copernic

lettre d'Audiberti à Claire du 2 novembre 1935

            Liebessima Claire !

on me dit que vous êtes malade. Etes-vous malade - malade ou seulement malade ?Je veux dire, est-ce grave, inquiétant, ou seulement - et fâcheusement, bien sûr - une manifestation de votre coutumière fragilité ? Un mot pour me rassurer, je vous prie. J'étais étonné de ne plus recevoir de vous quelque bleue petite lettre si chaude au cœur.

            Donnez-moi de vos bonnes nouvelles, bien chère amie,

                        et sachez que je pense à vous

                                               Audiberti

SDdV Aa38 (187)  - 510.299 III

lettre d'Audiberti à Claire du 12 novembre 1935 [mardi]

            Chère amie,

Bien que vous soyez, à mon égard - non, je ne veux pas dire ce que vous êtes - je vous écris deux mots, pour vous dire que j'ai très mal dormi, moi chanteur de la solitude. Rendez-moi deux services (vous allez dire non, n'est-ce pas ? C'est mon habitude d'entendre qu'on me dise non). Indiquez-moi, si vous le pouvez, le dispositif de double vitre dont vous m'avez parlé, et puis, ne montrez pas cette lettre (je veux dire, celle que j'ai la faiblesse de vous remettre)

                        Je ne baise pas vos mains.

                        Je ne vous dis rien d'agréable

                                              

                                                           J

SDdV Aa39 (190)  - 510.299 III

                                                           1936

1er janvier : Yvan et Claire louent un logement 37, Quai d'Anjou

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 2 janvier 1936 ImsL p.387/388

                        

                                                           Iwan

à traduire

* Ma mère part ce soir

Paula Ludwig  Ehrwald  à Ivan à Paris  lettre du 2 janvier 1936 IsmL p.388 à 391

à traduire

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 janvier 1936 ImsL p.391

                        

                                                           Ton Iwan

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17 janvier 1936 ImsL p.392/393

                        

                                                           Ton Iwan

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 janvier 1936 ImsL p.393

                        

                                                           Paris, Jeudi [23.1.1936]

                                                                       Ton Iwan

à traduire

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 29 janvier 1936 ImsL p.394

                                                                                   Paris, mercredi

                                                                                  Ton I.

à traduire

lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 30 janvier 1936 [jeudi]

            Cher Ivan Goll,

Je vous parlerai de ce que vous me dîtes dans votre si belle, si juste lettre, quand bientôt, j'irai vous voir, berger d'hexagones, ami de la Seine. Je suis bien fatigué par la bronchite,  bien fatigué par un déménageur (" Nous, c'est moralement que nous déménageons…") Certes, la révolution n'est pas finie. Elle commence (Quand je parlais de réaction, je parlais d'un certain formalisme substitué à un certain manque de formalisme, mais nous reparlerons de ces choses)

            J'ai bien reçu les épreuves. Je vous annonce tout de suite qu'il y a, sans compter la dernière, dont vous me dites qu'elle est à la composition, encore deux ou trois strophes à rajouter. Je vous les enverrai insérées à leur place exacte dans le poème.

            (Vous pensiez bien, n'est-ce pas ? qu'il était loin d'être fini)

                        Bien cordialement l'amen, cher oiseleur de fumées qui savent où elles vont, o l'auteur de Thanatos en pleine course, que j'aime tant

                                                                       Audiberti

SDdV Aa40 (194)  - 510.299 III

lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 1er février 1936 [samedi]

            Cher Ivan Goll,

et voici la catastrophe. Ecoutez, je ne pouvais laisser le poème tel quel…

Ce n'était rien, rien qu'un thème, un tremplin. Il part, maintenant, il est parti. Il se compose donc de 15 strophes que voici, plus celle que vous avez entre les mains (ou dans un tiroir ou dans un vieux soulier). Je me rends bien compte que c'est tout un nouveau travail pour l'imprimeur, et un retard pour la revue. Mais je ne pouvais pas faire autrement. Je suis bien certain, d'ailleurs, que vous aimerez beaucoup plus cette présente version.

            Je serais très content d'avoir de nouvelles épreuves, non pour les chambouler encore, mais dans l'intérêt de Jeune Europe, de la poésie et du mien.

            Je vous serre très cordialement la main, Ivan Goll, et vous prie de m'excuser mille fois

                                                                      

SDdV Aa41 (194)  - 510.299 III

Les Nouvelles littéraires n° 694, 1er Février 1936. Direct. Maurice Martin du Gard.

Ivan Goll : La Chanson de Jean sans Terre

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 1 février 1936 ImsL p.394

                                                                                  Paris, samedi soir

                                                                                  Ton I.

à traduire

Pneumatique de Claire à Ivan Goll à Paris 3 février 1936   MST p.188/189

                                                                       Lundi 11h30 [3.2.36,19, rue Copernic]

           Chéri

Je me suis rendue libre pour toi ce soir et je t’attends donc chez moi à 8 heures et demie . S'il te plaît, apporte une grande de faim, et aussi l'autre coquillage, mais sans Vénus !

            Je voudrais vivre encore une fois la belle indécision d'hier.

            La dernière page de la nouvelle est peut-être terminée ?

            Un salut à la blanche feuille de trèfle, de la part de celle qui t'est tendrement dévouée,

                                               Suzu

lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 4 février 1936

                                                                       [ 4.2.36] ?

            Cher Ivan Goll,

encore tout charmé de cette heure (plutôt deux qu'une) au bord de la Seine, je vous

envoie ce petit souvenir. Si vous avez une gomme, passez la sur le crayon. Merci.

                                   Et bien cordialement

SDdV Aa40 (198)  - 510.299 III

Du 5 février au 25 mars, Yvan vit chez Paula Ludwig à Ehrwald

lettre d'Ivan Goll, Landeck à Claire 19, rue Copernic Paris du 06.02.1936  MST p.189

                                                                                              Landeck, 6.2.1936

                                                                                              12h (11h en France)

L. Z. [Chère Zouzou]

Je viens à l’instant même d’arriver à la gare de la vallée. Départ retardé : toute la nuit allongé, endormi. Presque comme un wagon-lit.  Peu de passagers. Hier ! une heure d’arrêt : je le  découvre municipal, bizarre.  Et il me vient à l’esprit que j’ai naturellement oublié le plus important, mon complet de sport habituel : il est plus important que mon pantalon de Golf : s’il te plaît, envoie-le moi tout de suite comme échantillon sans valeur. Ce ne fera pas un paquet volumineux. Je peux me passer de la veste .Envoie-moi aussi s’il te plaît. les longues chaussettes blanches que tu trouveras dans ma nouvelle armoire.. Merci.

            Je pensais très fort à toi et à tes grands yeux dans le bleu de la nuit de la pleine lune, mais ils ne doivent pas pleurer, n’est-ce pas ?

Si j’en ai encore le temps, je m’occuperai aussi de l’étoffe.

                                                                                  12h (11h en France)

L. Z. [Chère Zouzou]

Ivan Goll Ehrwald/Tyrol à Claire 37, Quai d'Anjou Paris du 08.02.1936  MST p.189/190

                                                                                             Ehrwald, 8.2.1936

Chère Zou,

Après un jour de neige et de tempête, le soleil le plus merveilleux rayonne aujourd'hui de toutes parts : nous avons même pu ce matin, prendre le petit déjeuner sur le balcon. Paula dit que sous ce soleil de février, on brunit vite, parce qu'en cette saison, les rayons ultraviolets sont plus actifs ; quel dommage, petite Zuzu, que tu ne puisses prendre ta part de cet air et de ce soleil, et de cette abondance de lait et de ces montagnes de beurre : pourquoi faut-il toujours que chacun de nous soit heureux à sa manière, et n'ait pas le droit de partager avec l'autre, comme il le voudrait, ses jours de bonheur. Et pourtant, ces expériences n'existeraient pas, si chacun n'avait justement conquis pour lui-même et à sa manière d'autres univers humains, d'autres fragments de la planète.

Ainsi que l'enrichissement et l'achèvement soient pleinement accordés à chaque partie de notre alliance amicale. C'est là l'avantage que présente notre philosophie de la liberté, sur la morale bourgeoise de la persistance, qui, elle aussi, a certains avantages.

            Je ne me suis pas encore risqué à faire du sport. Mais j'essaierai bientôt les skis de Friedl.Nous ferons aussi de la luge.

            Ehrwald est paisiblement enneigé et abandonné. Ici, personne ne s'occupe de ses semblables. A l'hôtel, il y a quelques françaises qui sont très courtisées.

            J'ai oublié tout ce qui est important : pour travailler à la maison, ma robe de chambre rouge me manque. Ne pourrais-tu, s'il-te-plaît, me l'expédier vite ? j'espère que cela ne te causera pas trop de travail. A part cela, comment vas-tu ? Comment tes visites se sont-elles passées ?

                        Tendrement

                                   Mignon

Ivan Goll Ehrwald à Claire  Paris du 10.02.1936  MST p.190/191

                                                                                              10.2.1936

                                                                                              Lundi soir

Chère petite Suzu                                                                             [Ehrwald]

            Il faut que je te renseigne plus en détail sur cette belle existence que je mène à Ehrwald. Hier et avant-hier, nous avons eu deux magnifiques journées de soleil. Dès 9 heures du matin, le soleil flambait au-dessus des montagnes neigeuses. Le ciel était d'un mauve joyeux, jamais vu encore. Et dans les endroits abrités, le soleil était si chaud qu'on pouvait s'y exposer tout nu. Mais il paraît que de semblables journées sont rares en février : en mars, par contre, elles sont très fréquentes. On affirme que je suis déjà bruni.

            Et maintenant, j'apprends réellement à faire du ski. Tout d'abord, j'ai hérité des skis et du costume de skieur de Friedl. Je t'enverrai bientôt une photo de mon coquet équipement.

Les guides de montagne et skieurs, Mertl et Lucki, sont les meilleurs compagnons de beuverie de Paula, pendant ses mois de solitude. Ils restent assis longuement dans le "Gasthaus in Stern" pour boire un bock. Mertl nous donne quelques cours de skis : quand j'aurai bien appris dans la colline en pente douce, je pourrai plus tard faire des tours avec eux. Mais, j'en suis encore loin. Sur la colline d'essai, il n'y a pas le moindre danger. D'ailleurs, il faut attendre que la neige soit favorable.    

            Personne ne devinerait qu'on est si près de Garmisch. Comme je l'ai déjà dit, personne ne s'occupe de ce qui se passe là-bas. C'est la vie silencieuse d'un village autrichien, sans la moindre nuance politique.

            Naturellement, Paula m'a reçu tout à fait solennellement. On avait retardé l'arbre de Noël jusqu'au jour de mon arrivée (il était plus frais que le nôtre !) Et, nous nous sommes faits des cadeaux. Ta veste verte a produit une grande impression. Le coquillage rose a été  très bienvenu: nous avons feuilleté un manuel illustré et nous avons trouvé son image : il s'appelle "oreille de Diane".

            Je suis heureux que tu aies passé quelques bonnes soirées. Ne te laisse surtout pas envahir par le spleen.

            Après quelques journées consacrées à la joie du ski, je me mettrai à finir la traduction de César.

            Comment marche ta Nouvelle ? As-tu été chez Elie Richard ?

De temps en temps, tu pourras m'envoyer "Paris-Soir". Ici, le papier est très apprécié (pour le chauffage). Et les journaux allemands sont mauvais et coûteux.

            Je suis seulement peiné que tu m'aies expédié le costume de sport complet : si cette lettre n'arrive pas trop tard, laisse la robe de chambre tranquillement pendue à son cintre. Entre temps, j'ai su m'organiser.

            Avec mon plus tendre souvenir,

                                               Ton

                                                           Iwan

Ivan Goll Ehrwald à Claire 19, rue Copernic Paris du 13.02.1936  MST p.192

                                                                                              Ehrwald Jeudi

                                                                                              13.2.1936

            Chère petite Suzu

            Merci pour cette triste petite lettre bleue qui me remplit de mélancolie, comme toujours, et pour le reste du courrier

            Il semble que Shermann soit devenu fou. S'il te plaît, mets dans une boîte aux lettres la missive ci-incluse à son client. Pour le tranquilliser, je lui ai écrit que tu me représentes à Paris. Laisse paisiblement déferler sur toi sa correspondance. Satisfais peut-être à l'une ou l'autre de ses petites demandes. Quand il viendra à Paris, tu pourras peut-être, tout de même, entreprendre avec lui quelque chose qui rapporte de l'argent. Mais ne lui révèle surtout pas le nom du journal n qui m'a écrit à cause de lui : dis que je ne t'en ai rien raconté.

            Merveilleux temps ensoleillé. Aujourd'hui, bain de soleil tout l'après-midi sur l'Alm (1800m). Puis, descente vertigineuse en ski, non sans peine, il est vrai.

            Je lis un livre merveilleux : "Schau heimwärts Engel" ! de Thomas Wolfe, un jeune américain. Edité par Rowolt. Si tu peux l'emprunter dans une librairie amie… Toute l'Amérique y est :psychologie balzacienne, plus le style de Joyce, qui est continuellement dompté

            Je pense tendrement à toi.

                                                                       Iwan

Ivan Goll Ehrwald à Claire 37, Quai d'Anjou Paris du 18.02.1936  MST p.192/193

                                                                                             Ehrwald, 18.2.1936

Chère Zou,

            Aujourd'hui, je t'envoie un nouveau poème de la Seine [1], pour te prouver que je ne vis pas seulement à Ehrwald, mais aussi, par instants, à Paris, Quai d'Anjou, en ta délicate présence. J'ai écrit cette chanson ce matin au réveil, d'un seul trait, et je crois, à vrai dire, qu'elle est bonne, bien que je n'aie pas encore le recul nécessaire.

            Depuis avant-hier souffle le foehn et la neige est rapidement devenue mauvaise. Il fait, à nouveau un temps tiède. Cependant, on attend une nouvelle neige (?). Le costume de sport que tu m'as envoyé me rend à présent les meilleurs services. Et la robe de chambre est arrivée à l'instant, en sorte que j'aurai maintenant de confortables matinées de travail. Merci, merci beaucoup.

            N'es-tu pas seule ? pas trop triste ? J'ai vu Dans la National Zeitung ta fameuse histoire de Jeanne. Comme elle est merveilleusement réussie !

                                   Je t'embrasse bien tendrement.         

                                                           Iwan

Ivan Goll Ehrwald à Claire Paris, Quai d'Anjou du 19.02.1936  MST p.193/194

                                                                                  Ehrwald 19.2.1936

                                                                                  [mercredi]

Chère petite Zouzou,

            Ce matin, la carte postale, si triste exprimant ton abandon. Et pourtant, que je t'ai écrit de choses ! Et j'avais l'impression qu'il y avait une déficience dans les communications postales. Dès samedi, je l'ai senti…

            Laisse-moi récapituler :

            Le vendredi 14.2. je t'ai expédié une longue lettre à Copernic, avec une lettre à Daniel et une à un client de Shermann. Régulièrement, tu aurais du la recevoir dimanche matin.          

            Samedi 15.2. une carte postale sur laquelle je te confirmais (également à Copernic) la réception du costume de sport, ainsi que la lettre du vendredi, qui t'annonçait qu'une lettre du lundi précédent t'attendait au bureau de poste Victor Hugo. 

            Mardi 18/2, j'ai envoyé une carte à Copernic, qui t'annonçait simplement que le même jour :

            Mardi 18/2, une lettre épaisse t'était adressée à Victor Hugo, avec une lettre pour Daniel et un poème  : Chanson des pêcheurs et des goujons.

            Tu vois donc que je ne t'oubliais pas, au contraire, j'étais encouragé par ta pensée et passionnément uni à toi.

            Redoutant que du courrier  se soit réellement perdu, j'adresse cette lettre Quai d'Anjou.

            Elle contient un nouveau poème : "Chanson des grues", dans laquelle je développe mon expérience au bord de la seine. Cela formera un cycle avec la "Chanson sur les Ponts" et d'autres  Il s'intitulera " Chanson de la Seine". Mais je n'ai aucune idée de ce que vaut ce nouveau poème. Je te l'envoie seulement pour rester en contact chaleureux avec toi. Pardonne si c'est manqué. Par ailleurs, j'attends que tu me fasses une critique détaillée, aussi bien de la Chanson d'aujourd'hui que celle d'hier.

                                                           En tout amour

                                                                       Ton

                                                                                  Iwan

Ivan Goll Ehrwald à Claire  Paris du 20.02.1936  MST p.194/195

                                                                                  Ehrwald 20.2.1936

                                                                                             

Chère petite Zou petite soeur ,

Ta lettre de mardi a balayé mon inquiétude. A présent, tu ne te plaindras plus de la rareté de mes lettres. Je t'inonde maintenant, à proprement parler, de ces feuilles vertes d'hiver. Mais je ne sais toujours pas exactement à laquelle des 3 adresses je ferais le mieux de les envoyer. Tu sembles ne pas aller très volontiers à la poste Victor Hugo.

            Je continue à travailler ferme au cycle de la Seine. Preuve, ce troisième poème, qui n'est en réalité pas nouveau, mais une fusion de deux précédents, celui "Sur les Ponts" et un que tu ne connais pas. Comment te plaira-t-il ? Il y a deux versions. Laquelle prendre ?  Aujourd'hui déjà, celui d'hier "Les Grues" me semble t'avoir été expédié prématurément. C'(est certainement le plus faible des trois. Je voulais fusionner en une vision les 3 concepts "grues" : oiseau, mécanique, putain. Entreprise peut-être impossible.

            Cette histoire de la note d'électricité m'irrite. J'espère qu'elle n'a pas provoqué la mauvaise humeur de la concierge ? Tu as bien fait de payer les 20 Frs.

            A présent, c'est la note du Gaz qui arrivera ces jours-ci. Environ 95 Frs. S'il te plaît, paye la de suite avec l'argent du 1er mars. De plus, je voudrais te prier de donner 10 francs à la concierge. Cela suffit.           Après que tu auras souscrit de l'argent de mars ta part et le montant du gaz, je te prie de m'envoyer le reste. Ce sera très maigre. Jusqu'à présent, je continue à jongler avec les 250 francs que j'ai emportés. Paula fait très bien la cuisine. Aujourd'hui, il y a un énorme chou-rouge avec du lard, qui suffira pour 2 jours. Le dimanche, nous sommes régulièrement invités chez une amie riche.

            J'ai pris très à cœur tes désirs de tissus.

            Magnifique, que tu aies découvert pour toi la piscine Molitor. Cela te procurera un renouveau de force vitale. Quand il fait beau, tu devrais t'y rendre à pied.

            Ici aussi, tout est devenu printanier. Ci-joint la première petite fleur qui s'est épanouie sous la neige.

                                               Ton tendre

                                                           Iwan

Ci-inclus, je t'envoie aussi la déclaration d'impôts. Je n'ai déclaré que ce que nous gagnons en réalité, afin qu'on nous respecte. Mais il faut que tu te renseignes auprès de la concierge sur l'adresse de notre nouveau Contrôleur des Contributions directes de Paris IV.

Cependant, expédie toi-même la déclaration : elle n'a pas besoin d'y jeter les yeux

            

Ivan Goll Ehrwald à Claire  Paris du 22.02.1936  MST p.195

                                                                                   Ehrwald 22.2.1936

                                                                                             

Chère petite Zou,

            Merci pour ta lettre de jeudi. Comme je suis heureux que tu déclares valable la "Chanson des goujons". Tu me donnes du courage. A présent, les autres.

            La critique du "Mercure de France" m'a amusé.

            Sur la carte de Flouquet, j'ai aussitôt rédigé ma réponse à l'enquête : la voici, adressée à Pulings, l'enquêteur. Mets-la dans une boîte aux lettres. Flouquet sera trop jaloux s'il apprend que je suis dans le Tyrol. L'autre fois, il s'est fort excité au sujet de mon voyage en Italie : et je ne puis payer l'édition ?

            Ah ! comme cela m'accable, que tu continues à être si malade !

Va donc vite, je t'en prie, chez ce médecin allemand qu'on t'a recommandé de plusieurs côtés : même si tu n'as pas confiance, il faut tout essayer. Et son influence psychique peut avoir de bons effets. Il paraît que c'est un type si consolant.

            Je pense à toi, plein de douleur et d'amour.

                                                                                              I.

                        

Ivan Goll Ehrwald à Claire  Paris du 23.02.1936  MST p.196

                                                                                  Ehrwald 23.2.1936                                                                                        Chère petite sœur,

Ta tristesse persistante à laquelle s'ajoute ta faiblesse corporelle me donnent un grand souci. Je t'entends pleurer dans les nuits. Je voudrais tellement te venir en aide. Tu es dégoûtée de tous les médecins. Je me demande si peut-être l'influence de ce sage et bon Jean Boos ne te ferait pas du bien. Ecris-lui que tu veux le voir. 17, rue Lévis, Paris XVII. Mais sois prudente.

            Sassia, qui était autrefois si généreuse, est devenue très jalouse à la suite de nombreuses désillusions. A présent, je ne sais pas du tout si elle est encore en voyage : Alger-Le Caire, etc.... Depuis Noël, je n'ai pas entendu parler d'elle. Mais tu peux écrire à Boos, que tu as besoin de le voir, en mon nom, à cause de Shermann, auquel il s'intéresse démesurément. Et comme celui-ci viendra prochainement à Paris, tu peux lui proposer de les réunir : dis-lui que je suis au Tyrol, etc...

            Après les 3 chansons, une pause subite s'est faite dans mon travail.

            Cette nuit, il a beaucoup plu ici et s'en ai fini momentanément des excursions à ski, etc. Par contre, nous avons eu quelques soirées de carnaval très animées, comme elles ne sont possibles qu'en Autriche. Il y a eu, presque tous les 2 jours, un bal masqué, une fois au "Gasthaus von Stern"   [Auberge de l'Etoile], puis au "Grüner Baum" [ L'Arbre Vert ].

            Tu sais que j'ai écrit quelque chose sur les déguisements et masques tyroliens, si dramatiques. Mes amies ont l'usage de se déguiser et se masquer ; ensuite elles se cachent et se cherchent l'une l'autre. J'ai participé à ce jeu. Un soir, j'étais costumé en vieille femme, avec tous les accessoires : jupon, jupe, châle, jabot de dentelle, chapeau, sac à main, parapluie, bas, gants : tout m'allait et c'était criant de vérité. Les gens du village se prêtent les uns aux autres toute leur garde-robe. Personne ne m'a reconnu. C'était charmant.

            Mais à partir du Mercredi des Cendres, Ehrwald redeviendra un petit trou silencieux et endormi.

            J'espère recevoir bientôt de meilleures nouvelles de toi et je reste

            celui qui t'aime toujours

                                               Iwan

Ivan Goll Ehrwald à Claire  Paris du 26.02.1936  MST p.197/198

                                                                                  Ehrwald 26 février 1936

                                                                                             

Chère petite sœur,      

            Tes lettres sont de plus en plus tristes et mon cœur de plus en plus battant. Tu ne dois pas t'abandonner à des pensées si sombres. Tu dois t'adonner aux forces de la confiance. Le printemps est proche et le Portugal nous fait signe...

            As-tu été chez le docteur ? Et as-tu écrit à Boos ?

            En ce moment, je suis dans une bonne "passe" de travail, comme on dit ici. En dépit du ski et du carnaval. L'atmosphère poétique est favorable.

Aussi, je continue à écrire des poèmes, même alors qu'ils ne sont pas toujours réussis. Pourquoi déconseilles-tu les chansons populaires, alors que sur les 3 chansons, 2 t'ont bien plu ? (il m'intéresserait, en outre, de savoir pourquoi la 1ère version de "Pont-Marie" t'a séduite et pas la 2ème. Dans quelle mesure la première est plus forte ?)

            A présent, voici un nouveau chant de "Jean sans Terre". Je suis absolument incertain de sa valeur. C'est toi qui décideras. Je crois que toute une série de chants analogues (Jean sans Terre au Ghetto, etc., etc.) pourrait constituer un bon cycle ? Tu remarqueras que ce nouveau chant a un rythme beaucoup plus strict que le premier. Je me laisse maintenant, très volontiers, séduire par la forme, qui n'est, à vrai dire, qu'une femme coquette, mais qui enflamme fort le poète.

            Mais peut-être cette Chanson du Pont, par laquelle je voudrais en finir avec le motif du pont, n'est-elle bonne qu'à jeter au fumier ? Je m'y attends.

            Merci pour les autres développements de tes lettres. Mais j'ai dû sourire du trait rouge dont tu as souligné l'information, qu'une des poésies publiées dans "Les Cahiers du Sud" portait en dédicace le nom de Thérèse Aubray. Voici l'explication. Tu pourras lire sur la première page de la revue que Th. A. fait partie du comité de rédaction. Or, tu sais que, dans le volume, une poésie lui est dédiée *. Elle m'a prié de lui laisser choisir les textes à reproduire dans la revue. Pourquoi pas ? elle a choisi justement le poème qui lui était dédié. Sinon, jamais un de mes poèmes n'aurait paru là-bas, peut-être. C qui, d'ailleurs, ne serait pas un malheur. Mais...

            Plus d'argent pour le port d'un exemplaire ? Pauvre malheureuse !

Mais à la fin de cette semaine, arrivera le chèque violet de Nice.

Prends pour toi, comme je te l'ai dit, ta part, paie le gaz et l'électricité, et adresse-moi le reste. Donne-au concierge 20 Frs. Car le 15 avril approche.

                        Je te serre sur mon cœur,

                                                           Yvan

"Le septuple Tour" : il y a dans le 1er poème  :

Il fait sept fois 

Le tour de la terre

[ Jean sans Terre sur le Pont ]

*Les Veuves, 31 ème poème du "Métro de la Mort".

24 février, premier poème de Jean sans Terre : J.s.T. fait 7 fois le tour de la terre

3 mars : 2 autres dont Dom Juan sans Terre et sans femme

Ivan Goll Ehrwald à Claire  Paris du 4.03.1936  MST p.198

                                                                                              Ehrwald, 4 mars [1936]

Chère petite Zou,

            Tes lettres se font plus rares. Ta dernière paraissait avoir été retardée, car elle m'annonçait l'arrivée des fruits confits de Nice, alors que déjà on s'inquiétait d'eux par télégramme. Comment as-tu pu attendre si longtemps pour me les annoncer ? Je n'avais pas encore rédigé ma lettre de remerciements, car je ne pouvais pas non plus supposer que ma mère enverrait déjà l'argent le lundi 24 ! Sans doute sur tes instances. Et celle qui t'était adressée devait provoquer une confusion complète ! J'avoue que ce fut le cas aussi dans mon esprit. Je ne sais plus du tout quand et quoi je dois écrire.

            Crois-tu que la carte d'anniversaire pour le 6 mars aura remis tout en ordre ?

            J'espère que tu as, au moins écrit pour arranger cela.

           Voici encore un chant de "Jean sans Terre".

            Sans doute, tu m'adresses des louanges pour le premier, mais elles ne sont pas très convaincues. S'il te plaît, dis-moi exactement ce que tu penses des 3 poèmes, et si je ne m'expose pas, dans ces eaux, à un danger réel. Tu t'exprimes trop peu, et tu n'es pas assez attentive aux vers. Est-ce qu'ils ne t'intéressent pas ? Ou désires-tu ne pas me désillusionner ?

            J'ai été très heureux d'apprendre que tu vas mieux, et qu'en outre, tu as été bien soignée.

            Ton état moral semble aussi être redevenu plus ensoleillé.

            Ici le foehn souffle à travers la maison et le cœur.

            Qu'il porte mon baiser jusqu'à toi.

                                                           Yvan

Merci pour Paris-Soir

Ivan Goll Ehrwald à Claire 19, rue Copernic, Paris du 06.03.1936  MST p.199/200

                                                                                             Ehrwald, 6 mars [1936]

Chère petite Zouzou,

            

            Encore aujourd'hui, pas de lettre de toi.

            La communication avec Nice-Nancy est complètement interrompue. C'est grave. Comme je te l'ai dit, tu ne m'as jamais fait savoir si les fruits confits étaient arrivés. Aujourd'hui, je ne sais pas s'ils sont encore dans le Midi ou non. Que dois-je écrire ?

            Voici, peu à peu, un nouveau Chant de "Jean sans Terre". Si je t'ai priée, dans ma dernière lettre, de discuter ces poèmes avec moi, à fond, c'est parce que j'ai réellement besoin d'une directive. Tu auras sans doute remarqué que ce thème lyrique se développe lentement en une œuvre assez grande, dans laquelle je voudrais dire tout ce qu'on peut dire à un homme d'aujourd'hui. Je reprends et rassemble en un tout les contenus de centaines de petites poésies éparpillées que je n'ai jamais achevées, et je cherche à leur donner une forme définitive.

            Bizarre, peut-être : la forme rigide m’est extraordinairement utile et ne me freine à aucun moment, mes idées sont aussi libres et faciles  à exprimer que précédemment dans le vers libre. Je voudrais apprendre de toi si je ne me trompe pas. Je t'en prie, donne-toi cette peine et soumets le tout à une réflexion sérieuse.

Il n'est pas encore nécessaire de montrer ces Chants à d'autres, tels qu'Audiberti, etc.. Je te prie de n'en rien faire.

            Je continue à travailler. Finalement, qu'est-ce que ça peut faire, même si je me trompe ? La neige et le soleil ne me détournent guère de mon chemin.

                                                                       Tendrement ton

                                                                                              I.

            J'envoie cette lettre rue Copernic, car il me semble que tu vas maintenant plus rarement Quai d'Anjou.

            Tes corrections sont-elles arrivées de Bruxelles ?

            As-tu envoyé ma lettre aux Döblin ?

            Je n'ai pas reçu le numéro des Cahiers du Sud.

            N'envoie Paris-Soir que lorsqu'il s'y trouvera quelque chose d'important, pas régulièrement : le port est si coûteux.

            Reçu les 131 schilling : et avec ça, je dois tenir pendant 31 jours ! ici ou là !

            Je donne à présent des leçons de français à une dame : à 3 schilling. De quoi payer mes cigarettes.

            A l'instant je trouve à la poste la lettre ci-incluse de Jahr-Salzburg, avec échantillon.

            En effet, je ne suis pas passé par Innsbrück, car je me suis arrêté à Landeck, où le train arrive une heure avant, et d'où un autobus conduit maintenant à Ehrwald.

            Rien que le voyage jusqu'à Innsbrück coûterait 25 schilling.

            Réponds, s'il te plaît, et renvoie la lettre et l'échantillon.

(Les boutons ne sont pas encore arrivés à ce jour).

Ivan Goll Ehrwald à Claire 37, Quai d'Anjou Paris du 7.03.1936  MST p.200/201

                                                                                             Ehrwald, 7 mars [1936]

Chère Zou,

            Encore une journée sans lettre.

            A présent, tu inaugures la lettre hebdomadaire. Bon. Je me suis seulement énervé à cause de Nancy, et  finalement, aujourd'hui, dernier délai, j'ai rédigé une lettre au petit bonheur. S'il te plaît, lis-la exactement, ce que tu ne fais pas toujours. Je crois que Daniel commence à être très méfiant, et si tu trouves une faute quelconque dans cette lettre, ne l'expédie pas. Mais, fais-moi savoir aussitôt en quel sens je dois écrire.

            Malheureuse : un nouveau Chant de Jean sans Terre te choit aujourd'hui sur la tête ! Peux-tu te représenter ce qu’aurait été notre petit univers si depuis vingt ans j’avais fait des poèmes sous cette forme ? Peut-être alors te serais-tu détournée de moi beaucoup plus tôt.

Mais ne t'endors pas, ne baille pas. Malgré ce ronron, tu trouveras, de-ci de-là une pensée bien construite et une strophe pleine de sens. Heine a bien écrit « Deutschland » de cette manière. Et tous les autres. Tout dépend de la construction et du sens - de cela, je suis de plus en plus conscient.

            Surtout ne crains pas que le public s’ennuie : tel est le  secret d'œuvres plus secrètes. En outre cela ne va pas continuer longtemps de la sorte. Il y aura probablement 7 Chants en tout, sur lesquels tu en possèdes 5. Et je sais dès à présent que certaines des strophes devront être rayées ou changées ou remplacées, parce qu'on les a dactylographiées trop tôt.

            Je pense que tu me feras savoir comment tu vas.

                                                                       Ton Iwan

            Les boutons d'argent t'ont été expédiés ce matin

Ivan Goll Ehrwald à Claire 37, Quai d'Anjou Paris du 11.03.1936  MST p.201/202/203

                                                                                             Ehrwald, 11 mars 36

Chère petite sœur,

            Merci pour tes lettres de vendredi et de lundi, entre lesquelles il est survenu un si grave événement historique [2]. Il est d'une très grande portée, mais il ne conduira pas à la guerre! Encore une fois, la réaction des gouvernements occidentaux sera tiède, bien trop tiède : on le remarque déjà à l'attitude de l'Angleterre .On écoute Hitler, on pèse ses paroles : on réfléchit ! au lieu d'ordonner aussitôt, avec une énergie de fer : "Halte-là ! Cette fois, non ! Arrière ou…",  Mais devant ce "ou", tout le monde a peur, et il est pénible de lire que même le ministre français de la guerre apaise le pays, cherche à expliquer que l'occupation de quelques forteresses à l'Est était prévue de toute manière. Encore une fois, ce tour de Hitler paraît presque réussi. Il ne lui arrivera rien. Il a eu raison !

            Ainsi donc, les choses n'en sont pas encore arrivées assez loin pour qu'on s'inquiète. Je suis attentivement le déroulement de la situation. on négociera de nouveau - ce qui était démilitarisé sera remilitarisé. Ça dure ainsi depuis 15 ans - jusqu'à ce que ça explose. Mais sans crier gare. Quand ça lui plaira. Les démocrates sont bien trop convenables pour pouvoir s'entendre avec des démons.

            Je crois que nous pouvons continuer, encore un bout de temps, encore un bout de temps à faire des poèmes. Plus très longtemps. Mais juste assez longtemps pour qu'on ait vidé son cœur. Après nous le déluge. Tu as tort de croire qu'on n'a pas le droit de se contempler dans un miroir : qu'y a-t-il de mieux à faire, je te prie ? Je veux dire : de mieux, qu'écrire des poèmes comme "Jean sans Terre" ? Je te suis très reconnaissant de ta critique ; mais cette fois, elle ne me persuade pas et, Dieu merci, ne me décourage pas non plus. Je veux continuer à rimer aussi longtemps que ça ira : et voir ensuite, après deux mois de rafraîchissement, ce que vaut le vin. Il me semble malgré tout que la forme me fournit un grand appui et une économie des moyens de composition. Que reste-t-il alors de toutes ces choses sans forme que j'ai créées antérieurement, et les années précédentes ? Toujours, j'avais devant les yeux une grande composition poétique compacte, et toujours tout se dissolvait, parce que je n'avais pas trouvé de forme.

            Ne plaisante pas sur ce vers court. C'est une lame difficile à manier. Autant que je puisse m'en souvenir, cette strophe brève et rimée a souvent été employée dans les oeuvres classiques étrangères, comme par exemple le romancero espagnol, et - je te l'ai déjà dit - dans les longues compositions de Heine. Ou devrais-je peut-être choisir l'alexandrin ? Jamais !

            En admettant que, de ci de la, une strophe puisse être raturée, par exemple l'espagnole -  Et puis après …il subsiste tout de même quelques valeurs poétiques. Donc je continue, jusqu'à ce que je ne puisse plus. Et cela pourrait bien arriver assez tôt.

            Je sens mes forces m'abandonner. Mais je ne voudrais pas fixer une date d'avance pour mon départ d'ici.

            Il faut aussi qu'à ce moment, la traduction de César soit terminée. Il y a une chose que tu devrais, tout de même, me concéder : c'est que j'ai travaillé beaucoup et avec acharnement, et que ce n'est certainement pas du temps perdu.

            Chanson des Goujons et Chanson du Pont-Marie paraissent déjà prochainement dans un tirage à part des Quatre Chemins.

            Hier, un jour après leur réception, je t'ai envoyé les feuilles corrigées de "Métro", avec la prière de les faire suivre aussitôt à Bruxelles. Merci bien. Ainsi, à mon retour, j'aurai à m'acquitter  d'un joli service de presse.

            S'il te plaît, ne prends pas trop au sérieux la lettre du Dr. Mayer. L'homme et la lettre sont beaucoup plus inoffensifs que tu ne crois. Mais le "Don Juan sans Terre et sans Femme" doit t'irriter fortement. Je lui envoie une carte illustrée d'ici et je lui dis que j'aimerais bien mieux aller bientôt au Portugal qu'à Boulogne.

Ci-inclus, une lettre de Shermann, arrivée aujourd'hui. Il sera à Paris vendredi soir, comme tu peux le voir. Il ne faut pas que je le laisse tomber, il est le seul espoir qui me reste de gagner quelque argent. S'il te plaît, remplace-moi sérieusement auprès de lui, jusqu'à mon retour. Tu peux faire cela pour moi. Sinon, où serait la fraternité ? Je t'en prie, cultive-le soigneusement pendant quelques jours. Téléphone-lui samedi matin dès 9 heures, et dis-lui que tu veux le voir en mon nom. Vous pourrez déjeuner ensemble, dimanche. Tu peux lui dire aussi le nom du journal qui veut entreprendre  quelque chose avec nous : c'est Philippe Soupault qui est maintenant le rédacteur d'Excelsior (Petit Parisien, rue d'Enghien). Téléphone aussi, samedi matin à Soupault et va ensuite le voir, éventuellement, avec Shermann. Une conversation avec Soupault t'intéressera certainement, en même temps.

            Par ailleurs, je crois que Shermann, pour le début, sera un peu ladre, jusqu'à ce qu'il ait repris pied. Si tu ne lui téléphones pas, il nous échappera. Drach, qui est sans situation en ce moment, va vouloir le tirer à lui.

            Et voici une nouvelle lettre à mes parents. Quand leur as-tu envoyé la précédente (de samedi) ? Pas trop tard, j'espère. La chute des rentes de lundi est une belle histoire. Hélas, hélas, mes prévisions se réalisent …

            Comme je me réjouis de ta meilleure santé corporelle ! De ton Philipp, de tes perce-neige, de tes soirées chez Deharme et Desnos.

            Avant-hier, je suis descendu sur mes skis de la Stugspitze : excursion divinement belle, diablement fatigante. Tout s'est bien passé.

            Aujourd'hui, c'est de nouveau le printemps ici, et je t'envoie un petit zéphyr-baiser.

                                                                                              Iwan

J'écris à Salzbourg. As-tu reçu les boutons, as-tu choisi, et m'as-tu réexpédié le lot ?

Ci-inclus, les formulaires remplis : porte-les de préférence toi-même au bureau (renseigne-toi pour savoir où), la concierge n'a pas besoin de jeter un regard sur notre âge, notre origine, etc.

lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 14 mars 1936 ***

            mon cher Ivan Goll,

Vos vers me paraissent très significatifs de cette maladie que je vous ai communiquée, celle de la méningite chorégraphique, de l'algèbre mnémotechnique, de la périodicité du remords, de l'angle droit qui serait une circonférence, de la circonférence qui, dans le secret d'elle-même, se veut un paraphe tendu vers l'ailleurs, vers le sud sublime ou le nord le plus grand. Voilà bien des mots pour essayer de désigner l'aptitude prosodique que le mystérieux murmure des siècles humains nous confia pour que nous en fassions le meilleur usage. En réalité, il est bien inutile, sinon dans l'intention évidente de dresser un petit autel du pur verbiage, de s'embarquer dans un démontage ou une justification de ce procédé - la prosodie régulière - qui, comme la plupart des créatures de ce monde, comme toutes, puise sa plus efficace référence, et découvre aussi sa plus touchante excuse, dans ceci qu'elle existe. Tout ce qui existe est sacré, n'est-ce pas ? Tout ce qui existe, une punaise, un camembert, une sirène, un pied, un silence et la peur, renferme, suppose, oblige, annonce et remplace tout le reste de ce qui existe. Mets-toi devant un arbre, o Goll, et mange-le. Mange le des yeux. Mange le du cœur. Touche le tant que tu peux. Qu'il t'entre ! Qu'il te possède : son poids supputé… sa couleur percée … son branchage appris, et, sans doute aimé … ses feuilles comptées, et chacune écoutée …Et bientôt, son langage et, bientôt, sa chanson, de l'écorce venus par les chemins du rêve et de la contemplation … Le monde sur le plateau que portent les bras d'un arbre… Ainsi de la poésie classique …Un thème d'activité sensible, une déesse, un peu maigre et fade, de l'école, avec son organisme, sa façon générale, sa place dans l'espace, dans l'histoire. Eh bien ! si ce n'est pas la seule des déesses, si même ce n'est que la plus humble d'entre elles, si ce n'est pas la plus auguste des religions, si même ce n'est que le plus modique des ritualismes, contemplons la, pressurons la, visitons la, faisons la vibrer à fond, trions en toutes les odeurs de la semence, conférons lui, sur les ambigus divans des noces, toutes les attitudes possibles de la volupté et de la terreur et ne la laissons que comblée et vidée, son trésor en nous et le nôtre en elle, ointe d'humain des pieds à la tête, et nous-mêmes tout rayonnant des prestiges subli-physiques dont les rapports si poussés nous valurent le singulier revêtement. Tendons, avec elle, aux plus parfaites épousailles, non parce qu'elle est elle, mais parce qu'elle est une bête au torse de matière, aux ailes d'inconnu, et qu'un travail achevé, une passion emplie à ras bord, une totalité qui se conçoit et s'exprime, cela avance extrêmement l'homme vers la connaissance, c'est à dire vers le divin, c'est à dire vers la beauté.

Naturellement, on pourrait nous répondre que d'autres occupations, le billard, la philatélie, l'alpinisme, comportent les mêmes privilèges d'exaltation subjective, aux yeux des témoins attentifs qui, dans leurs mains, tiennent la terre, la même vertu spectaculaire. Rétorquons que la poésie est de race hautement royale et qu'il existe une hiérarchie dans les maîtresses symboliques qui attendent - et menacent - l'homme laborieux et créateur.

En ce moment-ci, je suis étrangement bien portant… Vais-je perdre une inspiration qui semblait assez liée à ce que de solitude et d'effroi perpétuels engendrait ma fatigue haletante? Par contre, je m'initie aux ennuis d'argent, sévèrement.

J'ai été chez vous hier, à dix heures et demie, mais vous n'y étiez pas (vous seriez bien surpris si je vous annonçais que vous y étiez…) J'ai salué avec sympathie la voiture d'enfant qui se trouve en-bas, dans le vestibule.

            Avez-vous toujours ma jeune fille, et meiner Baum [ mon arbre ]

Ne les perdez pas. Merci.

                        Herzlichst

SDdV Aa43 (200/201/202)  - 510.299 III

Ivan Goll Innsbruck à Paula Ludwig Ehrwald 24 mars 1936 ImsL p.395/396

                        

                                                           Ma

à traduire

Yvan chez sa mère à Nancy  [ 25 mars 1936 ] à son oncle (?)

Mes chers,

Vu tous ces bruits de mobilisation, je viens vous prier de tenir strict silence sur tout ce qui me concerne et où je me trouve. Si un avis militaire devait être envoyé à mon adresse, mettez le s.v.p. sous nouvelle enveloppe et envoyez-le immédiatement ici à l'adresse Daniel Kahn. Je ne sais pas encore ce que je déciderai et à quand mon retour. Il est sûr qu'une fois à Metz, il me serait plus facile de retraverser la frontière.

            La population ici est très énervée. En cas de guerre, je ne sais pas encore quelle marche il y aurait à suivre. Néanmoins tout n'est pas perdu. Nous avons encore tous un peu d'espoir. Quelques nouvelles de Metz nous feraient bien plaisir, peut-être un conseil émanant de la famille à mon sujet !

            Je vous réitère de ne répondre que vaguement à toutes les questions sur moi.                    Voici un Tischebof qu'on célébrera dans un état d'âme bien ressemblant à l'histoire. Tachez, sous toutes ces circonstances de garder le sang froid et une bonne santé. Je voudrais bien être autour de vous et suis pourtant si heureux d'être auprès de ma chère maman et de Daniel qui ne sait que faire pour moi.

            Je vous embrasse ainsi que toute la famille bien affectueusement

                                                                                              Mig

/ Détruisez toute notre correspondance aussitôt lue.

SdDV 510311

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 27 mars 1936 ImsL p.394

                                                                                  27 mars [1936]

                                                                                                [Paris]

                        Chère Palu

                                                           Iwan

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 29 mars 1936 ImsL p.394

                                                                                  Paris 29 mars 1936

                        Chère Palu

                                                           Ton passionné Ma

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 4 avril 1936 ImsL p.399

                                                                                  [Paris le] 4 avril 1936

                                                                                  [ Hôtel Majestic, Av. Kléber]

                        Chère Palu

            Je me réjouis de ton nouvel article.

                                               Ton inondé par la pluie Ma

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 9 avril 1936 ImsL p.400

                                                                                  Jeudi vert

                                                                                  [Paris  9 avril 1936]

                                                                      

                        Chère Palu

            Ton joyeux excité

                                               Ma

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 10 avril 1936 ImsL p.401

                                                                                  Vendredi-Saint

                                                                                  [Paris  10 avril 1936]

                                                                      

                        Chère Palu

            Palu, comme je t'aime !

                                               Ma

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 20 avril 1936 ImsL p.402

                                                                                  [Paris le] 20 avril 1936

                                                                                  [ Hôtel Majestic, Av. Kléber]

                        Chère Palu

                                               Ton frémissant (tremblotant  ?) Ma

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 24 avril 1936 ImsL p.402/403

                                                                                  [Paris le] 24 avril 1936

                                                                                  [ Hôtel Majestic, Av. Kléber]

                        Chère Palu

                                               Je t'embrasse                          Ma

à traduire

29 avril 1936, mort brutale à l'âge de 73 ans, de Daniel Kahn, beau-père d'Yvan

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 29 avril 1936 ImsL p.403/404

                                                                                  Paris  29 avril 1936

                                                                      

                        Chère Palu,

Mon adresse à Nancy :

Poste Restante, Bureau Saint-Jean, Nancy, Meurthe-et-Moselle, France

            Ton très abattu-brisé

                                               Iwan

à traduire

lettre d'Ivan Goll Nancy à Paula Ludwig Ehrwald 4 mai 1936 ImsL p.404/405/406

                                                                                  Nancy  4 mai 1936

                                                                      

                        Chère Palu,

            Ton tout frémissant

                                               Iwan

à traduire

Ivan Goll Nancy à Claire 37, Quai d'Anjou Paris du 4.05.1936  MST p.204

                                                                                 Nancy, 4 mai 36 [lundi]

Chère petite Zouzou,

            Rarement, j'ai éprouvé un sentiment si noir et si étouffant qu'hier après-midi après que tu m'eus laissé derrière toi - pour tout l'avenir me sembla-t-il - dans l'atmosphère grise de cette ville et dans le froid mortel de la maison maternelle.

            Pour me consoler, en quittant la gare,  j'ai voulu boire quelque chose d'intellectuel et j'ai acheté Les Nouvelles Littéraires. Et qu'y ai-je trouvé ?  Mes poèmes sur le Printemps et la Mort,  qui avaient certainement paru le 1er mai,  jour de l'enterrement du pauvre Daniel  (1) alors que je me trouvais effectivement en face du printemps et de la mort au cimetière de Préville !

            Ce matin, de nouvelles causes de souci s'abattent sur nous en tempête. Ces élections à la Chambre ! Je me suis battu comme un lion avec ma mère, qui ne voulait rien savoir et ne pensait qu'à sa douleur, et j'ai obtenu tout de même qu'elle m'autorise à placer une somme, comme j'en avais l'idée depuis longtemps.

            Dans ce but, je viendrai demain à Paris. Je pars à 8 h. 48 d'ici, suis à 13 h 18 à la gare de l'Est, m'acquitte aussitôt de mes affaires et repars à 18 h. pour Nancy.

            Si tu reçois cette lettre à temps, je te prie d'être au Café Napolitain à 3 H. Ensuite, je ferai encore un saut au Quai d'Anjou.

            L'action et le mouvement ont secoué l'abattement où je me trouvais.

                                   En tout amour

                                               Ton Yvan

(1) beau-père d'Yvan Goll

lettre 7 mai 1936 de Goll, Nancy à la Loyd and National Provincial, Paris

                                                           Nancy  7 mai 1936

                                                           Lloyds  and National Provincial,

                                                           Foreign Bank Ltd

                                                           Agence Paris

                                                           Paris

Je vous envoie ci-inclus :

18 Bons du Trésor                  4 ½  %  1934  à 1000  fr

                   01708813        à          01708820

                   01317282        à          01317286

                   01440453        à          01440459

5  Bons du Trésor                   4  %  1935      à 1000  fr

                   00609045        à          00609049

1  Bon du Trésor                    4 %  1935      à 5000  fr

                                           00089015

et vous prie de les vendre au mieux

à la Bourse la plus prochaine.

            En outre, je vous prie d'acheter

à la même bourse pour la contre-valeur du

rendement de ces Bons un chèque en Livres Sterling

sur Londres ou mieux,

et envoyez-le à mon compte de votre maison

de Londres : West End Brand, 72 Kaymarket

à mon crédit

            Comme je suis en voyage, conservez toute la

correspondance à ma disposition à vos guichets.

Et croyez à mes salutations distinguées

                                               Isaac Lang

                                               37 Quai d'Anjou

                                               Paris

Lettre d'Ivan Goll Nancy à Paula Ludwig Ehrwald 8 mai 1936 ImsL p.406/407

                                                                                  Nancy  8 mai 1936

                                                                      

                        Chère Palu,

            Ta fleur printanière

                                               Iwan

à traduire

Ivan Goll Nancy à Claire Paris, 31 rue Raffet du 8 Mai 1936  MST p.204/205

                                                                                             Nancy, 8 mai 36

Chère petite Zouzou

            Tous mes voeux de santé et d'amour dans ta nouvelle cellule (°), qui sera ouverte à tous les vents !

            Merci beaucoup aussi pour ta carte de beurre.

            Maman est maintenant un peu plus calme. Il s'est passé toutes sortes de choses que je te raconterai oralement.

            Nous partons dimanche matin pour Metz et je reviendrai probablement à Paris lundi. En conséquence, s'il te plaît, ne fais plus suivre de courrier

                                                           Ton un peu moins pâle

                                                                       Yvan

(°) Note de Claire : l'architecte parisien Germain DOREL avait bâti pour moi et m'avait offert un appartement "duplex", avec terrasse fleurie, ayant vue sur le Bois de Boulogne. Yvan et moi voulions faire un essai d'existence séparée.

Après cinq mois, [de mai à septembre 1936] nous retournâmes vivre ensemble.

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 15 mai 1936 ImsL p.408

                                                                                    [Paris 15 mai 1936]

                                                                                             

                        Chère Palu

                                                           Iwan

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 16 mai 1936 ImsL p.408

                                                                                  16 mai 1936  [Paris]

                                                                                             

                        Chère Palu

                                               avec mon salut d'oiseau

                                                           Iwan

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 mai 1936 ImsL p.409

                                                                                  Paris  23 mai 1936

                                                                      

                        Chère Palu,

            Ton Mignon

                                  

à traduire

carte d'Ivan Goll Nancy à Paula Ludwig Ehrwald 27 mai 1936 ImsL p.410

                                                                                  Nancy  27 mai 1936

                                                                      

                        Chère Palu,

            Dans cette ville, il y a une grande place totalement entourée de grilles  et de portails en fer forgé recouverts d'or que l'on doit à Jean Lamour. Dans laquelle, rêve de toi ton

                                                                                                                      Jean sans Terre

Ivan Goll Metz à Claire Paris,  du 28 Mai 1936  MST p.205

                                                                                             Metz, 28 mai 36

Chère petite Zouzou,

Partout, à chaque pas, je redécouvre les chemins, les routes, les rêves de mon enfance. Metz est vraiment une ville très vivante, et la nature qui l'environne pourrait bien nourrir et enchanter un cœur de poète. D'ailleurs, je n'ai aucune raison d'avoir honte de cette ville natale : non seulement Verlaine, mais aussi Gustave Kahn, le premier des symbolistes, ami de Mallarmé, et à une époque plus récente, de Ribbentrop et Adrienne Thomas ont passé leur enfance et leur jeunesse entre ces murs. Tante Gaby a collectionné pour moi ces certitudes historiques.

            J'aurais bien aimé partir dès demain pour aller te rejoindre - mais Mère désire que je l'accompagne demain, encore une fois, à Nancy, où elle doit faire beaucoup de commissions pénibles. J'ai donc décidé de rentrer à Paris dimanche : je prends le train à 12 h 03 et arrive à 16 h 45 à la gare de l'Est. C'est une heure où tu pourrais très bien venir me chercher à la gare : alors, nous irions ensemble prendre le thé Quai d'Anjou.

            En ce qui concerne l'argent, ma mère affirme qu'elle est obligée d'aller le chercher à Nancy : et demain, cela n'aura plus guère de sens de l'expédier extra : je l'apporterai dimanche avec moi. Ce jour-là, il me sera d'autant plus facile de partir que Mère sera emmenée par Edgard en excursion automobile dans le Luxembourg. J'étais invité aussi, mais tu vois ce que commandent mes sentiments à ton égard.

            Je me réjouis beaucoup de te revoir

                                               Yvan

Ivan Goll Metz à Claire Paris,  du 30 Mai 1936  MST p.206/207

                                                                                             Metz, 30 mai 36

                                                                                              [samedi]

Chère petite Zuzu,

            Je suis obligé de te décevoir terriblement : je ne peux pas encore revenir demain dimanche ! Crois-moi, c'est pour moi une plus grande punition que pour toi.  ! Mais les affaires règnent sur le monde, tu le sais (peut-être trop peu) : pour les autres, toute l'année, pour moi, parfois 3 jours à la Pentecôte.

            Comme tu le sais, j'ai été hier, avec ma mère, à Nancy. Là-bas, nous avons cueilli à la banque les gentils petits coupons multicolores. Alors, il s'est agi de les réaliser, et dans ce but, nous avons été, ce matin, jusqu'au poétique Luxembourg, où ces fleurettes printanières sont cotées plus haut que chez nous.

            Mais hélas, que notre déception fut grande : ce pays-la est si saint, que les bureaux y ferment dès le samedi de la Pentecôte, tandis que chez nous, et aussi, comme tu le sais, dans toutes les villes civilisées, ils restent ouverts jusqu'à midi. Résultat : un voyage pour rien. Il faut que nous y retournions mardi. Tu ne peux pas te représenter quelle torture a représenté pour moi ce voyage manqué et inutile en compagnie d'une femme hypernerveuse. J'avais dû me lever à 4 h 1/2 pour prendre le train de 6 h 50. Et nous étions déjà de retour à 11 h., pour prendre le train de 12 h 15 … et ces dépenses inutiles !

            Néanmoins, je ne dois pas me relâcher. Si elle s'habitue à entreprendre sans moi ce genre de choses, ma présence perdra plus tard toute valeur à ses yeux.

            En outre, pour le placement des fonds, il faut que je me tienne encore énergiquement derrière elle. Là, il faut, une bonne fois, dominer sérieusement la fameuse sentimentalité.

            A présent, j'aurais voulu t'envoyer aujourd'hui les 500 fr. en guise de consolation : mais, même en recommandé,, comme en mandat, ils ne te seraient pas remis un jour férié. C'est pourquoi, je préfère inclure ici 100 fr., et je te donnerai le reste mardi - car ce jour-là, je me rendrai directement à Paris.

            J'ai été très surpris que tu ne m'aies pas écrit un seul petit mot de tous ces jours-ci : pas fait suivre de courrier, pas de nouvelles de Shermann, Deharme, Mozart, ni de ta santé ! Et le chèque Brody n'est-il pas arrivé ?

            J'espère que tu ne passes pas là-bas une Pentecôte trop triste.

            Excuse et comprends l'importance de ma présence ici, surtout en considération de la semaine Blum, qui menace plus gravement. Et ne va pas croire que l'excursion automobile dont je te parlais dans ma dernière lettre me ravit ! L'atmosphère, ici, est telle que je sors de mes gongs et que j'en ai sérieusement mal au foie. Mais, c'est trop important !

                                               Je t'embrasse très chaleureusement

                                                                                              Yvan

carte d'Ivan Goll Echternach à Claire Goll, Paris 2 juin 1936 MST p. 207

                                                                      Mardi de Pentecôte

                                                                       [Echternach 2 juin 1936]

Etrange vision : des dizaines de milliers de pèlerins sautent, au son d'une polka, trois pas en avant et deux en arrière: symbole de toute notre Europe actuelle moyenâgeuse.

                                                                                  Cent baisers

                                                                                                          I.

carte d'Ivan Goll Echternach à Paula Ludwig Ehrwald 2 juin 1936 ImsL p.410

                                                                       Mardi de Pentecôte

                                                                       [Echternach 2 juin 1936]

La même vision de la procession des habitants d'Echternach : des dizaine de milliers de pèlerins sautillants au son d'une polka, trois pas en avant, deux pas en arrière : exemple de toute l'Europe d'aujourd'hui. Comme je serais heureux de vivre cette journée avec toi.

                                                                                  Ton I.

Goll est de retour à Paris le 4 juin, va à Nancy le 15 juin, retour à Paris où il reste jusqu'au 30 juillet. C'est le 30 juin que paraît : La Chanson de Jean sans Terre

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 4 juin 1936 ImsL p.410/411

                                                                       De nouveau Paris  19 juin 1936

                                                                      

                        Chère Palu,

            Ecris vite à ton triste Ma                  

à traduire

carte d'Ivan Goll Nancy à Paula Ludwig Ehrwald 16 juin 1936 ImsL p.411

                                                                                  Nancy  16 juin 1936

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                           Mignon

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 20 juin 1936 ImsL p.412/413***

                                                                       Paris  20 juin 1936

                                                                      

                        Chère Palu,

à traduire

Maintenant, la froidure de mai dans lequel ton cœur se glaçait est depuis longtemps passée et les ailes de ton esprit se mettent à frémir comme nos papillons de mars : l'été brûlant est là, le souffle de l'Etna, les feux de la Saint-Jean et les vers luisants doivent aussi nimber ta chevelure d'amour. J'espère voir les feux de la Saint-Jean chez mes chers parents patients ?…

Mais tu ne sais plus maintenant toi-même à quel saint te vouer. Tes quatre strophes de Jean sans Terre sont aussi sévères que lui-même. Et je deviens triste quand j'y pense comme si la mort pouvait anéantir notre été

à traduire

La critique du Frankfurter est très correcte et très soignée. Je te l'envoie à part. Ci-joint 20 sh. pour  les nouveaux flirts que tu dois rapprocher de moi.

                                                                                                                                 M.

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 7 juillet 1936 ImsL p.413/414**

                                                                       Paris  7.7.36

                                                                      

                        Chère Palu,

à traduire

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17 juillet 1936 ImsL p.415                                                                           Paris 17.7. [1936]

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                           I.

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 19 juillet 1936 ImsL p.415/416**

                                                                       Paris  7.7.36

                                                                      

                        Généreuse Palu,

à traduire

Je te raconterai la prochaine aventure de Jean sans Terre et de ton persécuté

                                                                                                                      Ma.

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 26 juillet 1936 ImsL p.417/418**

                                                                       Paris  Dimanche 26 juillet. 36

                                                                      

                        Chère Palu,

            Je pense à toi : je suis encore à Paris, et j'ai ta lettre de Saint-Jean qui m'est parvenue ici. Quel bonheur ! Je reviens ce matin de Nancy et j'étais très triste de n'avoir rien reçu là-bas.

Comme tu vois, c'est une affaire grave de retourner une expédition. Mais je reste encore quelques jours à Nancy; après l'adresse de ma mère ne sera plus valable, car elle s'installe à Metz. Les deux villes sont seulement à une heure de trajet. S'il te plaît, écris-moi ta prochaine lettre à Metz, Poste Restante (France). Cela suffit.

"L'Enfant au Village" m'a diverti pendant quelques jours.

à traduire

Ivan Goll Nancy à Claire Paris,  du 31 juillet 1936  MST p.207/208/209

                                                                                 Nancy, 31 juillet 1936 [vendredi]

Chère petite Susu,

            Tout couvert et tout gris de la poussière des plâtres et du fatras d'un demi-siècle de désordre bourgeois, rongé de vert-de-gris et de rouille, je ne jette même plus un regard au-dehors, tant que tout n'est pas accompli ici. On ne peut pas se représenter ce qu'une économie ménagère conduite par des êtres primitifs et moyenâgeux peut engendrer de stupidités désespérantes, de crasse inhumaine - la description du tiroir dans Le Microbe de l'Or, est encore un conte de fées, à côté de la réalité que je trouve dans la demeure de ma mère.

            Par là-dessus, la pluie lorraine, cinq jours de pluie continuelle : grise et automnale, comme il n'en existe que dans ces régions. Mais elle m'a fait du bien, elle m'a lavé un peu, et purifié. Qu'aurait-ce été, s'il avait brillé un beau soleil du sud !

            Cependant, hélas, il brille ce vendredi matin et il me rend tout triste. Non seulement à cause de mon âme de mineur, mais encore parce que c'est demain l'ouverture des Jeux Olympiques et que le monde entier va crier à nouveau : C'est un temps pour Hitler ! Pendant six semaines, un ciel endeuillé s'est étendu sur l'Europe, mais à chaque date de triomphe nazi, Dieu sourit sur l'Allemagne. Il y a déjà trois ans que cela dure. N'est-on pas obligé d'y apercevoir réellement quelque chose de fatal ?

            Et, dans le monde, cela poursuit son cours ! Toujours plus mal, toujours plus dangereusement pour nous ! Est-ce qu'en Espagne maintenant, ne se forme pas un troisième front fasciste contre la France et contre la liberté ? Bientôt, nous serons pris comme des souris dans ce beau silo à blé.

            Comme je te l'ai déjà annoncé, nous irons demain et dimanche à Metz, 5 rue Dupont des Loges : mais je n'ai pas encore reçu, ici, que ta lettre d'hier, avec le maigre courrier. Merci. Tranquillise-toi d'ailleurs : le jour précédant mon départ, j'avais déjà expédié l'argent, - l'Argus, ta lettre est donc superflue.

            Le mardi, aura lieu le vrai déménagement. Tu sais ce que cela signifie.

            Je suis heureux que l'édition de Candide t'ait plu. Lis et deviens sage, apprends là, comment Voltaire, avec une simplicité grandiose, parfois presque naïve, traite des vérités des plus profondes, valable pour tous les temps. Candide reste pour moi le chef-d'œuvre de la littérature française.

            Une montagne de littérature classique s'est abattue ici sur moi. Je suis rompu. J'ai lu cette nuit, Boileau et Lamartine, en vrac : cela reste de la toile raide. Et pourtant, je veux m'occuper davantage à présent de l'étude des vieux maîtres : je connais bien trop peu Rabelais, Chamfort, Vigny.

            Une petite partie de la bibliothèque de Daniel pourrait être vendue. Un jeune professeur boira avidement à la source des précurseurs. Pour nous, ce n'était que du verbiage grammatical. Mais j'en traînerai une grande partie jusqu'à la maison.

            Hier, nous avons empaqueté le linge de maman - quelles magnifiques toiles anciennes, par instants : beaucoup de pièces qui n'ont jamais été touchées ni lavées depuis cinquante ans.

            Elle nous donnera tous les draps, torchons, etc. Ainsi que la célèbre théière. Et de la vaisselle.

            Comment vas-tu au point de vue santé ? Dans ta haute tour, si près du ciel, tu respires l'air de la campagne. N'aie pas trop vite la nostalgie de venir ici : tu tomberais dans une atmosphère affreuse.

            Je pense beaucoup à toi et j'aimerais, bien plus encore que les années précédentes, parcourir avec toi un paysage italien : mais la mort et le destin m'enchaînent sans condition à cette région sans âme.

            Mon âme ne s'en révolte que plus fort et voltige vers toi

                                                                       Yvan

lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Ehrwald 1er août 1936 ImsL p.418/419***

                                                                       Metz 1 août 36

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                                                                          Ma.

à traduire

Claire Paris à Ivan Goll Nancy  du 2 août 1936  MST p.209

                                                                                             [ Paris, 2 août 1936 ]

Laisse-moi venir à Nancy, je t'en prie; Je vais devenir folle ici .

Je t’en supplie, ne fais pas venir maintenant Paula . Tu le feras dans deux mois quand je me serai habituée au Quai Bourbon. Je ne peux plus, je ne peux plus vivre pour l’instant rue Raffet, Je préfère encore mourir. Je me cache toute la journée. Dès 5 H. je ferme les rideaux et les volets pour que l’on ne voie aucune lumière. Là je suis délivrée d’elle et je ne veux plus 

désormais la voir.  Plus tard mais pas maintenant. Je t’en supplie encore une fois. : Tu as maintenant une bonne excuse : Renvoie-la chez elle ! J’en ai beaucoup supporté toute une année, mes nerfs sont à bout et il va y avoir un malheur. Je ne peux pas vivre au Quai Bourbon à cause du poêle défaillant et parce qu’il n’est pas encore là. Séparons-nous, ensuite tu seras libre.. Mais délivre-moi d’ici.. J’ai jusqu’à présent tout fait par amour pour toi, fais maintenant le nécessaire à mon égard. Je suis très mal en point, je cherche maintenant la force qui me manque pour subsister

Suzu

Fais-moi venir vite !

Demander son avis à Nicole, s’agit-il d’un homme ou de Paula ?

Claire Paris à Ivan Goll Nancy  du 2 août 1936  MST p.209

J’ai vérifié si ça pouvait être le 9 octobre 1936 comme daté par Claire : improbable

                                                                                             [ Paris, 2 août 1936 ]

Laisse-moi venir à Nancy, je t'en prie; Je vais devenir folle ici .

Je t’en supplie, ne fais pas venir maintenant Paula . Tu devais partir dans deux mois quand j’aurais été habituée au Quai Bourbon. Je n’en peux plus, je ne peux plus momentanément vivre rue Raffet, Je ne peux plus qu’y mourir. Je me cache toute la journée. Dès 5 H. je ferme les rideaux et les persiennes pour que il ne voie pas la lumière. Ici, je lui suis livrée et je ne veux pas le voir maintenant.  Plus tard mais pas maintenant. Je t’en supplie encore une fois. : tu as maintenant un bon prétexte : Renvoie Paula chez elle ! J’en ai trop supporté pendant une année, mes nerfs sont à bout : il arrivera un malheur. Et je ne peux pas vivre Quai Bourbon à cause du poêle manquant et parce qu’il n’y a encore rien là-bas. Déménageons-nous, ensuite tu seras libre.. Mais fais-moi partir d’ici. Car enfin,j’ai fait à cause de toi, fais maintenant le nécessaire à mon égard. Je suis tombée trop bas, je n’ai plus la force de continuer à vivre

Suzu

Fais-moi venir vite !

Ivan Goll Nancy à Claire Paris du 4 août 1936  MST p.210

                                                                                 Nancy, 4 août 36 [mardi]

Chère petite Souzou

            Merci beaucoup pour ta lettre d'un dimanche de pluie. Je suis heureux que tu supportes si bien la solitude. Ton commerce avec Chateaubriand est précieux. Peut-être travailles-tu aussi ?

            Les grands d'aujourd'hui ne sont nullement aussi petits que tu le dis. Nous manquons de recul pour apprécier leur grandeur. Je parie qu'un Montherlant est égal à Chateaubriand puisque nous parlons de celui-ci. Peut-être même un Cocteau. Lis-tu, depuis trois jours son reportage : Tour du Monde en 80 jours dans Paris-Soir ? C'est tout aussi beau, si ce n'est même plus poétique que "L'itinéraire de Paris à Jérusalem".

Avant-hier, sa vision d'Athènes était un poème inimitable. Il a également senti remarquablement Rouen. J'ai gardé ses articles, si tu ne les as pas ?

            Je ne veux rien te dire de ma situation ici : je suis moralement si brisé, je me sens si abaissé, humilié par toute cette atmosphère, qu'il m'est impossible de reprendre un peu de gaieté. La douleur, au lieu de rendre ma mère plus sage, l'a rendue encore plus "rapiate", encore plus impitoyable, encore plus nerveuse que naguère. Le ton des paroles, le train de vie, chaque parole, chaque geste, sont pour moi des gifles. Je ne puis me risquer à te faire venir ici : tu aurais à subir d'indicibles tourments. Je préfère revenir à Paris la semaine prochaine, je te propose un séjour de vacances, le 15 si le temps ne veut pas redevenir beau. D'ailleurs, le 15 tombe un samedi. On le remarquera à peine. Puis nous ferons des projets pour la suite.

            Demain, transfert définitif à Metz, 5 rue Dupont des Loges.  Adieu, Nancy, prison dorée - porte Stanislas. Il s'en ouvre une plus noire à ton

                                                                                  Yvan

            

Ivan Goll Metz à Claire Paris du 6 août 1936   MST p.211/212 ****

                                                                                 Metz, 6 août 36 [vendredi]

O petit cœur,

            L'averse de tes larmes a ébranlé ce matin, en une heure étrange, les fondements et les caves de cette maison natale dans laquelle j'ai de nouveau dormi en qualité de fils, pour la première fois depuis trente ans : ta lettre, féconde et lourde d'un amour contenu depuis vingt ans, a touché ma vie même, juste comme je dressais un bilan mélancolique.

            Après les jours noirs que je viens de vivre - noire comme le Tischo Beav - ton amour s'est ardemment rappelé à moi : une grande porte claire née de ma sombre jeunesse. Et rappelle-toi avec quelle force et quelle ferveur, avec quelle ruse et quel désespoir j'ai combattu pour toi. C'est pourquoi, on n'a qu'un seul grand amour dans sa vie : parce que l'énergie humaine ne peut parvenir deux fois à cette intensité.

            Par toi, j'ai appris à connaître les parfums des fleurs, le nom des oiseaux, la puérilité des femmes, les Lieder de Schumann, tels que les a sanglotés une gorge tremblante… Par toi, j'ai été délivré de la cécité de notre temps et de la malédiction du sang qui naguère a abreuvé toute la terre …

            Vois donc, mon petit cœur ! ne pleure pas des larmes si insensées. Nous nous appartenons l'un à l'autre jusqu'à la mort, qui en aucun cas n'est plus lointaine, dût-elle se faire attendre encore quarante ans ! Car dans une existence humaine, il n'y a pas autant d'expériences à faire qu'on le croit. Seule la première est grande !: toute répétition a perdu la force lumineuse et la robuste foi de la première.

            Si tu demandes si je suis heureux - en un temps où tu es loin, loin de moi, et si triste - je ne puis malheureusement pas nier, pas complètement, que je le suis. Mais cela ne provient pas du fait que je ne peux plus t'accorder ma protection aimante, ou que je pourrais en aimer d'autres mieux, - la cause en est toujours restée une grande énigme pour toi. "Je solliciterais vainement d'être introduite devant tes yeux … " écris-tu. "Toujours, on s'égare avec toi et on ne sait où on va ".

            Ne pourrais-tu écrire la même chose des yeux d'un chat (que nous avons si souvent loués, presque enviés ?).

            J'ai toujours été un solitaire, sauf avec toi. Toute ma jeunesse, je me suis assis à une table familiale où l'on criait et se querellait ;  j'ai dû m'évader, et j'ai construit en moi les collines d'Arcadie artificielles.

            C'est ainsi que je suis devenu un isolé. Aujourd'hui, précisément, je comprends à quel point ce masque était et demeure nécessaire.

            Auprès de toi, j'ai vécu simplement et avec des yeux chaleureux, brûlants. ici, ils redeviennent de verre.

            Mais combien je suis heureux, quand je puis à nouveau rêver dans la prairie, sans me cuirasser, sans me boucher les oreilles. De là, mon être, qui n'est pas double, mais qui a un visage et un masque.

            C'est par la dureté que je suis devenu solitaire. Ah ! quand je n'ai plus besoin de l'être, quand je peux me blottir dans la chaleur infinie de la Femme, quelle molle tendresse apparaît dans mes yeux ! Comme je me donne volontiers, moi qui étais si réservé.

            Mais, prends garde à la nuance : "me donner" est autre chose que "donner".

            De quoi parlons-nous ? Si je suis heureux ? peut-être oui, parce que tu es toujours debout à l'arrière plan de ma vie, parce que tu m'éclaires, tu brilles sur moi :. Si tu n'étais pas en ce monde, j'y serais certainement l'Errant sans appui, qui depuis longtemps me guette au fond de moi. Tu es ma bouée, et tu n'as pas le droit de l'oublier jamais. C'est pourquoi tu n'as jamais à douter de notre amour,

            qui est aussi mouvant, mais aussi éternel que la mer

                                                                                  Ton

                                                                                              Yvan

Ivan Goll Metz à Claire Paris du 8 août 1936  MST p.212/213

                                                                      Metz, 8 août 36 [samedi]

Chère petite Souzou,

            Cela va déjà mieux moralement.

            Tes lettres bleues s'ouvrent devant moi, comme au milieu des nuages ces lambeaux de ciel nouveau qui font présager un temps meilleur.

            Nous allons voir un peu ce qui serait possible comme séjour à la campagne. En tout cas, pour ce qui est du 15, jour férié universel, où tous, du bourgeois à l'ouvrier, se donnent pour tâche d'aller se faire refuser par les hôtels bondés, nous le passerons tranquillement sur notre quai paisible. Ne m'as-tu pas dit déjà que, pour toi aussi, c'est un "jour rouge" ?

            J'ai écrit une nouvelle ballade, ce matin, de bonne heure. Regarde si elle vaut quelque chose.

            Ci-joint, mes deux derniers coupons, avant une attaque éventuelle au moment du départ.

            Ma mère est quelque peu apprivoisée.

                        Et je suis un peu plus calme

                                   et plein d'amour pour toi

                                                           Ton

                                                                       Yvan

lettre de Rebecca Metz à Claire Paris 9 août 1936

                                               Metz le 9 août 1936 [dimanche]

             Ma chère Claire,

            Merci d'abord, de votre si charmante lettre qui m'a fait un immense plaisir et si je ne l'ai pas fait plus tôt, ce sont les travaux de tous genres qui m'ont absorbée constamment. Je veux aussi vous dire combien mon cher Ivan m'a été d'un grand secours, car il m'eût été impossible d'entreprendre une pareille besogne sans aide. Grâce à Dieu, le ménage est ici maintenant, mais il y a encore beaucoup à faire, mais,ayant l'existence pour cela, je prendrai mon temps, puisqu'aujourd'hui, je suis absolument seule et pour longtemps peut-être. J'apprends avec peine que votre fragile santé est toujours très précaire, mais je sais que vous luttez avec tout le courage nécessaire, contre le mal si tenace qui vous accable. Prenez courage et soignez vous de votre mieux puisque pour vos travaux littéraires et de l'esprit il faut aussi être d'aplomb. Je vous renverrai Ivan avant la fin de la semaine, à mon très grand regret, comme bien vous le pensez. Recevez, chère Claire, mes baisers les meilleurs,

                                                                                                                                             R.

carte d'Ivan Goll  Metz à Paula Ludwig Ehrwald 10 août 1936 ImsL p.419

                                                                       Metz 10 août 36

                                                                      

                        Chère Palu,

J'espère que tu as reçu mes envois jusqu'à aujourd'hui sans retard.

Aujourd'hui seulement ce mot pour te dire qu'après-demain je retourne pour dix jours à Paris, pour y régler quelques affaires pour ma mère

Ensuite, je reviens en Lorraine et ensuite …

Donc, s'il te plaît, tout courrier chez mes parents

Saluts radieux à vous deux et à tous                                                                                               Iwan

carte d'Ivan Goll  Metz à Paula Ludwig Ehrwald 12 août 1936 ImsL p.420

                                                                        Metz 10 août 36

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                                                  I.

à traduire

Le 15 août Goll revient à Paris et il repart à Metz fin août pour emmener sa mère dans le sud de la France

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 19 août 1936 ImsL p.420/421/422**

                                                                        Paris 19 août. 36

                        Chère petite Paula [ Paulchen]

                                                                                  I.

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 25 août 1936 ImsL p.422/23/24/25***

                                                                       Paris 25 août. 36

                        Chère Palu

                                                                                  I.

à traduire

carte d'Ivan Goll Ile de Port-Cros à Paula Ludwig Ehrwald 28 août 1936 ImsL 425                                                               [Ile de Port-Cros, Var] 28.8.36

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                                                  I.

à traduire

Ivan Goll Port-Cros à Paula Ludwig Ehrwald 4 sept. 1936 ImsL 425/426                                                                     Port-Cros 4 septembre 36

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                                                  Ma.

Ile de Port-Cros (Var)

Hostellerie Provençale

à traduire

Paula Ludwig Ehrwald à Ivan Goll Ile de Port-Cros 7 septembre 1936 ImsL 426/427/428***                                                                      7. Sept. 36

                                                                      

                        Cher Ma -

                                                                                  Ton impatiente

                                                                                                          Palu

à traduire

Ivan Goll Port-Cros à Paula Ludwig Ehrwald 7 sept. 1936 ImsL 429                                                                Port-Cros 7 septembre 36

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                                                  Ma.

à traduire

carte d'Yvan à Jean Follain du 12 septembre 36

Cher ami,

Dans cette île déserte et bienheureuse, Claire et moi nous avons fait une cure de déshumanisation progressive.

Cela ne nous cependant pas encore réussi au point d'oublier nos amis que nous saluons sincèrement                                          Ivan Goll

réf Imec : FLL 2C12-02

carte d'Ivan Goll Port-Cros à Paula Ludwig Ehrwald 12 sept 1936 ImsL 425                                                              Ile de Port-Cros, 12.9. 36

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                                       Ton      I.

à traduire

Ivan Goll, 37 Quai d'Anjou à Claire 31, rue Raffet du 16 sept. 1936  MST p.213/214

                                                                                  mardi matin 4H [ 37 Quai d'Anjou ]

Chère petite Suzu,

Quatre heures : ton réveil était inutile. Ton destin m'empêche de dormir. Je pars avec un coeur déchiré, dans ces jours de fête.

Mais bientôt, tout ira bien de nouveau.

J'ai réfléchi que je pourrai te consacrer toutes mes soirées, même pendant que Paula sera là, de 7 à 10 . Je dînerai avec toi et je te mettrai tous les soirs au lit. À elle, je dirai que j'ai un service dans une rédaction, de 7 à 10. Cela ne lui fera rien : elle sait qu'un homme ne peut pas et ne doit pas être toujours là.

            Puisque tu seras ma voisine, quai Bourbon, tout cela sera facile et splendide. Le matin aussi, je ferai un saut chez toi, et t'apporterai ton déjeuner. Je ferai simplement les provisions en double.

Ainsi donc, installe-toi bientôt quai Bourbon! Alors, tout sera immédiatement arrangé. Dès la semaine prochaine.

Ne serait-ce pas mieux pourtant que nous achetions tout de suite au moins les tapis et les rideaux, avant que le prince Bibesco revienne et s'en avise lui-même ? 150 francs est un prix ridicule. La tenture rouge, à elle seule, vaut davantage. Peut-être téléphoneras-tu ce matin pour dire à Richer qu'il écrive tout de même à Bibesco, comme déjà dit, dans le sens où nous en étions convenus hier. (Mais ne montre pas ta hâte au téléphone !) Dis-le, comme ça, incidemment : et en ce qui concerne les meubles, nous nous entendrions sûrement avec le Prince. Mais il faudrait que tu aies un contrat ferme au sujet de la moquette, car tu désires déjà tout de suite faire poser les papiers peints, longtemps avant octobre, avant l'arrivée de Bibesco.    Et il est nécessaire que ces papiers muraux soient harmonisés avec les tapis et les rideaux. À présent, au moment où Bibesco apprendra qu'on lui verse tout de suite 7000 comptant, il donnera les choses à bas prix.

            Ensuite, qui sait ?

                                   Ce soir je prie pour toi

                                                                       Ivan

Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Ehrwald 19 septembre 1936 ImsL p.430/431

                                                                       Metz 19 sep. 36

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                                                  Ton impatient I.

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 septembre 1936 ImsL p.431/432

                                                                       Paris 23 sept. 36

                        Chère Palu

                                                                                  I.

à traduire

28 septembre Paula vient à Paris et habite au 37, Quai d'Anjou ; elle va y rester jusqu'au 4 novembre

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zurich 29 septembre 1936 ImsL p.431/432

                                                                       Paris mardi soir

                                                                        [29.9.36]

                        Chère Palu

                                                                                  Ton

                                                                                              I.

à traduire

Ivan Goll, 37 Quai d'Anjou à Claire 31, rue Raffet 8 octobre 1936  MST p.214/215

Jeudi soir

Dix heures [ 8 octobre1936 ]

Chère petite Suzu,

            À l'instant, il y a 10 minutes, j'ai reçu le télégramme ci-inclus, qui bien entendu m'inquiète fort  

            Je pars demain matin à 7 heures pour Metz. Je ne crois guère que la maladie soit très grave, car avant hier soir, ma mère m(a encore écrit une longue lettre où il ressortait qu'elle était très gaie.

Paula reste pour l'instant dans mon appartement.

Je crois qu'en tout cas, il vaut mieux que vous deux, vous ne vous rencontriez pas.

Si je devais être retenu trop longtemps à Metz, elle retournerait simplement à Zurich et à Ehrwald.

Mais il est possible que tu sois obligée de venir à Metz ! Je t'écrirai demain, aussitôt, avec précision.

Aujourd'hui, j'ai appelé au téléphone à midi moins le quart et à 8 h et quart : chaque fois, tu étais sortie "depuis quelques minutes "  Dommage que je n'ai pas pu te parler. Je voudrais savoir comment tu vas.

Dans l'inquiétude et l'amour

Ton

Ivan

Le poêle est arrivé aujourd'hui et il brûle magnifiquement.

du 9 octobre au 12 Goll vient auprès de sa mère à Metz

Claire 31, rue Raffet à  Ivan Goll,  Metz 9 octobre 1936  MST p.215

                                                                                              vendredi 

                                                                                             9.10.36  [Paris ]

Chéri,

            A l'instant, ton pneumatique. Verte espérance. Merci pour le chapitre et pour ton amour. J'espère que la maladie de ta mère n'est pas grave. Je t'en prie, ne prends pas froid toi-même dans sa demeure glaciale ! Dois-je écrire tout de suite quelques lignes à ta mère? Rédige-les, je t'en prie, à cause des gaffes.

            Ici, les jours s'écoulent amers et noirs comme le Styx. J'ai déjà un pied dans ce fleuve... Et l'autre dans la Seine, Quai Bourbon, espérant le printemps.

N'as-tu pas oublié de donner congé ? Fais-le, en recommandé. Tu peux d'autant mieux le faire, que je conserverai toujours cet appartement, ici. Car tu connais la loi : plus l'un des 2 est froid et lointain, plus l'autre le désire. Ainsi en est-il maintenant ici : seulement, l'autre ne désire, comme déjà dit, qu'une ombre du Léthé.

            Je suis toujours avec toi, réchauffe-moi de tes yeux.

                                               En tout amour

                                                                       Ta

Zouzou

Ivan Goll, Metz à Claire Paris 9 octobre 1936  MST p.216

                                                                                  Metz. 9 octobre 36

Chère petite Souzou,

            Fausse alerte ! Dieu merci ! J'arrive ce matin à 10 heures à Metz : ma mère est folle de joie de me voir. Jamais encore elle n'avait eu si bonne mine . Les lèvres rouges, une langue tout à fait saine, elle n'avait qu'un refroidissement intestinal, le médecin lui avait prescrit quelques pilules, et lui avait demandé si elle ne voulait pas aller dans une clinique, étant donné qu'elle est seule et sans son soins. "Non, mon fils peut très bien me soigner, il fait excellemment la cuisine", et le télégramme est parti. Ce voyage était absolument inutile, Gaby en a convenu elle même. Une autre fois, je téléphonerai d'abord, avant de partir.

            Dimanche, je reviendrai en toute hâte j'espère que tu ne coules plus des jours aussi sombres. Pour les éclairer, voici 1 livre = 104 francs changeables n'importe où.

            Travailles-tu ?

            (Peut-être partirai-je dès demain soir : alors je pourrai cuisiner pour toi, dimanche à midi ?) je téléphonerai dimanche matin, si...

                                               Un baiser aimant

                                                                       Ivan

lettre d'Audiberti à Claire du 25 octobre 1936

            Très chère

J'ai tardé à vous écrire, occupé que j'étais à mettre au point ce poème que je ne trouvais pas très réussi

            Je baise vos mains trop belles

                                   Audiberti

                        A bientôt ? Tout mon cœur …

                                   J

SDdV Aa37 (204)  - 510.299 III

lettre  de Goll Paris 3 novembre 1936 à Paulo Duarte, lui disant son intention de reporter son voyage au Brésil, pour mettre en ordre ses affaires, Claire l'accompagnera, voir article de Pierre Rivas dans Europe : Goll codirigerait le Département du patrimoine historique et artistique du Musée de Saõ Paulo et Claire en deviendrait la Secrétaire Générale.

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 novembre 1936 ImsL p.433

                                                                       Paris 5 Nov. [1936]

                        Chère Palu

                                                                                  Ton solitaire

                                                                                                          Ma

à traduire

Carte d’Ivan  Schlettstadt à Claire Paris du 8 novembre 1936  MST p.213

                                                                      Schlettstadt 1. septembre 36

Cher Ange céleste,

            Mon père te remercie pour ton cœur aimant et il t’envoie , en échange ces fleurs,

                                                                                  Eternellement tien, Ivan

carte d'Ivan Goll Colmar à Paula Ludwig Ehrwald 9 nov. 1936 ImsL 434

                                                                       Colmar, 9 nov. [1936]

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                                       Ton      Ma

à traduire

carte d'Ivan Goll Colmar à Claire, Paris 9 novembre 1936 MST p.217

                                                           Colmar, 9 novembre [dimanche]

Chère Zou,                            

            Je me suis agenouillé dans l'éclat du soleil devant le tombeau de mon père et tout de suite après, sous la voûte conventuelle, devant la résurrection de cet esprit immortel (Isenheimer Altar). Un jour saint.

            L'Alsace m'a accueilli de façon touchante, par du beau  temps, après une nuit reposante, pendant laquelle j'ai beaucoup et bien pensé à toi. J'espère revenir vendredi et je te rapporterai de Schlettstadt un rameau de lierre.

                                               Ton

                                                           Yvan

Ivan Goll Zurich à Paula Ludwig Ehrwald 10 novembre 1936 ImsL p.434/435

                                                                       10 Nov. 36

                                                                       [ Zurich, Select Bar, Limmatquai, 16]

                        Chère Palu

                                                                                 

                                                                                              Ton

                                                                                                          Ma

à traduire

Ivan Goll, Metz à Claire Paris 12 novembre 1936  MST p.217/218

Metz le 12 novembre 1936

Chère petite Zouzou,

            Pluie et jours inactifs. Un monde sombre et sans âme, ce Metz tout en pierre

            Il est loin derrière moi, ce jour traversé d'éclairs de soleil, au-dessus de  de l'Alsace : des éclairs qui faisaient éclater les tombeaux et libéraient le Sauveur.

            Ici, parmi les vivants, on ne fréquente que la mort grise et les hommes en grand nombre. Ma mère s'agrippe à sa douleur personnelle et ne lui laisse aucune relâche.

            Et pourtant, je ne peux pas encore partir demain : je dois l'accompagner à Nancy chez le notaire. En sorte que je ne reviendrai à la maison que samedi soir, et pourrai alors de préparer un dimanche hospitalier au quai d'Anjou.

            Depuis mon départ, je suis en très bonne santé, peut-être grâce à ta prière bleue du soir.

            Voici 50 francs pour les jours supplémentaires, et la chaleur de mon coeur.

                                                                       Ivan

carte d'Ivan Goll  Metz à Paula Ludwig Ehrwald 13 novembre 1936 ImsL p.435/436

                                                                       Metz 13 Nov. [1936]

                                                                      

                        Chère Palu,

                                                                                  Ma

à traduire

Paula Ludwig Ehrwald à Ivan Goll Paris 19 novembre 1936 ImsL 436/437***                                                                                              Ehrwald 19 Nov. 36

                                                                      

37, Quai d'Anjou !

                                                                                 

                                                                                                          Paulalu

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 novembre 1936 ImsL p.438/439/440*** 

                                                                       37, Quai d'Anjou

                                                                       23 Nov. 36

Palu,

Je crois à ta souffrance.

Je la comprends.

Mais, je veux t'aider

                                                                                              Iwan

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 24 novembre 1936 ImsL p.438/439/441/442*** *******   

                                                                       37, Quai d'Anjou

                                                                       24 Nov. 36

Chère Palu,

                                                                                              Iwan

à traduire

[ deuxième lettre 24.11.36]                                                  ImsL p.442/443

                                                                                  Ton Iwan

Paula Ludwig Ehrwald à Ivan Goll Paris 29 novembre 1936 ImsL 443/444/445/446/447***

**********************************                                                                                                                                                           29 Nov. 36

                                                                       [Ehrwald]                                                     

Cher Yvan

                        

                                                          

Mon Ma - Ma colombe noire

J'ai écrit si longuement et si intensément à Yvan -

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 2 décembre 1936 ImsL p.447/448/449         

                                                                       Paris 2. Décembre 36

Palu !

                                                                                              Iwan

à traduire

Claire, 31, rue Raffet à Ivan Goll, 37 Quai d'Anjou 12 décembre 1936  MST p.218

                                                                                  Paris 12.12.36 -

                                                                                  31, rue Raffet

                                                                                  [ samedi,]

Chéri,

                        

J'y ai encore attentivement réfléchi : je ne veux pas entrer lundi dans un appartement où tout n'est qu'à moitié prêt, j'en ai assez des ouvriers

C'est pourquoi j'ai téléphoné à Dumur et, sur ma demande énergique de remettre la date au même prix, nous sommes tombés d'accord pour jeudi à deux heures. Ainsi l’électricité pourra être installée, le W-C et le placard à linge mis en place . Celui-ci ne sera pas dans le coin , mais au milieu du mur, et son côté ouvert sera fermé par une planche faite par le menuisier

En conséquence de quoi, je viendrai chez toi pour déjeuner, dimanche vers midi.

En tout amour

Ta

Zou

Et s'il te plaît, range un peu, c'est-à-dire ne laisse traîner ni la broche d'Andrée ni la chemise de nuit de Gaby et surtout pas les balbutiements d'amour de ta nouvelle épouse morganatique, la fille de Georges Feydeau.

L'ordre économise et les souffrances.

Quand tu viens chez moi, tu ne vois pas non plus la moindre cravate de D.

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 21 décembre 1936 ImsL p.449/450/451       

                                                                       Paris 21 Décembre 36

Chère Palu

                                                                                              Iwan

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 24/25 décembre 1936 ImsL p.451/452/453   

                                                                       Nuit de Noël 1936 [Paris]

Manyana

                                                                                              I.

à traduire

Ivan Goll, Metz à Claire Paris 29 décembre 1936  MST p.219

                                                                       Metz. 29 décembre 36

                                                                                 

Chère petite Zouzou, 

Voici un petit échantillon d'art lorrain ancien.

Il fait ici terriblement froid et brumeux ; tu y aurais passé des journées bien tristes. Quelle chance que je ne t'ai pas emmenée.

Ma mère était justement malade à nouveau, quand je suis arrivé, et elle a été très heureuse que je puisse l'aider.

Nous ne chauffons qu'à 1/4 le fameux poêle à combustion continue, et il n'y a pour le dîner qu'un oeuf et du fromage de Munster.

Je rentrerai jeudi à 4 heures et me rendrai tout de suite au quai Bourbon pour en rendre l'appartement plus hospitalier. Arrive vers six heures. Le soir, nous sortirons peut-être pour réveillonner.

J'apporte des rideaux, de la vaisselle et beaucoup d'amour.

                                               Ivan

Ci-joint 50 fr.

Ivan Goll  Metz à Paula Ludwig Ehrwald 30 décembre 1936 ImsL p.453/454

                                                                       Metz 30 Déc.. [1936]

                                                                      

                        O Paulchen, Paula, Palu,

                                                                                  Ma

à traduire

lettre de la maman d'Yvan (non datée) est-elle de 1936 ou de 1939 à replacer

                                                                       Jeudi soir,

                                               Cher Mig

            Ta lettre reçue ce matin m'a complètement atterrée en la lisant : Que l'on te faisait une proposition, tu m'en avais touché un mot ces temps derniers, mais à laquelle je n'ajoutais aucune importance.

            Aujourd'hui, tu sembles emballé, cette nouvelle et ton emballement m'ont atterrée à tel point que j'ai cru sentir la terre s'entrouvrir et m'engloutir : Songes donc que je n'ai que toi et ne vis que pour toi. Je suis sortie de cette stupeur toute anéantie, ne pouvant plus ni causer ni respirer c'est à dire que j'ai ressenti une syncope. Est-ce possible que je devrai survivre à cette nouvelle catastrophe, moi qui ne vis que de ta présence, lorsque tu me quittes, je supporte le temps jusqu'au moment de te revoir et je ne vis que dans cet espoir: te revoir. Enfin s'il m'est donné de supporter une nouvelle épreuve Dieu seul sait si j'aurai le courage d'aller jusqu'au bout sans fléchir. Ce traître de Daniel m'a déjà tuée à moitié, je ne suis plus que l'ombre de ce que j'étais et j'aurai à supporter l'autre moitié :  en suis-je capable ?

On fait miroiter à tes yeux les 3000 Francs mensuels mais la moitié ne t'est-elle pas assurée et plus ici, sans compter les surplus* ? c'est cela qui t'enchante. Mais je suppose que tu vas réfléchir et songes aussi que depuis quelque temps ta santé laisse à désirer. Claire de même est souvent patraque as-tu aussi réfléchi si le climat vous sera favorable ? au pays déjà vous n'êtes costauds qu'à demi, que sera-ce au Brésil ? Si vous êtes malades, les 3000 Francs seront vite volatilisés et là-bas je ne vous viendrais pas en aide et qu'est-ce cette somme pour s'expatrier ? Quant aux 4000 F envoyés, ce n'est même pas suffisant pour la traversée à deux.

Enfin, réfléchissez bien, et donnez-moi vite un mot qui me sorte de l'angoisse, qui me rassure et qui me confirme que c'est à tort que tu t'es emballé.

            Ta mère qui n'a que toi et qui t'embrasse de tout son cœur

                                                                                  Rifka

* Rebecca versait 1500 Francs mensuellement à Goll et faisait face aux imprévus


[1] Chanson des Pêcheurs et des Goujons

[2] 7 mars, plébiscite :  99 % des allemands approuve la politique d'Hitler, le jour-même où le Führer, dénonçant le pacte de Locarno, fait pénétrer les troupes de la Wehrmacht dans la zone démilitarisée de la Rhénanie.

5 décembre 2008

correspondance de 1925 à 1934

                                                           1925

début janvier 1925, Rainer-Maria Rilke est à Paris, Hôtel Foyot

pneumatique écrit en français de Rainer-Maria Rilke  (Paris) 25/2/1925 à Liliane (Claire)

                                                           Paris, 25/2/1925

                                                                ce mercredi matin

Enfin, je vois un peu plus clair dans la disposition difficile de mon temps, j'ai dû combattre pour garder  libre l'après-midi de demain, jeudi, à partir de cinq heures.

  Voudras-tu me le rendre familier en me donnant cette heure tranquille que je désire depuis des semaines ?

  S'il n'y a pas de réponse, j'admets que tu m'attends.

                                               Au revoir, Liliane

                                                           enfin  !

                                                                       Rainer.

Claire Goll : Rilke et les femmes, Falaize 1955 p.92/93

pneumatique écrit en français Rainer-Maria Rilke  (Paris) 26/2/1925 à Liliane (Claire)

                                                           ce même jeudi, 4  h.  10

Dommage,

                 Liliane,

                            et tu ne t'es pas fait bander les yeux pour me trouver au « Luxembourg »  ?

  S'il ne m'arrive pas de contretemps, d'ailleurs, ou du côté de ma santé, je te prie de m'attendre, samedi, chez toi.

Samedi après-midi. Cela te convient-il ? Je me réjouis de te revoir.

                                                                                              Rainer

Claire Goll : Rilke et les femmes, Falaize 1955 p.93/94

lettre de Liliane (Claire, traduite de l'allemand par elle) Paris à Rainer-Maria Rilke

                                                                                               Paris, Avril 1925

            Maintenant j'ai déjà vécu quatre semaines depuis notre rencontre,

Rainer.

            On s'enrichit tant à te regarder et encore davantage à t'entendre. Et je me suis forcée à me taire, quoique mes sentiments pour toi prennent l'allure d'un Niagara. A présent je ne peux plus longtemps ériger un barrage, mais ne t'effraie pas :  ce n'est pas une chute bruyante, déchaînée, mais tendre et sauvage, que je n'arrive plus à dompter.

            Le printemps et toi sont à Paris ! Je longe les rues, par lesquelles tu as peut-être marché. Je cueille au Luxembourg les boutons et les regards que tu as peut-être frôlés. Mais je languis tant après ta voix, ta voix magnifique, qui fait de la musique avec les pétales de roses. Lorsque je pense à toi, je rougis comme elles, elles que tu as inventées, car avant toi elles n'existaient pas.

            Ah, sois généreux, viens, apporte-moi pour une heure seulement ta main, afin que je puisse l'adorer. Car pour t'admirer, il me faudrait toute une vie.

Tu le sais bien que depuis huit ans je n'ai pas encore osé savoir si tu es Rilke ou le bon Dieu. Et pardonne-moi de t'aimer sans limites !

                                                                       Liliane

lettre de Rainer-Maria Rilke  (Hôtel Foyot, 31 rue de Tournon, Paris) 29/6/1925 à Liliane

Liliane

à traduire elle est dans mes dossiers

Ceux qui viennent n°4 - juillet/août 1925

"Ivan Goll habite à Passy,  rue Jasmin...Dans le petit salon où flamboient quelques Picasso,  Gleizes et Delaunay,  un fort beau chat siamois saute sur mes genoux. C'est un rugbyman convaincu qui passe ses dimanches a s'entraîner avec un petit ballon. "Vrai sportif de la jungle" me dit Goll.

“ La fonction de la poésie aujourd'hui ? 

— Le revirement a pris naissance vers 1910-12. Ce fût une véritable révolution...De là datent les "ismes":  cubisme en France,  futurisme en Italie,  expressionnisme en Allemagne. Grande divergence de forme dans ces écoles,  mais bien des traits communs:  l'amour de la vie,  de l'activité nouvelle et ce je ne sais quoi poétique qui est un parallèle du mouvement plus rapide de notre existence. C'est Picasso,  Delaunay,  Cendrars,  Apollinaire,  Salmon qui furent les principaux meneurs à Paris.

La guerre... elle effaça en réalité presque toutes les tentatives d'action artistique. Et la paix,  jusqu'en 1924,  eut une influence encore plus néfaste sur le développement de l'art moderne....En 1924,  il y a du nouveau:  Dada touche à la banqueroute,  les cubistes retouchent à l'objet...J'écrivis dans Paris-Journal un article contre l'art snob,  prétentieux et pédéraste qui avait pris le haut du pavé. Les véritables poètes se cachant,  les salles de spectacle s'emplissaient de la sottise quotidienne. Le théâtre était mort,  remplacé par le ballet russe,  suédois ou nègre.....ce n'est qu'au théâtre que l'art pourra devenir excessif,  brûlant comme du vitriol et surréaliste,  c'est à dire plus puissant plus fiévreux,  plus vrai que la vie.

— Surréaliste...Nous y voilà !  Parlez-moi donc du surréalisme.

— Oui,  surréaliste. Pour moi surréalisme signifie plus que la réalité,  la réalité à outrance,  la vie radiographiée,  nue jusqu'aux os,  et toute chair incendiée ; la vie vue à la loupe...

— Mais que pensez-vous du surréalisme de la rue de Grenelle?..

— C'est presque l'opposé extrême,  oui ; mais vous verrez qu'à la fin les extrêmes se touchent. Les surréalistes bretonniens préconisent la surréalité,  qui signifie au-delà de la réalité ou l'autre réalité... Parce qu'ils sont partis du rêve....ils ont conservé du rêve la notion enfantine qu'il est quelque chose d'irréel. Mais pour moi le rêve n'est en aucune façon à distinguer de la vie. Il en est au contraire la continuation sournoise et peut-être encore plus directe. Mes rêves ne sont pas des promenades dans un absolu inconcevable pour mon être conscient,  mais des continuations immédiates de ma vie journalière. Ils jugent ma vie. Dans le rêve je vois plus clair et je pense plus logiquement. Je l'attends pour résoudre les questions embrouillées par la "logique",  par la diplomatie,  par le cynisme des jours. Le rêve est donc pour moi une réalité plus intense,  plus lucide,  plus directe.

— Et le rôle du rêve dans la poésie ?

— En temps que songe matériel,  aucun rôle. La surréalité des grands poètes de toutes les époques,  arabes,  grecs ou lapons,  est due à cette extase qu'on a toujours appelée inspiration et qu'il est inutile d'appeler aujourd'hui surréalisme. Ne sera pas poète qui veut et qui,  sans s'abreuver d'opium,  se mettra consciemment dans cet état d'inconscience que Breton et ses amis conseillent pour former une génération soi-disant plus géniale que toutes celles qui vécurent depuis 5.000 ans.

— Qu'elle est alors la fonction politique de votre surréalisme ?

— Mon surréalisme est beaucoup plus modeste ; il ne cherche pas à créer une école absolument nouvelle et différente de tout ce qui exista jusqu'à nos jours. Il ne veut que grouper sous une formule les poètes qui expriment la volonté actuelle de faire des œuvres où coule la vie et où celle-ci puisse être construite d'une façon presque aussi parfaite que notre système cardiaque.

lettre de Liliane (traduite de l'allemand par Claire Goll) Paris à Rainer-Maria Rilke

Rainer

    Je t'en prie, rassure-moi par quelques mots sur ta santé ! Est-ce que le vent du Valais est venu à ta rencontre ? Est-ce que ta « Tour »  t'a reconnu ? Et les roses, ont-elles attendu ton retour pour fleurir ? Chaque fleur de Sierre doit-être concernée par ta guérison.

    Ah, si tu savais combien intensément cette santé préoccupe mon cœur !

Et combien je suis attristée que nous nous soyons revus à Paris à un moment où le corps avait transmis sa lassitude à notre amour, lassitude amaigrissant l'âme.

   Mais tes yeux avaient augmenté. Souvent ces yeux m'ont parlé au-delà des frontières. Alors je me reproche de ne pas avoir suffisamment et avec assez d'humilité baisé tes mains.

    Un mot, je t'en supplie !

                                                                                  ta Liliane

                                                           1926

Rainer Maria Rilke (Prague 1875  † sanatorium de Val-Mont, Montreux 1926)

"Ivan Goll, l'homme qui chante tout le long de sa vie. Impossible de ne pas voir qu'il est allemand. Il a un rire couleur du Rhin. Des lunettes qui agrandissent l'oeil,  clignant comme les lumières de Nuremberg,  dans la nuit de la fantaisie. Impossible de ne pas voir qu'il est français. Il est plein de sourires,  d'ironie foraine. Son oeil se fixe sur tout spectacle,  il en profite pour oublier la versification ; il crée de mystérieux projets de cosmogonies nouvelles.

Mon cher Robert Delaunay,  surveillez Goll ; c'est l'homme qui un jour ou l'autre vous volera la tour Eiffel pour l'emporter.       Où ?"

" 900 " - Cahiers d'Italie et d'Europe - n° 1 Cahier d'Automne 1926.  Fondateurs :

Massimo Bontempelli - Curzio Malaparte. Nino Frank : Astérisques   (p. 185) :

Claire (Paris)  à Yvan (Nancy)  14 octobre 1926 MST p. 19****

                                                       Dimanche (1926)

                                                           (Paris)

Mon Chéri

            Tu me manques de bout en bout, et surtout au bout du jour. Car, lorsque vient le soir, je ne me supporte simplement plus. Voudrais hurler à pleine voix, comme un jeune chien.

            "Tu ne peux vivre sans moi", dis-tu. Cela n'est que trop vrai. Et si, de ci de là, je te suis infidèle, ce n'est réellement que par désespoir, parce que je ne sens pas autour de moi tes bras bénisseurs. 

            Une corde de ta guitare a sauté, hier, de douleur, avec un son mineur. Une seconde auparavant, je lui avais donné le diapason avec ma voix sanglotante.

            Fan-Fan *, comme toujours, saute le matin sur mon lit, fait ses caresses et ses exercices de gymnastique sur mon cou : en avant, en arrière, puis il m'enfonce brusquement ses griffes dans la chair, parce qu'il est furieux de ton absence. Tu vas prétendre qu'il a de l'excitation érotique. Et je réponds : Non, il ronronne parce que tu n'es plus là, et qu'il ne trouve plus d'épaule pour faire de l'alpinisme. Sans cesse il va avec moi à ton bureau, pour tourner autour du poète qui y est assis. Et soudain, il s'aperçoit que j'ai seulement évoqué la vision du poète, et ses yeux bleus deviennent rouges de colère. N'est-il pas déjà profondément vexé, que je le laisse seul toute la journée ? Mais, c'est qu'il y a aussi chaque jour un voyage pour aller chez Kokoschka. Tu sais qu'il habite à l'autre bout de la ville. Hier, quand je suis rentré à la maison, Fan-Fan m'a flairée sur toutes les coutures. Avait-il senti l'autre bête de proie, le Kokoschka ? Bref, il me mordit au bras et me griffa par jalousie. Et pourtant, ni lui ni toi n'ont la moindre raison d'être jaloux. Je ne pose pas pour K., assise mais étendue, et ce faisant, je me sens toute triste. La "Ceinture" n'est pas loin, et quand j'entends passer un train, je voudrais le prendre pour aller te retrouver. Donc, je suis étendue. Tu sais bien que je ne peux pas rester immobile en position assise. Il viendra un moment où K. déchirera son dessin et m'en jettera les morceaux aux pieds. Comme l'a fait Archipenko avec ma tête presque entièrement terminée, qu'il fit voler en éclats. Ou peut-être me transformera-t-il en un rouge lac de montagne, comme fit Meidner. Mais aussi, avec ce dernier, comment aurais-je pu poser sans bouger ? La peur m'entraînait à droite, puis à gauche, dès le moment où il m'ouvrait la porte, avec son casse-tête caché dans sa manche, ou encore quand il buvait son thé dans des boîtes de conserves qu'il avait ornées de têtes de mort. Chez K. non plus, je ne me sens pas tranquille. Est-ce que cela vient de ce que l'atelier est meublé de désespoir et de faim expressionnistes ? Le baron, son ami, m'a mis en garde : "Au nom du ciel, n'apportez rien à manger à K. ! il vous jetterait dans l'escalier avec votre paquet ! "

            De lui aussi, K. a refusé toute aide et tout argent. Il est vrai qu'en France, personne ne le connaît. La France s'en fiche des génies. Qu'il se pende comme Gérard de Nerval ! Beaudelaire n'avait jamais d'argent non plus. Et Gauguin, Van Gogh, le Douanier Rousseau n'ont-ils pas vendu leurs toiles pour un dîner ou une note de blanchissage ? Donc, je fais comme si je ne voyais pas qu'il meurt de faim et j'apporte seulement une grande quantité de tartelettes aux fraises. A 5h., pour le thé, je grignote mon gâteau, bien que l'appétit me passe quand je regarde cet homme couleur de lune. J'attends qu'il morde à son tour dans une tartelette. Mais sa fierté lui donne l'énergie de n'en prendre aucune. Alors, je reprends la pose étendue. Son visage ravagé doit se refléter dans le mien. Certainement, personne n'a encore fait de moi des dessins aussi tristes. Chagall a projeté dans ma figure son génie positif, affirmatif, Robert **son dynamisme, et quant à Albert ***, j'essayai de le tenter avec "mon regard de sirène" (comme tu l'appelles). Ensuite, quand sa moralité pédante commençait à fondre, je devenais de glace et il jouait au bilboquet pour retrouver son équilibre cartésien. Mais ici, : rien que du tragique et du chaos. Une matière explosive incontrôlable. L'élément allemand. Peut-être aussi un peu de sang slave.

            Lorsqu'ensuite, je m'en vais, il me rappelle. J'avais oublié mes gâteaux, dit-il. " Mais, Koko, dis-je, vous ne voulez tout de même pas que je traîne avec moi jusqu'à la maison cette pâte au beurre ramollie".

            Et ce n'est certainement pas plus gai pour toi, à Nancy, entre ta mère et ton beau-père. Oh ! cette séparation !

        J'espère que K. ne me dévorera pas et que bientôt, je m'étendrai, de nouveau, pour toi.

                                                                       Ton inconsolable Zou

* Chat siamois offert par Jacques Villon aux Goll

** Delaunay

*** Gleizes

                                                           1927

Lettre de Goll (12 mars 1927 - Berlin) à Jean Painlevé

Cher ami,       

Ainsi,  après que vous ayez préparé Mathusalem,  ma chère oeuvre,  avec tant d’amour et de dévouement - le sort a voulu que je fusse exclu du dernier effort et du suprême élan!  Oh,  comme je regrette!  Mais n’y a-t-il pas beaucoup de votre faute?  Pourquoi ne rien m’avoir écrit,  m’avoir laissé sans le moindre détail sur votre travail et tout ce qui se préparait. Un petit télégramme de votre part et j’étais dans le train de Paris!  Mais votre silence ne pouvait que me faire prévoir que vos répétitions suivaient toujours le même train que depuis le 15 novembre. Seule une lettre charitable de Gine Avril m'a ouvert les yeux,  arrivée le soir même de mercredi :  jour de la Générale!  Faut-il vous décrire mon effarement et mon chagrin? 

Ici tout avait si bien marché! Triomphe à l’Opéra d 'Etat, ci-devant impérial,  où mon  "Royal Palace" a ébranlé comme une bombe les poutres ancestrales. Un opéra de jazz,  avec film,  décors cubistes,  et une musique effrénée,  atonale,  toute moderne :  un parquet d’élite,  le Tout Berlin grossi de curieux accourus de toute l’Allemagne,  critiques de Prague et de Francfort. Et ils n’en sont pas encore revenus ? !

Et maintenant :  Mathusalem sans moi. Toutes mes joies s’effondrent!

Ecrivez-moi,  téléphonez-moi           

votre inconsolable   Ivan

lettre de Franz Blei à Claire Goll 16 mars 1927

dans " Yvan und Claire Goll, Bücher und Bilder p.52

Katalog der Ausstellung im Gutenberg - Museum zu Mainz,  1973

carte de Goll (30 mars 1927 - Berlin) à Jean Painlevé

Mon cher Jean,

Je lis à l'instant dans Le Figaro, que vous allez reprendre " Mathusalem" en soirée dans de nouveaux décors. Bravo  bravo  bravo ! Mais j'espère que vous m'enverrez une petite invitation, cette fois !

            Bien amicalement

                        votre

                                   Ivan Goll

Lettre Ivan Goll (Metz) à Claire à Paris du 26 juillet 1927 [ mardi]

                                                           Metz 26 juillet 1927

                                                           (mardi)

Chérie,

            Il faut que je raconte une histoire très drôle : hier soir, nous avons été invités tous les trois chez  mon paysan d'oncle. (Il y eut d'ailleurs un dîner très rustique : des quantités immenses de lait, de crème, de fromage, de lait caillé, d'œufs et de tomates étaient venus d'une ferme qu'il possède. C'était une débauche de produits lactés sans précédent). Et là-dessus, on nous a offert un concert : la pauvre petite Liliane, tu sais est condamnée à mort. C'est terrible à voir, et il faut convenir que ses parents lui achètent tout ce qu'elle désire. Elle possède depuis huit jours un poste de radio à 4000 francs, et alors, on nous a offert de la musique de tous les coins : des marches militaires de la Tour Eiffel, - de Londres, les chansons populaires de Doodlesack, et ensuite, on s'est branché sur Langenberg, une sorte de Königswusterhausen. Il y avait justement une soirée américaine : une  Symphonie américaine, puis du Jazz, des chants nègres, et enfin... une lecture tirée du "Nouveau Monde" de Claire Goll, paru aux éditions S. Fischer : 4 poésies de Carl Sandburg, Kreymborg, Ezra Pound, etc. Cela dura une bonne demi-heure, projeté dans la pièce par un récitant talentueux, pathétique. Ton nom sonna haut et clair, tous le comprirent, et tu avais un peu vaincu. (*) Mais surtout : cela te rapportera, cette fois encore, environ 40 ou 50 M. au moins.

            Pour le reste, les rapports avec ma mère sont tout à fait excellents. Tout ce qui serait désagréable, on le tait. Elle s'est bien reconnue en Elvire (°) : la servante des vieux, a-t-elle dit.

            Ce matin, j'ai fait une belle promenade dans la vallée lorraine et le long de mon canal.

            Demain, à 5 heures du matin, je continuerai jusqu'au beau vieux cimetière juif de Sélestat. Le soir, à Lucerne. Jeudi soir, je quitterai Lucerne et vendredi matin, je serai à nouveau dans tes bras, chère enfant.

                                   Ton toujours fidèle

                                                           Ivan

S'il y avait quelque chose d'important au courrier, par ex. une lettre de Piper, fais suivre bien vite à Lucerne, s'il te plaît.

* Sous le prétexte que j'étais une "demi-boche", la mère d'Yvan, jalouse, n'avait pas encore voulu me connaître (note de Claire).

(°) allusion au roman à clefs de Goll : "Le Microbe de l'or", qui était paru à Paris en juin 1927

Télégramme Ivan Goll (Metz) à Claire à Paris juillet 1927  [ date presque impossible, à vérifier ]                                                                            Metz juillet 1927

Claire Jasminpalace, reçu lettre bleue. Solitaire pleine d'initiatives. Orphée sans moi ! Fischères tant mieux ainsi. Cocteau d'abord, ensuite Stock. Ici, la douleur s'use d'elle-même. Même le million de soleils fraîchit. J'aspire au départ. Arrive dimanche matin six heures sept.

Expédie immédiatement le télégramme inclus.

                                                           Vani

Lacrasse et fils, rue des Bourgeois, 12

                                                           1928

11 janvier 1928 : Lettre d'Ivan Goll à Gaston Picard

                                                                                                                                                                                            Paris   11 - I -  28

     Mon cher Gaston Picard

     Votre enquête me touche de trop près pour que

je n'y réponde pas :

                                               Le Surréalisme !

   Parce que ce terme a été inventé par Apollinaire

qui le premier a pressenti, avec ses antennes sensibles

la destinée de notre époque

    Parce que ce terme désigne les deux courants

les plus caractéristiques, quoique les plus opposés, de

notre  vie  intellectuelle  :  l'un   conduisant   vers

l'inconscient ou le subconscient, en conformité

avec les récentes théories médicales et psychologiques

l'autre, au contraire, vers le superconscient, en

écoutant les préceptes de la science, de la

technique et de l'art modernes, avec le but suivant :

créer, par le truchement de l'œuvre d'art, une

réalité surréelle, en extrayant la substance éternelle,

le sentiment standard, de la chose quotidienne,

de la réalité factice et fugitive, qui, à l'état brut,

" photographiée ", n'avait conduit qu'au réalisme infécond.

            Bien cordialement votre

                                                                                              Ivan Goll

lettre de Franz Thomas Mann à Claire Goll 8 avril 1928

dans " Yvan und Claire Goll, Bücher und Bilder p.52

Katalog der Ausstellung im Gutenberg - Museum zu Mainz, 1973

                                                           1929

Les soirées de Sagesse : Les "Amis de Sagesse" se réunissent tous les samedis soirs,  à la Brasserie Courbet,  133 Bd.Brune (14°)

23 février 1929 :

Quelques poètes allemands contemporains. Poèmes de Rainer Maria Rilke,  Ernst Toller,  Karl Liebknecht,  Ludwig Rubiner,  Claire Studer par Jean Dorcy,  E.P. Jalbert,  Fernand Marc

16 mars 1929 : Soirée réservée à :

l'Anthologie mondiale de la poésie contemporaine d'Ivan Goll.

Carte postale d'Illya Ehrenbourg - Moscou à Mr Goll du 15/6 1929 ou 30

15/6                                                                Mr  Goll, 27 rue du Jasmin, Paris  16 è, France

Cher ami, je fais tout pour placer vos romans. Je rentre en France vers le milieu d'août.

Mes amitiés à Madame Goll et à vous

                                   Votre Ehrenbourg

La Revue Mondiale,  XXX ème Année -15 novembre 1929 (ancienne Revue des Revues)

Directeur Louis-Jean Finot.  p. 216

M. Ivan Goll se révèle ironiste implacable dans Sodome et Berlin. Et son humour est si féroce qu’on ne peut guère démêler la vérité de la fiction. Il nous dépeint avec verve un Berlin se réveillant avec peine des émeutes communistes,  puis livré à la folle spéculation lors de la grande inflation,  aux moeurs désaxées,  aux aventures ahurissantes subies ou provoquées par mille gens divers,  et cette fièvre de débauche,  cet amour du jeu,  fond du livre,  sont un perpétuel rebondissement pour l’intrigue de ce roman un peu fou,  parfois désordonné,  qui traîne en longueur vers la fin,  mais que M. Ivan Goll a réussi malgré tout,  car original et vivant." (Louis Jean Finot)

Une critique du livre de Claire Goll en novembre 1929 : "Une Perle", Léon Lemonnier dans "Vient de PARAITRE"

                                                           1930

Ivan a quitté Claire le mercredi 26 février pour affaires littéraires à régler à Francfort

Lettre Ivan Goll (Francfort/Main) à Claire à Paris du 27 - II - 1930

                                                           Francfort/Main

                                                           Hôtel Cour d'Angleterre

                                                           jeudi 27. II. 30

Chère Susu,

            Cette nuit a été la plus chaude que j'aie jamais passée : seul dans mon compartiment, enveloppé de couvertures, de sweaters, couché sous mon manteau et par là-dessus, le chauffage marchait à plein ; j'ai transpiré mieux que dans mon lit, pour guérir ma grippe. Je suis arrivé tout frais à l'hôtel, en face de la gare. Meyer était déjà là, et le Dr Goyert. Meyer, un type qui n'a rien de juif, rien de rusé, mais des cheveux blancs et un visage rouge, m'a reçu avec beaucoup de cordialité. Nous avons parlé de plusieurs choses, rien de définitif. Demain viendra le Dr Brody, et alors seulement ce qui vaut la peine d'être dit sera jeté sur le tapis. Mais avec Meyer il fait bon vivre. Un " bon vivant " allemand.

            Le temps, magnifique. La ville, terriblement provinciale et ennuyeuse. Le Römerberg

(place de l'Hôtel de Ville), un joyau fait de vieilles maisons bariolées.

            Aujourd'hui, je n'irai sans doute pas au théâtre. Mais demain. Je verrai jouer une pièce, mais ne parlerai pas aux gens de théâtre.

            J'espère que tout va bien pour toi. J'ai dévoré toutes tes provisions, et toi ? pense à moi et nourris-toi bien.

Et sens mon baiser électrique, proche et lointain.

                                                                       Ivan

Lettre Ivan Goll (Francfort/Main) à Claire à Paris du 28 - II - 1930

                                                           Francfort/Main

                                                           vendredi 28. II. 30

Très chère Suzu,

            Suite à la séance du Rheinverlag avec le Dr Brody. Le "livre blanc" s'est rempli. Nos poèmes d'Amour seront imprimés au printemps, après le Livre Blanc. Meyer et Brody sont réellement aussi gentils que l'est, de son côté Lohmeyer. Il y aura encore de beaux jours. Meyer s'est intéressé beaucoup aussi à "La Perle" et il connaît une bonne et nouvelle maison d'édition (dirigée par Kläber), à laquelle il va recommander le livre. Il est donc certain qu'il paraîtra bientôt en allemand.  Les nombreuse autres affaires sont en suspens.

            J'ai téléphoné à Hanau. La lampe Sollux coûte ici 70 M = 468 frs, au lieu de 850. Mais demain samedi, j'irai là-bas : le directeur connaît tes articles E. T., s'y intéresse beaucoup, et je crois que nous pourrons obtenir un prix de faveur.

           Au théâtre, hier soir (une représentation berlinoise de Jules César, vraiment tout à fait remarquable, avec des batailles mouvementées sur la scène tournante !).

            Parlé au Sassheim, ou plutôt au Sassheimchen : un petit Juif tout contraint, tout intimidé. N'a naturellement jamais le temps. Kronacher est à Leipzig, revient demain, et m'a fixé un rendez-vous pour dimanche. Il faudra que j'agisse avec diplomatie.

            J'ai également porté l'Erika à la succursale d'ici : vis neuves, cylindre neuf et nombreuse réparations sont indispensables, qui coûtent 15 M. (prix ridicule) et seront terminées lundi.

            Un soleil merveilleux, Pré-printemps. Comment vas-tu ?

Vais-je recevoir une lettre ? Je pense beaucoup à toi : toutes les heures, je me dis : à présent elle fait ceci, à présent elle fait cela. Demain chez les Clermont-Tonnerre cela promet.

                        Je te prends toute dans mes bras.

                                                           Ivan

Claire (Paris) à Yvan (Francfort)  1er mars 1930

                                                       19, rue Raffet, Paris XVIème

                                                           samedi (1er mars 1930)

            Chéri, à l'instant ton télégramme ! En remerciement, ce baiser ultra-rouge de mes lèvres à la fin de cette épître. Quel type tu es ! A présent, j'espère seulement que tu auras de la chance au théâtre et qu'une lampe Sollux s'allumera sur ton talent. Et remets-toi bien à la campagne, car Francfort est sûrement la campagne à côté de Paris.

            Dis à Meyer que je le supplie d'arracher mon "Allemande" aux serres de Wasservogel. A quel éditeur pense-t-il pour "La Perle" ? Rütten et Loenig à Francfort ? Les histoires d'animaux sont chez l'imprimeur. Une dame, Kate Hirschmann, a envoyé un pneu au sujet de Pascin pour Vanity Fair. Elle voulait publier quelques reproductions et ta photo. Je lui ai répondu par pneumatique, qu'elle trouvera cela chez Martinie.

            Amy Linker m'a fait une robe délicieuse. Avec Patou, rien pour l'instant, bien qu'hier il soit entré et se soit assis sur le bureau de Bernard, pour se faire admirer, ce dictateur des tissus, si avare. Dans une heure, Georges Devereux viendra me chercher pour aller au cocktail de la Duchesse de Grammont. Ainsi donc, prends ce baiser comme acompte.

                                                           Ta Susu

            James Joyce m'a chanté un beau Lied au piano.

            C'était ravissant :

             " The dark-haired girl " était le titre. Sentimental et triste.

Ivan Goll rentre le 3 ou 4 mars et repart le 5 août pour Largentière travailler sur un scénario de Film avec Walter et Nina Ruttman.  Il y restera jusqu'au lundi 18 août.

Claire (Paris) à Yvan (Largentière)  6 août 1930

                                                       mercredi matin 1930

                                               Ceci est une goutte de pluie,

                                               Je suis couchée à la fenêtre

                                               et il pleut à verse

Chéri, petit cœur,

            J'ai encore voyagé toute la nuit avec toi (comme toujours). J'étais couchée dans tes doux yeux bruns. Quelquefois, je les grignotais  Les gâteaux de miel sont rares en France. J'espère que tu as là-bas du soleil et beaucoup de joie.

            Je viens de faire faire le ménage à fond de ta chambre.  Toutes ces pensées méchantes et aimantes à mon sujet, qui voltigent partout, les voici dévorées par l'aspirateur !

Perpetuum vacuum mobile.

            Et les 150 frs suisses du  Rheinverlag ont été payés, et l'argent pour moi vient justement d'arriver.

            Ce soir, Maria est avec moi, et la femme me fait la cuisine, en revanche l'après-midi.

            Les pigeons sont venus dès le petit matin et n'ont pas voulu manger, par ce que tu es parti. Les vignes laissent pendre leurs feuilles et l'acacia secoue sa belle chevelure verte. Avant-hier, j'étais enceinte de tristesse, mais à présent, cela va mieux ; je fais des progrès en gaieté et j'attends angéliquement, comme un ange de Fra Angelico, l'annonce de ton retour à la maison.

            Rodier m'a fait cadeau d'une couverture extraordinaire, une prairie de cachemire. Récemment, il n'a donné à Colette qu'un châle. J'ai presque honte - mais seulement presque. C'est une couverture céleste, on voit tout de suite qu'elle est faite avec la laine des chèvres qui vivent au Tibet à une altitude de 5000 mètres. Sous cette couverture, j'apprendrai à voler et à rimer, et à faire des poésies sur " petit cœur ".

            Au revoir, vis bien, - mieux que jamais ; bonjour de ma part à Rut (°) et à "Niemann". Et écris bientôt. Envoie à la cousine Lucie le Mont Elimar et à moi la fleur blonde du midi, et salue aussi de ma part Zouzou, si tu la rencontres.

                                               En amour,

                                                                       Ton

                                                                                                                                                         

(°)  Walter Ruttmann

extrait d'une lettre Ivan Goll (Largentière) à Claire à Paris du 7 août 1930

                                                                                              7 août 1930

Et c'est pourquoi, Aimée, tu ne dois pas être triste si j'aime à présent ton œuvre, c'est-à-dire moi, plus que son sculpteur. Si je suis heureux dans la solitude. Si je m'épanouis dans les sentiments dont tu m'as fait don.

            Oh, tu meurs parce que tu ne me touches pas ? Mais moi, je crains ce qu'il y a de périssable dans le contact. C'est pourquoi j'ai fui. Mais vers moi-même, vers moi seul. Parce que j'aime plus l'amour que l'accomplissement.

Lettre Ivan Goll (Largentière) à Claire à Paris du 8 août 1930

                                                                       Largentière

                                                                       vendredi 8 août 30

Chère Zouzou,

           Comme elle était douce, ta lettre de pluie, écrite mercredi. Par contre, ma lettre de soleil, écrite hier, était beaucoup plus âpre. Pardonne. Mais je ne serai pas délivré de mes soucis, tant que tout ne sera pas fait pour protéger contre les éléments terrestres  ta gracilité de fée. Ce stupide mois d'août, si pluvieux qu'il soit, sera bientôt fini, et il est vraiment très important que tu fasses encore ta cure à Challes. Comme je te l'ai dit, je reviendrai peut-être seulement à la fin de la semaine prochaine, et tu gaspilles à Paris tes meilleurs jours. C'est pourquoi je te conseille ce petit effort : quand tu seras assise dans le train, tu seras contente.

            Nous travaillons à trois au découpage : le matin, l'après-midi, le soir, - étendus dans une prairie ou assis à une table sur la terrasse.

            Largentière, une très vieille ville, avec des ruelles mal famées, des balcons en ruines. Beaucoup d'animaux pour le film sonore : ânes, chats, et tout autour une nature de "midi moins cinq", comme dit Nina. Vraiment très aimables, Rutt et sa femme, et quand le film sera réalisé, j'aurai certainement collaboré à une belle œuvre d'art. C'est seulement au travail que l'on constate combien Ruttmann a un talent symphonique et pictural !

            Très dommage que tu ne sois pas la quatrième dans cette coalition, mais, à l'exception de nos rires retentissants, - tu ne supporterais pas les menus.

                                   Je te caresse la plante des pieds

                                                                       Ivan

Lettre Ivan Goll (Largentière) à Claire à Paris du 10 août 1930, terminée le 11

                                                                       Largentière

                                                                       10 août 30

Très chère Zouzou,

            Il faut que je te parle un peu de notre vie à trois, ici. Ruttmann * et Nina sont très cordiaux à mon égard, mais ils forment un tout, et je reste en dehors. Ils sont terriblement amoureux, surtout Nina, et il est souvent difficile de supporter le spectacle de cet amourachement, bien qu'il soit absolument sincère et senti. Nous travaillons toute la journée, à partir de 9 heures du matin, et l'après-midi dans une prairie, sur les collines qui surmontent la ville. Crissement de grillons, ombre des châtaigniers, et tout près de là, des pruniers dont les fruits mûrs nous rafraîchissent. Chacun déballe ses idées. Ruttmann dirige, il a la parole, et j'écris en français ce qui est accepté. Mais la discussion est quelquefois difficile, précisément à cause de cet amourachement. Ruttmann parle sans cesse en fixant Nina dans les yeux, c'est pour elle qu'il invente. Tout dépend de son approbation. Quand il a trouvé quelque joli effet, elle fait des yeux de bienheureuse, se colle à lui, pleine d'admiration, baise sa main, son épaule ou sa joue mal rasée. Ils travaillent d'un seul élan, pour ainsi dire l'un dans l'autre, le jour et... la nuit, et j'ai souvent de la peine à les convaincre de certains changements dans les vers. Souvent, le travail continue encore, le soir, dans leur chambre. Nina dit que c'est une tâche historique, car ce sera le premier film sonore construit selon des lois internes, comme une symphonie de formes picturales et tonales. Je crois que nous avons déjà découvert beaucoup de choses neuves, fondamentales pour l'art du film sonore. Quelque chose comme les premiers jeux mystères.

            Et cependant, le séjour ici est pour moi très rafraîchissant. Je t'ai déjà écrit quelles débauches nous faisons en ce qui concerne la nourriture. Aujourd'hui dimanche, par exemple, il y avait le matin des brioches faites à la maison, avec le café ; Ruttmann nage dans la joie à cause du vin rouge qui coule sans arrêt. Je sors dès 6 heures du matin et je fais une marche de deux heures à travers les vignobles. Les repas sont très animés. Nous rions beaucoup. Mais tout cela reste naturellement sain et sans apprêts. Pour toi, ces assiettes seraient trop mal lavées et chaque rôti contreviendrait à ton régime. Dommage tout de même que tu ne sois pas ici. Le temps est aussi beau qu'on peut souhaiter : pas encore une goutte de pluie depuis notre arrivée, seulement des nuages deci-delà, pour qu'il ne fasse pas trop chaud. Une chaleur prolongée, ici, serait sans doute pénible. Je me remets bien, et suis déjà tout bruni.

            Toi seule me cause des soucis. Depuis ta première lettre, je n'ai pas reçu de nouvelles, et ne sais ce que tu as décidé au sujet de Challes. Peut-être une lettre arrivera-t-elle à midi ?

            Dimanche midi - Pas de lettre. (Seulement l'imprimé, merci).

            Lundi midi, toujours rien ? !

Je viens de te télégraphier pour te dire :

            1) que nous restons ici jusqu'à lundi prochain le 18 août : nos billets peuvent être prolongés avec un petit supplément.

            2) que j'espère apprendre qu'entre temps, tu es enfin partie pour Challes. Un petit effort, et tu y seras. Quelqu'un t'aidera bien.

            3) que je t'appellerai demain matin au téléphone, pour entendre à nouveau ta voix d'oiseau. Si tout se passe comme je l'ai prévu, je pourrai aller te voir à Challes le mardi 19 et rester 2 ou 3 jours près de toi, mais pas davantage, car je ne dois, sous aucun prétexte, laisser les Ruttmann livrés à eux-mêmes, tant que le manuscrit n'est pas terminé et envoyé. Mais avant la version définitive, il faudra sûrement encore deux semaines.

            Continue à me faire confiance et à aimer ton

                                               éternellement dévoué

                                                           Ivan

* Ivan et Walter Ruttmann font ensemble un scénario.

Claire (Paris) à Ivan (Largentière)  11 août 1930

                                                       lundi après-midi

                                                      (Paris 11 août 1930)

Chéri,

            Merci pour ta chère lettre. Je pars jeudi pour Challes et te confirmerai encore mon départ télégraphiquement. Mais vraiment, tant qu'il pleut et vente de la sorte, je n'ai rien perdu à ne pas être là-bas.

            Je suis heureuse de savoir que vous travaillez si bien et que vous avez beaucoup de soleil. Sûrement, tu reviendras bruni et fort, les poches pleines de poésies et l'âme pleine de fleurs. Fifi est perché là et bat de ses ailes blanches, comme s'il voulait applaudir au fait que je vole vers toi, là, dans ma lettre. Je vole vers toi, en effet, souvent, - plus souvent que tu ne penses, et je te caresse. Aujourd'hui, j'ai regardé longtemps ta photo et j'ai causé avec elle.

            Ce soir, je vais avec Maria à la sauterie, au Bal des coeurs de la rue des Vertus. Quels doux noms, n'est-ce pas ? Ensuite, je dormirai près de toi, cela me fera grand plaisir.

            Ma "Salade" a paru, ainsi que 2 articles géants d'Iris Scarawaros sur moi, - à Athènes. Je ne peux pas bien t'écrire, car j'ai égaré mon stylo et j'écris avec de l'encre et une plume appartenant à René. D'ailleurs, les Claudel sont charmants, ils m'apportent à manger et prennent soin de moi d'une manière touchante. Ne sois pas inquiet, je suis bien remise et je me sens, pour le moment, en excellente santé. - J'ai écrit à tes gens, mais sans parler de ton voyage. - Je viens de réfléchir : si tu reviens lundi, je pourrais, au fond, t'attendre ici ; il doit faire à Challes un temps épouvantable. Ici, au moins, je peux chauffer. Télégraphie-moi tout de suite, pour me dire si je ne dois pas t'attendre.

            Je t'embrasse avec une grande tendresse.

                                                                       Ta Susu

Claire part le 14 août pour Challes. Ivan revient à Paris le 18 août   

Lettre Ivan Goll (Paris) à Claire à Challes-les-Eaux du 22 août 1930

                                                                       Paris 22 août 30

Très chère Zouzou,

            Fausse alerte ! Mon télégramme d'hier " Réconcilié avec les Ruttmann" avait été possible dans l'émotion de notre revoir. J'ai rencontré le couple hier matin, à son retour de ce long voyage. Nous devions nous mettre d'accord, recommencer à collaborer, et c'est aujourd'hui seulement que je devais apporter le contrat...

            Et aujourd'hui, après une nuit, les visages étaient redevenus sombres. On a discuté par-ci par-là, marchandé : nous avons fini par reconnaître que, dans ces nouvelles conditions, un travail en commun n'est plus souhaitable. Donc, tout est bien, voilà une solution claire, au moins et mon inquiétude de ces derniers jours est tombée comme une fièvre. Terminé. Un contrat a été fait, dont je te parlerai...

            Ah ! que tes trois cartes étaient délicieuses ! elles signifient pour moi un langage plus intime, plus de soins et un souvenir profond. J'ai grand besoin de ton amour, j'ai tant souffert ! Et j'ai tant besoin de sécurité pour achever mon drame futur !

            Lundi, je pars pour te revenir. Tout, tout ce que tu as noté te sera apporté. Il faut encore que je lise à la Bibliothèque les documents "Mélusine". Une dame très mystérieuse, sur laquelle on a peu écrit, à ma grande surprise. Eh bien, Mélusine sera donc de moi.

            Voici quelques photos que j'ai été chercher au magasin où on les a développées, et que j'ai reproduites immédiatement pour toi. Très bonnes, avec cet appareil bon marché !

            Oui, je t'apporterai aussi Contrepoint : entre nous, Colombat a puisé sans savoir dans le dernier feuilleton de Jaloux, dans Les Nouvelles Littéraires. J'aurais aussi bien pu te le dire.

                                   Travailles-tu ?

                                                           Avec tout mon amour

                                                                                  Ton

                                                                                              Ivan

Il ira retrouver Claire à Challes le lundi 25 août. Ils restent tous deux à Challes jusqu'au 13 septembre car Claire rentre à Paris. Ivan reste dans la chambre d'hôtel de Claire pour travailler sur sa pièce Mélusine sans doute jusqu'au 20 septembre.

Lettre Ivan Goll (Challes-les-Eaux ) à Claire à Paris du 14 septembre 1930

                                                                       Dimanche 14 sept. 30

Chère Zouzou,

            Ta petite lettre, avec le lambeau de nuage, vu de ce train, m'est arrivée en voltigeant, aujourd'hui déjà à midi, - tout à fait inespérée en ce premier jour de solitude, - jour sans distribution de courrier. Sache le tout de suite, l'argent suisse est tout de même arrivé hier soir, et malheureusement trop tard. Il suffit tout juste à payer la dernière note d(hôtel, et peut-être aussi la prochaine, ainsi que le voyage. C'est pourquoi je ne t'ai rien envoyé aujourd'hui.

            Il est beau d'habiter ta chambre, et rien de ta nervosité n'était resté sur l'oreiller, j'ai dormi magnifiquement bien, sans moustiques.

            Mais quelque chose de ton esprit plane cependant entre les murs et m'environne, tandis que je travaille à la Mélusine. Aujourd'hui, j'ai achevé à peu près le premier acte. Mais si je compte, de plus, 2 jours pour dactylographier chaque acte, je n'arriverai pas à partir d'ici avant la fin de la semaine.

            Le temps continue à être frais et pluvieux. Pietro est très gentil pour moi

Mais seulement une portion de glace. A part ça, rien de changé.

                                               Prie pour Mélusine et pour ton

                                                                                  Ivan

Claire (Paris) à Yvan (Challes-les-Eaux)  17 septembre 1930

                                                       mercredi

Chéri,

            Merci pour ta petite lettre. Il arrive à Mélusine la même chose qu'aux lézards : quand on leur arrache la queue, elle repousse par petits bouts. Tu lui en as greffé une neuve : espérons qu'elle sera dix fois plus belle que l'ancienne.

            Ici, il n'y a rien de nouveau. Le courrier manque tout à fait de tempérament. Seulement, une charmante lettre de remerciement de Cassou, dans laquelle il dit qu'en octobre (à la rentrée de tout le monde), il écrira quelque chose de beau sur nous. Les truffes ont eu, cette fois-ci, une puissante action sur l'âme.

            Les Clauzel me réconcilient avec la nourriture et sont délicieux. Achète pour Madame Clauzel des truffes que tu lui rapporteras (si tu as, à Chambéry, le temps de faire cet achat) ; aux petites filles, j'ai apporté, tu le sais, les bracelets. Il faut que nous leur donnions quelque chose en échange de tout ce qu'il font pour nous.

            As-tu été avec Simone chez la "Madone noire" ? Salue-la cordialement de ma part, ainsi que Muttery. Et aussi Pietro, Etienne et Dufour.

            Je travaille à des articles et je chauffe ma chambre, car il fait froid et il pleut.

            Les pigeons m'ont fait un accueil suave. Fifi s'est perché sur mon bras (Renée en est témoin) et m'a picorée avec zèle. Puis il a posé une petite patte sur la vigne, étendu une aile au-dessus de ma main et a pris doucement les miettes de pain dans mes doigts. Il t'envoie un baiser de pigeon et je t'en envoie trois, cela fait quatre.

                                                                       Avec amour

                                                                                  Ta Zouzou

Tout le courrier conservé du Marquis de Casa-Fuerte Alvarez de Toledo à Claire 1931/32

Samedi matin

Mon Eliane, mon Amour ! J'aurais du partir ce matin pour le Basilicate (?) et je ne pars pas.

A la suite de mon voyage à Naples, aux cours à la recherche des fiefs abandonnés est retardée. Le cousin qui est intéressé comme moi bien qu'en des proportions moindres, à cette      retadication (?) m'avait promis son aide et m'avait dit de m'entendre avec son homme d'affaires qui est à Naples, et c'était pour voir cet homme d'affaires que j'avais pris le chemin de ma ville natale. Mais cet homme m'a dit que pour le moment mon cousin ne pouvait pas disposer d'argent. Je ne veux pas faire  face seul aux frais que cette affaire exige. J'ai déjà dépensé pas mal d'argent pour cela. J'attendrai donc ou son concours ou le concours de quelqu'un d'autre ou de pouvoir le faire seul. D'autre part, une affaire, qui avait l'air de marcher bien, me semble compromise. C'est, tu le vois, mon Ange, toujours les obstacles qui surgissent devant moi, qu'il faut que je vainque. Tu me trouves un peu découragé, mais cela passera. Tu sais que je tiens bon. La solution, je l'aurai ici. Il faut que cela soit. J'ai reçu de Marseille mon premier acte copié à la machine, mais en un seul exemplaire alors que j'avais demandé deux exemplaires. Comme cet exemplaire contient des fautes, il faut que je l'envoie corrigé à Marseille. Je vais leur demander de m'envoyer un double exemplaire du texte, car je veux t'en envoyer un.S'ils ne le font pas, je le ferai copier quelque part. Mais, tu ne me dis rien de ta date. Je vois qu'ils ne se pressent pas beaucoup à Marseille et je ne sais pas quand ils pensent faire partir ma pièce. On me la demande pour Rome : on m'a déjà offert de la traduire en italien mais j'ai prévenu que la censure ne la laisserait pas passer; et puis, je ne vois pas quelle troupe italienne pourrait bien la jouer. On m'a offert, en outre, de la donner ici, en français, dans une salle privée - peut-être à l'Ambassade de France - et que je prie un des …

…"Grosse " affaire et à 3 h avec Aymard

Eliane, je t'adore

                                   Illan

                                                           1931

…3h½ - Je t'écris d'un petit café de la rue Réaumur. Aymard m'attendait chez lui, mais pour sortir car il devait aller à la Liberté, de sorte que nous avons parlé en cours de route, dans son auto. Je m'occuperai pour lui trouver quelque chose de très sérieux et important dans quelque grosse société. Je t'en ai déjà parlé, mais, c'est si difficile actuellement et les plus florissantes sociétés réduisent leurs frais et leur personnel. C'est une question de patience encore. Aymard peut beaucoup de par sa situation. Nous verrons. Il faut s'en remettre dans la main de Dieu, s'aider - Aide-toi, le Ciel t'aidera, dit le vieux proverbe. Continuons donc à lutter  -  Chaque jour suffit à sa peine - Ayons courage -

Le vacarme de cette rue est assourdissant. Mon Dieu, avoir du silence et un peu de calme -, une vie faite de douceur — Je vais reprendre ma vie, mes gens, mes rendez-vous. Je viens avec toi. Cette lettre est la dernière à Bühl (°). Ne maigris plus. - Plana a mangé devant son petit lit et Jean devant son  vileau(?). C'était exquis pour moi de les voir devant ces jouets que tu as choisis et que tes mains ont touchés.-

Reviens à Paris en bon état. Dis "au revoir" à  Bühl, aux astres, au paysage, à la gare. Dis à toutes ces choses que nous reviendrons si Dieu veut.

                                                           Je suis à toi, mon Eliane, pour

                                                           toujours

                                                                       ton  Illan

(°)  Claire  fait une cure à Bühlerhöhe-Baden du 31 mars au 14  mai 1931

SDdV 510.306 ¹

Dimanche soir 10h½

Mon Eliane adorée, Je suis encore tout bouleversé par le son de ta voix.Elle était si claire, elle reflétait si bien ton âme, elle était tellement toi. - Cette semaine doit être une semaine décisive pour moi, pour nous.  Les Grosses affaires que j'ai en train doivent se décider cette semaine. Je ne parle pas de l'hôtel de l'Av. Hoche montré à l'Anglais qui a eu une très bonne impression, mais cela ne se fera que dans quinze à vingt jours, ni dans la vente de quinze immeubles rue Marbeuf pour 70 millions, au sujet desquels j'ai rendez-vous mardi, mais j'ai une ouverture de crédit qui devrait être faite avant la fin du mois et sur cela, je compte bien - je serai  fixé mardi -, et un prêt hypothécaire de 70 millions qui devrait être décidé également dans le courant de la semaine - J'ai l'affaire Ummeyer, mais elle ne se fera pas de suite, et j'ai demain peut-être la vente d'un Watteau que je montre dans l'après-midi — Pour la Grande Armée, qui aurait été signée sans nous, je ne sais pas encore si l'affaire est faite. - Mercredi, j'ai un Conseil d'Administration pour la Société de Produits chimiques dont les gens de Toulouse se disputent avec ceux de Paris, mais j'ai été diplomate et je suis bien avec les deux groupes. Pourrai-je partir Samedi matin si ma présence ?

(mardi)

Je ferai tout ce qu'il faut pour partir samedi. Je n'ai pas d'argent. Je tâcherai de m'en procurer pour cela. Demain, je dois avoir une réunion pour la Société de Produis chimiques qui me doit de l'argent et je demanderai un acompte aux gens de Toulouse qui tiennent à être bien avec moi - Je te montre tous mes trucs !

Ce qui pourrait me retenir, ce serait la signature pour samedi ou lundi d'une affaire importante et qui serait, mon Ange, le sauvetage complet * Mais je ne puis y songer.

                                                                                                                         je t'aime

                                  

mardi 3 J.

Mon Eliane, mon Amour. Tu as eu raison de me parler de tes ennuis matériels : je te l'avais demandé et je ne t'ai jamais caché les miens. IL faut savoir le plus possible de celui que l'on aime. Je veux te parler tout de suite de la reconnaissance. Ecoute-moi bien -  Tu te rappelles quand, en juillet, j'étais désespéré de ne pouvoir envoyer 50 francs pour ta chaîne ? En quittant Paris, ne décembre dernier, j'avais donné la reconnaissance à Mr Mangin,  5, Bd des Italiens qui m'avait avancé 50 frs. dessus. J'avais payé les intérêts (5 frs. Par mois) sauf une fois, que je t'avais priée de lui envoyer cette forte somme - C'est lui qui s'est chargé de payer les intérêts au Mont-de-Piété après les 6 mois, il a payé et m'a fait savoir combien je lui devais. Cela formait une cinquantaine de francs, et c'étaient ces cinquante francs que je voulais lui envoyer. Voici une carte de lui, pour que tu saches bien son nom et son adresse et voici une carte de moi pour que tu règles avec lui. Car il y a les deux hypothèses : ou bien il a laissé vendre le bijou, et je ne le crois pas car il a renouvelé à l'échéance, ainsi qu'il me l'avait écrit, ou bien il a continué l'opération. Enfin, va le voir. C'est un brave homme, malgré le métier qu'il exerce.  En lui payant les cinquante francs et les quelques mois d'intérêts jusqu'à présent, il devrait te rendre la reconnaissance. Et alors, tu pourrais alors dégager la chaîne et la vendre si tu veux ou bien la garder. Tu peux te défendre avec lui, car en lui donnant la reconnaissance sur laquelle il m'avait avancé 50 frs., je lui avais dit qu'il s'agissait d'un ami qui m'avait demandé de lui rendre ce petit service, dans ce cas, c'est toi l'ami — Comme il m'est pénible de savoir que tu te débats dans de misérables ennuis d'argent, mon Eliane, et de ne rien pouvoir pour le moment ! J'ai accompli, comme je te l'ai dit, plusieurs petits miracles qui m'ont permis de vivre et d'envoyer quelques francs à St-Brion (?) pour mon petit Jean. Ne meurs pas de faim, mais depuis que je suis rentré à Rome, je n'ai pas pu donner un centime à l'hôtel Hassler (?). Je dois deux mille francs. On ne me fait pas d'ennuis, car ils me connaissent. Mais cela ne peut évidemment pas durer longtemps.

SDdV 510.306

carte de visite Marquis de Casa-Fuerte

                          Alvarez de Toledo

avec ce texte :                                                                       et au dos

____________________________________          __________________________________

            Cher Monsieur Mangin,                                             de l'hiver dernier. Je lui don -

        je vous présente Madame          

                                                                                              ne, à  cet  effet, les  plus  am -

            Marquis de Casa-Fuerte                                           ples  pouvoirs.

                 Alvarez de Toledo

                                                                                              Croyez - moi, votre

      Claire Lang qui vient régler

                        la petite opération                                          Casafuerte

____________________________________          _________________________________ SDdV 510.306 ¹

1 b.

Vraiment Saint-Pierre m'a toujours donné de cruelles désillusions. Cette majestueuse froideur, ce colossal du pompeux, ces statues représentant des géants de l'histoire de l'Eglise, ces mosaïques trop reluisantes, ces colonnes torses païennes. Il est vrai que les anges du Bernin sont merveilleux encore qu'énormes, que la grande place bien connue est magnifique, et d'une proportion et d'un dessin uniques –

J'ai voulu aller au bureau de Poste du Vatican. Un garde suisse, trouvant que j'avais probablement que j'avais l'air peu étranger, puisque je n'avais pas de guide à mon bras, m'a demandé avec un accent germanique ce que je désirais 

ce sont tous des suisses allemands  – Je lui ai répondu que je voulais acheter des cartes postales    Le bureau de Poste est allemand 

On y parlait toutes les langues et des Français jacassaient comme aux Galeries Lafayette 

Je suis allé déjeuner dans un restaurant hongrois, juste en face de Saint-Pierre, d'où je t'écris. J'ai mangé du jambon, bien entendu de Prague,, du Goulasch, du raisin, que je pense venu de la campagne romaine, et j'ai bu de la Pilsner Urquell. Je suis dans un charmant Schattiger Garten. Les tables sont occupées par des citoyens de l'Europe centrale, sauf quatre séminaristes anglais. Le toit est en verdure, est au centre, il y a un petit bâtiment qui a les prétentions de grandir. Voici la photographie du Garde qui m'a interpellé tout à l'heure. Son costume a été dessiné par Michel-Ange. Mais pourquoi suis-je seul à cette table ? Pourquoi n'es-tu pas avec moi, mon Ange ? Pourquoi es-tu  seule à la table de Challes ?

Je rentre en Italie !

                                   Je t'aime

                                               Illan

De l'Hôtel 6 h.

Mon Eliane, En Italie, j'ai retrouvé Peppino, que je quitte à l'instant. Demain matin, nous irons avec son auto à Baliano (?). Je viens de télégraphier là-bas, pour qu'on nous attende. J'espère bien tout régler, revenir ici demain soir même. Lundi matin, je te télégraphierai car je pourrai fixer mon départ. Peut-être pourrai-je partir mardi matin et être dans tes bras mercredi-matin.

            Mon Amour, mon Amour, à toi tout moi

                                                                       ton

                                                                                     Illan

                                                                                 

Lettre Ivan Goll (Berlin) à Claire (Paris) du 1.II.1931

                                                                       Dimanche 1. II. 31

Chère Zouzou

Je vais te faire mon rapport sur le Bal de la Presse ; ce n'était pas un bal, mais une promenade triste à travers les salles du Zoo. Dans une des salles principales, il y avait une loge officielle et le flot des fracs et des redingotes tournait autour de cette salle, en rond, comme dans une cour de prison. A d'autres tables, étaient assises des délégations de grands-mères avec leurs diamants, celles du monde théâtral et du cinéma, avec de jolis dos, celles de l'armée avec des croix de fer, etc... Effrayant ! Chacun n'était là que pour lui-même. Chacun voulait être contemplé bouche bée. Il en résultait que personne ne voyait rien, ni n'était vu. Ensuite, il y avait les tables. Ceux qui se connaissaient s'étaient rassemblés en constellations. Là, on était entre soi, comme à la maison. Je connaissais seulement les Stern, qui avaient à leur table les invités habituels de leur salon. Mais, Betty par ailleurs a été très gentille : elle me prit par le bras pour faire un tour dans les alles, et à chacune de ses relations, elle criait : c'est Yvan Goll ! A vrai dire, cela leur était terriblement égal. Mais, tout compte fait, ça a fini par deux conversations plus tranquilles avec deux dames intéressantes : Sibylle Binder, qui était magnifique : longue robe de soie blanche, petit boléro de dentelle noire, gants et souliers rouges. Le raffinement même. Et Agnès Straub, avec qui je me suis aussi beaucoup promené.

Plus tard, nous allâmes au bal masqué de la Volksbühne, où c'était plus gai, naturellement. Là, Mme Straub m'a présenté au metteur en scène Aufricht, qui s'écria : « Je sais, je sais déjà ! vous avez 2 pièces, Mme Stern me l'a dit tout à l'heure. Apportez-les moi !» Aufricht a le théâtre du Kurfurstendamm. Etaient également présents Francesco et Mendelsohn.

            Aujourd'hui dimanche, la journée s'est présentée tout autrement. Georges Manfred, qui habite maintenant à Berlin, 10, rue Bach, près de la gare Tiergarten, avait invité les gens les plus en renom à une discussion sur le "drame contemporain ",  le drame didactique:  il y avait Brecht,  Döblin,  Diebold,  Faktor,  Herzfelde,  Wolfenstein,  Willy Haas,  Kersten,  Guilbeaux,  Cranach,  Carola Neher,  Marina,  Werner Hegemann,  etc. etc…Rien que des chefs de file.      Donc, en face de ce bloc, Brecht dont on a représenté récemment un drame didactique communiste "Die Massnahme ",  et qui affrontait ces artistes et ces critiques,  pour la plupart libéraux,  avec une superbe et une ironie que j’admirais,  prit la parole. La discussion déviait sans cesse et s’éloignait du sujet,  c’était un chaos incroyable d’idées,  de thèses différentes. On n’arrivait pas à y voir clair. Et comme s’était bienfaisant pour moi,  qui ne pris pas la parole,  d’observer cet abîme de sottises émanant de porte-plume les plus lus !  Seul,  Brecht était supérieurement brillant.

            Georges Manfred et sa femme, très gentils. Nombreux sont ceux qui ont demandé de tes nouvelles. Il y avait des petits fours et des boissons de premier ordre. Mais une réunion de ce genre n'a lieu qu'une fois ou deux dans la saison.

            Demain, une nouvelle semaine commence. Jusqu'à présent, rien n'est encore atteint. A qui donnerai-je d'abord la Mélusine; après Lisl ? Chez Bloch Erben, je rencontre Kronscher, qui est justement ici. Mercredi soir, je parle à la Radio.

            Malheureusement, Piscator est en prison depuis 3 jours, ce qu'on a beaucoup déploré à la réunion chez Georges Manfred

            Je te remercie pour ta lettre et pour les Nouvelles Littéraires, je t'envoie l'almanach du Bal de la Presse et la "Radio"

             et reste ton vieil

                        Ivan

Je t'enverrai demain 100 marks.

Claire Goll & Ivan Goll,  Meiner Seele Töne, Scherz,  1978 (p..58-59-60).

nouvelle édition annotée avec de remarquables commentaires de Barbara Glauert.

La traduction française de ces lettres, due à Claire Goll, reste inédite à ce jour.

Télégramme d'Ivan Goll à Paula Ludwig  du 22/2/1931 à 18h20 IsmL p.5

Suis désolé - impossible de venir aujourd'hui souffrant de doigts malades - Ivan

lettre Ivan Goll de Berlin à Claire Goll à Paris du 22 février 1931

(manque la première page égarée)

... J'ai aussi fait la connaissance de Paula Ludwig. Etrange fille de paysans, son père fabriquait des cercueils; une tête un peu "bois gravé", mais une belle âme? Elle évolue lentement et devient peu à peu une Lasker-Schuler chrétienne . Elle a aussi un fils de 13 ans, qui vit dans une colonie scolaire au bord de la mer. Enfant illégitime. Elle a été femme de chambre, modèle à Münich, souffleuse ; à présent, elle écrit des poésies dédiées à son petit garçon. Et quelle modestie dans la pauvreté !

Remarques-tu quelque chose dans mon écriture ? J'écris avec le pouce et le majeur, car mon index droit est malade de nouveau ; grosse bosse de pus, cataplasmes et toute la suite. C'est ainsi que je devrai écrire les scènes de "Germaine" (Berton).

Beaucoup de tendresse de ton Ivan. MST p.60

lettre Ivan Goll de Berlin à Claire Goll à Paris du 25 février 1931 MST p.61

                                                                       Berlin, 25 Févr. 31

Chère Zouzou,

             Betty vient de me téléphoner et elle m'a lu ta lettre d'une voix enthousiasmée, disant que cette lettre est géniale, bien plus belle que tous les Youssouf  de la Lasker-Schuler, et qu'elle la porterait dorénavant sous son corset, sur la peau (pauvre lettre !). Par ailleurs, elle a de plus en plus la folie des grandeurs ; encore aujourd'hui, elle rêve de cette réception dont le compte-rendu a paru dans le "Petit Journal" que je t'ai envoyé. Tous briguent ses faveurs, et tous se moquent de ses prétentions.

            Je travaille comme un enragé à cette conférence radiophonique sur James Joyce. Pioché encore une fois tout le texte d'Ulysse ! En outre, je souffre à devenir fou, depuis 3 jours. Mon doigt est presque guéri - dimanche soir, je n'en pouvais plus et j'ai couru à 11 heures chez le Dr Gumpert, qui l'a incisé - mais à présent, un nouvel abcès commence à me pincer l'omoplate. C'est horrible. Quand serai-je enfin délivré de cette calamité ?

            En ce qui concerne les fonds : voici d'abord 2 chèques. un de 323 frs 75, pour nous débarrasser définitivement du boucher (un autre abcès) - porte-lui le chèque. Ensuite, un chèque de 1500 frs pour toi. Je ne puis absolument pas envoyer plus que ces 1800, pour l'instant. Fais patienter Ozenfant et le pharmacien jusqu'à mon retour. Peut-être aurons-nous une rentrée avant. Je t'ai écrit, la dernière fois, que j'ai de nombreuses choses en perspective, mais seulement si j'ai de la patience.

            Espérons que nous saurons bientôt quelque chose de certain sur la Bovary. Demande en tout cas, une option de 3 mois, immédiatement !

            Oui, d'après tout ce que j'entends dire sur les sanatoria, les prix de Bühlerhöhe me paraissent tout à fait acceptables. St-Hubertus, tellement près de Berlin, ne vaut rien, naturellement. Loschwitz aussi est une sorte d'îlot des nerfs. A Bühlerhöhe, je pourrai venir passer quelque temps, étant donné que je devrai travailler à Francfort, avec Sassheim, à la "Kapellmeisterin".

            As-tu vu, entre temps, Mme Hesterberg ? Tu n'as jamais écrit comment les choses ont fini avec Desnos. La Symphonie de psaumes, de Stravinsky, a été donnée ici, à Berlin, avant de l'être à Paris.

                        Avec tendresse

                                               Ton

                                                           Ivan

Ivan Goll à Paula Ludwig : pneumatique du 27/2 à 18h IsmL p.5

Viens vers minuit                   I.

Ivan Goll :  2 mars 1931,  poème pour Paula Ludwig IsmL p.5/6

lettre Ivan Goll de Berlin à Claire Goll à Paris du samedi 7 mars 1931  MST p.62/63

Chère Suzu,

Que ta dernière lettre était merveilleuse ! Si sûre et si compréhensive. La voix de ton cœur est un alto apaisant. Oui, je suis maintenant très bien installé chez Paula Ludwig. Elle m'a très bien soigné pendant ma maladie. Ce furent des jours terribles. J'avais un vrai bubon de pus, ce qui ne m'est encore jamais arrivé. Finalement, j'ai dû faire venir un médecin, le Dr Pinkus, qui m'a soulagé aussitôt. Mais j'ai porté, longtemps encore un pansement, et n'ai pu me montrer nulle part. A présent, je redeviens lentement un Européen.

            Dans mes travaux aussi, j'ai été très gêné. J'ai pu tout juste encore mettre au point, en partie, le montage sur Joyce : car la Radio va l'étirer : une heure et demie à notre disposition. D'abord une courte discussion entre Hirschfeld et moi, au sujet de Joyce, puis des lectures extraites des divers chapitres d'Ulysse, par des acteurs de premier ordre, et enfin, le disque enregistré par Joyce.…et cela nous rapportera aussi un beau petit pécule.        Mais toujours encore, je n'ai de l'argent - qu'en perspective ! Néanmoins, j'ai une grande surprise pour toi :  je t'ai acheté un châle chinois en soie, avec de grandes fleurs rouges sur fond blanc, brodé sue les deux faces, avec des franges nouées à la main. Il m'a coûté cher, mais c'était tout de même une occasion. A Paris, il coûterait trois fois plus. Très grand. Et beaucoup plus beau que les châles espagnols.

            En es-tu heureuse ? Cela me fait si mal d'apprendre que tes bronches ne sont toujours pas en bon état. Pourquoi traînes-tu dans ce climat pseudo-printanier de Paris ? Naturellement, il a toujours été malsain. Je te conseille vivement de partir le plus tôt possible pour Bühlerhöhe.  Les prix dont on t'a parlé sont réellement doux auprès de ceux que l'on entend ici. Venir à Berlin, je ne te le conseille pas. D'abord, à cause de ta santé. Et puis aussi, parce qu'au point de vue affaires, il n'y a rien de neuf à espérer. Les Moser Ullstein licencient, tant qu'ils le peuvent. Ils ne veulent souscrire de nouveaux engagements sous aucun prétexte. Pinthus m'a dit qu'il n'y a aucun espoir que la "8-Uhr-Abendlblatt" m'engage ferme en ce moment, même pas à 100 marks par mois, pour lui fournir plusieurs articles. Tous les journalistes se plaignent. Même le traitement de Bloch va être diminué.Dans ces conditions, je n'ose même plus avouer à qui que ce soit que tu reçois 100M. par article, comme par le passé. Tu es une exception tout à fait inouïe. Et, de plus, on imprime un si grand nombre d'écrits de toi ! Oui, mais aussi, ils plaisent tellement partout où j'en entends parler ! Tu as maintenant entre les mains un joli monopole.

            Je dois aller finalement, de toutes manières, à Francfort, au cours du mois de mars : donc, nous nous retrouverons là-bas. Ensuite, on sera à la veille de Pâques. Tout le monde ici pense déjà à partir en vacances.

            Mais que ferons-nous de Rosa ? Je suis absolument d'avis qu'il faut la congédier avant ton départ. Elle nous a rendu les meilleurs services, cet hiver ; en été, nous serons, l'un et l'autre, très peu de temps à Auteuil. A la longue, elle serait une charge trop lourde et inutile. Dans un tel cas, il n'est pas nécessaire de faire du sentiment.

            Je me réjouis beaucoup du pyjama : demande un numéro pour un homme grand, très mince, de longues manches, une taille très fine, col 40.

            N'oublie pas la Bovary ! Nous pensons maintenant à la faire jouer par Lisl (°)

                                               En grande tendresse

                                                                       Ton

                                                                                   Ivan

(°) Elisabeth Bergner

lettre Ivan Goll de Berlin à Claire Goll à Paris du jeudi 12 mars 1931  MST p.63/64/65

                                                                       Berlin, 12. 3..31

Chère Zouzou

            Depuis trois jours, violente tempête de neige sur Berlin. Elle mugit autour de l'atelier, d'une façon inquiétante. Par les vitres cassées, la neige entre en tourbillonnant. Les pièces sont difficiles à chauffer. Il faut être encore romantique comme je le suis pour aimer tout cela ; mais jamais je n'oserais te conduire sous un abri aussi inconfortable, bien qu'il soit situé sur le Kurfurstendam, mais le pavillon, qui plane au-dessus des toits, contient une bohème des plus modestes.

            Pour d'autres raisons encore, il n'est vraiment pas à conseiller que tu viennes maintenant à Berlin. Comme je te l'ai dit, il ne faut pas penser à de nouveaux contrats en ce moment. Tu sais que les Allemands tombent toujours dans les extrêmes : autant ils étaient larges naguère, autant ils sont maintenant rétrécis : la conjoncture des restrictions est un fait, et personne ne se risque à faire exception. L'exemple de la "8 Uhr Abendblatt" est typique. Chez Mosse par exemple les coursiers et les dactylos sont congédiés, et Pinthus, entre autres, doit s'offrir une dactylo personnelle.

            Et pourquoi faire ce détour, puisque je dois, de toutes manières, redescendre bientôt ? Le mieux est donc que tu attendes la fin de ton indisposition et que tu voyages alors, sans hâte vers Bühlerhöhe. Mais tu devrais t'y annoncer dès maintenant. Vers Pâques, il y a plus d'affluence.

            Au début de la semaine prochaine, je te ferai envoyer encore une fois 1500 francs de Zurich. Cela suffira bien pour le voyage ?

            Le cas Rosa n'est pas aussi simple. Tout ce que tu décideras sera juste et bon. Mais elle me fait pourtant l'effet d'un fardeau. Une entrave à ma liberté. Je me propose de ne plus coller aussi étroitement à Paris, de me déplacer beaucoup plus qu'auparavant, de voyager beaucoup au printemps et en été. Puisqu'aucune profession fixe ne m'enchaîne, Dieu merci.

            L'avenir idéal, voici comment il m'apparaît : milieu d'avril, toi et moi, encore en Allemagne. Ensuite, deux ou trois semaines à Paris. Pas plus. Et un grand voyage d'été, aux eaux ou à la mer. Durant des mois.

            Tu éprouves probablement un grand besoin de repos : et Rosa représente à tes yeux une certaine sécurité. Peut-être as-tu raison. Mais d'ici, j'envisage la situation sous un autre angle. Donc, je te laisse le choix. Pendant notre absence, elle serait obligée de travailler au dehors, pour gagner sa vie, ne recevant plus de nous que la moitié de ses gages mensuels et le logement. Je crois que, même ainsi, ce serait pour elle une excellente solution.

            Et maintenant, Bovary. C'est La Lisl qu'on a maintenant en vue pour ce rôle. Elle a eu vraiment un très grand succès avec son premier film parlant "Ariane" (Claude Anet).Elle a atteint le rang de première star allemande du film sonore. Sans le moindre doute, dans toute la Presse.

            Elle m'a dit qu'elle pensait déjà depuis longtemps à Bovary. Plusieurs auteurs de scénarios, dont Harry Kahn, flirtent depuis longtemps déjà autour de ce sujet et autour d'elle. Par conséquent. Il est essentiel que tu nous assures immédiatement la priorité, ne te relâche pas, rends-toi, samedi matin, encore une fois, personnellement, chez Bloch ; insiste, promets tout, fais-toi donner une option. Il faut qu'on nous la donne de suite. Il ne faut tout de même pas que la mort d'une vieille femme mette tout à l'eau. Une petite fortune est cachée là. Tant que nous n'avons pas Bovary, il ne faut pas que tu quittes Paris.

            

                                               En grande tendresse

                                                                       Ton Ivan

S'il te plaît, envoie-moi tout de suite le livre de Laforgue "Berlin", qui doit être sur la pile du coin, sur ma commode.

Les 20 M. sont déjà donnés à ta mère depuis lundi. Je me réjouis pour le pyjama.

Ivan Goll de Franckfort à Paula Ludwig télégramme du 29/3/1931 à 9h40

Je t'aime - Ivan

Ivan Goll à Paula Ludwig télégramme du 31/3/1931 à 11h45

Accompagne Claire malade au Sanatorium de Bühlerhöhe - irai demain à Franckfort - retour dans tes bras le lendemain Vendredi-Saint -   PARCIGOLL

Ivan Goll à Paula Ludwig : longue lettre du 1er avril depuis Bühlerhöhe **** IsmL p.7/8

Ivan Goll à Paula Ludwig : autre lettre du 2 avril depuis Bühlerhöhe  IsmL p.8

Bühlerhöhe où Ivan va rester jusqu'au 8 avril avant de revenir à Berlin

lettre d'Ivan Goll Berlin à Claire à Bühlerhöhe-Baden du 8 avril 1931 *** MST p.65/66

Chère Liane nouvellement fleurie,

            Comme tes deux lettres du vendredi-saint et du dimanche de Pâques étaient pieuses : la piété de l'amour, la piété de la vie. Amour né de la douleur, toi ma ressuscitée ! Comme tes yeux, qui ne sont pas terrestres, ton sentiment devient plus grand que nature, il s'accroît, devient la mer, m'inonde, me submerge : tu triomphes.

            Ceci est le premier cri que je t'adresse de Berlin. Je sais maintenant que tu as vaincu, tu n'auras plus jamais à être triste, à l'heure cosmique du réveil, à l'heure du merle. Je t'aime.

            Je t'aime pour toutes les raisons et toutes les déraisons.

            Mais je t'aime aussi pour la sagesse avec laquelle tu laisses mûrir et tomber ce qui vit, * l'été brûler et se faner, sachant que des printemps sont là, derrière, avec nos violettes à peine fleuries de la Forêt noire.

            Certes, dois-je le dissimuler ? Un feu de la Saint-Jean flamboie sur le toit de Halensee et un tel incendie est rare sur les collines de l'Aujourd'hui. Et ce flamboiement va bien à mes joues longtemps solitaires. Avoue-le, comprends-le. Et sache : les feux de la Saint-Jean ne durent qu'une nuit.

            Moi, je brille plus que je ne brûle.

            Et je me réjouis d'avance d'une lumière plus sereine et plus intérieure, comme la lumière florentine, que le mois de mai nous promet. Je me réjouis de deux grandes étoiles, dans lesquelles rien ne vacille plus, où veille une clarté déjà divine, et qui sont toujours au ciel, même le jour, quand on ne les voit pas, même mortes, quand elles ne s'éteignent qu'en apparence.

            Toi, tes yeux. Et tu peux faire ce que tu veux, tu ne peux plus les cacher ! Les autres aussi commencent à découvrir leurs rayons célestes. Même si tu baissais tes cils. J'ai trouvé le mot : je parlais de feu, de brûlure et d'éclat : mais toi, tu rayonnes, comme un diamant secret, comme un bijou de radium ; tu es tous les lointains, toutes les terres, tous les cieux. 

            En même temps que la troisième lettre, est arrivée une note de la Schweitzer Bankgesellschaft, disant qu'elle t'a envoyé les 200 M. Mais à quelle date ? Le 7 avril. Ah ! terrible m'est la pensée que tu n'as pas reçu cet envoi à temps et que tu t'es désolée. Ces Suisses, ils ne pouvaient donc pas te faire l'envoi, en vitesse, le samedi !

            Etant donné que tu devras, cette fois-ci, être d'autant plus ponctuelle, je te donne ci-inclus, tout de suite, 100 M. qui suffiront bien pour cette semaine, si tu paies le dimanche.S'il te plaît, dis-moi régulièrement combien il te faut.            

            Comme je suis heureux que les gens de là-haut soient tous si gentils pour toi ! J'en suis heureux, mais je trouve cela naturel. tu es l'être fabuleux qui manquait à la Foret Noire. La chambre à loggia, la sympathie des infirmières, la louange des Grossmann, c'en est à peine assez pour toi. Toute la louange du monde t'est due.

            Tu es là, maintenant, dans les mains de Strohmann, fais-lui confiance. Ne te laisse pas sans cesse influencer par du nouveau. La foi est efficace. Même si un diagnostic berlinois était différent : la guérison de ton intestin ne peut être obtenu que grâce à la patience et en fortifiant le reste de l'organisme.

            Notre arrangement-radio sera émis lundi prochain, 13 avril à 11 heures 1/2 du soir, je crois. Insensé ! Je t'enverrai vendredi le programme. En tout cas, il était grand temps que je retourne à Berlin, pour la répétition.

            Ensuite, j'aurai du temps pour "Germaine".

            En attendant d'entendre ma voix (réellement, cette fois) écoute le battement de mon pouls.       

                        Ton

                                   Ivan

Claire à Bühlerhöhe-Baden à Ivan Goll à Berlin  du 9 avril 1931  MST p.67

                                               Sanatorium Bühlerhöhe

            Chéri   Joints quelques bouts de papier qui te concernent. Avant tout, Daniel a versé de l'argent. Dis, quand recevrai-je les premières scènes de "Germaine" ? Ecris-tu quelque chose pour l'Intran ou sur la France, pour des journaux allemands ? Fais-tu des poèmes ? Manges-tu bien, aimes-tu beaucoup ?

Moi, je vais beaucoup mieux. Aujourd'hui, grand examen intestinal et j'en suis effrayée. Je suis souvent invitée chez les Strohmann, lui et elle sont des gens très distingués et très aimables.        

            Aujourd'hui, il y a du soleil, les oiseaux chantent et je suis presque heureuse. Mais, comment ne le deviendrais-je pas avec tous les fortifiants que je prends en ce moment ! En pensée, je peux déjà arracher des sapins, mais seulement des petits-fils de sapins.

            As-tu écris à Rosa, lui as-tu envoyés les 200 frs ?

            Je trouve le livre de Klaus Mann si jeune, plein de curiosité et souvent sympathique. Il pense beaucoup, lit encore plus, aime et souffre ; je l'aime bien, quoique son article sur nous soit superficiel.

         Peux-tu m'expliquer pourquoi on lit dans la version française de l'Evangile de Saint-Jean :

            "Au commencement était le Verbe "

alors que c'est, en allemand :

            "Im Anfang war das Wort "

Dans Faust, Goethe se demande s'il doit traduire "Wort" par  "Tat".  Mais, "Verbe" inclut une toute autre signification ?

            Ecris-moi encore. Quel dommage que tu n'aies pas trouvé, ou peut-être pas cherché, un petit fer électrique de voyage, qui marche sur tous les voltages, cela m'aurait évité ici bien des frais de blanchissage.

                        Avec mon ancienne grande tendresse

                                                           Ta

                                                                       Liane

Télégramme d'Ivan Goll Berlin  à Claire à Bühlerhöhe-Baden  du 11/4/1931 à 18H30

                                               de Berlin Halensee 9.    18.30

Crains Ivan le Terrible   

Le Journal des Poètes 1ère année, n° 2 - 11 avril 1931-

Yvan Goll : Rue de la mort et reproduction du dessin de Chagall

(couverture de " Poèmes d'Amour", Fourcade 1930) Bruxelles.

Sous ta poitrine de ciment,

Sous tes paupières de fer,

Ville narcotisée,

J'entends ton sang qui bat.

J'entends tes femmes qui chantent,

Sources chaudes souterraines ;

Tes escaliers qui pleurent

Et tes morts aux lèvres plombées.

Il y a les hommes qui se réveillent

Au milieu de la nuit,

Soudain ils comprennent

Qu'ils ont oublié de vivre.

Des rues désespérées

Courent en vain après le ciel

Et tremblent

De tous leurs réverbères. 

Est-ce toi, solitude ?

Qui grelottes sur la Place

Dans ton manteau de vent,

Prostituée qu'aime un poète ?

Un autobus malade

Transporte les soucis des gens

De l'aube au soir et retour

Sans jamais calmer son angoisse.

Quelquefois une porte

Restée ouverte

Comme la bouche d'une morte...

Je suis son dernier confident.

lettre d'Ivan Goll Berlin à Claire à Bühlerhole-Baden du 3 mai 1931***  MST p.68/69

                                                           Berlin  3 mai 31 [dimanche]

Plus que Liane,

            Je t'envoie ci-joint la fin de la pièce : les 6 dernières scènes. Entre temps, j'ai également trouvé un titre : "Die Jungfrau de Paris", qui semble plaire généralement ici. Ton enthousiasme pour les 6 premières scènes me donne de la confiance, des ailes … Lipmann et moi, nous travaillons sans discontinuer, ces jours-ci pour arriver à la fin. Nous nous étions fixé le 3 mai comme dernier délai et nous nous y sommes conformés.

            A présent, vite l'organisation technique : demain lundi, nous portons la pièce à Oesterheld et à K. H. Martin. Après Martin, à Rheinardt. Il y aura certainement quelques jours de discussion - car au théâtre, comme tu le sais, rien ne marche sans encombre, et aussi, on ne trouve pas les gens comme on le voudrait.

             Quand vais-je partir ? Tu seras pourtant toi-même d'avis qu'il n'est pas sans importance pour moi de prendre part aux discussions. Je devrai partir en fin de semaine, 2 ou 3 jours à Munich…

            Perds-tu patience ? Comment avais-tu imaginé la chose ?

            Voudrais-tu rentrer à la maison ? Dis-le moi franchement. Et dis-moi si tu trouves qu'il est très nécessaire que j'aille te chercher à Bülhlerhöhe. Est-ce que le mari ne jouera pas maintenant un rôle moins brillant qu'au début, alors que nous tenions notre chambre verrouillée contre tous les intrus jusqu'à 11 heures du matin ? Et alors que, présomptueuse, tu expliquais au Dr Strohmann : "Mon mari et moi, vous comprenez, nous nous aimons tellement …"

            La cour que te fait Monsieur le Marquis a probablement chassé de  Bülhlerhöhe tout souvenir du tendre début d'avril... chez les laquais, veux-je dire, naturellement.

            Certes, j'aurais bien voulu apprendre ce qui ne va pas dans ton état de santé. Tu ne m'as jamais communiqué le résultat des examens.

            D'autre part, à mon retour de Munich, je passerai de toutes manières dans le duché de Bade. Cela, de toutes manières. Mais réfléchis bien. Je trouverais très naturel que tu me précèdes seule à Paris, de quelques jours : on te fera très bien tes malles à  Bülhlerhöhe, la correspondance des trains est très facile, le voyage agréable - seulement il ne faudra pas, cette fois, que Casa Fuerte aille te chercher à la gare, ni qu'il t'aide à défaire tes bagages... car ce serait alors très grave (et à quoi nous sert Rosa ?.... il ne doit pas savoir du tout que tu rentres seule.

            Si nous décidons cela, il en résulterait aussi qu'en passant par Nancy, je m'y arrêterais 24 heures - ce que je ne ferais jamais, ö grand jamais, avec toi ! En aucun cas. Nos retrouvailles ne devront pas se faire dans une pareille atmosphère. (Ce point est d'ailleurs sans importance : je pourrai aussi retourner à Nancy, de Paris, en 4 heures).

            Quoi qu'il en soit, je suis ici en pleins préparatifs de départ.

            Hier, j'ai été pour la dernière fois chez Else Herzog, pour y prendre enfin ta fourrure. Invité à déjeuner. Menu splendide. Mais quel bordel ! Rien que des couples de tapettes ! Elle s'en est plainte à moi : "Chaque homme amène ici son petit ami ; ah ! il ne nous reste rien, à nous les femmes !" Mais voilà de quoi elle s'entoure exclusivement. Dans sa maison immense, elle a plusieurs chambres pour ses "invités" de passage. Pouah ! rien que de les regarder...

            Je m'occuperai de toutes les autres affaires.

            Depuis hier, temps merveilleux ici.

            Depuis tes lettres de grande dame, j'ai préféré ne plus parler de Paula Ludwig. Tu as compris pourquoi.

          Car il faut que nous recommencions entièrement notre amour, depuis le commencement.

                                               Il n'en deviendra que plus fort.

                                                                                  Iwan

Ivan Goll à Paula Ludwig : télégramme du mardi 12 mai de Münich à 10.05  IsmL p.9

Ivan Goll à Paula Ludwig : lettre du 12 mai 1931 de Münich Hôtel Schottenhamel IsmL p.9

Ivan Goll à Paula Ludwig : longue lettre du 15 mai de Bühlerhöhe IsmL p.10/11

lettre poétique, parle de 3 poèmes de Paula qu'il va traduire pour Le Journal des Poètes

Ivan Goll à Paula Ludwig : longue lettre du 18 mai de Bühlerhöhe IsmL p.11/12

            …avec beaucoup d'amour de ton Ivan         

recopier mes notes

Du 19 mai au 28 août Yvan et Claire sont à Paris 19 rue Raffet.   

Ivan Goll à Paula Ludwig : lettre d'amour de Paris du 25 mai 1931 *** IsmL p.13/14

lettre au papillon "Quel droit avais-tu d'être méchante ?... Seulement on peut souffrir. Mais c'est ça l'amour..."

Ivan Goll à Paula Ludwig : lettre amoureuse de Paris du 29 mai 1931 *** IsmL p.15/16

Paula va en juin voir son fils à Juist avant de se rendre début août à Ehrwald, Ambach où elle reste jusqu'au 20 août

Ivan Goll à Paula Ludwig : lettre amoureuse de Paris du 4 juin 1931 *** IsmL p.17/18

James Joyce (Londres) à Ivan Goll (Paris) 30 juillet 1931

«… Maintenant aussi à Francfort la Frankfurter Zeitung du 19 juillet publie une page entière de texte pour J.J., auteur d'Ulysses, traduite du manuscrit anglais par Irène Kafka. Qui est-elle ? Où a-t-elle trouvé ce manuscrit que le journal m'attribue ? Je l'ignore. Je ne la connais point. Je n'ai jamais écrite cette sotte nouvelle qui s'appelle Vielleicht ein Traum aber bestimmt eine Schweinerei.»

Télégramme d'Ivan Goll à Paula Ludwig à Juist du 11 juillet 1931 à 11h10

été  malade -  lettre suit - de tout coeur - Ivan

Ivan Goll à Paula Ludwig à Juist : lettre de Paris du 10 juillet 1931  IsmL p.19/20

…et je t'embrasse       Ivan

Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald : lettre de Paris du 3 août 1931  IsmL p.20/21

Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald : lettre de Paris du  7 août 1931  IsmL p.22

Paula Ludwig  à Ambach à Ivan à Paris : lettre du  7 août 1931 *** IsmL p.22/23/24

Télégramme d'Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald du 10 août 1931 à 23h30 Gare du Nord

Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald : lettre de Paris du  11 août 1931 ***  IsmL p.24/25

Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald : lettre de Paris du  13 août 1931  IsmL p.25/26

Télégramme d'Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald du 13 août 1931 à 16h50

N'ENVOIE-PAS LA LETTRE A BONSELS UNE AUTRE SUIT

Paula Ludwig  à Ehrwald à Ivan à Paris : lettre du 14 août 1931 IsmL p.27

Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald : lettre de Paris du 24 août 1931  IsmL p.28/29

Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald : lettre de Paris du 25 août 1931  IsmL p.29/30

Claire part le 28 août en cure à Challes-les-Eaux, Hôtel du Château.

carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig à Ehrwald du 29 août 1931  IsmL p.30

lettre de Claire à Challes-les-Eaux à Ivan Goll à Paris  du 29 août 1931  MST p.69/70

                                                                                              [Challes-les-Eaux]

                                                                                              [Hôtel du Château]

                                                                                              [ samedi 29.8.31]

Mon petit Yvan,

Un si beau temps et tu n'es pas là ! Le court de tennis t'a déjà réclamé. Tout d'ailleurs t'a réclamé, depuis Rochette jusqu'à Pietro.

La maison était encore complète. Je remercie mon dieu spécial, car grâce à lui, j'ai pu être logée dans la plus belle chambre de l'hôtel, tout à fait derrière au 3 ème étage. Tout à fait tranquille, avec un balcon donnant sur les montagnes et la campagne; là je rêve, les yeux perdus dans le ciel, matin et soir, longtemps, jusqu'à ce que les anges en sortent. C'est une chambre à grand lit pour 2 personnes, elle devrait coûter 60, et mademoiselle Buet, me l'a laissée pour 55. On mange remarquablement bien, comme naguère, et je me dis à chaque plat que ces bonnes choses se transformeraient dans ton estomac en force et en globules rouges. Enfin, ce qui n'est pas sera sans doute bientôt.

            Où en es-tu avec Beye et le bouchon ? Si vous partez pour Marseille, dis à Beye de prendre une auto à l'arrêt le plus rapproché de Challes et vous viendrez me voir. Est-ce que Rose te soigne bien ? Manges-tu bien, dors-tu et …travailles-tu ? Je pense que, depuis longtemps déjà, les cigarettes ont teint en brun tes doigts et tes poumons.

Je me couche à 9 heures et je dors 9 heures sans moustiques. Ce soir, il y a des myriades d'étoiles, tout est encore très estival, mais il fait très froid le matin et le soir.  J'espère qu'il viendra bientôt du courrier. Sinon, on a l'impression d'être toute seule au monde.

            Etant donné qu'on paie toutes les semaines, tu devrais m'envoyer de l'argent mercredi. A part cela, je n'ai pas de frais ; Dufour m'a donné beaucoup d'entrées gratuites.

            Et maintenant, viens bientôt, ou envoie bientôt une feuille de papier à lettre couverte de petits oiseaux. je t'embrasse tendrement.

                                               Ta Zouzou

J'ai oublié le sablier pour les pulvérisations, et la vapeur abîme complètement ma montre. Il est violet foncé et se trouve peut-être dans un des tiroirs de la cuisine, ou bien au mur de la cuisine, là où les clefs sont pendues, ou encore éventuellement dans le tiroir à pharmacie, chez toi. (Ne pas confondre avec le sablier pour cuire les œufs dans la cuisine !)

lettre de Claire à Challes à Ivan Goll à Sori  du 31 août 31 ou 35 , n’est pas dans  MST

à traduire

Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald : lettre de Paris du 4 septembre 1931  IsmL p.31/32

Du 16 au 20 septembre 1931, Ivan est chez sa mère, Rebecca Kahn à Nancy

Ivan Goll à Paula Ludwig à Berlin : lettre de Paris du 21 septembre 1931  IsmL p.32

Du 21 septembre 1931 au 31 décembre 1931, Ivan et Claire vivent à Paris,19 rue Raffet

et Paula Ludwig à Berlin.

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 26 septembre 1931  IsmL p.33

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 30 septembre 1931  IsmL p.34/35

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 4 octobre 1931  IsmL p.35/36

Carte postale d'Ivan Goll, Bruxelles  à Paula Ludwig Berlin lundi 12.10.1931  IsmL p.36

Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 13.10.1931 à 10h35 IsmL p.37

à l'instant-même retour de Bruxelles à la maison après avoir reçu une merveilleuse lettre d'amour. Lettre suit                 Ivan

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 13 octobre 1931  IsmL p.37/38 ***

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 16 octobre 1931  IsmL p.38/39 *****

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 17 octobre 1931  IsmL p.39/40 ***

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du  17 octobre 1931  IsmL p.40/41 ***

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du  17 octobre 1931 IsmL p.41/42 *****

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 25 octobre 1931  IsmL p.42/43/44 *****

Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 2 novembre 1931 à 11H IsmL p.44

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 2 novembre 1931  IsmL p.45/46/47 *****

Carte postale d'Ivan Goll, Bar-le-Duc  à Paula Ludwig Berlin 10 nov. 1931 IsmL p.47

(sur le trajet de Nancy)

Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 14.11.1931 à 10h35 IsmL p.48

ANGINE

HOLLANDE IMPOSSIBLE

ECRIS SAINTS PERES                   GOLLIVAN

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 16 novembre 1931  IsmL p.48

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire du 17 novembre 1931  MST p.70/71

                                                           Paris  17 novembre 31 [mardi]

Chère Zouzou,

            Tu paraissais bien triste, aujourd'hui au téléphone. Mais aussi, nous n'avons presque parlé que d'argent, et je m'attriste moins de la tristesse en pensant qu'elle vient plus de la bourse que des cavités du cœur.

            Mais pour te distraire un peu, je vais te raconter l'histoire suivante. J'ai fait un pas de clerc. Et cela, auprès de Lisl (°). Dimanche m'est venue l'idée subite de l'appeler au téléphone. J'ai entendu nettement la gouvernante discuter avec elle de ce qu'elle aurait à me répondre, à savoir que sa patronne "n'était pas là".

            Là-dessus, j'envoie à Lisl la lettre ci-incluse.

            Et, c'est un fait : j'écume littéralement d'avoir porté pendant quatre ans la bague d'une personne, qui pendant ces quatre années, n'a même pas trouvé nécessaire de m'appeler au téléphone, ni de vouloir me voir.

            Cela ne va plus. Plus avec moi. Je ne suis (pour une dame dont je porte la bague d'amitié, ni un Feist, ni un Harry Kann, qui a la permission de lui rendre visite dans sa loge.

Ou bien la bague n'a aucune signification. Quand on me demande : Qui vous a donné cette belle bague ? je ne peux plus répondre : Mme Bergner. Car ce serait un mensonge.

            Le jour suivant, elle me demande au téléphone et dit qu'elle n'est pas fâchée. Que je vienne la voir un jour à l'Atelier. Je lui réponds : " A l'Atelier" ? comme Harry Kahn ? non ! Si tu m'aimes, comme tu l'affirmes (et c'est ce qu'elle affirmait au téléphone), alors j'exige seulement ceci : Que, dans le courant des 4 prochaines années, tu me téléphones au moins une fois de toi-même".

            Avais-je raison ?

            J'avais raison.

            Et maintenant, moque-toi de ton petit garçon.

                                                                       Yvan

Je veux porter maintenant, une bague venant de toi !

Je n'ai pas encore donné l'autre.

(°) Elisabeth Bergner, comédienne, belle et célèbre

lettre d'Ivan Goll Paris à Elisabeth Bergner 15 novembre 1931 MST p.71

            Lisl, (*)

J'ai donné aujourd'hui ta bague à quelqu'un d'autre. J'ai compris qu'elle ne signifie aucunement l'amitié, et j'ai honte de l'avoir portée pendant quatre ans comme symbole d'une erreur.

Je ne te la renvoie pas, car je ne veux pas que cette bague, qui contient en elle beaucoup de mon être, risque d'être donnée à quelqu'un qui le mérite encore moins que moi.

(*) Elisabeth Bergner

Carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin mercredi 18 novembre 1931 IsmL p.49

Iwan Goll : Stervend Europa, traduction hollandaise de Evert Straat (116 P.)

Amsterdam, " De Gulden Ster", sans date (1931)

Ce texte a été donné en représentation publique par Charlotte Köhler pour la première fois le 22 avril 1931 au Stadsschouwburg d’Amsterdam. Devant le succès,  il fut repris et redonné en présence d’Ivan Goll le 21 novembre 1931

lettre d'Ivan Goll Amsterdam à Paula Ludwig Berlin du 22 novembre 1931  IsmL p.49/50

Le Journal des Poètes 2ème année, n°2 - 22 nov. 1931- Bruxelles.

Douze poètes de l'Allemagne contemporaine (dont 5 traductions d’Ivan Goll : Le coeur d’Alfred Wolfenstein,  J.S. Bach jouant de l’orgue la nuit d’Oscar Loerke,  Pour Hilda de Jacob Haringer,  Mort argentée de David Luschnat et Poème  de Paula Ludwig.).

                        Poème

Je ne sais jouer que de la flûte,

Je n'ai que cinq sons …

Mais quand je la porte aux lèvres,

Les caravanes rentrent du désert

Et les oiseaux de leurs sombres ciels.

Les pêcheurs se hâtent sur le rivage,

Et le soir parfumé délaisse les Orients du matin.

Adossée à l'érable

Dans l'ombre de lierre

J'envoie ma chanson à ta recherche.

(Traduit par Yvan Goll)

C’est la troisième fois que les noms d’Ivan et de Paula sont juxtaposés ; leur aventure amoureuse commencée en février 1931 restera constante et passionnée, brisée par le départ d’Ivan avec Claire Goll pour les U.S.A. en août 1939

Carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin mercredi 24/11/ 1931  IsmL p.50

Suis de retour à Paris et rien de P. chez les saints-pères ?

                                                                       O

                                                                           I

                                                                                  wan

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 4 décembre 1931 ImsL p.51

lettre d'encouragement à poursuivre son œuvre à traduire

Carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin vendredi 11 déc. 1931 ImsL p.51/52

lettre d'encouragement à poursuivre son œuvre à traduire

Le Journal des Poètes 2ème année, n°5 - 12 déc. 1931- Bruxelles.

p.1 -2 Géo Charles : Interview de Claire et Ivan Goll sur la Poésie :

Geo Charles. La représentation de votre "Mathusalem" à Bruxelles, mon cher Ivan Goll, nous a fourni l'occasion d'apprécier, une fois de plus, une oeuvre du "Théâtre poétique moderne ".

Cette formule exprime bien la tendance et le mouvement de ce théâtre dit - toujours - "d'avant-garde" bien qu'il ait pris naissance longtemps avant la guerre. Je range sous ce signe : « Ubu Roi » de Jarry, « Les Mamelles de Tirésias » d'Apollinaire, certaines pièces de Ribemont-Dessaignes, et justement ce « Mathusalem ».... Pourriez-vous préciser votre conception personnelle quant à "l'esprit poétique" de cette œuvre ?

Ivan Goll : J'estime que toutes les pièces que vous venez d'énumérer sont avant tout, en effet, des oeuvres de poètes que j'opposerai aux auteurs dramatiques. Comment les distinguer par une formule ? Ceux-ci excellent à copier la vie au théâtre, tandis que les poètes ont avant tout le désir de recréer la vie. Ils ne veulent pas du tout en donner, par exemple, une image exacte, mais plutôt révéler la signification profonde des faits et des paroles qui unissent les personnages dans une action.

Geo Charles:  Et créer des prototypes ?

Ivan Goll : Oui. Et « Mathusalem » par exemple, c'est l'éternel Bourgeois. Il ne parle pas la langue courante du théâtre habituel et conventionnel. Il dit des phrases, les phrases-type que chaque bourgeois, dans n'importe quel pays, répète suivant sa prononciation. L'action de la pièce n'est pas individuelle et unique : le cas est applicable et nettement imputable à tous les bourgeois du monde entier.

Geo Charles:  Et rien de plus banal que les propos d'un tel héros !

Ivan Goll : «  L'expression » en est apparemment banale, mais avant tout elle est vraie. Et cette transposition du « vrai » me rappelle une autre formule, celle de « surréaliste » dans le sens où Apollinaire l'entendait. Vous savez, n'est-ce pas qu'il inventa le vocable « surréaliste » pour désigner précisément  « Les Mamelles de Tirésias » que vous citiez à l'instant parmi les pièces du théâtre poétique.

Geo Charles: En effet, c'est d'ailleurs dans la revue "Surréalisme" que vous avez dirigée que Pierre Albert-Birot a fixé ce point d'histoire de la façon suivante :  «....Quant au mot « surréalisme », nous l'avons, Apollinaire et moi, choisi et fixé ensemble. C'était au printemps 1917, nous rédigions le programme des « Mamelles » et, sous le titre, nous avions d'abord écrit « drame » et ensuite je lui ai dit : ne pourrions-nous pas ajouter quelque chose à ce mot, le qualifier, et il me dit en effet, mettons « surnaturaliste » et aussitôt, je me suis élevé contre surnaturaliste, qui ne convenait pas au moins pour trois raisons, et naturellement, avant que j'eusse fini l'exposé de la première, Apollinaire était de mon avis et me disait :  « Alors mettons   surréaliste ». C'était trouvé.... La lettre d'Apollinaire à Paul Dermée écrite également en 1917, et reproduite dans la même revue, confirme les souvenirs de Birot.... » Et vous Goll, rangez-vous « Mathusalem » sous la même formule ?

Ivan Goll : Mon Dieu, si une formule est nécessaire !

Geo Charles: Nous appelons les pièces de ce théâtre - et « Mathusalem » - poétiques. Certaines de ces oeuvres, et particulièrement la vôtre, présentent un curieux mélange de poésie et de prosaïsme....

Geo Charles:  Qu’en pensez-vous Claire?

Ivan Goll : J'attendais cette objection. J'ai donné à chaque personnage la langue de son âme. Ainsi, la jeune fille, Ida, sent et parle en vers, et je ne crains pas de lui ^prêter les images les plus lyriques, comme dans les pièces en alexandrins. Par contre le frère, voué aux affaires modernes, n'emploie que le style haché des appareils Morse. Et ainsi de suite ...  Mais le langage truculent et terre-à-terre du père n'est pas moins poétique que celui de sa fille, s'il crée l'atmosphère élémentaire du personnage.

Geo Charles: Vous confirmez l'impression que me laissa la représentation de Bruxelles. Du lyrisme pur cette réplique d'Ida :

« Je ne connais plus d'autre jour que celui-ci

Où des narcisses remplacent l'herbe des gazons.

Le soleil est un chrysanthème que tu m'offres,

Ton front pâle est une tour d'ivoire

Sur laquelle je monte pour voir le monde.

C'est toi qui bâtis les tours apocalyptiques,

Les temples d'Asie et les docks d'Amérique

Les places portent toutes ton nom,

Les horloges sonnent à chaque heure ton nom

Et les navires en mer ne sont partis que pour te voir.»

Ce poème pourrait très bien être tiré des « Poèmes d'Amour » que vous avez publiés avec Claire Goll.

Claire Goll: Oh, je n'accepte que les poésies qui me sont adressées personnellement !

Ivan Goll : Mais tout ce que j'écris s'adresse à toi ! Pour qui écrit-on, par qui veut-on être compris, sinon par l'être qu'on aime et dont on veut être admiré ?

Claire: Tu me trompes !

Ivan   : Avec toi-même !

Geo Charles: Je pense que vous allez faire dévier publiquement en "scènes de ménage" vos beaux " Poèmes d'Amour ". Au fait, si vous continuez, je pourrais dire que vos poèmes d'amour ne sont pas autre chose... finalement !

Claire: Eh bien, vous donneriez une belle idée de notre poésie !

Ivan   : Mais Claire, après tout, je ne serais pas éloigné de croire que dans les poésies d'amour de tous les temps, les poètes ne sont occupés qu'à exprimer à leur amante des reproches et, sous forme de compliments, des sottises !

Geo Charles: Qu'en pensez-vous, Claire ?

Claire: Pour moi il n’existe qu’une sorte de poésie,  celle de l’amour. Une femme ne doit chanter que l’amour. Ce n’est que par l’amour qu'elle participe de la vie du monde. Les seuls poètes que je relis toujours,  que je comprends et que j’éprouve jusqu’au fond des moelles sont Marceline Desbordes-Valmore et Elisabeth Barrett-Browning.

Geo Charles: L’essence de leur poésie est la souffrance.

Claire: L’essence de l’amour est la souffrance.

Ivan : - Peut-être y a-t-il là comme une accusation ?

Claire:  Non,  c’est une déclaration d’amour. Géo Charles notez vite. Je prétends que c’est celui-là (qui me fait tant souffrir) qui m’a faite poète. Je lui dois d’avoir appris à exprimer en vers cette affection que toutes les autres femmes expriment en soupirs.

Geo Charles: Vous avez su prolonger à deux - en des oeuvres toujours lyriques et en des "Poèmes d’amour" que je relis avec une joie critique sans cesse accrue - votre amour de la Poésie. Votre double rêve a su se réaliser et se poursuivre en cette époque si bassement matérielle,  si misérable,  selon un rythme de beauté et d’idéal !

Ivan :  Ce rêve nous sauve!  Tout ce qui se passe en dehors de lui et de notre amour devrait nous laisser indifférents. Nous sentons confusément que les soucis du jour sont des soucis bien lamentables,  mais aussi passagers. Les époques où l’humanité a faim,  reviennent toujours. Cette fois,  sa détresse provient de sa bêtise. Mais passons. Parlons d’amour qui est la seule raison d’être et qui est éternel. Thème peu actuel Thème qui le redeviendra au prochain printemps,  soyez-en sûr ! Sinon,  dans cent ans. Et il vaut mieux avoir raison dans cent ans que l’année prochaine. La vérité se mesure par siècles. »

Je laisse Claire et Yvan, assis en leur jolie terrasse d'Auteuil, dont j'aime tant caresser les feuilles. Lui, grapillait les raisins qui pendaient au vieux cep qui épouse la grâce de la balustrade, elle, appelait une demi-douzaine de pigeons blancs et leur donnait à manger dans sa main pâle … Les deux silhouettes, les bêtes et les choses, se composaient dans des attitudes qui me sont familières depuis longtemps … en cette petite terrasse du jardin automnal d'Auteuil qui m'apparaît toujours comme un carrefour rustique où la vie et la poésie viennent s'unir.

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 12 décembre 1931 ImsL p.52/53/54

lettre d'encouragement à poursuivre son œuvre à traduire

Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 23.12.1931 à 12h10 IsmL p. 54

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 24 décembre 1931 ImsL p.54/55/56

lettre sur son livre " Dem dunklen Gott "

                                                                                  Paris 24 décembre 31

            Sainte Paula

Je tiens pour la première fois ton livre dans mes mains, c'est un grand, un

à traduire

« Mais hélas, Paula, quand vient la sentence : " Ce n'était qu'un humain ! Ce n'est qu'un homme !" 

Est-ce que tu me le pardonneras jamais ?»

                                                                                  Yvan   

                                                          

                                                                                  Paris 24 décembre 31

                                                           2

Paula, entzückend Mütterliche

Je dois te remercier aussi pour la ….

Dein Buch, auf dessen erster Seite du mir sechs Verse zurûck-rufst, die mir längst entfallen waren : du hast sie aufgehoben aus dem Staub meines Weges, und siehe, weil du sie so entzückend in deinen Händen präsentierst, sehen sie auch schon nach etwas aus. Deine Geste freut mich desalb, weil sie

à tradui

                                               1932

Télégramme  d'Ivan Goll Amsterdam à Paula Ludwig Berlin du 4 janv. 32 ImsL p.59

à traduire

Du 5 janvier à la mi-mars 1932 Ivan Goll habite chez Paula Ludwig à Berlin,

Claire est à Paris, 19 rue Raffet, puis une semaine à Cagnes avant de revenir à Paris

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin  du 9 janvier 32  MST p.72/73

Chéri  Aimé.

            Tu réussiras avec ta pièce. Mais patience ! j'ai une grande confiance en ta confiance.

Je suis très touchée que tu aies pensé à moi et, qui plus est, en laine. J'ai égaré le numéro de téléphone de Cassou, s'il te plaît, renvoie-le moi, je l'appellerai alors d'une voix très suave, une voix de 18 ans.

            Voudrais-tu chercher dans l'annuaire de Berlin l'adresse de Oscar Ludwig Brandt ? Il lit toujours des poèmes de moi à la Radio. Il m'a écrit, il en demande de nouveaux, et naturellement, j'ai jeté la lettre.

            Oui, j'ai été voir le "Maximilien". Pour des oreilles de spécialistes, c'est dynamique, contrapunctique, rythmique, certainement grandiose, mais musicalement triste et gris. Musique cérébrale. Le public est resté tiède. Le parterre applaudissait, en riant méchamment, aux passages les plus chargés de dissonances. Il y eut aussi des coups de sifflet. Ceux-ci, du moins, n'étaient pas antimélodiques. De toute manière, le texte de Werfel était tout à fait impropre à fournir un livret. J'avais une telle nostalgie de sons, de chants et d'émotion, que j'irai lundi à la Traviata. Et tout Paris naturellement. Je pensais tellement à toi que je restais très loin de Illan, et il déclara que je lui avais gâché sa soirée.

            Le travail va bien, le roman est presque fini. Hellé, disposée à dactylographier, m'a écrit qu'elle acceptait mon offre de pension : 30 francs par jour, pour des raisons de chauffage, de bonne, de nourriture plus soignée et à cause de mon estomac délicat. A présent, je peux déguster sans remords de conscience, et je n'attends que l'argent pour me mettre en voyage. Kurt viendra me chercher à la gare avec sa voiture. Il a écrit ; " Allah est grand et je suis son chauffeur ".

            Rosa a encore brisé, avec le manche de l'aspirateur, 4 carreaux de la lampe-Chareau. Elle éclaire maintenant très mal, mais je ne peux pas la remplacer. A part ça, Rosa est très gentille et économe. Nous vivons de nouilles et de salade, et malgré cela, mon intestin ne veut pas se mettre à la raison.

            Je suis heureuse que tu aies de nouveaux souliers. Puissent-ils te porter vers le bonheur et le succès !  C'est ce que souhaite de tout son grand cœur

                                                                                              ta petite Zouzou

A l'instant, la petite veste de laine ! J'en avais justement besoin d'une semblable, et elle est ravissante. Je baise la main qui a acheté cette cote de mailles en laine. Mais à présent, Chéri, j'ai assez de petites vestes. Et ne te laisse pas éblouir par les prix de là-bas, ne te laisse pas tenter. La qualité ne peut pas se comparer à celle d'ici, et ce n'est presque pas meilleur marché, d'autant plus que j'ai dû payer 5 frs de douane.

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin  du 12 janvier 32  MST p.74/75

Très cher,

            Reçu ta lettre. Non, il y a ici une erreur. Je ne considère pas mon voyage à Nice comme un contre-poids de ton séjour à Berlin; En ce cas, je devrais rester à Paris, car ici, je suis infortunée-bienheureuse. Je n'ai d'ailleurs l'intention que de rester quinze jours. Pas plus longtemps. Jusqu'à ce que le roman soit tapé. Et pendant ce temps, j'en discuterai avec Kurt Wolf. D'autre part, je pense que la mer et le soleil me feront du bien, car là-bas, c'est déjà le soleil et le printemps. Ne le penses-tu pas aussi ?

           Je ne congédierai donc pas Rosa. Elle coûte vraiment un minimum, je m'en suis assurée. Pourquoi ne pourrions-nous pas la garder, aussi bien que d'autres, qui ont encore bien plus de soucis pour garder leurs domestiques ?

            Je téléphonerai à Cassou, dès que j'aurai son numéro. Mais je te prie de m'éviter la visite à Joyce. Je ne pourrais d'ailleurs pas écrire un seul mot sur lui.

            A tes parents, j'adresserai quelques lignes gentilles, avant de partir. C'est pourquoi tu n'auras pas besoin de dire que je suis à Berlin.

            La phrase de ta lettre : " Nous n'aurons jamais rien à nous reprocher  l'un à l'autre", je ne l'accepte pas de toi, ou tout au plus dans ce sens, que nous nous reprochons de ne pas être assez heureux pendant que nous sommes séparés.

            J'ai, en ce moment, une période très lyrique, et suis contente d'en être presque à la fin du roman. Il y a tant de choses tendres à dire. Je veux, à présent, me transformer tout à fait, à nouveau. Ce n'est pas moi qui le veux ; ça veut. Revenir à moi, dans le rêve.

            S'il te plaît, continue à m'écrire ici, je te télégraphierai au dernier moment, juste avant mon départ. Tu sais bien combien il m'est difficile de m'arracher. Je préférerais traîner avec moi, comme un escargot, ma chambre et sa solitude, son tourment et sa nostalgie de merles.

            J'ai la Pedrazzinis :

            Demain, je serai interviewée pour "La Scène"[1], avec photo. Quelqu'un m'a téléphoné.

Ce serait un coup, si le Staatstheater acceptait ta pièce ! Qui est Bildt [2] ? Tu écris si rapidement. N'expliques jamais rien. Par exemple, tu ne m'as même pas donné la nouvelle adresse de Joyce et tu voudrais que j'aille le voir.

            Hier, j'ai entendu la Traviata (Dame aux Camélias) de Verdi, pour la première fois de ma vie. Au Théâtre des Gobelins. Dans un faubourg. Et pourtant, mes larmes ont jailli. Si on entendait beaucoup de Verdi, on deviendrait plus croyant et meilleur, car il remue le plus intime et le meilleur de nous. Et maintenant : tous mes voeux pour ton succès ! ! ! !

                                                                       En amour

                                                                                  Ta Zouzou

A partir du 14 janvier, Claire sera chez l'éditeur Kurt Wolf qui réside à Cagnes-sur-Mer, avec son épouse, pour son livre Un Crime en Province qu'elle a traduit en allemand "Arsenik".

Claire rentrera à Paris le 5 février.

lettre de Claire à Cagnes/Mer à Ivan Goll à Berlin mercredi 20 janvier 1932  MST p.75/76

                                                                                                         mercredi

                                                                                                          [20.1.32]

Yvannot (Ivlein) Il pleut aujourd'hui. Naturellement, parce que nous voulions aller à Nice et au Cap Ferrat ! Les orangers, devant ma fenêtre se réjouissent de cette pluie, qui va faire grossir leurs fruits. Cette localité toute échafaudée sur des rochers géants descend au bas de mes deux fenêtres à balcon, et je comprends qu'ici les peintres ne sachent pas par où commencer, tant il y a de beauté. De l'autre côté, il y a la mer, et les jardins étagés avec des buissons de camélias et les mimosas, les cèdres, cousins de ceux du Liban.

            La maison de Kurt (*) est ravissante ; elle se compose d'un rez-de-chaussée avec salle à manger et cuisine ; au premier étage (mon appartement) comprenant une chambre avec balcon, une salle de bains avec tout le confort et le raffinement le plus moderne, puis un salon. Au-dessus, se trouve un immense atelier, où demeurent Kurt et Hellé.

            Je ne comprends pas du tout pourquoi nous n'avons pas toujours loué une maisonnette de ce genre ? Peut-on vivre ailleurs qu'au soleil ? Et pourtant, il est vrai qu'il est nécessaire d'y être doux et tendres l'un pour l'autre, comme le sont ces deux-là, car Kurt s'est prodigieusement transformé. Jamais il n'a été si digne d'affection (en tant qu'être humain) - je ne veux pas dire en tant qu'homme, - et si intériorisé. Imagine-toi qu'il nous prépare à tous le petit déjeuner, les toasts. Il met le couvert, il l'enlève, bref il est arrivé au point d'où tu étais parti, et son opinion est que cela seul est juste. Je lui ai demandé tout à l'heure, alors qu'il m'apportait mon thé au lit et me beurrait mes tartines, pourquoi tu ne peux plus le faire. Mais il ne peut pas t'expliquer à moi. Qui peut expliquer ?

            Je travaille beaucoup au roman, et sur moi-même ; si je n'acquiers pas ici l'esprit de mon âge, où l'acquerrai-je ?

            Je ne veux pas jouir, mais devenir. C'est là qu'est la différence entre nous.

            Et ta pièce, très cher ! J'attends enfin des nouvelles de toi.

Il y a des jours que je n'ai reçu un mot. Cela me rend inquiète.

            Si le Halensee n'est plus ce qu'il était l'an dernier, c'est de ta faute. Il faut faire d'un être humain que l'on aime, plus qu'il n'était, et non moins ; sinon, on s'est trompé.

...En toute tendresse et amitié

                                   Ta Zouzou

....Kurt  me prie instamment, pour la énième fois, de te dire que tu devrais lui envoyer Mathusalem, Mélusine et Pleite. Veux-tu ?

(*) Kurt Wolff, éditeur

Claire Goll: Un crime en province Roman, In - 16  254 p.

Paris Editions des Portiques,1932

lettre d'Ivan Goll Berlin à Claire à Cagnes/Mer du 22.1.1932  MST p.77/78/79

                                                                                  Berlin Halensee

                                                                                  22.1.32 [vendredi 22]

Chère Zouzou,

Ta première lettre de Cannes est bleue, détendue, pensive, franche, elle ne respire qu'amour pour ton "Yvannot".

Ce doux diminutif, plus doux qu'aucun autre, est adopté dorénavant.

            Yvannot te répond. Il répond à trois grandes et sérieuses phrases de ta lettre. Il croit pouvoir le faire.

             " Si je n'acquiers pas ici l'esprit de mon âge, où donc l'acquerrai-je ? Je ne veux pas jouir, mais devenir. C'est là qu'est la différence entre nous", écris-tu.

            Et : " Qui peut t'expliquer à moi ? "

            Et ; " Si le Halensee n'est plus ce qu'il était l'an dernier, c'est de ta faute. Tu t'es trompé".

            Je vais te répondre à ces trois questions sous la forme d'un livre. Un livre que je n'ai pas écrit, mais qui a été écrit à travers moi. Un livre que je n'ai pas senti, mais qui a été senti à travers moi. Donc un livre auquel j'ai pris une grande part, bien qu'il ait été fait tout à fait en dehors de ma volonté. Tu devines : Paula Ludwig a réuni des poésies qu'elle a écrites depuis le printemps dernier, et dont tu connais déjà une bonne moitié; elles les a publiées, peu avant Noël. A vrai dire, ce ne devrait pas être Yvannot qui t'envoie ce livre, et pourtant, Yvannot peut-il attendre qu'il te soit donné par des tiers ? D'ailleurs, je ne te l'aurais jamais adressé à Paris - mais là-bas, entourée d'amis exceptionnellement sincères, et près d'un homme qui est certainement le plus loyal que tu aies rencontré au début de ta carrière sentimentale, - aujourd'hui je peux te le mettre entre les mains, peut-être, d'un cœur paisible.

            Il y a derrière toi quelqu'un qui saura, lorsque tu détourneras instinctivement la tête, te la remettre doucement dans le bon sens : la tourner vers moi et vers ce livre!

            De ce fait, ta première question recevra une réponse : tu trouveras l'esprit de ton âge, et c'est d'un cœur clarifié que tu tourneras les pages.

            Mais de ces pages monteront pour toi les réponses à ta deuxième question : elles m'expliqueront à toi. Et si tu ne sais pas lire, dans les vers entre les vers, tu auras près de toi celui qui pourra te les interpréter. S'il est loyal, ce Don Kurt Juan, il me comprendra et il m'expliquera à toi. S'il est "loyal". Je ne sais pas s'il l'est. Je ne sais pas non plus si je le serais à sa place.

            Pour t'aider à passer de l'enfance à la maturité spirituelle, il te dira ceci : l'homme qui est chanté dans ce livre, l'homme qui est l'objet de cette incantation, n'a rien fait d'autre pour cela que d'être lui. Il est seulement l'objet de cet amour. Il a un rôle passif. Il a fait don à l'élue de beaucoup de douleur, beaucoup, et rien de plus. Et, sans doute, il était bon, et ne voulait pas donner tant de souffrance - mais il ne pouvait cependant rien donner d'autre, rien de ce qu'on lui demandait, il ne pouvait pas s'extérioriser et se perdre complètement.

            Vois-tu, il en découle tout naturellement aussi la réponse à ta troisième question. La réponse que tu lui fais toi-même est inexacte, car tu rejettes la faute du côté où elle n'est pas. C'est de ma faute si le Halensee n'est plus si beau que la première fois - et pourquoi ?

parce que je ne suis qu'un homme !

            K. W. me prie de lui envoyer mes livres. Je ne lui enverrais ni Mathusalem, ni Mélusine ni Congo-Caoutchouc, mais bien "Die Eurokokke", si je ne trouvais plutôt que le livre de P. L. suffit aujourd'hui pour qu'il apprenne à me connaître plus complètement et mieux qu'ailleurs.

Il devra t'apprendre à le lire, le lire avec toi, et ensuite, te renvoyer à moi, afin que mûrie et plus compréhensive, tu puisse m'aimer et en recevoir du bonheur. (Montre-lui cette lettre).

                        Et tandis qu'Yvannot te sourit,

                                               Ivan t'embrasse

            lettre de Claire à Cagnes/Mer à Ivan Goll à Berlin en  1932*** MST p.76/77

écrite en français        et non datée mais nécessairement du 22 ou 23 ou 24 janvier

            Yvan

Tu m'as promis ton écriture et jusqu'à l'arrivée de cette lettre je ne serai qu'un être qui végète et qui souffre.

Mon Yvan, dès que je me réveille, dès que je pense à toi, mes yeux se remplissent de larmes. Pardonne-moi de ne pas tenir ma promesse, de n'être qu'une faible femme, ta femme, et de mourir après toi comme une pauvre petite chose malade. Ah si seulement tu n'as pas trop de peine, mon chéri, à cause de ces phrases insensées ! Moi, qui voudrais t'inonder de bonheur et te donner de la joie et toujours de la joie !

Pourquoi cette nostalgie qui brûle comme du nitrate d'argent ? Pourtant il y a la mer immense et le soleil ardent. Il y a des chansons, chantées par un jeune guitariste, ami de Kurt, mélodies accompagnées d'une lune raffinée. Mais je n'entends que ta voix, mon Amour.

Je ne vois que toi : dans les jardins chastes, dans la mer toujours en fuite, dans les rayons du soleil qui me corrodent le cœur.

Oui, j'entends ta voix dans le silence et la moindre fleur me rappelle ton extase devant la nature indomptable, nos extases communes devant tout ce qui exalte.

Je te dois tant, Chéri, jamais je ne te remercierai assez. Mais comprends-moi : malgré mes infidélités, je suis à toi comme je n'ai jamais été à personne, mon Petit, mon Grand, ma Vie.

Je baise tes mains aujourd'hui et toujours

                                                           Zouzou

(voir au recto !) Je n'ai plus de papier à écrire

(au dos)          De sepulcro en sepulcro

                        Voy preguntando

                        Cuantos hombres habian muerto amando,

                        Me contestó uno ;

                        Mujeres a millares,

                        Hombres, ninguno

lettre d'Ivan Goll Berlin à Claire à Cagnes/Mer du 24.1.32  MST p.79/80

Chère Zouzou,

            Ma lettre d'hier  était réellement dogmatique et sentimentale.

            Quand je me transporte dans ton cœur, je suis à même de mesurer ce qu'elle y a déchaîné  - mais la proximité de tes amis, qui sont de bons juges en fait de choses aussi profondes que celles dont il s'agit dans ce livre, me confirmait que la discussion s'élèverait immédiatement au-dessus du plan personnel, et gagnerait le plan des grandes douleurs humaines. Toute la douleur qui est accumulée dans ce livre, doit désarmer quiconque a des soucis plus terrestres. Cette douleur que, moi le premier, je n'ai pas pu combattre.

            Après une première révolte, tu ne sentiras bientôt plus que mon infinie pitié pour cette victime qui a saigné à mort et poussé un cri qui semble être, au dire d'une de ses amies, son testament.

            En ce qui concerne l'épigraphe, c'est seulement un extrait d'un poème dont le manuscrit était chez elle et dont je n'avais plus moi-même le moindre souvenir. Donc, c'est une épigraphe comme beaucoup d'autres - et qui n'a aucune signification de plus pour les tiers, les lecteurs du dehors.

            Aujourd'hui, j'ai de bonnes nouvelles à te donner au sujet de Congo-Caoutchouc.

            La Production Aufricht, qui représente en ce moment "Managony" de Brecht-Weill au Kurfurstendam, s'intéresse à ma pièce et veut la monter après la " Petite Catherine " de Savoie, - également une nouveauté. On prévoit Forster pour le rôle principal. A vrai dire, en ce moment, à Berlin, les choses sont telles qu'on n'est sûr de rien, plus de deux semaines d'avance. C'est pourquoi... attendons !...

S'il se présente quelque chose de mieux, je saisirai l'occasion... si ça doit se faire plus tôt...

            J'ai rencontré Hell Herzog ; comme je laissais entendre que tu étais absente de Paris pour quelques jours, elle joua la surprise : "Maintenant, elle doit être là-bas. J'y vais le 1er février et lui téléphonerai aussitôt" … Ceci, pour que tu sois au courant.

            A part cela, je cours énormément à travers Berlin. Suis peu à Halensee. Je dois faire un nombre inouï de démarches pour l'anniversaire de Joyce. Brody le veut absolument. Il a raison. Mais, depuis décembre, il n'a pas payé.

            Nous avons eu dix journées merveilleuses, très tièdes ensoleillées, tout à fait printanières. Nous avions pitié de toi qui es là-bas sous la pluie. Mais à présent, le ciel se venge … brouillard, froid, gelée accablent Berlin depuis 3 jours.

            Au café, j'ai rencontré les Eisenlohrs. Ils sont allés à Majorque en octobre et novembre, et ils en sont enthousiastes. On va, d'abord, en train à Barcelone, puis on passe toute une nuit en mer et on débarque, le matin, dans une île de légende, où l'on vit dans une nature féerique, plus silencieusement et de façon plus concentrée qu'à Ascona …Je me réjouis beaucoup de t'entraîner jusque là-bas en mars, et de me remettre à la cuisine.

            Ton

                        "Yvannot"

lettre de Claire à Cagnes/Mer à Ivan Goll à Berlin 28 janvier 1932  MST p.80/81/82

Monsieur le Dr Iwan Goll                                         Cagnes / Mer

chez Paula Ludwig,                                     [ jeudi ] 28.1.32

112 Gastenhaus-Atelier

Berlin-Halensee

Yvannot,

            Ta lettre et le livre sont ouverts devant moi. Je ne t'aime pas pour ce que tu dis, mais pour la façon dont tu le dis.

            Personnellement; je ne voudrais pas critiquer ce livre en soi.

C'est la confirmation officielle de votre vie en commun, devant le monde littéraire. Tu loues la force de la douleur de ton amie. Est-ce donc que la douleur imprimée t'émeut plus que la douleur cachée ? Je ne crois pas qu'on puisse souffrir plus que je ne l'ai fait, chaque nuit, depuis des mois et des mois. Laquelle de nous deux est la plus heureuse ? Goethe te répondra à cette question :

            "Il m'a donné un dieu pour que je puisse lui dire ce que je souffre".

Apprendre à te connaître, petit Iv., c'est une chose que je ne peux pas faire non plus grâce à ce livre. Tu m'as priée de le montrer à Kurt, ainsi que ta lettre. Il est seulement mon ami, pourquoi mets-tu en doute sa loyauté ?

            Après avoir lu la lettre, il a dit : "Toi et lui, vous allez bien ensemble. Toi et Illan, vous n'allez pas ensemble ". (Je lui avais montré des lettres)

            Il a dit du livre :

"Ces poésies ne me regardent pas et ne regardent d'ailleurs personne. C'est une affaire privée entre Ivan Goll et Paula Ludwig. Une expérience personnelle, et pas un monde. Quand une de Noailles ou une Lasker écrivent une poésie, cela me regarde. Car là, on ne sent jamais que l'étreinte s'est convertie en encre d'imprimerie.

Que deux personnes couchent ensemble et se fassent souffrir l'une et l'autre, soit : mais, au nom du ciel, qu'elles n'en fassent pas part au monde entier !

Croire qu'on peut apprendre à connaître Goll à travers ces poèmes, quelle erreur enfantine ! D'abord, parce qu'il n'y est nullement, on n'y trouve qu'elle. N'importe quel autre nom d'homme pourrait y figurer. Goll n'a été que le moyen d'atteindre le but ; sinon, quel autre aurait joué ce rôle.

            Jamais on ne peut apprendre à connaître un être humain à travers la littérature.Je te donne, comme exemple, un des plus beaux poèmes d'amour adressés par Goethe à Madame von Stein :

            Pourquoi nous donnes-tu ces regards profonds qui prévoient notre avenir ?

            Puis-je chercher à trouver, dans ces vers Mme von Stein ?

Absolument pas, je ne sens et je ne vois que la grandeur de Goethe."

            Voilà pour Kurt.

            Hellé a dit : " Je trouve épouvantable ce manque de distance entre son propre sentiment et le partenaire sentimental. De telles exagérations d'un être humain, cette façon de le diviniser, cela produit toujours une impression pénible. Ce n'est pas parce qu'on aime quelqu'un qu'il devient, de ce fait, un dieu, ni s'en approche.Chant du Moi, qui ne touche pas les tiers. Art pour l'art, qui aurait dû se réfugier dans une édition privée. Cette sorte de viol de soi-même, je l'appelle : flibusterie. Nous, les jeunes d'aujourd'hui (Hellé a 24 ans), nous n'avons aucun goût pour cette sorte de littérature. "

            Voici donc la critique de deux personnes qui ont, tout au moins, des vues nettes sur l'art. Mais tu t'es livré en pâture au public : reçois donc ton jugement !

            Et maintenant, mon enfant, mon petit garçon, je t'envoie ci-inclus une fleur. Toutes sont déjà là : les iris et les narcisses, dans le jardin, près des roses. Les petits amandiers sont en fleurs, le soleil rit, moi seule ai désappris la joie.

            Mais à toi je souhaite le sourire, le bonheur dans l'amour, une expérience positive. Et aussi que ces poèmes te rendent heureux : les hommes sont si fiers quand ils ont fécondé, inspiré. Et qui possède assez de mesure et de lucidité pour ne pas se prendre finalement pour un roi, pour un dieu, lorsqu'on le hausse jusqu'au ciel en lui donnant ces noms ?

            Moi aussi, je t'ai chanté naguère, mais plus tard, après que nous eussions traversé ensemble des années. A présent, je te tais.

            Je continue à t'attendre avec une infinie tendresse.

                                                                       Ta Zouzou

Encore un P.S. pratique. Envoie un chèque, pour que je puisse payer K. ponctuellement. Tu sais que sa mère était née Marx. Peut-être a-t-il hérité d'elle ce côté mercantile : car, lorsque nous faisons nos comptes, la cupidité de ce bel homme le rend réellement laid.

            Même autrefois, quand il brûlait d'un amour ardent pour moi, ce vice qu'il a, m'obligeait à douter de lui. Un homme avare n'a qu'une passion : l'argent. Avec ça, il disposait à cette époque, des millions de sa première femme (Merck-Chemie-Darmstadt). Quand moi, qui étais alors une enfant innocente, ignorant tout de la littérature, je fis pour lui mes premiers vers, il s'écria : " Tu es stupéfiante, l'égale d'une poétesse nommée Else Lasker-Schuler ! ". Mais jamais il ne pensa à faire publier ces poésies : ça aurait coûté de l'argent ! Et moi, tu me connais. Les calculs, l'exploitation de quelqu'un, tout cela m'est bien étranger.

            Curieux, ces deux types de juifs : les Shylocks, qui s'obstinent sur leurs créances et attisent l'antisémitisme universel, et les juifs messianiques, avec parmi eux le plus messianique de tous : mon Ivan.

lettre de Claire à Cagnes/Mer à Ivan Goll à Berlin dimanche 31 janvier 1932  MST p.83/84

                                                                                  Cagnes   31..1.32

                                                                                  Dimanche

Yvannot,

            nous avons tellement parlé de toi que tu es presque là, parmi nous ; tu devrais pouvoir sentir les mimosas.

            Figure-toi que Madame de Maubeuge possède ici une ravissante maison ancienne (pension). J'y suis allée. La femme de chambre de Cavalaire est encore là et elle m'a reconnue. Mais les choses d'autrefois, qui étaient là tout autour, ne m'ont pas reconnue, parce que j'ai oublié le bonheur et que j'ai trop pleuré.

            Récemment, étant à Cannes, j'ai vu Théoule de loin, et près du port de Cannes, j'ai retrouvé la boutique de fruits où tu m'as acheté une si belle pêche, j'en avais l'eau à la bouche et les larmes aux yeux. Tu es si bon.

            Je travaille trop, au grand regret de Kurt (*). Pendant les heures de soleil, on n'arrive pas à me tirer de ma chambre, ni à m'entraîner à des excursions en auto. Pendant ces promenades, tu me manques toujours et il paraît seulement anormal de devoir jouir à quatre ou à cinq de ces merveilles qu'on devrait voir à deux, - car chez nous, il y a toujours des invités. De toute manière, Kurt est bien un peu surpris d'avoir pour hôtesse une femme si triste. Mais ici, tout rappelle sans cesse Ascona, le Jura d'autrefois. Comment ne serait-on pas infiniment triste ?

            J'ai trouvé une lettre que je t'ai écrite l'an dernier, de Bühlerhöhe, et que je ne t'ai pas envoyée :

            «… Elle est bien portante, elle a son petit garçon, je n'ai que toi.

            Elle trouvera un autre homme, avant qu'il soit passé beaucoup de temps. Moi je ne peux trouver qu'un représentant pour ne pas périr de douleur, jamais je ne retrouverai un autre.

            Il y a trois mois tu n'étais pas encore dans sa vie. Mais tu es ma vie, depuis plus de quinze ans. Comment pourrais-je le supporter ? »

            Peut-être aurait-il mieux valu toujours tout te dire, au lieu de me taire, par une fierté puérile, et d'en mourir, car je crois que ma santé n'aurait pas ainsi périclité, si  YvanClaire n'était devenu Yvan et Claire.

            Au revoir, toi ! Samedi, je rentre à la maison.

            Ta "biche pourchassée et muette" te regarde avec des yeux tristes.

(*) Kurt Wolff  (dirigera Pantheon Books, New York après 1940)

lettre de Claire à Cagnes/Mer à Ivan Goll à Berlin 2 février 1932   MST p.84

                                                                                  Mardi

                                                                                  [Cagnes s. Mer  2..2.32]

Yvannot,

            Ta lettre était très belle. Cela me peine de t'avoir envoyé entre temps une lettre si triste, qui a peut-être assombri tes jours de fête. Ne prends pas cela trop au sérieux ; j'ai passé des années à pleurer toutes les nuits et ensuite je l'ai oublié pendant des années. Cette souffrance-ci, elle aussi, sera submergée par la joie. N'est-ce pas ?

            Oui le séjour ici m'a fait beaucoup de bien. L'opinion mûrit toujours davantage en moi, qu'on devrait mettre fin à ses jours quand on est aussi malade que moi, et que ce monde appartient aux bien portants.

K.W. qui a lu ta lettre et l'a trouvée très émouvante, a demandé un peu ironiquement si ce que tu appelles : " devenir conscient par la misère, les tourments et les luttes " consiste à forniquer et danser aux bals de Presse. Et, comme je pleurais, parce que tu vois notre "union indivisible" dans le fait qu'une Cranach ou une anonyme disent que " nous sommes une idée ", il  se moqua de moi et prétendit que cela n'était pas tellement grave. Car tu es un poète, qui vit des choses imprimées, ce qui ne t'empêche pas d'être un homme tout à fait charmant.

            Pour ta pièce, il y aura sans doute des difficultés, mais pourquoi n'aurais-tu pas autant de chance que d'autres, moins doués que toi ? Si ça ne marche pas à Berlin, ça marchera sûrement à Paris.

            Je t'enverrai le roman, dans 8 jours à peu près de Paris.

            Je pars samedi et serai rentrée dimanche à la maison, si l'on peut s'exprimer ainsi.

            Merci aussi pour les 50 M. d'hier et pour ceux que tu me promets pour aujourd'hui. Rappelle-toi aussi que Rosa et moi, nous avons besoin de vivre. Et maintenant, je vais tout de suite chez un spécialiste de l'intestin, je n'en peux plus. Vomissements et diarrhée tous les 3 jours.

            Au revoir, mon cœur, je t'aime tant.

                                                                       Zouzou

lettre de Claire Cagnes/Mer à Ivan Goll Berlin 4 février 1932   MST p.85/86

                                                                                  4. 2. 32

                                                                                  Cagnes s. Mer 

                                                                                 

Yvannot, 6 heures du matin, le soleil se lève. Je suis devant lui, et en ce moment-même, tu dis peut-être : "Ma douce Paula" ou "Ma délicieuse Emmy", et cela me fait penser " qu'il y a tout de même en nous une loi morale", et que celui qui la foule aux pieds sera puni. La même loi, selon laquelle le ciel rougit.

            Un petit amandier fleurit non loin d'ici. Kurt m'a dit que les tilleuls fleurissent, tout le long des avenues. Je n'en sais rien, car j'ai passé 6 jours au lit, malade, mais ce seul petit amandier remplace tous les autres.    Ah ! les lieder, laisse là les lieder  ! Je sais que tu le fais sans plaisir, et que tu aimes à traîner mes souhaits en longueur, si longtemps qu'à la fin ce ne sont plus des souhaits. Quand l'autre n'est pas désireux de faire plaisir, que reste-t-il du souhait?

            J'enverrai le roman dans 8 jours. Kurt a dit que ce n'est rien pour le magazine " Die Dame ". Le dernier chapitre est presque de lui, je n'en pouvais plus. Tout devient toujours si clair, quand on cause avec lui. Le nouveau roman aussi. On sait immédiatement ce qu'on a à faire, ce qu'on voulait faire de travers.

            Mais hier, lui qui ne prend que trop souvent ton parti, il était terriblement fâché par ta lettre. « Quoi, pas payé, criait-il, une inconvenance envers Rosa, un suicide au "Matin", et toi, te laisser dans l'atmosphère que crée un loyer impayé, inexcusable, tant qu'on possède encore 1 centime en Suisse ! On ne paie pas ses dettes, prétextes d'habitués de café…»

            Tu sais comment les Clauzel regardent quelqu'un, dès qu'il n'a pas réglé sa note de gaz. Mais le loyer, le gaz, l'électricité !

            «  On n'a pas le droit, pourtant, de donner toujours la préséances à ses fautes et à ses plaisirs, et de sourire des travailleurs dans les "Romanische Cafés" (cette phrase n'est pas de moi), mais lorsqu'un homme commence à nager dans ses eaux-là …»

            Demain, je rentre à la maison. Schneider veut immédiatement une chronique des modes d'été, le "Berliner Tageblatt" doit aussi être renseigné là-dessus ; il faut que je parle aux Herzog …D'abord, le devoir, qui est de satisfaire à mes engagements ! Certes ce serait plus beau de rester ici.

            Ma santé n'a supporté que 3 excursions, c'est peu en 3 semaines. Et je ne suis sortie que 4 fois 1 heure, au soleil de midi, c'est tout. Mais un jour viendra peut-être ou plus de soleil brillera sur ma vie. C'est toi qui travailleras, et moi je me reposerai.

            Landau, cet animal, a dit à Illan, il y a 3 semaines, qu'il partait pour Nice et me paierait directement. Mais il n'a donné aucun signe de vie. Après-demain, je l'appellerai au téléphone dans son cantonnement : le Claridge.

            Je serai très seule à Paris, car je n'ai plus répondu à Illan malgré des lettres embrasées et pleines de reproches.

            Laisse donc Beye et Monsorten. Tout cela est de la saleté : basse, impure, allemande.

            A la protection de qui puis-je à présent recourir ? Si seulement on pouvait croire à quelque chose ! Une ardeur pour un avenir intérieur, non pas un avenir de théâtre ou de roman

Un succès intérieur, non extérieur.

            Mais je le souhaite à toi aussi, naturellement.

                                                           Ta malheureuse Zouzou

Kurt est d'avis que je devrais aller trouver ta mère à cause du loyer.

Si tu n'as pas payé dans 6 jours, je le ferai.

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 6 février 1932   MST p.86/87

                                                                                  Paris, samedi

Aimé, je suis revenue rue Raffet. Je suis partie dès avant-hier, à cause de la Mode. Avant, j'ai encore causé longuement avec Kurt (*), son avis est que tu ne peux absolument pas rester à Berlin. Tu n'as jamais été reconnu en tant que dramaturge, en Allemagne, et l'on peut donc attendre bien longtemps un résultat positif....Nous avons parlé en outre (avec Hellé) du fait que "ton cas" est celui de beaucoup d'hommes de quarante ans. Epoque de crise. Pour parer au vieillissement et à l'ambition insatisfaite, au moyen d'un excès de sensualité. L'un cède à son avidité de jouissance, chez l'autre elle est freinée par la tendance morale. Le père d'Hellé, qui avait été un homme délicieux, succomba aussi de cette manière. Ne te crois pas un cas unique...

La plupart voudraient faire comme toi, mais nous n'avons pas le droit d'obéir à notre luxure.

            Comme me le disait Mme Herzog, tu passes pour être le "mari" de Mme Ludwig et d'autres femmes. Ce bruit circule. Au Bal de la Presse, tu présentas une très jolie femme, etc. On peut faire tout cela, mais est-ce permis ?…Je voudrais à présent aller chez ta mère et lui raconter tout depuis le début. Peut-être nous fera-t-elle une rente mensuelle et te rendra-t-elle ainsi possible cette griserie, qui ne rapporte, en vérité, pas un centime, comme tu l'écris, mais qui te procure une ambiance nécessaire, - paraît-il -, - à un "poète". La luxure, dit Kurt, devrait cesser à notre âge; il est trop commode de réclamer les joies de cette sorte au nom de mille faux-fuyants. Werfel lui aussi est un grand poète, et il vit dans la plus grande et la plus concentrée des solitudes.

            Ta mère me comprendra.

Entre temps, le loyer a été payé avant-hier, mais les Clauzel m'ont déclaré, à plusieurs reprises, qu'ils ont déjà réglé 2 mois de Gaz. Ils n'ont pas payé l'électricité, et la Compagnie m'a écrit très aimablement qu'elle va me couper le courant.... De plus, la note du pain est devant moi, ainsi qu'une demande pressante de la Bizot, de lui payer les 400 Fr que je lui dois ; le pharmacien, lui aussi, a choisi le moment le plus propice pour me déclarer que mon compte se monte à 700 Fr.

            Or, je ne suis certes pas trop aristocratique pour travailler, mais tu comprends qu'à la fin, j'en ai assez, et que mon épuisement physique est si grand qu'il a porté un coup à mon énergie de travail. Et d'ailleurs, pour les 30 M. que je recevrais au B.T. ! J'en ai assez, assez, assez !

                                   Claire

* Kurt Wolf

Le Journal des Poètes 2ème année, n° 11 - 6 février 1932

Deux poèmes de Paula Ludwig - traduction de l'allemand d'Yvan Goll - Bruxelles.

Extrait de la traduction d'une lettre d'Ivan Goll Berlin à Claire Paris du 7.2.32 (SDdV 65/145) lettre que je n'ai pas trouvée dans  MST mais dans :

Iwan Goll Claire Goll Briefe, Florian Kupferberg Verlag Mainz / Berlin (262 p.) 1966, pages 86 et 87, mais, avec cette référence :

Sur un papier laissé sur sa table de travail, en 1932, Goll écrit au sujet de cette crise :

« Le Démon, voilà son nom. Voilà le nom de l'être que tu n'as pas nommé et que tu voulais que j'admete.…Eh bien, je l'admets, comme toi. Ne l'appelons pas " le destin ", et surtout ne le repoussons pas sur d'autres personnes. Le démon est en moi, je le montre du doigt. Je ne suis pas lâche comme tu le pensais. Il est la troisième personne de ton rêve étrange et lumineux, nous sommes toujours trois : toi, moi et le frère noir …l'amer profil que je suis forcé de porter pendant le jour, la voix voilée qui pend comme un rideau devant mon âme farouche.

            Mais il dépend de toi, Souverain du Songe, que ce soit moi ou lui que tu appelles.

            Il est vrai, les deux craignent la vie, le présent. La danseuse : parce que la confusion est une telle torture.

            Le frère, parce qu'il traîne toujours avec lui le sac rempli de chagrin, le corps plein d'inquiétude millénaire, plein de départs et d'arrivées millénaires.

            Souviens-toi de ma peine dans la longue nuit, quand je ma suis sauvé dans la chambre glaciale, te quittant vers trois heures de la nuit bienheureuse. Souviens-toi comme mes pieds se démenaient, ces pieds du Juif Eternel, qui ne peuvent oublier l'errance sans fin !

            Souviens-toi de l'agitation dans mes yeux, entre deux patries, éternellement l'homme sans terre, l'hybride entre femelle et mâle, entre la foi et la pourriture, entre le désir et l'ennui.

                                                                                              Ivan »

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 10 février 1932   MST p.87/88

                                                                                  Paris 10.2.32

            Non, toi, tu ne dois avoir honte de rien.  Tu as été bon pendant des années, tu peux continuer à vivre sur ce fonds. Tu as encore un grand crédit dans mon cœur. Et peut-être gagnerai-je bientôt assez pour nous deux. Ne te tourmente pas à ce sujet, toi, mais ne dis pas : " L'époque est pourrie, je veux m'adapter à elle". Nous avons en nous une loi morale, nous le sentons bien, cela est au-dessus de toutes les époques, et tu ne dois pas agir contre cette loi, parce que quelques littérateurs et quelques idiots méconnaissent que tu es un poète.

Chéri, laisse ce cynisme bon marché à d'autres, plus petits que toi par ex. à Steinthal. Mais toi, lutte, lutte, monte, et ne sombre pas, ne te contrains pas à être plus mauvais que tu n'es. Et pourquoi ne te fais-tu pas plus rare ? Ne crois-tu pas que, sous tous les rapports, tu aurais plus de succès qu'en étant là sans cesse ? Comme ça c'est passé avec Beye et Cie. Ne vas donc plus dans cette cave des sous, où ils n'ont pas d'affection pour toi. Ne t'occupe pas de ces sous perdus et sales, mais des pièces d'or.

            J'ai envoyé aujourd'hui à Madame Landau, qui est encore à Beaulieu, une lettre diplomatique, recommandée. Ce faisant, le sentiment que j'ai pour toi me pénétrait malgré tout et j'ai écrit :

            "Trude (*), Beye, M. Schönherr ont dit à Ivan qu'ils ont réglé tout le monde en janvier, sauf lui, parce qu'ils ne peuvent pas le souffrir. Les larmes me sont montées aux yeux. On voudrait bien, parfois, se suicider.

            "Le pauvre malheureux garçon ! Parce qu'il a lutté désespérément pour gagner un peu d'argent à sa femme malade, ils ne l'aiment pas. Si seulement ils le connaissaient, s'ils savaient combien il est triste et fier, et combien il est bon, lorsqu'il s'agit de plus pauvre que lui ! En tout cas, je vous prie de ne pas me faire porter le poids de cette antipathie, etc.…"

S'il devient insolent, je pourrai toujours encore le menacer de Me Saviac. En fin de compte, il faudra bien qu'il paie, fût-ce plus tard, puisque nous n'avons jamais d'argent, et pouvons en avoir besoin à tout instant.

            Bonne nuit, toi, je suis fiévreuse et lasse. Encore une journée de crampes intestinales terribles et du travail le plus éreintant ; la voici terminée, encore une fois. J'ai travaillé sans arrêt de 7 heures du matin à 11 heures du soir. Demain je t'enverrai le roman.

            Et sois réellement fier de la façon dont je t'aime et t'aimerai un jour à nouveau

                                                                                                                      Zouzou

(je n'irai chez le médecin que lorsque tu seras revenu). »

(*) Trude Esterberger

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 12 février 1932   MST p.89/90/91

                                                                                              Vendredi

                                                                                              [Paris 12.2.32]

            Yvan

Je t'écris encore une fois aujourd'hui et ensuite je cesserai de le faire pour longtemps. T'émouvoir par des lettres, non !

            Finalement, certaines « autres personnes », s’y connaissent un peu en poésie, et elles ont trouvé comme moi que les deux poèmes traduits sont insuffisants. Le jugement de l'Amérique en de qui concerne Joyce n’est pas valable. C'est le pays de beaucoup de poètes mais pas des poètes. Il est déjà,assez significatif que les Etats Unis avec leurs millions d'hommes aient produit au cours de ces trois siècles si peu de génies en poésie :Whitman, Poe, Hart Crane et peut-être Ezra Pound, qui nous est d'ailleurs apparu, quand nous l'avons connu, humainement comme quelqu'un de bien médiocre. Et s’il est vrai que le don littéraire et la moralité ne se contrebalancent pas toujours, on devrait pourtant dans un grand artiste pouvoir deviner une certaine grandeur d'âme.

Et l'Angleterre aujourd'hui ? Où sont ses poètes importants ? Combien sont-ils ? William Butler Yeats, le jeune Dylan Thomas, dont t'a parlé Eliot. Eliot est d’ailleurs américain, et comme il me l'avouait lui-même, influencé par Rilke. (et d’abord par les Français, en commençant par Laforgue …) A l'époque où j’ai rendu visite à  Eliot à Londres, il n'était pas du tout encore Eliot.

Non, ton enrégimentation de Joyce parmi les grands écrivains de langue anglaise m'apparaît très  contestable. Et le culte de Joyce pour  James Stephens me semble puéril. Tout ce qui vient de Dublin est pour lui sublime. C'est seulement parce que le rôle le plus brillant de son ami Sullivan est Guillaume Tell qu’il considère que cet opéra est un chef-d'œuvre et qu'il nous en chante des airs chaque fois que nous sommes chez lui avec enthousiasme (et pour mon supplice). Mais  la note qu'il a dictée  pour  mettre au bas du poème de Stephens est carrément naïve. Joyce est un génie en prose mais pas en poésie.

Bref : "Donnez-nous la liberté  de pensée - (et de jugement), Sire ! " Permets-moi, s'il te plaît de ne pas partager ton opinion.

            Pourquoi ne pourrais-tu pas toi aussi te tromper ? Rappelle-toi la critique que tu fis de la prose de Illan. Et il a reçu, il y a quelques semaines, une lettre enthousiaste longue de quatre pages de Max Jacob, où celui-ci " lui baise la main, cette main infiniment bienveillante qui a écrit de telles choses " !

Et on ne peut pas dire que c'est un jugement de complaisance d'un homosexuel à un autre, car Illan est, Dieu le sait, un coureur de jupons.

            Rappelle-toi aussi ce que tu m'as toujours dit de mon roman Une Perle :"trop réaliste". Comme tu m'as découragée !

Dès la parution, rien que des articles élogieux de la presse française et de la presse des États-Unis pour l'édition américaine ! Signés Thomas Mann, Stéphan Zweig etc.. Et cette phrase qui revenait souvent dans les comptes rendus : "Un Emile Zola d'aujourd'hui", - ce qui n'est, après tout, pas à un blâme. Il y a un réalisme qui n'est pas forcément anti artistique.

D'ailleurs, tu sais très bien que j'ai lu un unique livre de Zola et que je l'estime, mais ne l'aimait pas, car ma passion, de Paris à saisir année, va à Dostoïevski. C'est aussi pourquoi nous nous sommes tellement disputés à Chambon/lignions, nous essayons de décrire ensemble un roman. Nos idées ne sont pas les mêmes.

Tu seras d'autant plus approuvé et confirmé dans ton culte de Joyce, par une autre artiste.

Mais à présent, tu me l’as écrit assez clairement : il n’y a , en ce monde, qu’un style, qu’une bonté, qu’une artiste !

                                   Adieu !

                                                           Claire *

* Voici les deux poèmes en question.

Voici l'enfant -Du sombre passé -

Un enfant est né - De joie, de peine -

Un Coeur s'égrène - Au calme berceau -

La vie éclot. - Que l'amour pieux -

Décèle ses yeux. - Haleine qui passe -

Vite sur glace - Monde à peine là -

Qui déjà s'en va. - Un enfant dort -

Un vieillard est mort.

                James Joyce (traduit par Yvan Goll)

Le vent hurle à haute voix

Et silfle furieux sur ses doigts.

Soulève les feuilles trépassées

Se bat avec la forêt déchaînée.

À mort ! Hurle-t-il. Une mort folle

Dieu est de nous. Un homme une parole.

                James Stephens (traduit par James Joyce et Yvan Goll)

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 12 février 1932**** MST p.91 à /94

                                                                                              Paris, 12,2,32

                                                                                              vendredi soir

            Aimé, oui tu l'as senti et, le soir, ton télégramme devait réparer l'effet de cette lettre sans cœur, mais alors, il était déjà trop tard. Songe à ce que toute une journée de détresse peut déchaîner et détruire chez un être humain. Mais je préfère me taire là-dessus, il ne faut plus déclencher des émotions. Soyons donc positifs.

            Tu m'as écrit que mes lettres, finalement, te déçoivent toujours. Ah ! si je voulais te dire quelles grandes déceptions les tiennes n'ont été que trop souvent pour moi, et comment, bien des fois, elles tombaient aux moments où j'étais le plus disposée à l'amour et aux sacrifices. Tu as écrit plus loin : Paula a crié : Je te louerai un Théâtre, je ferai représenter ta pièce ! - Tu oublies que, pendant les premières années de notre inclination mutuelle, j'ai crié des choses semblables. Et moi aussi, l'an dernier, j'ai dit des choses de ce genre à Illan. Amoureuse depuis un an, songe donc ! Je souhaite que Paula te le dise encore après 16 ans.

            Ce matin, je t'ai dit que je ne t'écrirais plus, et ton télégramme ne peut rien changer à cela. Je dois seulement t'envoyer encore ce post-scriptum, tu verras tout de suite pourquoi.

            Je n'écrirai plus, car je ne veux plus rien savoir de toi et je veux que tu ne saches plus rien de moi. Je ne demanderai plus rien non plus. Ni ton retour, ni ton aide financière.

Le "Matin" sera aussi mon dernier souci. Je m'en tirerai bien, aussi bien que d'autres, et si, un jour, les choses vont bien pour moi, alors je partagerai certainement avec toi, je n'ai pas besoin de te le dire d'abord, mais je le ferai.

            Aime et vis, libre et indépendant.

            Je ne sais pas où je serai, quand tu reviendras. Quelque part dans le monde. Peut-être irai-je à Berlin, dès que tu n'y seras plus.....

            Je ne te le dis pas pour te rendre des comptes, mais pour que tu ne crois pas que c'est une revanche. A quoi bon ? je n'ai rien à te pardonner, ce que tu m'as fait n'existe plus.

            Pourquoi t'écrire encore cette lettre ? parce que j'ai envoyé, ce matin à Daniel (Kahn, Professeur d'allemand et beau-père d'Yvan), les 30 premières pages de la traduction de Germaine (Berton) et que je leur ai fait savoir que j'étais revenue de Berlin à cause de la collection de printemps....

            Adieu, sois heureux, laisse-toi aimer. Je ne peux rien t'écrire de plus tendre en guise d'adieu. Sinon, tu pourrais croire, encore une fois, que je cherche à t'émouvoir.

                                                                                                                      Claire »

Et à présent, je voudrais te prier, chéri, de ne pas perdre courage, si tout le monde ne s'arrache pas tout de suite ton manuscrit. Je pense qu'il devient difficile de vivre de son art, et que ce le sera toujours davantage. Mais une autre fois, quand tu seras "d'humeur massacrante", ne m'écris pas. Pas de lettre, cela vaut mieux qu'une lettre pareille. Et d'ailleurs mon "insouciance"! As-tu pensé à mes petites demandes :

            1) « De mes grandes douleurs je fais de petites chansons »

                « Un jeune homme aime une jeune fille …»

                «  L'Ode saphique » de Brahms

                Pour:

Mezzo-soprano, pour une voix que tu aimeras peut-être entendre à nouveau, dans un an ou dans trois ans.

            2) Christa Winsloe

            3) Droits d'émission et date de

                A la recherche de la voix perdue.

Donc, j'ai parlé à Joyce, tout à l'heure au téléphone. Voici textuellement ce qu'il m'a dit :

" Madame, j'aurais été très heureux de vous serres la main, puisque nous sommes voisins, mais je ne puis pour le moment, voir aucune personne, je suis dans un état épouvantable."

Moi : " Je sais, Maître,  Monsieur votre père…Etait-il donc si âgé ?"

Lui : " Non, cela n'est pas la cause de mon tourment. Il est mort de vieillesse. 80 ans, c'est un âge normal. Mais je l'aimais beaucoup et je n'ai même pas pu aller le voir pendant ses derniers jours. Ma femme et mes enfants ne l'ont pas voulu et moi-même, je ne me sens pas en sécurité là-bas. Car ces gens ont brûlé toute l'édition de Dédalos en 1912, lors de mon dernier séjour. Vous comprenez pourquoi je n'ai pas pu aller là-bas."

(à vrai dire, je n'ai pas compris s'il avait eu à craindre le bûcher pour lui-même : ou seulement pour ses recueils de poèmes !)

Moi : " Oh ! naturellement, je vous comprends. Depuis combien de temps n'aviez-vous pas revu votre père ?"

Lui : " Depuis 20 ans ! Vous comprenez mon désespoir."

Moi : " Et vous ne vous écriviez-pas ? "

Lui : " Naturellement si, et je lui envoyais aussi des cadeaux ".

Moi : " Mais, cher Monsieur Joyce, ce n'est donc pas de votre faute si vous ne pouviez plus vous voir, la faute en est aux circonstances …"

Lui : " S …"

Moi : " Allo ! "

Lui : " Oui, j'entends. De toutes manières ne m'en veuillez donc pas, si je ne puis vous voir en ce moment ".

Moi : " Mais je suis chargée de vous demander quelle est votre position au sujet de votre 50 e anniversaire".

Lui : " Ces choses n'ont pour l'instant, pas le moindre intérêt à mes yeux. Excusez-moi donc auprès d'Yvan Goll. Je vous recevrai avec joie dans quelques semaines."

Moi : " Au revoir, cher Monsieur Joyce, et croyez à toute notre compassion."

Lui : " Merci de tout cœur, mes souvenirs à Goll, au revoir."

            Au revoir, - je te souhaite beaucoup de bonheur et d'amour à Berlin.

                                                                                                                      Zouzou »

Enveloppe sans lettre, écrite de la main de Claire :

Herrn Dr. Iwan Goll

bei / Ludwig

112, Gh. Atelier, Kurfürstendamm

Berlin-Halensee

Cachet de la Poste : Paris XVI, Rue Singer, 13. II.32

lettre d'Ivan Goll Berlin à Claire à Paris du 17.2.1932  MST p.94/95

Chère Claire,

            (Zouzou est réellement devenu trop petit pour toi !)

            Ce soir, j'ai lu Arsenic (version allemande de Un crime en Province) jusqu'au bout. Un grand, un très grand livre !

            Tant de matériau humain, extrait des profondeurs de la chair et amené au soleil, tant de savoir universel, de connaissance de l'âme, de force expressive, d'acuité visuelle et de finesse d'ouïe…

            Se transporter ainsi dans un autre être, haïr, assassiner, souffrir avec lui, l'éclairer du dedans et du dehors, disséquer, éplucher…le retourner en tout sens à la flamme de l'art, comme un poulet à la broche…

            Et puis, la vie de la petite ville : magistrale. Au début, on a des doutes : c'est tout de suite si fort. On se demande : comment soutiendra-t-elle ce ton, sans se répéter, sans ennuyer ?

            Tu as résolu entièrement le problème. Une des tâches les plus difficiles que puisse se proposer un artiste. Une tâche que peut seul aborder celui qui sait ce que sont les nuits inquiétantes, les tentations de l'instinct, le besoin de sacrifice, le sens de la mort …

            Inutile, n'est-ce-pas, de dénombrer les passages qui sont d'une grandeur classique : la nuit du premier empoisonnement, la mort de Gaby, cruellement exacte…et combien de petites phrases pleines de savoir !

            Mais à la fin, cette sonorité apaisante (inconnue de moi), cet écho final proche du ciel !

            Tout à fait grand !

            On ne peut que t'admirer !

            T'admirer, créature insondable !

            Mais, o toi qui n'es pas heureuse, qu'arriverait-il si tu descendais, une fois, aussi profondément en toi que dans les tréfonds de ta Suzannne, si tu projetais ta lumière jusqu'entre tes côtes, qui sont souvent les barreaux de prison empêchant d'accéder à la sagesse et à la liberté. Toi qui a sauvé la plus misérable de toutes, pourquoi ne te sauves-tu pas par la connaissance ? Tuer ne sert à rien, ni mourir : mais savoir !

            A la dernière page, on se met à aimer Suzanne !

                                                                                  Ivan

            P.S. Je porte demain le manuscrit à KROLL / mais ULLSTEIN le trouvera trop lourd de contenu, bien trop bon.

            Ensuite HILDEBRANDT. Mais combien de copies as-tu ? Tu n'as pas besoin là-bas d'en garder plus de 1 ou 2 en allemand ! Envoie-moi encore un exemplaire, afin que je frappe tout de suite à la porte d'un éditeur, pour que nous ayons "deux fers dans le feu".

            Plus tard, je n'ai trouvé presque plus rien qui nécessite des améliorations

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 20 février 1932   MST p.95/96/97

                                                                                              samedi

                                                                                              6 heures du soir

                                                                                              [Paris, 20.2.32]

            Aimé, je reviens à l'instant d'une merveilleuse excursion d'une journée dans la vallée de Chevreuse et je trouve tes Lieder. Ah, toi !

Dois-je les chanter à l'Amiral que j'ai ramené ici ? Il est perché sur le Pascin  et il est encore tout tremblant de son destin tragique : être un papillon en février ! J'ai aussi cueilli les premiers chatons de saule. Et il y avait sur les bois de bouleaux un reflet mauve, à faire perdre la raison. Et, vers le soir, il y a eu la lune, la pleine lune. Et toutes les villas et les maisons qui bordaient la route, je rêvais que j'étais dedans, environnée d'enfants. C'était un home et un refuge, on appartenait à un lopin de terre, on n'était plus nomade, on n'était plus ballottée par le monde, empoisonnée par la solitude. Quel lourd fardeau que d'être artiste ! Walter me disait récemment: "Tu as un destin d'homme", - c'est une triste vérité.

            Et là-bas, dans les forêts, vivent les petits lièvres, et on les chasse, c'est le destin des lièvres. Dieu est insaisissable dans cet univers ; et cependant, je le pressentais et le saisissais aujourd'hui dans chaque jeune mauvaise herbe fleurissant le long de la route.

            Hier; charmante réception chez Lise (*). Tu te rappelles cette belle femme aux cheveux noirs (une raie au milieu, un front florentin) qui nous a frappés naguère dans les "générales" des théâtres parisiens ? C'est elle. Elle a divorcé de son premier mari et épousé un bel homme, très fin, dont elle a maintenant un petit garçon (avec une petite fille du premier), et une maison! Ah ! tu le verras bien, il y a chez eux tous les mois, une réunion poétique, 30 poètes étaient là, Flouquet, Ribemont-Dessaignes, des jeunes comme Colombat, Desnos et Youki, etc..

            A toi, j'adresse en outre, 2 volumes de Lieder en retour : j'ai déjà Schumann et Schubert est pour soprano, alors que je suis mezzo-soprano. Echange-les contre Hugo Wolf et les Lieder de Brahms.

            Parmi ceux-ci, je voudrais surtout :

            "Aussi vrai que le soleil brille, aussi vrai que la nuée pleure". Je crois que c'est de lui. Ou bien, me trompes-je comme "De mes grandes douleurs je fais de petites chansons", que tu as si gentiment cherché et retrouvé parmi les Lieder de Franz.

            Je suis de retour depuis 15 jours et je n'ai pas encore vu Illan, ne lui ai pas fait savoir que je suis ici.

             Il y a en ce moment, bien des choses à voir, et je sors donc beaucoup, pour parfaire ma culture. Surtout pour affiner, en compagnie de Français, ce mauvais style que tu me reproches tant. "O chaînes de roses" (°)…! Et : le style c'est l'homme, ce n'est pas la femme. C'est la qu'est mon excuse. Excuse-moi, oui, je suis heureuse, moi aussi, pour une fois. J'ai reçu un nombre effrayant de piqûres de  strychnine, et, à en croire le prospectus, elles provoquent la gaieté et un état d'ivresse. Foin de la mélancolie et des larmes, qui émeuvent !

            Ci-joint la facture du Matin ; malheureusement, j'ai dû tout payer, il n'y avait plus rien à faire. Egalement pour le Gaz pour décembre : 234 frs., excuse-moi encore, mais la vie est faite de choses de ce genre.

            A l'instant Mlle Stil a téléphoné, aspirant à toi. Je l'ai consolée aussi bien que je l'ai pu, je lui dit que d'autres dames t'ont également appelé au téléphone, et que tu es chez Paula Ludwig.

            " Oui, elle le savait, mais combien de temps encore ? "

            J'ai dit que seuls le savent les dieux de l'amour.

            Ta lettre et ton télégramme, qui exprimaient ton bouleversement à la lecture de mon roman, m'ont profondément émue. Tant de sympathie artistique, c'est toujours stimulant.

            Néanmoins, je t'envoie ci-joint la critique, elle servira peut-être pour le placer. Voudrais-tu corriger un second manuscrit pour Tal, en le comparant avec le premier ou dois-je l'envoyer à Tal comme il est ?

            As-tu des perspectives chez Deutsch ?

            Le petit Walter (**) a reçu hier comme dessert : "Der Dunkle Gott". Le livre a remplacé une piqûre de strychnine. " Ce jour-là, ils ne me racontèrent pas davantage", comme il est dit dans les Mille et Une nuits.

                        Et maintenant :

                                               Vis heureux, vis content,

                                               Comme le roi Salomon

                                               Qui chantait assis sur son trône

                                               Tout en mangeant du foie gras.

                        Excuse-moi, mais je ne suis pas une poétesse, mais seulement

            la naguère pauvre

                                          Zouzou

                aujourd'hui riche

            Avant-hier et le jour précédent, une dame a téléphoné, qui a demandé sans arrêt à Rosa: "Alors il est en voyage, mais pas avec sa femme …pourriez-vous me donner son adresse ?" Rosa ne l'a pas donnée, elle a déjà beaucoup appris, et elle a dit : " Qui sait, peut-être a-t-elle besoin du soutien de Monsieur ". J'ai beaucoup ri.

(*) Lise Deharme avait un célèbre salon littéraire d'avant-garde à Paris

(°) Allusion à une lettre inédite d'Yvan à Claire du 12.2.1917 qui contenait la phrase :

"Chacun garde sa liberté jusqu'à ce qu'il se soit forgé lui-même ses chaînes : Chaînes de roses", phrase dont je me moquais tout le temps.

(**) Walter Mehring, écrivain de gauche, correspondant  du Berliner Zeitungen à Paris de 1921à 1928, à Berlin jusqu'en 1933, puis à Vienne. Interné en France en 1939 avant de partir en 1940 pour la Martinique et les USA. Rentre en Europe en 1945.

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 22 février 1932   MST p.97/98

                                                                                                          Paris, 20.2.32

            J'ai eu tout à l'heure avec Tagger (*) une longue et amicale conversation.

            Tu sais qu'il n'a aucune raison d'être mesquin ou réservé, lui qui est le dramaturge allemand ayant le plus de succès.

            Donc, avant tout, il trouve que cette pièce vient beaucoup trop tard. Les pièces sur le monde des affaires ne sont plus demandées. Il trouve aussi que ce n'est pas dans ta ligne. Ta direction, c'est celle de "Mathusalem". Dès que tu t'en écartes, les pièces deviennent mauvaises. Il te conseille d'écrire une pièce qui soit pleine d'âme, artistique ou vibrante de satire, mais non pas torturée et "voulue". Il dit "qu'il est tout à fait inutile de tenter encore quoi que ce soit à Berlin, pour cette pièce, tu n'arriveras pas à la placer".

            Voilà donc l'avis d'un homme de métier. Je n'ai rien à y ajouter. Tagger dit qu'il avait lui aussi, écrit diverses pièces qui n'ont jamais été jouées.

            Hasenclaver, lui aussi, revient à l'art, après tant d'erreurs et de fours. Il compose une nouvelle pièce, en vers

            Il faut donc être modeste, et non trop orgueilleux. L'œuvre dont on doute est toujours plus grande que celle dont l'auteur crie : "On va me l'arracher des mains !". Je doute tellement de mon "Arsenic" que j'ai déjà voulu attenter à ma vie.

            Sois fort et comprends ! Tu as observé maintenant tant de matériel vivant, en Allemagne ; pourquoi ne pourrais-tu pas faire une pièce enflammée sur l'hystérie des Berlinois ?

            "Krankheit der Jugend" est un grand succès à l'Oeuvre

Un jour, tu auras, toi aussi, des succès de ce genre, mais seulement quand tu te feras petit devant l'art théâtral, comme tu l'es, depuis longtemps, devant la poésie.

            Quand on est quelqu'un, les gens vous courent après (Pirandello) et on n'a pas besoin de faire un pas ; tous tes reproches sur ce sujet étaient injustes.

            Je t'envoie par le même courrier le second manuscrit "Arsenic".

J'ai obtenu et signé, aujourd'hui même, un excellent contrat d'un éditeur polonais pour "Ein Mensch ertrinkt". C'est chez lui qu'ont paru Morand, Maurois, Benoit, etc.

(*) Théodore Tagger véritable nom du dramaturge Ferdinand Bruckner, dont la pièce "Krankheit der Jugend" (1929) se joua avec un grand succès à l'œuvre.

            

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 25 février 1932   MST p.99/100/101

                                                                                  Paris, 25.2.32

            Mon petit garçon,

                        "Découragé" ? pourquoi ? toute déception sert à quelque chose. Celle-ci n'échappe pas à la règle. La prochaine fois, quand tu n'attendras rien d'une œuvre, quand tu seras tout humble devant elle et ne la tiendras pour rien d'autre qu'un début, alors, le succès te surprendra. En admettant que l'approbation de nos misérables contemporains mérite qu'on lui sacrifie le peu de paix intérieure dont on jouit chez soi, entre ses quatre murs, cette paix qu'on abandonne pour une chose aussi inexistante que la prétendue gloire.

           Mais, sot enfant, à quoi bon te faire des soucis ? C'est moi qui paie le loyer avec mon roman. Bien que je ne mette jamais, comme tu le fais dans ta lettre, à jongler avec des chiffres tels que 5000 ou 10000 marks. Pourquoi toujours exagérer ? Naturellement, lorsque l'on est sur une telle corde d'or et qu'on en tombe, le choc est rude.

            Et véritablement, je ne veux pas rompre mon contrat avec Tal.* Je suis pour la fidélité à la parole donnée et je n'aime pas faire de dettes. Tu me connais. Je me refuse donc, sous ce rapport à recevoir des leçons des Allemands. Et d'ailleurs, ne vivent-ils pas, en réalité, dans des conditions impossibles ? Je les supporte mal. Et il est encore plus facile de vivre avec le plus petit Français sain et honnête, qu'avec les Allemands les plus raffinés. Je l'ai constaté avec Kurt Wolff. Ici, nul ne s'immisce par force dans ton ordonnance intérieure, nul ne te divise, tu restes toujours solitaire et libre. Quel équilibre on gagne au contact des Français, et comme on perd pied aussitôt, ne fût-ce que pendant une conversation, avec les Allemands ! Comme ils sont indiscrets, même dans leur discrétion, et éhontés, sans pudeur d'âme ! Non, je n'aime que Paris, et cependant, je voudrais aller un jour à Berlin, pour plusieurs raisons.

Maintenant, en ce qui concerne les gains d'argent, les possibilités, tous mes amis et toutes mes relations me disent que c'est à Paris seulement que l'on peut encore se faire une place. Tant dans l'édition (tu l'as bien constaté, toi-même l'an dernier avec ton livre sur la photographie) que dans les journaux (où tu as joliment lâché Fels !). Paris-Soir s'est monté et tue momentanément l'Intran, et a un tirage de 250.000; que n'aurait-on pu y faire ! Des rapports illustrés d'Allemagne, ou bien ici, la chronique des livres, etc..

            Desnos, lui aussi est un poète, ce qui ne l'empêche pas de faire toutes sortes de besognes à côté.

            En ce qui concerne Maria Deutsch-Piscator, je pense qu'une visite adroite de ta part aurait beaucoup plus de succès que des approches féminines.

            Non, tu te trompes, je n'attends pas impatiemment ton retour, cette époque est révolue depuis longtemps. Je vis actuellement avec Rosa, qui me soigne avec amour, m'envoie prendre l'air, ferme la fenêtre quand elle trouve qu'il fait trop frais, etc.. Dans une tranquillité conventuelle. Je ne souhaite rien d'autre. Tu te trompes aussi lorsque tu crois que je ressens plus douloureusement ma solitude, parce que j'ai terminé ma tâche qui me remplissait toute. Comme tu aurais pu le deviner, j'ai déjà commencé un nouveau roman, - j'en suis tout au moins à sa préparation.

            Je lis de bon livres (anciens), beaucoup de Goethe ; j'ai près de moi une jacinthe, en faut-il plus pour se sentir infiniment riche ?

            Aujourd'hui, j'ai acheté pour ton vase vert de la salle-à-manger, afin d'y remplacer la bruyère, un bouquet de roses en cire, de toutes les couleurs, qui aurait inspiré Rousseau.

            A présent, je vais le regarder à tout instant et je me réjouis de sa suavité : un bouquet de noces. Car, tu le sais bien, les choses simples, primitives, déclenchent en moi les joies esthétiques les plus fortes. Je peux m'occuper toute la journée de ce bouquet, alors que je ne supporte pas les êtres humains plus d'une heure. Mais aussi, quelle différence entre l'être humain et la fleur, fut-elle artificielle !

            A l'instant, je viens de préparer ton paquet : "Die Alpenpassion der Jungfrau von Paris".

            Demain matin à huit heures, je le porterai moi-même à la poste, car, tu ne le sais pas encore, à huit heures juste je prends l'autobus, boulevard Suchet, jusqu'à la place Victor Hugo, et de là, je vais à pied jusqu'à l'avenue du Bois de Boulogne. Là, on me nourrit artificiellement, parce que mes organes ne veulent plus travailler eux-mêmes : ils sont morts. Il y a quelques jours, j'allais si mal que j'ai donné à Rosa - inondée de larmes -, - un télégramme à ton adresse pour le cas où il m'arriverait quelque chose.

            Ainsi donc, je reçois chez Meunier 1 litre de lait, 2 œufs, 1 beafsteack et j'ai engraissé déjà d'une livre en 3 jours. Il considérait ma "ligne haute-couture" comme un grand danger.

            Cela coûtera peut-être beaucoup d'argent, mais grossir, cela vaut de l'or. Je lui suis très reconnaissante et me sens déjà mieux.

            Il est maintenant plein de prévenances, et veux me faire des prix spéciaux. Il m'a pris 350 frs. pour un premier examen avec analyse de sang et de l'urine, radio et sondage de l'estomac. J'ai payé de suite, c'était inévitable. Généralement, il prend mille francs, m'a dit sa secrétaire. Ce que le sanatorium de Bühlerhöhe n'a pu faire, l'avenue du Bois le fait. Là-bas, on me donnait du lait et des œufs nature, et, bien entendu, je ne les tolérais pas. Ici, une fois avalés, ils sont artificiellement digérés par un appareil.

            Si seulement tu me racontais un peu plus en détail comment s'écoulent tes journées !

            Adieu, je suis si fatiguée, j'ai beaucoup travaillé et j'ai toujours 38 ° de température, le soir. Adieu

                                   Zouzou

            Voudrais-tu me répondre à une question importante ? (Ne pas oublier !) Hildenbrandt est-il de nouveau à la rédaction du feuilleton du Berliner Tageblatt, ou le chef est-il toujours Sinsheimer ? Tu indiques toujours tout d'une façon vague, et me laisses dans l'incertitude.

            Ce serait délicat de ta part d'écrire quelques mots à Mlle Stil. Elle a été opérée de l'appendicite, et je crois qu'elle a été très malheureuse quand je lui ai dit sur un ton moqueur qu'elle devrait prendre patience, qu'elle n'est pas la seule, etc.. Le même jour, une de tes "amies" avait téléphoné. D'ailleurs, Marianne Oswald téléphone si souvent et insiste tellement pour me revoir, que j'ai dû finalement l'inviter. Sinon, tu m'accuserais d'impolitesse.

* Verlag E.P. Tal & Co. Leipzig/Vienne

lettre d'Ivan Goll Berlin à Claire à Paris du 29.2.1932  MST p.101/102/103

                                                                                  Berlin 29.2.32

Chère Zouzou.

            29 février : on nous fait cadeau d'un jour de plus cette année ! Avez-vous, à Paris, vous aussi, des jours de soleil-fixe, des jours clairs ? Pour Berlin, c'est un hiver tempéré ; il gèle bien, mais il ne tombe pas de neige. Ce climat m'est favorable. Je n'ai pas encore eu une seule crise de grippe. D'autres personnes aussi ne se plaignent jamais de cette espèce de faiblesse qu'apporte à tous l'air trop mou de Paris. Mais tu me parles déjà d'amiraux et de primevères : tu baises déjà le printemps, qui paraît encore ici quelque chose d'impossible !

            Et o ta dernière lettre si douce ! comme j'ai eu envie de te serrer dans mes bras avec ta taille de figurine de mode, d'observer combien tu engraisses depuis que Meunier t'injecte ton beafsteack quotidien : te sens-tu mieux maintenant ? Je me lève avec toi, je te vois partir dès 8 heures pour le Boul. Suchet; à ce moment, ici, il est déjà 9 heures ; et je te vois rentrer à la maison avec le bouquet de roses de cire !

            Est-ce que le merle picore les baies du lierre ?

            Et tu rêves déjà d'un nouveau roman, et tu y travailles. Oh ! dis vite ce que c'est ?

            Ici, j'ai fait une trouvaille merveilleuse : " Das deutsche Lesebuch" de Hugo von Hofmannsthal contient les joyaux de cent années de prose allemande. On découvre tous les jours, dans ce livre, de nouveaux trésors. Je te le rapporterai.

            Comment je vis, à part ça ? Toute la journée, je cours après mon avenir. Je ne compte plus beaucoup sur la pièce. Je ne cherche plus qu'à bondir sur la selle de cinéma, et ensuite, ayant un peu de sécurité, je m'adonnerai modestement à l'art, à la poésie. C'est pourquoi je me cramponne encore à l'espoir de Mme Topoly, et appelle Paris à l'aide. Sinon, je ferai encore "antichambre" ici pendant des semaines.

            Merci pour la "Jungfrau von Paris", mais - hélas - j'ai besoin plutôt de l'autre version, qui est également dans le classeur ; c'est un manuscrit tout semblable, et je te prie de me l'envoyer immédiatement - j'oubliais que celle-là aussi était restée à Paris.

                                                                                                          Soir.

            Je viens de téléphoner à Krell : il n'a pas encore lu "Arsenic". Ces gens ! Avec Tal, nous allons voir : mais attends maintenant et ne dis rien, tout au moins à lui.

            Téléphoné aussi à Mme Topoly : le Dr Deutsch est en voyage pour toute la semaine. Oh ! l'impatience me fait grincer des dents ! Rien, absolument rien, ne veut me réussir ! et pourtant, je cherche honnêtement une occupation, fut-elle peu honorifique : synchroniser ! Le temps presse. Rien n'arrive. Et je tourne en rond. C'est pourquoi, encore une fois, une incitation venant de Paris était devenue nécessaire.

            Articles ? cela aussi. "Vu" organise un numéro sur l'Allemagne. Vogel est à l'Adlon, avec tout un état-major de collaborateurs, parmi lesquels Soupault. Un soir, nous sommes sortis ensemble. J'écris aussi quelque chose pour ce numéro : "Paris à Berlin", et j'ai déjà reçu 50 M. Mais, dois-je, comme tu le proposes, me contenter éternellement des détritus de "Vu" et de "Paris-Soir" ? Alors, seras-tu fière de moi ?

            Sinsheimer est, et reste, bien entendu, le chef des feuilletons du Berliner Tageblatt. Hildenbrandt s'est encore une fois mis en congé. Il aurait, de nouveau, quelque chose à dire chez Mosse. Possible, mais …

            J'ai de la nostalgie : une grande nostalgie intime de toi, Zouzou.

            Mais je ne peux pas, je ne veux pas rentrer à la maison en pauvre Moïse inactif !

                                                           Comprends-tu

                                                                       ton impatient

                                                                                  Garçon ?

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 3 mars 1932   MST p.103

                                                                                              3.3.32

            Chéri,

            J'ai envoyé une lettre à Maria Deutsch (*), car j'ai trouvé cela mieux qu'un coup de téléphone, parce qu'au bout du fil elle se récuse le plus souvent. J'ai écrit que je voulais la voir, je l'ai remerciée aussi pour ses dispositions amicales à nous aider. A présent, il faut attendre qu'elle ait l'idée de me répondre et de vouloir me voir.

            Par le même courrier, l'autre "Germaine".

            Prends tout ton temps, ne sois pas impatient. Je ne le suis plus, moi non plus, nous arriverons toujours une fois à Majorque. Renate Green est partie hier là-bas pour quatre semaines. Tout s'envole là-bas, comme tu le vois par la coupure ci-jointe.

            Le nouveau roman ? Un roman d'amour naturellement. Mais comme c'est donc difficile!

            Le papillon est encore toujours chez nous. Les merles chantent à  6 heures ½ (heure de Berlin) et je chante :

                                                           [Iwan]

(*) Maria Deutsch-Piscator

Le 15 mars 1932 Ivan Goll quitte Berlin pour Paris

Paula passe la semaine de Pâques (dimanche 27 mars) avec son fils à Salem/Bodensee et ensuite vraisemblablement à Voralberg

lettre d'Ivan Goll Cologne à Paula Ludwig Berlin du 15 mars 1932 ImsL p.59/60

à traduire depuis la salle d'attente à ta table

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 17 mars 1932 ImsL p.61

à traduire

carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 24 mars 1932 ImsL p.61

à traduire

Le 24 mars 1932 Claire part en cure à Saint-Jean de Luz, près de la frontière espagnole

lettre de Claire train Paris-Biarritz à Ivan Goll à Berlin 24 mars 1932   MST p.104/105

                                                                                              [Train de nuit Paris-Biarritz]

                                                                                              [24 mars 1932]

            Cher toi, à l'instant encore, j'ai vu à la fenêtre ton pâle, triste visage. Et maintenant, tu es poussière, déjà insaisissable, évanoui. Pourtant, je tiens encore ta tête contre mon cœur.

Mais je ne puis presque pas le faire, car je vois toujours cette tête couchée sur le sen d'une autre.  Pourtant, comme je voudrais maintenant, te voir planer dehors, dans le sombre ciel de la nuit, près de moi, souriant et léger, encadré d'étoiles ! Pourquoi ne peut-on toujours être avec l'autre que dans la solitude, dans la séparation ? Pourquoi le présent est-il toujours un frein, pourquoi refroidit-il l'âme ? Dès que l'on voudrait aller l'un vers l'autre le gel est là, des glaçons dans l'âme. Et tu n'aurais qu'à tendre la main, à ouvrir les bras. Cela suffirait-il ? Oui, c'est justement cela. La nuit, il est plus difficile d'avoir un sot orgueil. Quand un train roule, et qu'un adieu brûle, ah ! comme on presse alors son amour contre soi ! Comme on sent le temps perdu qui ne peut plus être rattrapé. La fugacité de tout crée alors la même angoisse que si deux êtres, qui devraient n'en faire qu'un, étaient dispersés dans des univers différents.  Toi, mon petit garçon, moi une petite fille, pourquoi nous rendons-nous mutuellement si pauvres ? Pourquoi, n'étais-tu pas là cet après-midi quand le merle chantait, pourquoi ne voyages-tu pas à présent avec moi et l'étoilé ?

            Le train dit : "Jean-de-la-lune", "Jean-de-la-lune". La légende de l'homme qui est dans la lune. La lune viendra bientôt et alors, je te reverrai. Bonne nuit  !

            J'ai vu se lever une grande lune d'or rouge, mais tu n'étais pas dedans. Elle était encore tout contre la terre, et aplatie du bas comme une pièce d'or limée par la rotation.

Le sommeil n'est pas venu, mais le matin. Des pins avec leurs petits pots à résine contre leur tronc, des camélias, des amandiers en fleurs et les "landes" infinies. Quel pays digne d'amour, cette France !

            Et maintenant, je suis déjà au lit (9 heures du matin), j'ai pris un bain et je regarde, par la fenêtre, le soleil et l'azur qui environnent le palais que ce sont fait construire naguère Napoléon III et Eugénie.

            Bientôt viendront le "vin d'honneur" et le réveil dans la banalité.

            J'ai une grande surprise pour toi. Le directeur m'a confié cette nuit qu'en mai, il y aura une nouvelle caravane vers l'Espagne jusqu'à Majorque, et que Claire et Yvan en feront partie. Souris donc vite

                                               Ta Susu

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Salem/Bodensee Vendredi-Saint 25 mars ImsL p.62/63

à traduire

: parle de la Passion

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Salem/Bodensee Samedi-Saint 26/3/1932 ImsL p.63/64

à traduire

                                   Ivan

                                               qui t'aime

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Salem/Bodensee  5 avril 1932 ImsL p.64/65

à traduire

carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 14 avril 1932 ImsL p.65

à traduire

…O je suis très inquiet.

                                   I

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 19 avril 1932 ImsL p.65/66

à traduire

Ton

            Mignon

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 24 avril 1932 ImsL p.66/67/68/69

à traduire

                        Mignon

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 1 Mai 1932 ImsL p. 70/71

à traduire

Paula Ludwig Berlin à Ivan à Paris : très longue lettre du 3 mai 1932 IsmL p.71 à 75

à traduire  ****.

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 10 mai 1932 ImsL p.75 à 78

à traduire

            

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 20 mai 1932 ImsL p. 78

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 26 mai 1932 ImsL p. 79/80/81

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 4 juin 1932 ImsL p. 81/82

à traduire

carte postale d'Ivan Goll  Nancy à Paula Ludwig Berlin  10 juin 1932 ImsL p.82

à traduire

Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 22 juin 1932-11h50 ImsL p. 83

IMPOSSIBLE AVANT LE 15 JUILLET

FURONCLE. FINANCES

LETTRE SUIT

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 22 juin 1932 ImsL p. 83/84/85

à traduire

Paula Ludwig Berlin à Ivan à Paris : très longue lettre du 23 juin 1932 IsmL p.85/86

                        De toute mon âme

                                               Paula

            

à traduire

Paula Ludwig Berlin à Ivan à Paris 24 juin 1932 ImsL p. 87/88

            Fais que ce ne soit pas trop lourd pour moi

                                                                       Paula

à traduire ***

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 28 juin 1932 ImsL p. 88 à 92

à traduire

Paula Ludwig Berlin  à Ivan Goll Paris 29 juin 1932 essentielle ImsL p. 92à 97

            Et ainsi je demeure Ta

                        Paula

*** à traduire

                                   Je t'aime

Ma prochaine adresse :

Ehrwald

Tyrol

Maison 321

Autriche

carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  5 juillet 1932 ImsL p.98

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  11 juillet 1932 ImsL p.98/99/100

à traduire

au départ d'Ivan, Claire Goll trouve le petit mot habituel sous son duvet 18.07.1932 MST p.105

                        ZOUZOU

                                               Crois en moi

                                               Attends-moi

                                               Je t'aime

                                                           Yvan

Du 18 juillet au 5 septembre, Yvan est chez Paula Ludwig à Ehrwald/Tyrol

à vérifier

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Ehrwald 18/7/1932   MST p.105/106

Paris 18 juillet 32

Sois là-bas, et non ici, et livre-toi au bonheur.

Travaille et achève  "l’Eurocoque".

J’attends et sais que lorsque cette attente-ci sera terminée,

ces deux années seront mortes et nous ressusciterons tous deux,

-          enlacés comme jadis :

C laire

                                     wan

Une seule chose, - même aux instants où je perdais la tête et les

"cuisses" : jamais je n’ai permis à un autre de te critiquer, jamais

je n’ai encouragé quelqu’un à le faire. Je sais que Paula L., travaille

tant qu’elle peut, à détruire l’image de moi que tu portes dans ton cœur.

Tu es mon mari, mon frère, mon ami.

C’est au dernier que je m’adresse, au noble ami, afin qu’il me

Protège contre le premier, qui, par instants, a soif de se venger.

               Aux soirs de notre passion, entre 1921 et 1928, quand je te

chantais les Lieder de Brahms, Schubert et Schumann, tu me demandas,

les larmes aux yeux : " Promets-moi de ne jamais chanter pour un autre".

               Là-dessus, tu juras solennellement de ne jamais jouer du Chopin

pour une autre.

               J’ai tenu ma parole à travers toutes les années. A vrai dire, je n’ai

pas non plus ton génie de virtuose. Je te libère de ton serment.

               Mais quelquefois, quand tu joues de la mandoline ou de la guitare,

Rappelle-toi que tu fus mon " Mandolinete ",  mon " Mandolinschen "

                                                                                     Zouzou

Télégramme d'Ivan Goll Ehrwald 20/7/1932 MST p.106

                                               Ehrwald 20 - 07 – 1932

                                                           Claire Goll

                                                           19, rue Raffet, Paris

            Les sons de mon âme t’appartiennent. Mes doigts ne sanglotent

            Que pour toi . Seule la mort délivre du " serment Chopin ".

            Personne ne sait que je joue de la mandoline .

Mandolinete

( Meiner Seele Töne : Les sons de mon âme est le titre choisi pour la correspondance Claire/Yvan Goll )

Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 juillet 1932-10h00 ImsL p. 100

ARRIVE MARDI SOIR VIA MUNICH

                                                           IVAN

Télégramme d'Ivan Goll Munich à Paula Ludwig Ehrwald 26 juillet 1932-7h30 ImsL p. 101

ARRIVEE  DEJA  MIDI

                                                           IVAN

Yvan arrive le 26 juillet à midi et vit jusqu'au 5 septembre 1932 chez Paula à Ehrwald

à vérifier

lettre d'Ivan Goll Ehrwald à Claire à Paris du 4.8.1932  MST p.106/107

                                                                       Ehrwald, 4 août 32

                                   Chère petite Zouzou ,(Zuzulein)

                        Le moment est aussi peu propice que possible aux brisements de

Cœur. Les médecins spécialistes disent que le mois d’août ne s’y prête pas du

tout. Avril et mai ont été là pour ça, avec leurs petites cruches lunaires remplies du

miel de la consolation. En août, on devrait voyager et oublier. C’est le mois

" bête ". Sois donc sage , et vas bientôt à Schall et à Challes .

Je t’ai fait transmettre hier par la Schweizer Bankgesellschaft 500 Fr pour que

tu les portes immédiatement à la Perception, 6, rue Poussin, en y joignant la feuille

bleue que je t’ai laissée. Tu auras à payer 509 Fr. : 9 Fr est le supplément pour les

frais qu’a causés, l’autre jour, la visite des deux messieurs en noir . Et je serais en

grand souci, si cela arrivait encore, au cas où tu ne porterais pas cette somme tout

de suite.

            Il y a eu, à la fin de la semaine dernière, trois jours éblouissants, pendant

lesquels j’ai fait de grandes excursions : à l’Ehrwalder Alm, au Fernpass. Comme

c’était bon de se détendre encore une fois ! Mais depuis lundi, il pleut sans arrêt :

peu importe, dans les montagnes, même la pluie est belle .

            Entre temps, les poèmes dont je t’ai parlé par lettre m’ont paru de plus en plus

Pâles . Je t’enverrai néanmoins l’un d’entre eux. Il faut espérer que, d’ici à Paris, il

ne s’évanouira pas complètement .

                                                           Et je te prends

                                                           Dans mes bras en silence

                                                                                              Iwan

lettre d'Ivan Goll Ehrwald à Claire à Paris du 24.8.1932  MST p.107/108

                                                           Ehrwald, 24 . 8 . 32

                                                           mercredi

                                   Chère Zouzou,

            Suite et fin de ma lettre d’hier.

            Nul ne pourra m’empêcher de proclamer encore une fois , et toujours

à nouveau, que ton livre est d’une forme tout à fait grandiose .

Deux résultats qui portent ton empreinte :

            1) La province enfin clouée au pilori, vue jusque dans le plus petit

détail, étudiée avec une patience divine . Quel regard ! Quelle ouïe ! Jusqu’à

un demi-siècle, personne ne pourra le refaire mieux .

            2) Un meurtre de femme, éclairé jusque dans les mouvements les plus

secrets de l’âme, expliqué, excusé ! Vécu ! Souffert ! Payé ! Suzanne, que cette

meurtrière est belle, bonne, digne d’être aimée .

Quelles profondeurs de la destinée terrestre sont sondées, découvertes par l’accomplissement obligé de cet acte !

Je sais ce livre au-dessus de tout ce qui a été écrit en France, ces dernières

Années : au-dessus de Mauriac, qui est bien plus pauvre, de Green, qui est bien plus

nerveux, et des autres, qui sont bien plus éparpillés . Ton  " Crime en province " est

émouvant, supérieur, sûr, plein d’âme, et surtout, plein de toutes les souffrances du

monde et d’un cœur de femme . Parfois, en une seule phrase, quelles lueurs projetées

dans les ténèbres de notre être. Dans un paragraphe, quelle étreinte de la triste créature

avec la magnifique nature .

            Je te renvoie donc aujourd’hui les corrections. Mais cela me semble être les

premières "bonnes feuilles". Tu recevras certainement encore la mise en page. Dans

cette multitude d’améliorations (qui, toutes, relèvent si considérablement le style !) tu

devras t’assurer encore une fois que le type a tout compris correctement. Et sais-tu

que ces corrections vont coûter terriblement cher, presque plus que le texte lui-même ?

au moins 1.000 ou 1.500 Fr. Ton éditeur Burnand sera furieux. Et s’il te retient ses frais,

il ne te restera rien du paiement convenu. En conséquence, je réclamerais tout de suite le

paiement, sous un prétexte sentimental quelconque : voyage à Plombières, etc.

            Car il faut que le livre paraisse dès maintenant . Burnand est complètement engagé.

Et quand ? Je vois peu de possibilités, techniquement, pour qu’il paraisse avant le 25 septembre : encore des bonnes feuilles, l’impression, le brochage … et cette date est

préférable pour toi.

            Donc, entre temps, tu iras à Plombières . Est-ce que ces quelques jours à Challes suffisent vraiment ? Tu te maltraites. Mais ne perds pas de temps à Paris, cette fois ! Repars vite.

            Rosa a des vacances magnifiques. Il est impossible que tu lui donnes de nouveau 400 Fr.le premier du mois, plus 250 Fr pour manger . Tâche d’arranger ça autrement . C’est trop bête de gaver ainsi une esclave.

            Et, avant tout, pense à ta santé

                                                           Et à ton

                                                                       Iwan

Télégramme d'Ivan Goll PARIS à Paula Ludwig Ehrwald 6 Septembre 1932 - 11h03 ImsL p. 101

AI  MEME  TROUVE  MERE  MALADE

SUIS  MOI-MEME  MORT  DE  T'AVOIR  QUITTEE

                                                                                   IWANA

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald   6 Septembre 1932 ImsL p.101/102

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald   8 Septembre 1932 ImsL p.102/103

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald   10 Septembre 1932 ImsL p.103/104

à traduire

Paula Ludwig  Ehrwald  à Ivan à Paris : du 13 SEPT 1932 IsmL p.104 à 106

*** à traduire

Paula Ludwig  Ehrwald  à Ivan à Paris : longue lettre du 14 SEPT 1932 IsmL p.107/108

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  16 Septembre 1932 ImsL p.108 à110

à traduire

Paula Ludwig  Ehrwald  à Ivan à Paris  lettre du 17 septembre 1932 IsmL p.110/111

à traduire

Le 19 septembre  Yvan et Claire vont à Majorque pour une nouvelle cure de Claire et ils reviennent à Paris à la mi-octobre

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  19 Septembre 1932 ImsL p.112/113

à traduire

Paula Ludwig  Ehrwald  à Ivan à Paris  lettre du 21 septembre 191932 IsmL p.113 à 115

à traduire

Carte Ivan Goll Palma de Majorque à Paula Ludwig Ehrwald  22 Septembre 1932 ImsL p.115

à traduire donne son adresse

Ivan Goll Palma de Majorque à Paula Ludwig Berlin  27 Septembre 1932 ImsL p.116/117

                                   Totalement totalement à toi

                                                                                  I - Wana

*** à traduire

                        1

Je veux parfumer l'aube comme l'anis 

Pour que ton cheval trouve plus vite

Le sentier de ma solitude

Je veux être plus faible que le nuage

Suspendu au-dessus du volcan

Et qui tombe au premier souffle du vent

Plus douce que la pistache verte

Tes dents aimeront me broyer

Me mêler à ta chair

Palma de Majorque 29 Sept. 1932    

            2

Cueille : o toi qui les choyas

Les deux oranges de mes seins

Tu les as voulues lisses

Pour plaire à tes paumes

Et fraîches pour la soif nocturne

Ouvre-les

Dévore-les

Que leur sang d'or

T'abreuve et te nourrisse

Palma de Majorque 30 Sept. 1932    

Ivan Goll Palma de Majorque à Paula Ludwig Berlin  5 octobre 1932 ImsL p.119/120

            Je ne suis pas en Espagne, je suis en ton sang

                                                                       ton Wana

*** à traduire

Ivan Goll Palma de Majorque à Paula Ludwig Berlin  6 octobre 1932 ImsL p.121/122

                        Je suis Ton Ta

                                                           Wana

à traduire

Télégramme Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin  2 novembre 1932 ImsL p.134

SUIS 10 NOVEMBRE DANS TES BRAS

                                                                                  WANA

Télégramme Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin  10/11/1932 - 0h35 ImsL p.137

LUNDI  MINUIT

                                                                       TON WANA

Le lundi 14 novembre, Yvan part pour Berlin. Il vit chez Paula Ludwig jusqu'au lundi 26 décembre car il a l’excuse d’un rendez-vous à Munich avec le Dr. Daniel Brody, Directeur de Rhein Verlag le lendemain de Noël. Il rentrera à Paris pour le réveillon du Jour de l'an. Claire Goll vit alors à Paris.

lettre d'Ivan Goll Berlin à Claire à Paris du 15.11.1932  MST p.107/108

Berlin, 15.11.1932

Aimée,

Depuis que je sais quelle chaude flamme s’est remise à brûler à Auteuil, le Halensee me paraît plus gris et plus froid qu’à mes séjours précédents. Je peux ddès maintenant te révéler que tu as accompli un geste diplomatique et courageux, lorsque tu m’as renvoyé.

Et si tu supportes jusqu’au bout cette vraie solitude avec un calme boudhique, la victoire nous sera certainement assurée à tous deux.

Je te remercie aujourd’hui pour tout, et suis, à toutes les heures, près de toi.

                                                                                                                   Iwan

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin novembre 1932   MST p.109

                                                                      Paris

                                                                       Novembre

Mon tout doux,

            Sauve toi, je suis très touchée par le petit cheval, notre nouveau Pégase si fragile. Il est à espérer que ton œuvre s’achève ..

            Sois aussi heureux que tu le pourras.

            En grande tendresse

                                               Sousou            

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 4 décembre 1932   MST p.109

                                                                       4 déc. 32

Bienaimé

            Je suis très effrayée. S’il te plaît, rassure-moi de suite, car tu ne sembles pas tout me dire. Tu n’es pas sérieusement malade ? Quel est le médecin qui te soigne ? Consulte tout de suite un spécialiste éminent, car ils ont un diagnostic plus sûr pour les maladies internes.

L’argent, ça n’entre pas en ligne de compte ! Accepte de moi ce qu’il faut dans ce cas . S’il te plaît, envoie-moi un télégramme, je suis toute malheureuse et inquiète. Est-ce le cœur ? est-ce une maladie du sang ? Les globules blancs mangent-ils les rouges ? C’est peut-être à cause de cela que tu ne m’aimes plus. Chéri, je te serre sur mon cœur, dis-moi la vérité ! Va tout de suite voir un spécialiste, demande le nom d’un très grand médecin au Dr Hans Kleinmann, à la Charité.

                                                           Ta Zouzou

Nous avons connu Kleinmann à Malcesine, dans la pension Geyer, te rappelles-tu ?

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin décembre 1932   MST p.111

                                                                       Paris  déc. 32

Chéri,

            Il me sera difficile de te répondre. Ta lettre m’a fait mal. Oui, je m’étais beaucoup réjouie de te revoir. La dernière phrase de ton écriture agitée parle-t-elle de la joie que tu en auras aussi ? Je veux essayer de le croire .

            Trois jours ? et je dois en faire cadeau ? comme si tu n’étais pas libre de faire ce que tu veux. Seulement, il était indélicat de renier les 15 années écoulées pour justifier un manquement à ta parole. Dans ces 15 années, il y a eu autre chose que "le fait d’aller nous coucher à neuf heures".

            Et n’y avait-il pas, auparavant, des possibilités de faire cette connaissance plus intimen puisque Rowolt est l’amant de l’amie de Paula ? . . .

            Méfie-toi du médecin allemand.

            Hormones, hypophyse . . . je ne connais ça que trop bien, par Strohmann. Pense à lui et à Meyer-Hermann, il y a un charlatan en tout médecin allemand.

            Sois heureux, car tu peux bien l’être, puisque tu es aimé.

                                                           Zouzou

lettre de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin lundi 26 décembre 1932   MST p.110/111***

                                                                                  Lundi

            Iwan, l’as-tu senti que, ces nuits-ci, je criais. Mais ta lettre express est tout de même arrivée trop tard. Tu peux l’interpréter comme tu veux, aimé, - que tu passes ces jours de Noël là-bas, cela me fait plus mal que le reste des 6 semaines. Que m’importe le Mingpferd.

Cet enfant est broyé par son mauvais guide .

            Que dois-je entreprendre à présent, je souffre tant Je n’ai pas voulu voir I., bien que je connaisse son adresse depuis longtemps, et bien qu’il m’ait écrit. J’ai échappé à tout le reste, mais tu étires la durée de notre séparation, faut-il donc que je continue à ne rien pouvoir faire de moi ?

            Depuis longtemps, nous ne sommes plus quittes. Ceux qui ont pris ton parti, ceux qui ont entendu nos accusations réciproques, comme Lucie et Renée (*), te proclament plus que coupable.

            Et veux-tu faire semblant de ne pas avoir eu 4 semaines disponibles, et de ne pas avoir encore largement le temps de faire une excursion de 3 jours à Munich. Parce que tu n’as pas l’argent du voyage. Ci-joint un papier de la Deutsche Bank qui prouve le contraire. A cause de la " mitraillade de Kiepenheuer et de Rohwolt". Mais Kiepenheuer t’a décommandé, d’après ce que tu m’as écrit la dernière fois, et Rohwolt doit être conquis par une fête. La même fête où tu te montres publiquement comme mari de P. L.

            Pendant qu’ici, avant-hier, chez Monsieur et Madame Pabst, je me battais pour t’obtenir une situation artistique : je l’obtiendrai très probazblement. Je n’ai pas soufflé mot de moi-même, comme tu le crois toujours. J’ai fait là-bas la connaissance de Mittler, et rencontré Leonhard. On me pose toujours des questions au sujet de mon mari. Comme si j’en avais encore un !

            Parlons maintenant de ta maladie. Tu la partages avec Hélène Eliat. Elle aussi, elle a été traitée à Berlin par les plus grands spécialistes des glandes, à cause d’une faiblesse de l’hypophyse.

            On lui a injecté de l’extrait d’hypophyse et des hormones. Elle a supporté extrêmement mal l’un et l’autre. Là-dessus, elle a reçu un médicament, dont elle m’a donné aussi, car "tous les gens doués souffrent plus ou moins de déficiences de ladite glande", a dit le spécialiste. A moi, ce remède n’a fait aucun bien. Elle, dès qu’elle a cessé de la prendre, elle a eu des insomnies. A présent, il la traite avec des fortifiants de l’état général. Elle m’a dit : la question des glandes est bien loin d’être éclaircie, et l’on se sert des gens comme cobaye. En outre, se faire soigner les glandes est devenu une mode.

            Scherl a refusé mon roman depuis longtemps : je n’ai plus besoin de Monsieur Distler.

J'ai de l'affection pour toi, beaucoup d'affection. Je n'ai jamais cessé de t'aimer, même à l'époque du plus violent égarement. Dieu seul sait combien je me suis torturée dans ces années-là. Rappelle-toi donc un concert de l’an dernier. I était assis derrière nous (Salle Pleyel). Je me suis penchée vers toi et j’ai murmuré : "Mais je n’aime que toi"

Quand pourrai-je jamais supporter, à nouveau, la musique ?Tous les violons sautent et les archets sont surtendus. Mais je crois au dieu juste des juifs, et il doit comprendre que, s'il y a "œil pour œil", il n'y a pas "deux yeux pour un œil", deux yeux qui s'usent à pleurer, nuit après nuit, tandis que l'autre rit et célèbre des fêtes.

                                                           Zouzou

(*) Madame Philippe Soupault

                                                           1933

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 6 janvier 1933 ImsL p.147/148

Chère Palu

                                   ton petit W

à traduire

La Voss [3] m'apporte beaucoup, beaucoup de joie. Beaucoup de joie parce qu'elle t'en apporte autant à toi, tout autant que les heures saintes que nous appréhendons pour notre destin. La tête de Méduse devait consacrer ta puissance. Mais la fleur d'or de ce jour qui arrive, j'espère, ne se flétrit pas et doit t'apporter un bonheur tendre dans une année nouvelle de travail et de recueillement

                                                                                   Wana

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 11 janvier 1933 ImsL p.149/150

à traduire                                                      mercredi soir  11.1.33

                                                           WANA

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 12 janvier 1933 ImsL p.149/150

à traduire                                                      jeudi matin  12.1.33

carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 20 janvier 1933 ImsL p. 152

à traduire

Paula Ludwig Berlin à Ivan à Paris : longue lettre du 21 janvier 1933 IsmL p. 152/153/154

                                                                                              21.1.33 [Berlin]

Mon petit Wana, Palu a fait un long somme. Sa tête plongeait dans la mousse des forêts de la mélancolie.

Elle raconte son rêve) à traduire

Et à cet instant, un ami, (un ami naturellement) me montre un magazine. La photo d'un couple d'écrivains et m'interroge : "Le sais-tu ? Mais je n'arrivais pas à reconnaître. La détresse ralentit mon cœur

à traduire

Une toile d'araïgnée était suspendue à ton cher visage et au premier plan, il y avait une esquisse qui me faisait peur […] Le fait que pendant 15 ans, tu as vécu à côté d'une femme dont émane une telle froideur assassine […] Mais où est le grand, le remarquable Yvan, élargissantant ma nuit, comme un démon. L'esprit auquel mon livre fait allusion, la personnalité qui surpasse toutes les personnes de ma vie […] Explique toi à moi, explique toi, avant que le gel ne touche toutes les fleurs de notre foi. Combien de morts as-tu encore en réserve, qui doivent émaner sans cesse comme des fantômes et qui obligent mon âme à quelque chose d'incompréhensible, à la solution d'énigmes que je ne peux pas toucher de mes mains. Est-ce que toute ma capacité de résistance ne m'a servi à rien, le fait d'ignorer cette existence - de sorte que maintenant, en me tournant vers le monde objectif, revenant en arrière, je dois reconnaître que mon propre territoire est en grande difficulté. Ce territoire qui semblait destiné à être un Paradis, est blanchi par l'hiver. » (IG /PL, p.153/154)

                        manque la fin de la lettre

à traduire

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 27 janvier 1933 ImsL p.154/155/156

                                                           Paris 27.1.33

Chère petite Paula

Depuis ma dernière carte bleue, j'ai attrapé une mauvaise grippe.

à traduire

carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 20 janvier 1933 ImsL p. 156

                                                                                              2.2.33

Mais Palu,

à traduire

Lettre d'Ivan Goll à Georges Hugnet        

Paris, 1er février 1933

Hans Arp est en ce moment chez moi et me dit que vous êtes prêt à me donner un manuscrit pour la collection de poèmes que je prépare. Je m'en réjouis beaucoup et vous prie de me l'envoyer aussitôt que possible, car tous les autres sont déjà sous presse.

Bien amicalement

Votre Ivan Goll

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 2 février 1933 ImsL p. 157/158

                                                           Paris 2.2.33

Chère Palu

Je

à traduire

carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 3 février 1933 ImsL p. 158

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 6 février 1933 ImsL p. 158/159

                                               Paris 6..2.33

Chère petite Paula

à traduire

Feuillet trouvé sous mon édredon   (Claire Goll) 

                                               9. 2. 33

Beaucoup d'amour pour toi

est dans cette maison

et dans mon coeur.

Ivan

lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 11 février 1933 ImsL p. 160/161

                                               Paris 11 février 33

Ma chère petite Paula

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  20 février 1933 ImsL p.161

                                               Paris 20 février 33

Palu

                                   Manyana

à traduire

                                               *

Le poivre rouge crie

Il ne peut plus taire son désir

Le buisson de vanille

Est un nuage de volupté

Une tempête de cannelle envahit le monde

L'arbre de pluie

M'a jeté sa première larme

        Paris 22.2.33   

[CHANSONS  MALAISES  1935 (9)              II/184]

Paula Ludwig  Ehrwald  à Ivan à Paris  lettre du 29.2.1933 (????) IsmL p.163 à 165

à traduire ****

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  3 mars 1933 ImsL p.167/168

                                               Paris 3.3.33

O Palu

A la 3 ème heure du 3 ème jour du 3 ème mois de l'année 33, je recevais tes 3 lettres

elles sentaient ton haleine, ta révolte, ta grâce et se mettaient à trembler de ta colère, mais à cette heure, comme tu le désire, je lève trois doigts et je jure :

Jamais je n'étais autant toi qu'aujourd'hui, totalement ton outil,  totalement ton œuvre !

J'écrivais ces lettres dans une extase riche en malheur..

                                  

vérifier ma traduction et traduire la suite

                                               Manyana

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  15 mars 1933 ImsL p.170

                                                                       Ides de mars 33

Von schwarz und weissen Federn      

Palu ist deine Krone

Federn trugen des Vogels Gesang

Federn trugen sein bleierner Sarg

Von Schwarz der fragende Nächte

Von Weiss der wissenden Tage

Sei deine Herrschaft

Prinz der Welt

II/188

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  17 mars 1933 ImsL p.170/171/172

                                               Paris 17.3.33

Ma chère Palu                                                            

                                               Ton

                                                           I.

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  17 mars 1933 ImsL p.172/173

                                                                      17.3 [1933]

                                                                                  [Paris]

Je serais coupable si je ne te donnais pas encore maintenant beaucoup de réponses:

Rien de nouveau, encore jusqu'à présent pour mon "Lucifer vieillissant". A cause des circonstances en Allemagne. Je ne me risque pas davantage de demander à Kiepenheuer et Rhein-Verlag.  Et eux, ne prennent pas le risque de répondre. Entre temps, de mon côté, je travaille encore. J'ai résolu  intégralement la partie du milieu : toutes les histoires de femmes qui te

vérifier ma traduction et traduire la suite

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  27 mars 1933 ImsL p.173/174/175/176

                                                                           Paris 27 mars 33

O Palu                               

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  29 mars 1933 ImsL p.173/174/175/176

                                                                           Paris 29 mars 33

Chère Palu                                                                

traduire

carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  [mars/avril 1933] ImsL p. 177

Chère Paula : vient d'arriver de Garmisch splendide livre avec les oeuvres d'art de. Prends ici en attendant un triple merci et salut pour tout 321.

                                                                                  I.                                           

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  12 avril 1933 ImsL p.178/179

Chère Palu                                                                

traduire

Paula Ludwig  Ehrwald  à Ivan à Paris  lettre du 18 avril 1933  IsmL p.179/180/181

                                                                                  mardi de Pâques 33

Ma main est encore chaude de la dernière chaleur du petit oiseau qui mourait ce matin dans ma main.

à traduire **** la fin de la lettre manque

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  24 avril 1933 ImsL p.181/182

Ma Palu                                             

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  10 mai 1933 ImsL p.182/183

Chère Palu                                                                

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  18 mai 1933 ImsL p.184/185/186

Chère Palu                                                                

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  31 mai 1933 ImsL p.186 à 189

Chère Palu                                                                

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  14 juin 1933 ImsL p.189 à 192

Chère Palu                                                                

traduire

de la mi-juin au 11 juillet, Paula est à Berlin. Du 12 juillet au 5 août, elle vient  voir  Yvan à Paris avant de repartir à Berlin

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin  6 juillet 1933 ImsL p.192/193

Chère Palu                                                                

traduire                              

S'il te plaît, écris-moi immédiatement

Et salue Berlin - non !

Mais Nina

et Gisèle et les amis d'autrefois

                                               Ton

                                                           I

Claire part en cure à Plombières du 10 juillet au 8 août, date où elle se rend à Haybes-sur-Meuse au Château de Moraypré

lettre de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 10 juillet 1933   MST p.112/113

Bien-aimé,

Voici que nous sommes séparés depuis dix minutes et et j'en ai passé neuf à sangloter comme une orpheline. Blottie derrière le fourgon à bagages, je te voyais t'envoler et te métamorphoser de mille manières avec le paysage. Oui, voler comme un ange gardien, avec de petits flacons de parfum, du jambon et du fromage, chargé de valises, transpirant et toussant. Si seulement les anges gardiens ne prenaient pas froid à faire tout cela ! Mais je pense qu'un autre ange gardien te protégera aussi. En tout cas, je t'embrasse pour tous ces dons d'amour - et ces gestes d'amour, je te baise les mains avec ferveur, encore une fois, ces chères bonnes mains qui ont eu tellement chaud pour moi.

Maintenant, il y a tant de roses épanouies en pleine splendeur, dans les petits jardins des vilains pavillon, qu'ils anoblissent la banlieue. De même que tu m'as donné - en flacon - tous les muguets de Chantilly, je voudrais t'envoyer dans ta petite chambre des roses sauvages, pressés avec mon coeur. Jamais on ne s'aime assez. Par fierté, par timidité, on reste toujours tellement le débiteur de l'autre, et on en souffre.

            Et les sanglots montent et descendent dans la gorge, comme dans un thermomètre, selon qu'on pense plus chaleureusement ou plus froidement, et selon les rafales du "foehn" de l'adieu.

            Mais à présent, le train me secoue si terriblement que je ne peux plus rien écrire, mais seulement sentir. Sens tout, toi, ce que je ne peux pas dire, mon doux petit grand garçon, que je prends dans mes bras avec tendresse et prudence. .

                        Ta Zouzou

Plombières-les-Bains, Grand Hôtel, neuf heures du soir

Chéri, me voici assise pour dîner, après avoir, depuis six heures, couru partout pour trouver une chambre. Pense donc, je suis même grimpée jusqu'à l'Hôtel des Rosiers, et j'ai regardé, le coeur saignant, notre fenêtre d'autrefois. Ah ! tout était complet. Et en bas, c'est affreux et ça coûte toujours 45 ou 50 francs. Mais à présent, je suis dans le plus bel Hôtel de Plombières, et je mange une brioche divine et des fruits paradisiaques sur de la glace, et "avec ça", une pleine assiettée de cette pâtisserie "maison", qui représente pour moi la félicité, et l'orpheline se croit dans un rêve ou dans un film. Il y a même un Pope roumain, avec une lourde chaîne d'or, un haut bonnet, une soutane neuve flottante doublée de violet. Et j'ai une chambre qui est la plus belle de la dépendance de l'hôtel, sur la colline boisée de pins. Rien ne manque, que toi. Étant donné que cet un vrai "Hôtel à 4 étoiles" doublement souligné, et grâce à lettre de "l'Intran", j'ai obtenu que le prix soit abaissé à 50 francs par jour. C'est beaucoup pour nous et peu pour ce palace. Mais quand tu seras ici, ce sera moins cher, puisque tu dormiras avec moi dans mon grand lit. Ah ! Si tu pouvais bientôt partager avec moi ma nourriture, mon lit, et mon coeur !

                                                               Ta Zouzou

lettre de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 11 juillet 1933   MST p.113/114

Plombières-les-Bains,

Mardi après-midi

            Petit coeur, je ne trouve toujours pas pourquoi le bon Dieu est triste. Mais c'est que je suis si fatiguée. Le "Stieffel" qui dirige ma cure (collaborateur de Geiger chez Bensaude et à Saint Antoine) m'a prescrit un bon traitement.

Mais les bains coûtent cher, ici. J'ai payé aujourd'hui 30 francs à la caisse et c'est ce que j'aurais dû payer tous les jours, si l'administrateur, un-ex collègue (journaliste) ne m'avait fait obtenir la réduction énorme et extrêmement rare de 50 %, ce que n'espéraient pas mon médecin et mon hôtelier, qui disaient que mes demandes de réduction serait assez vaines, parce que Plombières appartient à l'État. Il n'empêche que la carte d'entrée pour les Thermes et les Sources coûtent, chaque fois 25 francs, le cataplasme 15 francs et un médicament qu'on m'a prescrit 25 francs, si bien que je tremble pour ma fortune. Mais je me réjouis que les 300 francs économisés compensent la cherté relative de l'hôtel.

J'espère recevoir demain une lettre de toi, contenant un bulletin "tout à fait en bonne santé".

            Je rêve que tu viendras et que je t'aimerai au son de la harpe et des chants d'oiseaux. Car une dame a apporté sa harpe, en-dessous de moi, dans la petite villa, sur la colline où j'habite, et c'est le plus joli bruit qu'on puisse imaginer, un bruit enfin qui n'est pas négatif, mais positif.

            Je suis un peu préoccupée à ton sujet, mince visage de petit garçon, manges-tu bien, dors-tu bien, te ménages-tu un peu, pour ne pas retomber dans cet état de faiblesse d'il y a deux ans ? Si seulement on pouvait déjà se voir à distance !

            Merci de m'avoir renvoyée ici et sens mes lèvres longtemps, longtemps, sur ta main.

                                                               Ta Zouzou

du 12 juillet au 7 août 1933 Paula Ludwig est à Paris pour la sortie de Lucifer Vieillissant)

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire à Plombières du 12 juillet 1933  MST p.114/115

Paris, 12 juillet 1933

Chère Zouzou,

            Comme je me réjouis que tu sois bien logée et que tu aies eu le courage d'aller au Grand Hôtel : truites, pâtisseries au beurre, harpistes, popes roumains, bois de sapins : si tout cela ne console pas l'orpheline ! Si tout cela n'inspire pas, pour le moins, à la poétesse devenue muette, quelques pages de journal intime - ou des lettres, où elle raconterait un peu plus d'elle-même.

            Ta cure sera, il est vrai, fatigante, mais tu seras spirituellement libérée et cesseras d'être lasse, et je me promets d'avoir avec toi des jours de travail actif ! Ton petit visage d'orpheline et ton âme en deuil devraient reprendre des forces dans la paix consciente et reposée de ce paysage vosgien. Oui ?

            En ce qui me concerne, tout va bien de nouveau. La grippe est déjà oubliée. Mais je dors beaucoup, car je me sens encore très fatigué.

Hier, Mihalovici est venu me voir, il a été ravi de la "Genèse", et il a trouvé très juste que le bon Dieu soit triste. Il a promis de mettre cela en musique avant son départ.

La pomme mûre est revenue, rôtie, de Belgique. Elle trouve Coq-sur-Mer très beau et bon marché. Einstein relativement gentil. Il aimera peut-être aller aussi là-bas, plus tard. Mais, pour l'instant, il ne peut pas en être question, car il doit faire des études préliminaires à la bibliothèque de Vincennes, pendant 2 ou 3 semaines. En même temps, il me dicte, le soir, les prémices de ce qu'il a récolté dans les journaux. Hier soir j'ai été à la N R F  et j'ai porté à Malraux la table des matières et l'anthologie des écrivains "brûlés", 25 grands noms, qui ont fait bonne impression sur lui (et aussi sur moi). Peut-être cela réussira-t-il tout de même, et là aussi, il rentrera peut-être un peu d'argent.

D'ailleurs, Malraux a été spécialement gentil.

J'ai vu aussi Guéguen. Il viendra, un de ces après-midi, sur notre balcon. Nous politiserons alors ensemble. Edwige a bien lavé, hier. Demain elle repassera. Elle vient tous les 2 jours.

Je t'envoie 2 livres. Nemikowski et Döblin : Alexanderplatz. Pour le dernier, tu pourrais envoyer à Clara Malraux une gentille carte postale.

J'espère que ces livres t’inspireront pour ton travail.

Ci-joint 3 lettres : tu peux prier la Société Générale, par lettre, de t'envoyer l'argent à Plombières par la Poste.

Avec ces mains que tu as baisées

je te bénis

Ivan

lettre de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 14 juillet 1933   MST p.116

Le Grand Hôtel

(ex Napoléon)

Plombières Vosges                                                    14 juillet

Jour national de pluie

Sois rassuré, chéri, au sujet de ton bulletin de santé.

La "Création" est une oeuvre ravissante et Mihalovici pourrait composer là-dessus des choses merveilleuses. Oui, mais le peut-il ?

Encore quelques-uns de ces nouveaux poèmes et tu auras un volume, qui te rapportera beaucoup d'amour. Quelque chose de  " gollien ", et non les boutons de la 7e " Hose" (°).

Comme c'est gentil de m'avoir envoyé ces livres ! Je t'en suis très reconnaissante.

Journal intime ! Imagine-toi que mon serveur (garçon) écrit, lui aussi, un journal intime, et un chevalier d'industrie italien m'a raconté qu'il a écrit un roman sur sa fille. Bientôt, les gens "bien" n'écriront plus rien. Par ailleurs, je suis tellement fatiguée par la cure que je tombe comme du plomb, le matin et l'après-midi, sur mon lit. Hier, j'avais même de la fièvre et j'ai passé une nuit agitée, asthmatique.

Il pleut beaucoup. Mais je suis tout aussi triste quand le soleil brille. Ma meilleure compagnie, ce sont quelques hautes onagres jaunes, des cerisiers sauvages et des buissons de roses. Tout cela pousse non loin de l'hôtel, en dehors du village, sur une colline vosgienne très authentique.  La harpiste - une déception. Une dame hautaine qui ne sait jouer que quelques gammes. Mais celles-ci sonnent sur cet instrument avec une beauté supra terrestre. Et cette harpe se dresse là comme monument, grande, majestueuse.

Malheureusement, trois enfants ont emménagé hier et ils s’ébattent bruyamment dans le jardin, sous ma fenêtre. Peut-être m'enfuirai-je ailleurs. Pour me sentir libre et ne pas être liée à cet hôtel, je voudrais te demander de m'envoyer par la poste 600 francs.

Cela fera lundi sept jours à 60 francs, plus de 10 % de service.

Si seulement tu mangeais bien ! Quand je pense à toi, il arrive que je ne puisse plus avaler mes repas.

Si tu étais ici et si nous faisions notre cuisine ! Il y a beaucoup de jolies chambres avec des cuisines, comme ce serait bon marché ! Mais tu n'es pas ici. En revanche je suis en pensée près de toi

Ta Zouzou

Puis-je te demander encore deux choses : m'envoyez 2 blocs de Goy-Laffitte et un numéro de l'Intran : "J'ai mendié", la première partie. Cela se trouve dans le secrétaire Biedermeier, quand on lève le pupitre à glissière. Merci.

(°) Jeu de mot intraduisible : Une plaquette de vers d’Ivan Goll s’intitulait « Die siebente Rose » ( la septième Rose) Hose (pantalon) rime avec Rose

lettre de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 15 juillet 1933   MST p.117

Le Grand Hôtel

(ex Napoléon)

Plombières Vosges

Samedi 15 juillet 33

8 heures du soir

Chéri,

Tout à l'heure j'ai passé une heure avec toi, dehors, avec les molènes. J'étais assise là, recueillie devant la vallée et je pleurais, songeant que moi, petite chose, il m'était permis de ressentir tout cela : le ciel rose du soir et les hirondelles, les cerisiers sauvages et les buisson de roses, les pavots de toutes les couleurs, mêlés aux orties passionnées. Mais surtout, par dessus la colline et les sapins bleus, notre chambre avec l'amour d'autrefois, impérissable. Oh ! comme je t'aimais dans tout cela, rétrospectivement et par anticipation. Tellement une avec toi et avec Dieu. Une fois encore. Il m'a tendu la main, à nouveau, après tant de temps.

Et c'est pourquoi je te raconte tout de suite, car tu es Son poète.

Laisse et les soucis et les Clauzel. ! A eux appartiennent le temps et le loyer mais à nous  l’éternité sans limites.

                        Ta Zouzou

lettre de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 16 juillet 1933   MST p.117/118/119

Le Grand Hôtel

(ex Napoléon)

Plombières Vosges             

16  7. 33

dimanche matin

Chéri, reçu tout à l'heure ta lettre. Je me réjouis beaucoup de te revoir. On dira à tes parents qu’on me fait ici un prix spécial comme journaliste, parce que j'ai promis d'écrire sur Plombières dans l’Intran (40 francs par exemple) mais que eux ne peuvent profiter de ces conditions de faveur ; aussi vais-je leur chercher une chambre dans un autre hôtel. Tu pourras dormir avec moi gratuitement, je pense ; éventuellement, je prendrai mes repas avec vous et je ferai déduire ici mes repas. J'en parlerai plus tard au directeur.

Je ne pourrais déménager qu’après avoir reçu les fonds et  je ne saurais où aller. Je t'avais parlé d'une chambre dans l'autre hôtel mais entre-temps, elle a été occupée, et d'ailleurs, je n'aurais pas beaucoup aimé aller là-bas. Un silence complet s'est refait aux alentours de ma chambre. Les enfants sont logés dans une autre aile de la villa et ils jouent dans le jardinet de l'autre façade.

Mais la plus grande objection que j'ai  à faire à un changement, c'est la situation idéale de cette villa. En face des Thermes. Après la cure terriblement fatigante, je n'ai qu'à monter un escalier et qu'à me jeter sur mon lit. Dans l'état d'épuisement où je suis momentanément, c'est un avantage que tu ne peux pas te représenter.

Faire mes malles et déménager, cela m'enlèverait une partie du bénéfice de la cure, il est maintenant trop tard pour cela. Simplement, nous tiendrons tes parents éloignés du Grand Hôtel, c'est la meilleure solution. De plus, le mieux sera que je ne mange qu'à midi avec vous, et que j'aille prendre le dîner au Grand Hôtel à neuf heures du soir. Ici on mange très tard, tandis que les autres hôtels servent à 7 heures. Je pourrai donc être avec vous tous les après-midi, jusqu'à neuf heures, et cela suffit.

Ils pourront voir ma chambre et s'y tenir tout le temps ; elle est démodée et sans aucun luxe, et ils croiront facilement que c'est une chambre bon marché.

Ce n'est pas le luxe et qui m’importe, c'est la tranquillité. Si j'avais, les premiers jours trouvé une chambre d’angle comme celle ici, à l'étage supérieur, ailleurs,  je m'y serais certainement transportée pour économiser de l'argent. Mais c'était toujours de telles chambres que je savais, d'avance n’y pouvoir rester trois jours.

Écris-moi combien devra coûter la chambre pour les tiens, avec la pension, et combien de jours ils resteront

Je partage, chéri, beaucoup plus que tu ne crois, tes soucis d’eau et de gaz, y compris l’eau minérale de la cure. Car sous ce rapport j'ai le sang encore plus lourd que toi, et je me fais vraiment des cheveux gris : ce n'est pas une façon de parler.

Adieu, et bien que je te cause tous ces tracas, aime-moi un peu

                                                           Ta Zouzou

Le docteur Stieffel, un assistant de Bensaude (comme Geiger) est remarquable. Il change ma cure tous les quatre ou cinq jours pour ne pas me fatiguer exagérément, étant donné que je fais Luxeuil en même temps que Plombières mais l'eau contient beaucoup de radium, ce qui cause cette faiblesse.

2h½ de l'après-midi.

Chéri, après un déjeuner paradisiaque, avec poulet et tarte aux fruits "maison". (le garçon qui me sert m'en donne toujours une double portion : c’est un sentimental, qui écrit son journal), - j'en reviens, encore une fois, à cette affaire de visite. Ce matin encore, j'ai consciencieusement cherché partout une chambre. Mais vainement. Je reste donc, avec d'autant plus de joie, dans la mienne. J'ai également parlé, tout à l’heure, avec le propriétaire. Tu pourras dormir gratuitement dans mon lit et manger où tu voudras. Pour tes parents, il y a de bonnes chambres avec pension à 40 francs dans les autres hôtels. Cela va-t-il ? Moins cher, il n'y a rien de convenable. En outre, l'hôtelier me fera très volontiers un double fictif de ma facture, pour que tes parents voient que je paie, moi aussi, 40 francs.

carte de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 18 juillet 1933   MST p.119

Plombières-les-Bains, 18,7,1933

Chéri,

Je suis triste. Tu ne m'as pas écrit hier, aussi n'ai-je rien reçu aujourd'hui. Tu m'as oublié aussi bien que la petite plante pendante sur notre balcon. Je me suis réveillée, ce matin, avec une grande angoisse pour elle.

Maintenant, c'est l'heure des onagres. Quel beau soir et comme je souhaite que tu puisses t'adonner au paysage et à l’air  avec ta sauvagerie si particulière.

Je t'aime beaucoup. J'espère que tu ne me seras pas, de nouveau, complètement volé.

                                                           Ta Zouzou

Surtout par, encore une fois, par la femme de Saint-Exupéry !

lettre de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 20 juillet 1933   MST p.119/120

jeudi matin

Chéri,

           "Belle", ma lettre ? Ne s'agit-il pas plutôt de sa chaleur ? Je veux t'approcher de près, mais non faire de la littérature. Mais tu restes lointain ; à peine un écho me parvient-il ; je ne veux donc plus insister sur mes sentiments.

            Il fait maintenant un temps merveilleux, quelle misère que Paris te retienne. Pour l'an prochain, j'ai trouvé une solitude paradisiaque  pour nous dans ma ferme : on entre dans "l'appartement" par la grange à foin. Un peu notre "Zabern" d'autrefois, notre idylle alsacienne. Coût : zéro

L'argent, demander de l'argent, c'est ma plus grande de torture.

Si l'arrivée de tes parents n'étaient pas à l'horizon des Vosges, je serais partie et rentrée, hier, avec l'argent, et nous n'aurions plus ce souci. Quand il est arrivé, j'avais déjà pris mon billet de bain aux Thermes, à crédit. Il me reste donc 100 francs sur les 600, j'espère m’en tirer avec cela jusqu'à la semaine prochaine. Si seulement je n'étais pas obligée de laisser 30 francs à la caisse de tous les deux jours !

Cet idiot de médecin qui me prescrit des médicaments que je n'achète d'ailleurs pas. Si je gagnais quelque chose ! Je travaille bien, mais à quoi cela sert-il, pour le moment ?

Ah ! Il y en a tant qui sont plus malheureux que nous. Soyons reconnaissants et baisons les pieds de Dieu.

                        En amour

            Ta Zouzou, qui se réjouit de te revoir.

(Que devient ton travail ?)

lettre de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 21 juillet 1933   MST p.120/121

Le Grand Hôtel

(ex Napoléon)

Plombières Vosges    

Vendredi matin

1933

Chéri,

Attention ! La photo est dans cette lettre. J'en avais une, par hasard, dans mon porte-cartes. J'espère que tout ira bien.

Dufour m'a écrit qu'il a un appartement ravissant : 1.400 francs pour la saison. Tu parles ! Et s'il doit me réserver la place de la "mendiante officielle" à l'entrée de l'établissement. ? (*)

Reçu tout à l'heure une carte de tes parents. Ils viendront donc ici mercredi matin à onze heures, de Vittel, en autocar. Comme je me réjouis de te revoir ! et comme ce climat magnifique te fera du bien ! Tu en a tellement besoin !

On ne porte pas ici des tenues de golf. Prends ton bon complet gris clair et peut-être un pantalon de flanelle avec une chemise de sport, pour les excursions. Tes souliers blancs et jaunes, et tes bottes de marche. Le soir, il fait frais et la pelisse m’est très utile. Je regrette même de ne pas avoir emporté la grande de couverture. Pour toi, ton imperméable suffit. Apporte un peu de café moulu. Je n'ai plus de Sanka et ne suis pas assez riche pour m'en acheter. Apporte un exemplaire du " Crime en province".

Et maintenant, dois-je louer une chambre pour tes parents ? Comme je te l'ai dit, c'est 40 francs par personne.

Reçois un long baiser comme acompte,

En tout amour

Ta Zouzou

26 et 27 juillet Yvan et ses parents vont ensemble à Plombières-les-Bains

carte d'Ivan Goll Plombières à Paula Ludwig Paris autour du 26 juillet 1933 ImsL  p. 177

Chère Palu                                                                

Que dis-tu de cette concurrence qui est célèbre dans toutes les Vosges ? Cela ne pourrait-il pas devenir intéressant d'entreprendre une course avec une telle maîtresse ?

                                                                                                                      I

carte d'Ivan Goll Plombières à Paula Ludwig Paris du 26 juillet 1933 ImsL p. 177

Bien que je sois totalement fasciné par le regard des résidents, je reviens demain jeudi soir vers mon chef de tribu. Arrive à destination aux environs de 11¾ : autour de minuit, je suis alors dans tes bras

                                     I

lettre de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 28 juillet 1933   MST p.121

Plombières, 28,7,1933

vendredi matin

Mon grand petit garçon,

              Hier soir, après le dîner, je suis encore retournée à la gare, mais rien n'y restait plus de notre adieu. Je n'en ai pas à retrouvé une miette sur le quai, ils ne m'avait laissé que le billet de quai, en guise de pièce à conviction pour me persuader d'un éternel abandon au bord des voies, d'une inguérissable solitude.

              Ce matin je t'ai déjà rendu visite, tu dormais profondément et ta chevelure de petit garçon, hirsute et sauvage, te pendait méchamant dans les yeux. Le jour se démenait déjà pour entrer et tu ne pouvais déjà plus rien faire de moi. Ne te surmène surtout pas trop, tu sais que nous sommes dans une courbe ascendante et qu'en conséquence, nous n'avons rien que de positif à attendre, en ce qui concerne les événements extérieurs. C'est ainsi que j'ai reçu aujourd'hui même une réponse très aimable de Szofranski  (de  la "Dame"), qui équivaut peut-être à une proposition. De toute manière, je ne veux pas concevoir trop d'espérance, car mon nom est Goll et mon mari a brûlé sur le bûcher,et les Hindoues" ariennes ", elles aussi, avaient l'habitude de suivre leur mari dans l'autodafé.

              S'il te plaît, signe tout de suite la lettre ci-jointe et envoie-la par le prochain courrier.

              Et abonne les Vionnet pour mardi et si tes occupations te laissent un temps de répit pour cela, aime un peu.

                                   celle qui t'embrasse tendrement 

                                                                       Suzu

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire à Plombières du 28 juillet 1933  MST p.122/123

                                                                                  Paris

                                                                                  Vendredi soir... [28 juillet 1933]

Chère Zouzou,

            Dès huit heures du matin, Apfel a sonné à ma porte et ne m'a plus lâché. Je dus me rendra à son hôtel à 10 heures et demie. Il tenait à la main un papier sur lequel il avait noté tout ce dont il voulait parler avec moi : il commença à majuscule A et ne s'arrêta qu'à M.

            L'affaire du film avec Pabst semble marcher, car il va demains le porter à Einstein en passant par Coq-sur-mer. Puis, douze choses sur notre livre. Et ensuite nous avons été voir Joisson, qui a travaillé très mollement jusqu'à présent.

            Bref, je ne parviendrais pas à t'écrire avant ce soir, tard, pour te redire combien ces journées avec toi ont été rafraîchissantes : un bain dans les eaux claires de tes yeux, et dans le vert des Vosges. Et se rendre compte qu'un être humain peut avoir une âme si délicate, si prête à la souffrance, si vraiment humaine, et un amour si inextinguible !

            Par ailleurs, la dernière heure entre Plombières et Aillevillers a été très agitée : d'abord, j'obtins encore de ma mère 300 francs, qui représentent tout ma réserve pour les prochains jours. Ensuite, nous avons bu de la bière au buffet d'Aillevillers tout en conversant de telle sorte que je dus bondir de ma chaise, une minute seulement avant le départ du train, qui se trouvait trois voies plus loin ! En courant, j'arrivai tout juste pour y sauter, sans avoir pu prendre réellement congé de mes parents, qui criaillaient derrière.

Mais représente-toi ces heures épouvantables, de 6 à 10 heures du soir, dans ce désert le d'Aillevillers, au pouvoir de mes parents, si j'avais manqué le train ! Indescriptible.

            Dans le train, j'ai terminé les corrections.

            Et aujourd'hui, il pleut ici ; il pleut d'une façon céleste sur le balcon embaumé, sur l'acacia qui se secoue et sur la plante pendante, que j'ai posée sur la terrasse.

            Tout s'équipe pour ton retour.

            Mardi matin, la Vionnet doit venir et à faire cuire un bon bouillon de légumes.

            Tu pars à 2 heures 40 et tu arrives à 8 heures 30.

            Jusque-là, je n'écrirai plus.

            À la gare, je te prendrai au piège dans mes bras.

                                                                       Ton

                                                                                  Ivan

La lettre pour Munich est partie.

Carte de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 30 juillet 1933   MST p.123

                                                                                  Dimanche

                       [30.7.1933]                

[Plombières-les-Bains]

Petit coeur,

Merci pour la lettre. Pourvu que tu ne te laisses pas mettre de côté par Pabst. Est-ce que Apfel maintenant après Einstein  va t’emmener enfin chez lui ?

Je me réjouis tant en pensant au prochain mardi, à toi, au balcon, au bouillon de légumes et aux légumes cuits à la maison

                                   Amoureusement

                                                           Ta Zouzou

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Paris du 30 juillet 1933 ImsL p. 177

                                                                       30 juillet 33

                                                                       Rue Alain Chartier

                                                                       [Studio Hôtel, 25 rue Alain Chartier, Paris 15]

Mit dem Blatt des Aneth

Hab ich meine Hüften eingerieben

Dass die Herden deiner schwartzen Lämmer

Und  die Herden deinerweissen Traüme

Sich nicht irren auf dem Weg zu mir

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin  7 août 1933 ImsL p.194/195

Chère Palu                                                                

Je souhaite à Friedel un très bon anniversaire. Je me souviens qu'il y a un an, nous allions le chercher à Garmisch ! Ah ! …Je veux bien lui faire goûter un nouveau café glacé !

Merci pour la rose rouge de ton arrivée !

Mais pourquoi un si long silence depuis ce temps-là ?  J'étais allé de nombreux jours en vain à la Poste. Et j'aurais bien aimé savoir comment allait Gisèle, comment va le béret basque, si vous nagez beaucoup ?

Chaque fois que le thermomètre monte, je me fais beaucoup de remords parce que tu n'es plus avec moi dans la petite chambre  brune ombragée et avec la Tour Eiffel  dans le ciel dessinait …mon profil !

à traduire

O, je suis triste

                                   Ton

                                               I

En passant sur la route des seigneurs

Tu ne regardes pas le safran pauvre

Mais ton manteau le caresse en secret

Emportant tout de même

Un peu de poussière dorée

De son amour

7 août 1933

Jardin des Plantes

Je ne voudrais être

Que le cèdre devant ta maison

Qu'une branche du cèdre

Qu'une feuille de la branche

Qu'une ombre de la feuille

Que la fraîcheur de l'ombre

Qui caresse ta tempe

Pendant une seconde

9 août 1933

Jardin des Plantes

Lettre de Claire à Haybes à Ivan Goll à Paris 9 août 1933   MST p.123/124/125

                                                                       Château de Moraypré, Haybes

                                                                       mercredi matin          

                                                                       [9 août 33]

Aimé,

            Je crois m'être réveillée dans un rêve. Du lit où je suis couchée, je vois par deux grandes fenêtres, à travers deux acacias, un large fleuve qui coule doucement, la Meuse, derrière laquelle s'ouvrent de grandes prairies où je vois des vaches tachées de noir et de blanc engraisser de minute en minute. Derrière, un peu plus haut, un train passe toutes les demi-heures, allant et venant entre la Belgique et la France, si petit qu'il semble sortir d'une boite à bijoux. Et, derrière tout cela, montent les forêts des Ardennes. Oui, depuis hier seulement, je sais ce que sont les forêts. Quel pays magnifique, et si frais ! Hier soir, dans le parc du château où j'étais étendue, mon manteau de fourrure et ma couverture de fourrure m'ont manqué.

            La carte que je t'ai laissée rend très imparfaitement la grandeur et la beauté de ce château.

            Au premier étage, il y a une sorte de fenêtre en saillie : c'est là, à l'intérieur que je suis couchée et que je t'écris. A côté, se trouvent ma chambre et ma salle de bains. Tu vois : presque toute la façade m'appartient. La chambre voisine est celle de Madame d'E. [Baronne Catoir d'Epstein], et sa salle de bains est à l'angle, aussi grande que tout notre appartement de Paris. Puis, il y a la salle de bains d'une des invitées, une Belge, et celle-la est aussi vaste qu'une salle de danse.

            Dans ma salle de bains, outre le lavabo, le water, le bidet à eau froide et chaude, il y a un système de douche dans une sorte cabine, et je me suis mise dessous avec une sorte de volupté. Chaude, naturellement. Et maintenant, viens avec moi devant la maison. Là, t'attendent des bouquets de roses et de pois de senteur, avec d'autres fleurs dont je ne connais pas les noms, et quand on a passé devant une grotte ravissante, on arrive à la piscine, toute entourée de vieux arbres merveilleux et de petits ruisseaux. Ah ! une piscine ! comme je maudis ma mauvaise santé ; il y a quinze ans, j'y aurais nagé du matin au soir. En revanche, hier soir, je suis passée devant deux vieux moulins, j'ai franchi un pont et je suis arrivée à un étang baigné de lune. C'est ici que Mélisande a dû perdre sa couronne; et derrière l'étang, des forêts à l'infini escaladant des hauteurs. Et jamais aucun être humain n'a accès à tout ceci, car cela appartient au château. Sans parler de la mare aux canards, des poules et des agneaux de la ferme. Vraiment un rêve !

             Et l'hôtesse est si bienveillante et toujours  grande dame, et elle doit avoir été autrefois très belle. On comprend le roi des Belges, dont elle fût, comme elle me l'a racontée (il y a cent ans), la maîtresse.

            Des bateaux montent et descendent le fleuve et leurs sirènes crient de loin pour qu'on leur ouvre les écluses, un peu plus bas. Et le long du fleuve court un chemin de halage réservé aux chevaux qui tirent les bateaux.

            C'est aussi dans ce château qu'habita jadis George Sand ; elle a laissé aux parents de la baronne d'E. une photo dédicacée, que les hordes allemandes ont volée, lors de leur invasion en 1914. Et sur le parquet de la chambre d'où je t'écris, on voit partout des marques de baïonnettes ; car, ici aussi, ils ont  assassiné 40 femmes du château  qu'ils avaient prises en otage pendant qu'ils incendiaient et pillaient complètement Haybes. C'est pourquoi la baronne n'apprécie guère de parler allemand.

            Si seulement, je pouvais t'envoyer un peu de fraîcheur, mon petit garçon chéri, et faire surgir dans la rue Jasmin un petit bout de paysage ! Hier, pendant que je traversais ces forêts, quel chagrin j'éprouvais de te savoir dans la chaleur de Paris !

            Toi, mon aimé, pars bien vite retrouver Einstein et ne te détruis plus en restant à Paname.

Envoie-moi des nouvelles du Marché aux fleurs et du film, mange bien, ne fais pas de bicyclette ou pas trop, et pense de temps en temps à celle qui t'embrasse tendrement

                                                                                  Suzu

N'oublie pas l'article !

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire à Haybes s/ Meuse du 10 août 1933 MST p.125/126

                                                                                              Paris XVI

                                                                                              10 août 33

      Quelle lettre merveilleusement belle, embaumée de l'odeur des forêts, et enfin heureuse ! Comme je me réjouis que tu aies enfin trouvé un petit coin où la bonté d'une femme, le silence des êtres humains et la dévotion à la nature t'aident à te reposer en toi-même. Il fallait que tu trouves ce château, pourront redevenir  Mélusine, pour éprouver le renouveau de ton propre ensorcellement. J'espère qu'il ne surviendra rien pour t'effrayer et te chasser de toi-même à nouveau : un moustique ou une personne méchante ! Et que devient le corps ?

            Reçois de moi la plus apaisante des nouvelles : cet après-midi, j'ai fait de la confiture de reine-claude ! Elles étaient tellement bon marché : 90 centimes la livre. Je l'ai faite tout seul. Ce matin j'avais fait laver les pots de verre par Marie.

            Car il fallait que j'aille en ville, au Marché aux fleurs, où tout a marché magnifiquement. Nous avons à présent la tranquillité pour de longues années. Ci-joint, une photo de ces jours-ci.

            À midi, j'étais invité à déjeuner par Apfel, dans à très bon restaurant. Mais ce n'était qu'une façon de me rendre la politesse que je lui avais faite en lui offrant hier soir à dîner : oeufs à la tomate, courgettes, maquereaux, melon. Il était enthousiasmé. Et il m'a raconté, d'une façon ravissante, notre prochain chapitre.

            Mais ce méchant veut me retenir ici. J'en suis très malheureux. Il fait honteusement chaud et lourd en ville, le ciel reste impudemment bleu et je voudrais, je devrais partir. Sinon, que sera cet hiver !

            J'espère pouvoir m'échapper dimanche, - aller à Coq-sur-mer. Mais naturellement, il ne débourse pas d'argent.

            Le film n'est pas tout à fait satisfaisant. Et puis d'autres sont déjà sur ce projet : Les Kortner - Lania ont déjà traité presque le même sujet.

            Et maintenant, il faut que je connaisse tes plans ! Plus longtemps tu pourras rester, mieux cela vaudra pour ta santé. Si tu as besoin d'argent, je t'en ferai envoyer de Zurich : je veux dire, pour le voyage à Challes. Mais d'ici là, nous nous écrirons encore.

            Ce qui me pousse en outre à partir, cette aussi la feuille ci-jointe de Marie. Elle aussi sera absente jusqu'au mois de septembre. Afin que tu le saches, quand tu rentreras.

            Mais je ne partirai peut être toi, ou seulement pour cinq ou six jours. Tout cela, c'est encore des projets en l'air.

            Le principal, c'est que tu marches, que tu te couches sur une terre qui te plaît, et que tu y rêves, entre autres choses, de ton fidèle

                                                                                  Ivan

Les Daniel sont depuis mardi à Ostende [ses parents : Daniel et Rebecca Kahn]

Quand tu auras tout pris de moi

La peau de ma chair

La chair de mes côtes

Le ciel de mes yeux

Les yeux de ma tête

Quand je ne serai plus qu'un souffle

Pour prononcer ton nom

Alors je saisirai peut-être

Combien je t'appartiens

Auteuil

12 août 1933

lettre de Claire à Haybes/ Meuse à Ivan Goll à Paris 14 août 1933 ***  MST p.127/128

                                                                       Château de Moraypré, Haybes

                                                                       [lundi 14 août 33]

           St. Ivannet, mon pauvre martyr aux doux yeux bruns, rôti au soleil d'août à Paris ! Saint Yvan devant le photomaton. Ah ! toi, pourquoi dois-je être seule à respirer le bon air pendant que tu n'avales rien que des microbes ! Mais la récompense viendra pour toi, cette année t'est propice, petit cœur. Je crois en ton étoile. Et quand je la vois d'ici, le soir, je la caresse des yeux. La nuit, quand il fait si glacial que je tremble sous mes nombreuses couvertures, ton étoile me réchauffe. Encore un peu de patience  Moi aussi, j'en ai tant, car je souffre toujours, mon intestin ne va pas du tout et néanmoins mon âme plane par-dessus l'étang, légère et libre. Si torturé qu'on puisse être, la vie est pourtant belle. Et la source près de laquelle je suis étendue, si pleine de fer, toute brun-rouille, tout un symbole.

            Selon l'effet qu'aura la lune sur mon sang, je prolongerai mon séjour ici, ou je l'abrégerai. Mais attendre ici ces jours, c'est bien le mieux, non ? Mon chéri à moi, qui ne mange pas bien ? Toi ? Qui ne dort pas assez ? Sûrement toi. J'espère que la mer t'a un peu calmé. Avant-hier, il y avait ici des relations de la Baronne, venue d'autres propriétés : Province. Entre autres, une veuve sortie de "Mathusalem".  Nous avons essayé de faire tourner une table. La veuve s'appelle Thibaud. Tout à coup, elle demande à l'esprit de la table : « C'est toi, Thibaud ?» La table répond : « Oui ». Elle : « Combien de messes veux-tu que je fasse dire pour toi ?» La table : « Trente ». La veuve, extrêmement avare essaya de marchander avec l'esprit. Je mourais de rire.

            Les photos sont très amusantes et pleines de drôlerie. Daniel est vraiment un personnage.

            Si tu veux être gentil, envoie-moi  100 Francs, on a tout de même besoin ici de quelques petites choses.

            Et merci pour tout, et beaucoup d'amour et de tendresse de

                                                                       Ta Suzu

Lettre de Claire à Haybes/ Meuse à Ivan Goll à Paris 15 août 1933 ***  MST p.127/128

                                                                       Château de Moraypré, Haybes

                                                                       Mardi 15 août 33

Yvetot,

            Les cloches sonnent ce jour de fête. Les gens vont à l'église et je viens à toi.

Car tu es bien saint par quelque côté, quoique je l'aie contesté par instants. Malgré tout, tu restes ma seule foi. Quoi qu'il ait pu arriver, tu restes le véritable amant de mon cœur, toi, mon frère et mon mari ; à cela, nul homme et nulle femme ne pourront jamais rien changer.

            Il fait un temps brumeux, et mon malheureux corps tente à nouveau de me jouer des tours de toute espèce. Je suis terriblement fâchée contre lui. Qu'un matériau aussi mauvais puisse renfermer une âme forte et résistante !

            Chéri, pourvu que tu aies eu beau temps au bord de la mer ! Je ne suis pas tout à fait innocente du changement de temps, car j'ai souhaité la pluie. Car on ne peut travailler ou se concentrer sur soi-même, que quand il fait gris dehors.

            Je t'aime beaucoup, Ivetot, et je suis ton plus grand admirateur, et cela, tu ne dois jamais l'oublier. Je t'embrasse tendrement, je te remercie d'exister et d'exister pour moi.

                                                           Ta Suzu

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire à Haybes s/ Meuse du 16 août 1933 MST p.128/129

Paris, 16 août 1933

Chère Susu,

            Hier soir, je suis revenu du bord de la mer, consolé secrètement par la pluie. Sinon, je l'aurais été difficilement. Ce furent trois journées fortifiantes. Je me suis beaucoup baigné et je suis parvenu tout de même à me faire brûler cruellement par le soleil à travers les nuages en marche. C'est-à-dire que j'ai les bras et les pieds non pas bruns, mais rouges, et il me cuisent. Un bon souvenir.

            Je suis bien portant - et néanmoins, mon âme est si triste, si triste. Plus le temps s'écoule, plus je me sens seul. Est-ce que les hommes sont toujours seuls ? Nous deux, quand nous sommes ensemble, nous ne l'éprouvons jamais : les couleurs du jour et la fatigue... des nuits nous procurent cet état chloroformées. Ou est-ce l'état de communauté qui rend heureux ?

            Là-bas, il y avait tant de jeunesse blonde, souriante, consciente d'elle. Et je sentais que je n'en faisais pas partie. Et il y avait des familles satisfaites, repues, et je sentais que je n'en faisais pas partie. Toutes les portes de la ville étaient ouvertes, et je n'entrais par aucune.

            Mais pourquoi ne fais-je plus de.poésie ?

            Cependant, toi, la plus malheureuse, tu es encore bien plus à plaindre. Il est  incompréhensible que tu aies été accablée ainsi de maux, juste après Plombières. Comme tu es courageuse de supporter cela avec tant de patience ! Je voudrais les enlever de toi, ces maux, te revoir riante et forte.

            Soyons donc reconnaissants au destin qui t'a conduite dans un tel château de Mélusine, autour duquel les sources chantent leurs mélodies et dans lequel les gens semblent bien te soigner. Oui, puisqu'il en est ainsi, je te conseille de passer là-bas tes jours de fatigue.

            J'ai trouvé ici beaucoup de courrier, une carte de Doralies, de Berlin. Et une lettre de mes parents qui, samedi dernier, après avoir passé à peine quatre jours à Ostende, se sont enfuis de nouveau et sont retournés â Metz ! Pourquoi ? Parce que leur maison à brûlé ! Cela ne peut arriver qu'à eux ! Toute la charpente et le premier étage. Le reste inondé, naturellement. Les coupures ci-jointes avec reportages photographiques, de la "Metzer feuille de chou" te montreront  l'étendue de cette catastrophe de petite ville. À cette occasion, tu verras aussi, une fois, "notre maison". Très "seigneuriale", n'est-ce pas ? À présent, les pauvres, ils ont enfin, de nouveau, quelques soucis !

            Et maintenant encore, une surprise merveilleuse. Le livre qui doit devenir ton "Journal" est arrivé, envoyé par Brody. Avec une innovation intelligente et simple : il consiste uniquement en une couverture et un bloc. La face supérieure est disposée, à l'intérieur, de telle sorte qu'on peut y remettre les pages écrites, séparés, et refermer. Le tout est en toile à sac vert pistache. Bon goût munichois. Puisque tu vas revenir bientôt, ce serait trop compliqué de t'envoyer le tout. Mais je t'envoie au moins le bloc, sur lequel tu peux commencer tout de suite à écrire, d'autant plus que tu souhaitais la pluie et sentais probablement les approches d'une inspiration ?

            Demain je t'en reverrai les 100 francs.

            Aujourd'hui, cent baisers

                                               Et mon chaleureux amour

                                                                                              Ivan

lettre de Claire à Haybes à Ivan Goll à Paris 17 ou 18 août 1933   MST p.129/130

                                                                       Château de Moraypré

                                                                       17 ou 18 août 33

Mon Ivannot,

            Triste ? Je suis triste aussi. Et c'est un privilège et nous ne devons pas être ingrats. Sans tristesse, pas de poésie et existe-t-il quelque chose de plus noble que les larmes qu'on ne pleure pas ? Qu'importe qu'on souffre si cela nous fait pressentir plus largement Dieu et la mort !

            Famille, jeunesse ! Nous avons été tout cela, et nous le redeviendrons. "Aujourd'hui" n'est qu'une transition, puisque nous sommes immortels. Hier nous étions là et demain nous reviendrons ; entre temps, un peu de "mal du siècle", un peu de désespoir et de clair de lune avec Clairivan. Evade-toi de toi-même au contact des étoiles infinies et tu transformeras ta plainte en jouissance.

            Aujourd'hui je reste couchée, et je pourrai probablement rentrer à la maison lundi. Te télégraphierai à temps, chéri.

            Mange bien, dors beaucoup et mets en vers ta souffrance !

            Je te remercie d'avance pour l'envoi des feuilles. Tu as toujours des gestes gentils qui n'appartiennent qu'à toi, et pour lesquels on ne peut jamais cesser de t'aimer et de trembler un peu pour toi comme pour une chose très précieuse.

            Le grand feu dans la maison Lazard m'apparaît comme un petit châtiment du destin. Car tout est châtiment ou récompense. Mais cela me fait beaucoup de peine pour ta mère. J'ai de la pluie à présent, tant que j'en veux et je m'en réjouis en cause de toi.

            Maintenant sois fort pour quelques jours encore. Jette-toi dans un livre : dans ma  bibliothèque, il y a Nietzsche, Rilke, Hölderlin, et je suis dans ta chambre. Tu n'es pas seul.

            Une prière : envoie-moi par retour du courrier le numéro d'Excelsior Hôtel (ou Hôtel Excelsior), rue La Boétie, où habitait Madame Aliventi. Cet hôtel est dans la partie supérieure de la rue, vers les Champs Élysées, et tu le trouveras dans l'annuaire par rues, non dans l'alphabétique.

            Adieu chéri, je baise tes mains,

                                               Ta Suzu

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin  18 août 1933 ImsL p.198/199/200

Chère Palu                                                                

                                                           ton

                                                                       M

                                                                      

lettre de Claire à Haybes à Ivan Goll à Paris 21 août 1933   MST p.130/131

                                                                       Lundi après-midi

                                                                       [Château de Moraypré, Haybes]

                                                                       [21.8.1933]

Chéri,

Merci pour ta carte chaleureuse.  Oui, je voulais partir aujourd'hui, mais l'homme propose et … le vin rouge dispose. Mon amie Jane m'a grisée hier soir par ruse. Je devais "goûter" aux vins de sa cave, et à force de "goûter", tout à coup, c'en était fait de moi. On m'a portée au lit et j'ai dormi comme …  Verlaine. Et quand je me suis éveillée, le train de Paris filait sur l'autre rive. Aujourd'hui, j'ai la "gueule de bois", mais Jane m'a avoué sa faute et pour me dédommager, elle me fera faire demain un tour en auto. Je ne partirai donc que mercredi : mais c'est définitif. A 1 heure et je serai dans tes bras à 6 heures, les bras tendres et doux d'un long petit garçon, qui m'en voudrait sûrement beaucoup, qui m'en voudrait de l'avoir si longtemps laissé seul avec sa mélancolie, s'il n'avait pas un cœur si rare.

            Je quitte à regret cet endroit de rêve où je suis gâtée d'une façon céleste. Mais je trouve pourtant que je n'ai pas le droit d'être heureuse par trop longtemps sans toi : une joie partagée est tout de même autre chose que celle qu'on garde pour soi.

            Je baise tes chers yeux bruns et suis

                                   ton éternellement dévouée

                                                                       Suzu

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire à Haybes s/ Meuse du 22 août 1933 MST p.131/132

Paris, 22 .8. 33

Chère Zouzou,

            Ta lettre d'hier est heureuse, légère, grisée par ces vins fins ! Comme je me réjouis que la vie te berce, qu'il y ait une amie Jane qui ne te laisse pas partir, et que les fleurettes du paysage te soient bienveillante ! C'est ce que j'ai toujours souhaité pour toi.

Et quand tu planes ainsi, il ne me viendrait, en aucun cas, à l'idée de te rappeler. S'il te plaît, n'interprète pas mes dernière lettre en ce sens, et ne crois pas non plus que je souhaite le moins du monde t'avoir ici, seulement parce que je traverse une cruelle période de solitude. Elle est cruelle, mais je ne la maudit pas. Tout est très beau dans la vie, tout, même l'immobilité des murs qui ne respirent pas, même l'impatience, riche en peur, de la nuit.

Ce qui est seulement terrible, c'est quand, dans toute la grande ville, il n'y a pas une seule personne à qui tu puisses téléphoner, c'est quand tu peux suivre les Boulevards pendant des kilomètres et t'asseoir à 1000 terrasses de cafés, sans qu'une main se lève pour serrer la tienne.

Mais je jouis aussi de cette souffrance. C'est que je suis un jouisseur ! et si tu savais seulement comment je vis, avec 5 francs par jour.

Je travaille maintenant très bien.

Je voudrais beaucoup être un moine. Et puis, de nouveau, par période, un libertin.

En ce qui te concerne, je ne suis heureux que lorsque tu prends du bon temps. N'est-ce pas cela, l'amour ?

Mais réfléchis un peu et si ton amour pour moi est pareil ? Ressemble-t-il au mien ?

Sur un seul point, je te gronde : iras-tu encore à Challes ? Je n'ai attendu ici que pour régler ton arrivée et ton départ. Sinon, je pourrais aussi bien être aux Indes.

                                                                       Ton

                                                                                  Ivan

            

Claire rentrée à Paris le mercredi 23 août à 18h, est repartie pour Challes le 28 août.

Je suis couverte de sept voiles          

Pour que sept fois                                                                                                    

Tu puisses me découvrir                                                                                                                                                                                        

Je suis ointe de sept huiles                                                                                                   

Pour que sept fois                                                                            

Tu puisses me sentir                                                             

                                                                                                         

Je t’ai dit sept mensonges                                                                

Pour que sept fois                                                                

Tu puisses m’anéantir                                                                                                          

Auteuil 25 août 1933

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin  28 août 1933 ImsL p.202/203

Ma grande Palu 

                                                           ton

                                                                       Yvan

Fin août Claire est de retour à Challes

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire à Challes-les-Eaux du 30 août 1933 MST p.132/133

                                                                       [ mercredi] Paris, 30.8.33

Chère Suzu,

            Combien m'a ému ta lettre est écrite dans le train, dont le rythme sanglotant m'arriva d'Aix  - d'ailleurs, je l'attendais un peu, ce matin, après une nuit qui ne m'a procuré, à nouveau, que quatre heures de sommeil (malgré la Passiflorine que tu m'as envoyé avec tant de sollicitude) et six heures de rêverie, ce qui est, tout de même, plus intéressant que le rêve. Il ne me déplaît pas du tout de me livrer ainsi aux eaux noires de la nuit, et de me laisser emporter, submerger.

            Puis la journée été si belle que je suis parti faire un grand tour à bicyclette, et sans l'avoir décidé tout d'abord, j'ai été jusqu'à Saint-Germain-en-Laye, ce qui fait quarante-cinq km aller et retour. Maintenant seulement, je suis entraîné et puis songer à de vraies excursions. Je ne savais plus du tout qu'elle est l'aspect de Saint-Germain-en-Laye, ou plutôt, je me souviens d'y avoir été une seule fois, avec une tournée d'autocar, et qu'il y a là-bas un pavillon Henri IV : je n'avais pas remarqué, cette fois-là, le château très beau et très sévère, le parc profond et rêveur et la terrasse longue de plusieurs kilomètres dominant l'Ile de France. Mais peut être connais-tu cela mieux que moi - tu as eu plusieurs fois l'occasion d'y aller en auto.

            Ensuite Apfel est venu chez moi. Il est pris de la folie des grandeurs littéraires, il se croit déjà un auteur important. Il devient plus difficile de travailler avec lui. De toute façon, il a été très satisfait du Chapitre Kienle. Mais il n'y a plus moyen de lui soutirer de l'argent. Avec beaucoup de ruse, il se plaint encore plus que moi, et se plaint le premier.

            Ce matin, il y a un grand brouillard sur la ville : l'automne. Vers midi, le soleil a percé les nuages - mais la nuit et la matinée étaient très fraîches.C'est pour cette raison que j'ai lu ta seconde lettre sans inquiétude, celle où tu m'apprends que tu t'es installée dans ma chambre, au Château. Les quelques heures de l'après-midi ne seront pas si terriblement chaudes. D'ailleurs, je trouve que la solution de ton séjour est très réussie, contrairement à tes regrets. Car dès que l'hôtel commencera à se vider, tu obtiendras facilement une meilleure chambre pour le même prix, à condition de jouer avec intelligence. Et c'est tout de même une bonne perspective. Aussi, quelle chance que Challes reste ouvert jusqu'au 30 : tu ne pourra d'ailleurs pas partir avant le 18 ou le 20, si les "jours rouges" arrivent entre temps. Ce que je ne parviens pas à comprendre, c'est ta peur de la famille Lévy. Incompréhensible !

            Mais aujourd'hui, tu t'es sûrement très bien habituée. Les inhalations favorisent peut-être aussi l'inspiration. Et tu as déjà commencé ton roman ? Ce serait magnifique. Où donc habite les Lévy, d'habitude ? Toujours à Alger ou à Paris ? Pourquoi n'ont-ils jamais donné signe de vie à Paris ?

            Donc, chère enfant, sois vaillante, vaillante, vaillante et continue à aimer ton

                                   Ivan, qui t'aime

À présent, Duarte vient d'arriver ; il m'apporte les séries de photos. La poste n'a apporté rien du tout.   

lettre d'Ivan Goll Paris à Claire  à Challes-les-Eaux du 1 septembre 1933 MST p.133/134

                                                                                  Paris, 1er septembre 33 [ vendredi]

Chère Zouzou

            Mais on se sent triste pourtant, par ces jours qui commencent à diminuer, qui commencent par du brouillard et, ensuite, s'arrondissent et se dorent : on se sent triste, dans cet automne, de ne pas avoir été aussi un pommier d'où tombent les fruits ronds et murs, mais de s'éterniser dans une nostalgie qui n'est plus de notre époque.

            Au milieu du jour, on oublie ce que vous a chuchoté le milieu grave de la nuit... Et on se nourrit des raisins récoltés par les autres.

            Je souhaite beaucoup qu'à Challes, tu inhales une nouvelle confiance en toi-même, et que le souffre ne te guérisse pas seulement de nez, mais aussi l'âme. Et peut-être travailles-tu déjà ?

            Ci-inclus une lettre de Klaus Mann, qui accepte le "petit singe"* et qui t'apportera, en outre, un nouveau courage au travail.

Et moi : si des pommes ne tombent pas de moi, par contre, le docteur Apfel me porte sur les nerfs. Il a l'habitude de faire danser les gens au son de sa flûte, mais je préfère danser avec des tailles plus fines.

            Duarte° m'a apporté, encore une fois, des photos splendides. En outre, il ne veut recevoir aucun honoraire, il demande seulement que je lui envoie des livres de temps en temps. Le 7 septembre, il repart pour le Brésil. Mais auparavant, nous organiserons encore un dîner chez moi, et la petite femme veut préparer un menu brésilien, avec de la viande séchée brésilienne, des haricots noirs et rien que des plats indigènes, qui seront cuits dans notre cuisine. Ce sera un festin, dont tu n'aurais certainement pas le droit d'avaler une bouchée. Mais comment sont les repas, cette année au Château ?

            J'ai rencontré dans la rue Walter Menring avec sa pauvre petite mère tout chiffonnée. Dès que tu seras de retour, il faudra que nous les invitions à un repas.

            En ce qui concerne les finances, ma mère a été presque touchante : la lettre cachetée contenait 1.200 francs au lieu de 1000, et sans autre raison : peut-être pourras- tu les utiliser ! Mais hélas ! Cinq minutes plus tard, 1000 étaient chez les Clauzel et 200 à la banque, plus dix-sept dans ma poche, qui n'est plus aussi percée. (à propos, n'écris pas à Nancy que tu es à Challes).

            Joisson doit revenir lundi... J'enverrai l'argent pour ton hôtel avec deux jours de retard, mais il y en aura d'un seul coup pour deux semaines.

                                   Je t'embrasse longuement,

                                                                       Ivan

* Nouvelle de Claire

° Ministre brésilien qui avait quitté le Président Vargas

Paula Ludwig de Berlin à Ivan à Paris : lettre du  2 septembre 1933 *** IsmL p.204 à 208

correspondance à traduire (superbe lettre d'amour)

Lettre d'Ivan Paris à Claire Challes-les-Eaux du 6 septembre 1933 MST p.134 à 136 ****    

                                               Paris, 6 septembre 33

Chère Zouzou,

            Je porte partout avec moi une souffrance tellement étrange : il me semble à présent que je ne pourrai jamais devenir bien portant et une souffrance qui croît en moi comme une mauvaise plante qu'on ne pourra peut-être plus déraciner. Quand tu es là, je crois ne plus l'entendre, souvent, et je m'imagine que je vais bien. Mais ensuite je sais à nouveau que je ne peux plus être sauvé. Une telle solitude depuis quarante années...

            Et personne ne peut le remarquer. Et bien des gens qui me connaissent, me prennent au contraint, pour un enfant né coiffé, né le dimanche de Pâques à cinq heures de l'après-midi.

            Et pourtant, depuis des années je me consume et ne suis jamais joyeux. Sûrement, il y a beaucoup de raisons qui y contribuent : la foi en notre unité s'est brisée, puis la foi en  moi, en mon don de poète, et finalement aussi la foi en un avenir tranquille.

             J'ai de plus en plus la sensation d'étouffer. Je lutte pour trouver de l'air, la nuit dans ma tour, et le jour dans les rues. Comme Paris me rend misérable et solitaire !

Mais si je ne m'en vais pas du tout cet automne, si bientôt une saison commence sans moi et contre moi, abandonné, oublié, comment le supporterai-je et pourquoi ?

            En conséquence, j'ai pris une décision : je dois partir, ne fût-ce que pour deux ou trois semaines. Je n'ai rien à chercher ici. Le travail avec Apfel ne m'intéresse plus, parce qu'à présent, il écrit tout et que je ne suis plus, en somme que son traducteur. Ça, je pourrais le faire partout.

            Tu m'as dit trois ou quatre fois dans ta bonté compréhensive, que je devrais aller voir Paul Ludwig, ou encore la faire venir à Paris. Or je sais que dans les deux cas malgré tout ton courage tu en seras blessée. Il s'offre une troisième solution : elle est invitée en Italie, je pourrais la rencontrer là-bas.

            Mais je suis incapable de me décider, donne-moi donc toi impulsion, comme il y a dix jours ; tu savais alors pertinemment que cela ne te ferait rien perdre. Si seulement j'étais sûr, que tu es cette année raisonnable et que tu restes bien consciente que tu ne perds rien quand je m'enrichis !

            Encore ceci : même chez Paula Ludwig je reste indiciblement seul. J'ai seulement auprès d'elle comme d'ailleurs auprès de toi le sentiment de ne pas être totalement sans valeur pour ce monde. Ne me rappelle pas le fait qu'on ne doit rien croire de ce que vous disent ceux qui vous aiment. Car alors, il me faudrait admettre que ceux qui ne m'aiment pas ont raison de me rejeter. .

            Voilà à quoi on en arrive, quand on est un solitaire, un esseulé qui a repoussé la chaleur de la vie courante, famille, enfants, sentiment d'appartenance à une communauté. Paris...

            Je n'irais pas mieux non plus en Italie : seulement, pendant ces trois semaines, j'oublierai qui je suis... J'aurais le sentiment apaisant d'avoir tenu une ancienne promesse... qui, si je la reniais, me tourmenterait tout l'hiver. Oh! surtout pour cela  Et bien moins pour moi-même.

            Mais voilà qu'en vieil égoïste, je n'ai parlé que de moi tout le long de cette lettre sans penser combien tu es devenue triste en la lisant.

            Et tu te donnes, depuis longtemps, tant de peine pour me rendre du courage, tu m'écris de belles lettres, comme il y a quinze ans, - ensuite nous avons été si inséparables que nous n'avions jamais aucune occasion de nous adresser des lettres.

Je te suis très reconnaissant pour la connaissance accrue que tu as de moi, et la bonté qui en jaillit. Mais d’où vient cette bonté : de l'intelligence ou du coeur ? Il me semble que c'est ton intelligence qui t’a fait me conseiller de revoir Paula Ludwig. Oh ! Comme je voudrais aussi que ton coeur me veuille du bien...

Même si, pendant trois semaines, cela doit te secouer, si cela ne se passe pas aussi bien que d'habitude... Si tu es obligée de voyager, d’arriver ici, etc.... seule.

Si je pars, je prendrai l’un des billets de vacances les plus réduits, qui ne coûte que 350 francs aller retour (3e classe) et n'est valable que trois semaines. Presque pas plus cher que pour aller à Challes.

Si seulement je suis assuré que tu veux mon bien, que tu ne pleureras pas, que tu ne te vengeras pas : je ne vais pas chercher là-bas du bonheur, rien que l'oubli de moi-même !

Alors, je partirai déjà vendredi ou samedi soir : loin de cette tour, où je n'ai dormi qu'une heure, cette nuit ! Mon lieu de destination Fiesole. Je t'écrirai dès que je serai arrivé ; mais auparavant une lettre de toi peut encore m’atteindre à Paris, avec ta bénédiction !

Ci-inclus 800 francs, pour deux semaines à l'Hôtel du Château à 42 francs. Cela met la semaine à 300 francs - Pourboire 350. Pour la dernière semaine, je te ferai encore envoyer de Zurich 600 francs.

Je suis heureux qu’humainement, tu te sentes de nouveau bien, au Château. Je savais que Lévy est un poète.

En ce qui concerne Platon et Spinoza : oui, oui, tu as raison. Je t'envie pour cette sagesse, qui te donne à présent de l'avance sur moi.

Mais lorsque l’âme est malade ?

Tu sais que je n'ai pas l'habitude de gémir. Laisse-moi donc gémir, pour une fois.

Je t’aime beaucoup, beaucoup, et j'ai besoin de toi aussi ! Je me réjouis à la pensée d'un paisible début d’hiver.

Ton Yvan

Télégramme Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin  5 septembre 1933 ImsL p.208

                                                                                  [Paris 5.9.1933]

PREPARES-TOI A UN VOYAGE EN ITALIE  RENDEZ-VOUS A BOLOGNE  LE 11

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 5 septembre 1933 ImsL p.209/210

                                                                                               Paris 5 septembre 33

Chère Palu                                                                

                                                           la fin de la lettre manque

                                                                      

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 7 septembre 1933 ImsL p.210/211

                                                                                              jeudi 5 heures

                                                                                              Rue des Saint-Pères

                                                                                               [cachet de la Poste 7.9.33]

Chère Palu                                                                

Vient d'arriver ton télégramme d'aujourd'hui 2 heures à la rue des Saint-Pères !

Bravo: Florence lundi 2h53 !

J'arrive par le train.    

à traduire

                                   Je t'aime

                                               Manyana

Télégramme Ivan Goll Zurich à Paula Ludwig Berlin  9 septembre 1933 ImsL p.211

                                                                                  [Zürich 9.9.1933  10h08]

ECRIS A MUNICH ET FLORENCE   REÇOIS UNE MOISSON DE BENEDICTIONS DIVINES  (?)

lettre d'Ivan Goll Florence à Claire à Challes du 13 septembre 1933 MST p.137 à 138

Florence, 13 septembre 1933

Chère Suzu,

            La joie d'être à Florence m'a été gâchée, pendant ces premiers jours, par un très vilain temps de pluie. Depuis longtemps, je n'avais pas vu tomber de pareilles "hallebardes" ! Et les jours précédents, cela se préparait par un temps lourd et un ciel plein de nuages menaçants. Après trois mois de beau fixe et de sécheresse, on ne peut pas dire que c'est de la chance.

            Et pourtant c'était une chance que je sois à Florence, et non, par exemple, à Fiesole  ou au bord de la mer : car ici, il y a un tant à voir, tant d'églises, chapelles et et de musées à admirer chaque jour, que le soleil n'est presque pas nécessaire. C'est une surabondance de trésors d'art, qu'on ne peut pas dénombrer, qu'on ne peut même plus assimiler, à la longue. Un si grand nombre d'artistes doués richement étaient compris, encouragés, aimés par tant de familles remarquables ! Ce qu'on apprend de ce 14e et de ce XVe siècle florentin, c'est la foi dans le grand art authentique, la foi dans la lutte pour cet art, dans l'amour inébranlable pour cet art. Car ici, on peut redevenir pieux.

            Ici, je reprends courage pour affronter notre époque tellement détournée de l'esprit, où l'on aime à regarder des visage souriants de stars, mais non des visages d'hommes et de femmes qui souffrent. Je suis confirmé dans ma certitude que le succès, provenant de cette humanité hébétée, serait pour nous le contraire du succès...

            Tant que le baromètre sera bas, je ne ferai pas de projets, et j'irai voir Giotto, car de lui émane une essence divine, dont on peut aussi espérer recevoir pour soi-même une bénédiction.

            Mais je garde intacte, sur ma tête, ta bénédiction à toi, qui a jailli de tes grands yeux bleus aiguisés, exactement pareils à ceux d'un ange de Giotto.

            Je t'aime beaucoup et je t'en suis si reconnaissant. Tu as raison : dans l'éloignement, on ne fait que se rapprocher de l'être aimé, de l'être de sa vie.

            Comment vas-tu ? J'espère que tu peux suivre ton programme à la lettre - après Challes, qui est certainement très vide en cette saison et dont le silence t'est peut-être agréable, tu devais rester très peu de jours à Paris et repartir aussitôt pour Haybes - en conséquence, j'ai donné aujourd'hui ordre à Zurich de t'envoyer 700 francs qui pourront sûrement suffire pour l'instant, étant donné que tu as déjà ton billet de retour : 350 - 400 Château, 100 pourboires, 200 voyage à Haybes.

            Puisses tu te remettre et te sentir bien et rester mon Aimée.

                                                                                                                             Ivan

Carte d'Ivan Goll Florence à Claire à Challes du 14 septembre 1933 MST p.138

Florence le 14 septembre 33

            Chère Zouzou : j'ai reçu ton télégramme cinq heures après avoir posté ma dernière lettre pour toi, dans laquelle je t'annonçais justement le virement de 700 francs de Zurich. Etait-ce de la transmission de pensée si j'ai justement fait envoyer 700 francs ? En tout cas j'avais donc retourné dans ma tête toutes tes réflexions et plans avec toi. Par même courrier est partie la commande à Zurich. Espérons que d'ici samedi tu seras en possession de l'argent et que tu auras liberté de mouvement. Par contre, la pluie ici ne nous en donne aucunement. ?

                                               Baisers ardents

                                                                       ton Ivan

Ivan Goll est parti pour l'Italie retrouver Paula Ludwig le samedi 9 septembre à Fiésole ou à Florence le 10 septembre et ils y restent jusqu'au 21 ou 22 pour aller à Sienne.

Lettre d'Ivan Goll Florence à Claire à Challes du 17 septembre 1933 MST p.138/139

                                   Florence, 17 septembre 1933

Chère Zouzou,

            Ce matin, j'ai reçu ta lettre bleu-double, attendue avec nostalgie depuis longtemps, et qui contenait ta lettre précédente, de Paris. Oh ! Comme celle-ci m'a ému !

            Quelle transformation tu as subie ! Ta sage maturité résonne harmonieusement à mes oreilles, comme un alto, et je ne l'apprécie certes pas parce qu'elle me facilite l'existence, mais surtout parce qu'elle va si bien à ton nouveau visage. Sans doute, ton âme est toujours un enfant, et elle restera telle, éternellement - car l'âme est la seule chose au monde qui ne vieillisse pas et ne mûrisse pas, l'âme est invariable comme le bleu de l'éther. Et la tienne a la pureté de la brise du matin. Mais ton visage humain a beaucoup pleuré, connu beaucoup de douleur, plus que n'importe quelle autre que je connaisse, et si je l'ai tant aimé autrefois pour ses yeux, qui ont la grandeur et la forme de ceux de la déesse de Giotto, je l'aime encore plus aujourd'hui pour cette expression de savoir qui le domine de plus en plus.

            C'est vrai : pour ce qui est des expériences vécues, je suis réellement encore un petit garçon, et cela me fait tant de bien que tu passes une main caressante à travers mes cheveux, - par lettre, il est vrai, plus que dans la réalité, - et alors je reconnais aussi que cela est de beaucoup le plus important.

            Ainsi tu te mets lentement à jouer le rôle qui m'appartient (à moi !). Mais cela ne veut aucunement signifier que j'ai changé. Je suis un vieux petit garçon, et je devrais en avoir honte, si je n'étais aussi un poète. Mais si j'en suis un, c'est à toi que je le dois et aussi d'être resté si jeune.

            Si tu me connais bien, tu sais que dans ce pays lointain et suprêmement beau, je suis près de toi comme presque jamais je ne l'ai été. Pour le moment, je suis apaisé, mais ce n'est pas le repos de l'accomplissement, comme tu parais le penser, cette une hébétude de mes nerfs, qui semblent être très malades. J'ai éprouvé trop de déceptions, à Paris, depuis le début de l'année, et la crise qui m'a poussé à la fuite - à me fuir moi-même - n'était ni sentimentale, ni érotique, mais presque matérielle. Trop de soucis, trop peu de succès. Pour être en état de supporter l'hiver qui vient, il fallait que j'aie d'abord une détente, et que renaisse en moi le sentiment que je suis quelqu'un ! C'est pourtant ce que je t'ai écrit dans ma dernière lettre de Paris. Pourquoi n'as-tu pas voulu admettre cette interprétation ?

            Florence ne laisse pas le temps de se ressaisir. Peut-être partirons-nous, au milieu de la semaine prochaine, pour une plus petite ville, peut être irons-nous à Sienne. La vie est extraordinairement bon marché. Figues, 50 centimes le kilo, raisins, pêches, le même prix. Mortadelle 50 centimes l'etto, ghirlandais1lire le mètre.

            Cette lettre arrivera probablement à Paris le même jour que toi. Est-ce que Challes t'a fait du bien ? Ne reste pas trop longtemps dans notre appartement, qui n'est pas refait, ne perds pas ton temps et ton argent à le réorganiser : pars vite pour Haybes. Entre-temps, je reviendrai ; je ferai de beaux préparatifs et mettrai tout à neuf pour te recevoir.

                        En éternel amour

                                                           ton

                                                                       Ivlein

Claire est de retour à Paris le 20 septembre

Tu as planté devant ma porte

Un jeune citronnier

Il n'a que deux branches

L'une porte un fruit d'or

L'autre une fleur d'argent

Comment me préfères-tu

Vierge ou mère ?

Sienne 21 septembre 1933

Lettre d'Ivan Goll Sienne à Claire à Paris du 24 septembre 1933 MST p.140/141

                                               Sienne, 24 septembre 33

Chère Souzou,

            Nous voici, depuis quelques jours déjà, à Sienne : une des plus vieilles villes d’Italie, bâtie sur trois collines. On est sans cesse obligé de monter et de descendre. La rue principale n'est large que de 6 m et de hauts palais la bordent, comme une citadelle, - on a l’impression d'être dans une prison. Sans doute, on dit que la ville est environnée du plus beau paysage et des collines les plus séduisantes : mais on ne retrouve pas la sortie, tant que l'on n'est pas initié à ses secrets..

Le jour de mon arrivée, je t'ai écrit, probablement par gratitude pour ta prière sur la terrasse du Château. Les étoiles brillaient. Mais le soleil, jusqu'à présent, n'a pas paru. Pendant des jours et des jours, il a fait gris et brumeux, on sentait se préparer le mauvais temps qui a éclaté hier, avec éclairs et cyclone suivis d'une pluie chaude et persistante.

Ajoute à cela le sentiment d'être muré dans un cachot ! Tu objecteras : mais, à deux, c'est pourtant beau ! Peut-être mais avec du soleil et du clair de lune, ce serait encore plus beau. C'est la première fois que Paula Ludwig vient en Italie et elle n'y trouve que des brouillards nordiques et des tempêtes.

Une autre raison encore de me sentir comme emprisonné, c'est que j'attends en vain une somme que ma promise Apfel. Peut-être dois-je t’expliquer plus en détail les quelques allusions que je faisais sur ma dernière carte.

Ce qui m'a incité à ce départ subit, entre autres choses, c'est la dispute que j'ai eue avec Apfel. Savoir que j'ai perdu tout un été pour lui. Je ne sais plus si je t'ai raconté déjà qu'il m'avait finalement dégradé et réduit aux fonctions de traducteur : ce que je préférais d'ailleurs, ou presque, car de toute façon, et depuis longtemps, je ne voulais pas mettre mon nom. Mais jusqu'à ce jour, mes efforts n'ont servi à rien. Les chapitres Wessel et Kienle n'ont servi à rien Monsieur Apfel se découvre un talent d'écrivain. Bon. Mais qu'ai-je à faire avec ça ? Il exige même que je traduise littéralement jusqu'au plus petit point sur les i de son ennuyeuse prose...

Aussi, tout ce qui m'intéresse encore, c'est l'argent : vingt fois, il m'a proposé de "financer le contrat". Vingt fois, il s'est récusé. Il prétend ne pas avoir d'argent, mais il vit largement et il a des amis qui sont les plus riches de la colonie d'émigrants. Avant mon départ, il m'a promis 2.000 francs, je l'ai prié d'en donner 1000 aux Clauzel, sous prétexte que je n'ai toujours pas payé le loyer, et ceux-ci devaient remettre la somme. Et de m'envoyer le reste en Italie. Rien n'est arrivé encore...

Et toi, de ton côté ? Je suis sans nouvelles depuis huit jours. Dans ta dernière lettre de Challes, tu semblais projeter à nouveau de faire un assez long séjour à Paris. Certainement, tu as vite remarqué que Paris est cher ; est-ce que tu as pu t'en tirer saine et sauve, c'est-à-dire partir pour Haybes ? Mais j'espère encore que tu es vite repartie, que tu n'as pas entrepris tout d'abord de nettoyer l'appartement... Car cela n'en finit jamais plus... et que tu me laisses ce soin, puisque je rentrerai rue Raffet bientôt, avant toi, et que je veux tout préparer pour ta rentrée triomphale.

Oui, oui, chère Suzu, je reviens d'Italie purifié, apaisé, revigoré, et je veux à nouveau te reprendre dans mes bras, toi qui pries avec tant de ferveur. D'ici là, de mon côté, vendredi prochain soir, je prierai pour toi. mon Kol Nitrai * sur une colline d'oliviers.

Je prie ma mère de t'envoyer les 1.000 francs.. Mais économise quelque chose. Le mois d'octobre sera long. La note du téléphone n'était pas encore arrivée ?

Et fais en sorte que j'oublie un peu tous ces soucis et crois en moi, qui redeviens pieux

Ton

Ivan

Carte d'Ivan Goll Sienne à Claire à  Paris du 25 septembre 1933 MST p.141

                                               Sienne 25 Septembre 33 [lundi]

Chère Suzu,

            Merci, merci pour ta lettre du 22 * ; Comme c’est dommage que tu ne puisses pas aller à Haybes ! Essaie donc de le faire. Promets 40 Fr, de pension. Aujourd’hui , le soleil est arrivé avec les cloches de l’angélus d’une douzaine d’églises. L’automne peut devenir beau. Pars donc ! Je te fais envoyer les 1000 Frs de Nancy pour l’usage domestique et privé. Ecris toi-même là-bas qu’ils envoient l’argent plus tôt, et souhaite leur de bien jeûner à Yom Kipour . Ardemment à toi, celui qui est heureux par toi,

                                                                       Ivan

·         Cette lettre est égarée, il n’y en a plus trace.

Carte d'Ivan Goll Paris à Claire à Perouges  du 1 octobre 1933 MST p.142

1 Octobre 33 [Pérouse]

Chère Suzu,

Dernière étape : Pérouse, petite ville authentiquement italienne construite sur une colline, et dans laquelle la chaleur est enfin revenue. Pour ne pas rentrer scandaleusement dépourvu de bronzage, j’ai allongé le voyage de quelques jours  et j’arriverai vraisemblablement samedi à 22 h. à Paris et dans tes bras aimés. Maintenant, je suis depuis si longtemps sans nouvelles de toi : depuis ta lettre du vendredi 22, rien ! Rien de Nancy, rien d’Apfel. C’est sans doute dû à la Poste et je suis très inquiet. S’il se passait quelque chose de particulier, envoie un cable : Pérouse Poste restante.

                                                           Tout à toi, à toi

                                                                                              I.

Que ne suis-je une datte

Brune et nue

Nue et brune

Pour n'être qu'un midi qui brûle

Un désir qui fond

Un parfum pour ton âme

Un miel pour ta langue

Une chair douce douce

A ta chair forte forte

début octobre 1933     II/202

                                              

Ivan revient à Paris le samedi 7 octobre à 22h. où  il  retrouve Claire – qui n’a plus écrit depuis le 22.

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 8 octobre 1933 ImsL p.213

                                                                                              Paris 8 octobre 33

Chère Palu                                                                

                                                                                              Ma

à traduire

Paula Ludwig Marienberghütte à Ivan à Paris 16 octobre 1933 *** IsmL p.214 à 217

Cher Ma

                                                                                              Palu

correspondance à traduire (superbe lettre d'amour)

            

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 18 octobre 1933 ImsL p.217/218

                                                                                              Paris 18 octobre 33

Chère Palu                                                                

                                                                                              Ma

Seul Saint - François doit te rendre visite

à traduire

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 23 octobre 1933 ImsL p.218

                                                                                              Paris 23 octobre [1933]

Chère Palu

                                                                                              Ma

à traduire

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 26 octobre 1933 ImsL p.218

                                                                                              Paris 26 X. 33

Chère Palu

                                                                                              Ma

à traduire

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 4 novembre 1933 ImsL p.219

                                                                                              Paris 4 XI. 33

Chère Palu

                                                                                              Ma's

à traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 7 novembre 1933 ImsL p.220/221/222/223

                                                                                              Paris 7 novembre 33

Chère Palu

                                                                                              Ma

à traduire ***

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 10 novembre 1933 ImsL p.223

                                                                                              Paris [10.11.33]

Chère Palu

Lucifer vit.

Dans sa nouvelle armure. Dans l'éclat de Vénus. Avant la fin du mois, il se présente dans un manteau vert pour toi. L'éditeur était très amical et prend tous les frais à sa charge.

Un salut de l'Hôtel Studio qui me faisait signe en passant sans m'arrêter

                                                                                              Ma

carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 16 novembre 1933 ImsL p.224

                                                                                              16.11.33 Paris

Chère Palu

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 23 novembre 1933 ImsL p.224/225

                                                                                              Paris 23 novembre 33

Chère Palu

Ma chambre est totalement devenue une vallée de pins. Une fenêtre est entièrement devenue verte.                  

                                                           Manyana

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  5 décembre 1933 ImsL p. 225/226

Chère Palu       

                                                           Ton

                                                                       Ma

traduire

                                                           Manyana

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  20 décembre 1933 ImsL p. 227/228

                                                                                  Paris 20 décembre 33

Chère Palu       

                                                           Ton

                                                                       Ma

Adresses amitiés pour tout 321

traduire

Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald  31 décembre 1933 ImsL p. 228/229/230

                                                                                  Paris 31 décembre 33

Chère Palu       

                                                           Yvan

Ton anxiété sur la catastrophe de chemin de fer  comme celle-là m'affecte aussi.

traduire


[1] Die Deutshe Bühne, de Berlin

[2] Paul Bildt, comédien et metteur en scène du Deutschen Theater et du Staatlichen Schauspielhaus Berlin

[3] Vossischen Zeitung : Plusieurs poèmes de "Malaiische Liebeslieder" d'Iwan Goll ont été publiés dans cette revue entre 1932 et 1934

Publicité
1 2 > >>
correspondance des Goll
  • Yvan Goll Claire Studer-Goll avec Rainer Maria-Rilke Marquis de Casa-Fuerte André Breton Audiberti Jean Follain Paula Ludwig Saint-John Perse Alain Bosquet Marcel Raymond Alfred Döblin Paul Celan et divers…
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité