3 août 1940 lettre d'Eugène Jolas à Goll
c/o Van Brunte
Van Brunte Manor Road
East Seataukett, L.I. N
Aug : 3. 40
Mon cher Goll :
Votre lettre m'a atteint au bord de la mer dans une grande solitude .
Je suis très heureux d'apprendre la naissance de LA FRANCE EN LIBERTE.
Je suis convaincu que la nouvelle revue, sous votre direction, sera
de la plus haute importance en Amérique. Les collaborateurs vous ne
manqueront pas. Vous pouvez compter sur moi sans réserves.
Je suis un peu étonné du ton sarcastique dont vous usez vers la fin de
votre lettre. Vous oubliez un peu cavalièrement tout ce que j'ai fait
pour vous dans le passé et le peu d'empressement que vous avez toujours
montré envers mes propre efforts. Je vous rappelle par exemple la part
que j'ai consacrée à vous et à Claire dans le Chicago Tribune. Je vous
rappelle aussi les traductions que j'ai faites de vos poèmes dans Tran-
sition . Quant à Vertigral, c'est Arp qui s'est opposé à votre collabora-
tion. Et Volontés : j'ai toujours lutté pour vous contre les opinions
assez acerbes des autres. Je ne me rappelle pas que vous avez jamais
écrit une seule ligne sur moi dans le passé. Mais cela m'était toujours
égal. Pour parler de vous en Amérique, j'attendais le numéro de la
Vxx Partisan Review que je viens de recevoir ici. D'ailleurs j'aime
beaucoup ce poème.
Je vous souhaite bonne chance avec la nouvelle revue.
Bien des choses à Claire :
Very cordially
EugeneJolas
5 août 1940, double dactylographié lettre de Goll à Lionel ABEL
136 Columbia Heights
Brooklyn
Nov. I, 1940
August 5. 1940
Cher Monsieur,
Il y a longtemps que je voulais vous exprimer mon
admiration pou le beau travail que vous avez accompli
en traduisant divers poèmes de Rimbaud, et surtout
l'étonnante réussite du "Drunken Boat".
But I, boat locked fast between river-lipa
Flung by the tempest into birdless zone
I whom no Monitors, no Hansa schips
Could fish up , water drunken, carcass gone
Voua avez vaincu des difficultés aussi grandes que
celles qu'offre la navigation dans les mers antiques.
Ce que je remarque surtout, c'est que vous avez réduit
l'alexandrin de 12 syllabes au vers (iambique) de 10
syllabes : et vous avez eu xxxx raison . Depuis que j'ai
eu la possibilité de comparer les prosodies française et
anglaise , je trouve que le vers anglais emploie beaucoup
moins de syllabes, et qu'il faut toujours l'écourter
pour régler le compte avec le français.
Vous avez sans doute vu dans " Partisan-Review " le
poème de Jean sans Terre : après coup je me rends compte
qu'il eût mieux valu employer en anglais un vers de 8 syllabes
ou plutôt de quatre pieds : car le même nombre force le
traducteur anglais à faire des additions.
D'ailleurs la plupart des poèmes dont se compose
" Jean sans Terre " sont écrits en vers très différents,
et le plus souvent , de 5 syllabes seulement, ce qui les
rend très différents de ceux que vous avez lu dans la
Partisan - Review.
Je voudrais vous envoyer les 3 volumes parus à Paris,
dès que je connaîtrai votre adresse . J'espère que cette
lettre vous parviendra, vous apportant l'expression de
mes sentiments les meilleurs
SDdV
12 août 1940, double dactylographié lettre de Goll à Jacques Maritain
136 Columbia Heights
Brooklyn
12 Août 1940
Cher Jacques Maritain
Dois-je vous avouer que votre lettre du 30 Juillet
a été très salutaire pour moi, et que vos suggestions
pendant votre visite chez nous m'ont rendu un grand
service ?
J'ai en effet pris la décision d'éviter tout ce qui
pourrait sentir la politique et la chose actuelle.
Dans ce but , je me suis séparé de mon collaborateur
de la première heure, qui, lui , veut suivre un chemin
différent.
J'ai abandonné le titre "La France en Liberté"
pour un autre plus neutre : " La Revue Française de
New York ", et le choix des collaborateurs comme les
sommaires suivront la même ligne.
J'ai trouvé un excellent collaborateur en M. Colin,
qui a tant fait pour les lettres et les arts français,
et qui, en ce moment , prépare un hiver triomphal à
M. Maeterlinck.
M. Colin voudrait vous inviter un de ces jours
à déjeuner , pour avoir en même temps l'occasion de
vous exposer en détails tous nos projets, tant au
sujet de la ligne générale de la revue , que des
collaborateurs etc.
Serez-vous libre jeudi prochain ?
Nous vous téléphonerons. En attendant, veuillez,
je vous prie, transmettre à Madame Maritain et à sa
sœur les meilleurs souvenirs de Claire
et de votre dévoué
Ivan Goll
SDdV
13 août 1940 : lettre de Jacques Maritain à Goll
New York City
30 Fifth Avenue
13 Août 1940
Cher Ivan Goll,
Je réponds en hâte à votre lettre. Je serai heureux
de déjeuner un jour avec vous et M. Colin , mais cette
semaine je dois m'absenter, mieux faudrait choisir un jour
de la semaine prochaine. Voudriez - vous téléphoner un de ces
matins pour fixer le jour ?
Merci des adresses que vous me donnez de nos amis.
Je vais les transmettre à l'Emergency Reszcue Committee.
A bientôt. Nos meilleurs souvenirs à Madame
Goll
Croyez-moi votre cordialement dévoué
Jacques Maritain
SDdV 510.318
18 août 1940, double dactylographié Goll au Prof. F. M. du Mont
136 Columbia Heights
Brooklyn
Aug. 18. 1940
Dear Prof. du Mont :
SDdV
18 août 1940 lettre d'Eugène Jolas à Goll
c/o Van Brunte
Van Brunte Manor Road
East Seataukett, L.I. N
Aug : 18. 40
Mon cher Goll :
Vous avez raison : la politique est l'ennemi acharnée de la poésie .
On a vu ça dans la littérature depuis dix ans : la stérilité et le
bon sens de la propagande. Une revue française à New York devrait
prolonger la durée de la poésie qui sera certainement étranglée sous
le régime fasciste dans l'avenir. Je vous souhaite bonne chance avec
la nouvelle revue . Je vous envoie quelques poèmes, et si vous ne
les aimez pas, j'en ai d'autres.
J'avais déjà écrit mon petit article dans Living Age - quel boulot
tout de même quand votre lettre était arrivée. J'ai parlé de votre
poème dans la Partisan Review.
Ma femme et mes enfants arriveront finalement vers la fin de septembre.
Je suis très heureux. On va recommencer la vie. Elle aura des nouvel-
les de Joyce qui a passé toute la guerre dans son village.
Je serai à New York vers la première semaine de septembre, et je vous
ferai signe.
Avec mes amitiés à vous deux
Always
GeneJolas
SDdV
août ou septembre (?) 1940 lettre de Pearl Minor à Goll **
Cher ami,
Je vous remets ci-jointe la lettre à envoyer
aux heads of French departments, ainsi que la vôtre.
Prière de noter , et c'est très important que
ici vous êtes titulaire d'un Doctorat de Philosophie,
tandis que dans votre première lettre , si je ne me trompe,
vous étiez titulaire d'un doctorat de sciences politiques.
Ceci est grave.
Egalement, dans le " Partisan Review " vous êtes
donné comme Suisse , tandis que ailleurs vous voulez
créer l'impression que vous êtes français. Faut pas.
L'Association des Professeur Français en Amérique
est au Lycée Français ( Chercher l'adresse dans l'Annuaire
téléphonique. Numéro de téléphone est At 9-1460). Mr. Pierre
Rodin est Président de l'Association et Directeur du Lycée. C'est
le renseignement que vous voulez ?
D'ici qq jours je vous enverrai les noms des universités
non trop loin de New-York à qui vous pourrez faire votre l'offre.
Egalement je pense qu'une série de conférences comme
vous proposez faire serait peut-être intéressant au Museum of
Modern Art. Je tâcherai de vous procurer le nom de la personne
à qui il faut s'adresser.
Vladimir Jabotinsky est décédé subitement il y a une
dizaine de jours. Un terrible coup.
En hâte
Pearl Minor
P.S. Il vaut mieux de continuer de vous servir de mon adresse :
c/o Minor, 308 W 30th St. pour ne pas mettre la confusion dans l'esprit des heads.
SDdV
27 août 1940 : double d'une lettre de Goll à Clark Mills : ****
136 Columbia Heights
Brooklyn
August 27, 1940
Mon cher Clark
Voici vraiment la première nouvelle réconfortante qui
me parvienne depuis mon arrivée en Amérique - il y a
exactement un an cette semaine ! Et c'est à vous que je
la dois ! Sachez, dans quelle mesure cela me lie à vous !
Cette proposition de Pearce me rend un courage que j'étais
en train de perdre complètement.
Et je me sens en ce moment tellement peu en forme que
je redoute d'aller chez cet éditeur. Au contraire, je
vous propose d'engager seul des pourparlers avec lui.
J'ai aussi d'autres raisons pour ceci.
I) La maison Duell, Sican et Pearce s'est directement
adressée à vous et non à moi. C'est normal, c'est vous,
le traducteur , l'auteur du texte anglais, qui devez traiter
avec elle. C'est vous qui devez représenter mes droits.
2) Le poète ne peut pas lui-même plaider pour son œuvre,
comme doit le faire le traducteur. Ce ne serait même pas
digne. En plus, avec mon mauvais anglais, je serai toujours
en état d'infériorité.
3) Le poète invisible a toujours plus de prestige. Au
fond, il vaudrait mieux que je sois mort. Mais tout de même,
n'attendons pas aussi longtemps.
Ne m'en veuillez donc pas, si je ne vais pas chez Pearce,
et si je vous prie de conduire les pourparlers. Ne m'en
veuillez pas, si la question d'un emploi pour vous ne soit
pas immédiatement abordée . Je crois que vous seriez aussi
beaucoup plus à l'aise pour discuter cette question, si vous
étiez déjà l'auteur de la maison, si vous aviez un contrat,
si vous y sentiez en quelque sorte déjà un peu chez vous.
D'ailleurs, à première vue, votre espoir me semble
léger ; selon le titre de la firme , ils sont déjà trois
directeurs. Il vous faut trouver un poste de quelque
envergure. Mais enfin, c'est à voir.
En vous proposant de traiter seul avec cette Maison,
je me mets délibérément entre vos mains – non , j'étais
et je voulais être entre vos mains dès le jour, où vous
m'avez proposé de traduire " Jean sans Terre ".
D'autres poètes m'ont proposé depuis de traduire
" Jean sans Terre " : j'ai toujours refusé en alléguant
que je vous considérais vous comme le traducteur.
( La traduction de William Carlos Williams me semble
être surtout un geste d'hommage amical.)
Vos longs silences m'ont souvent chagriné. Je
sais fort bien que vous aviez très peu de temps, même
pour vos propres oeuvres. Mais une carte postale de vous
m'aurait tranquillisé, alors que je sentais que vous
boudiez , sans pouvoir m'expliquer pourquoi.
Mais enfin, tout s'est aplani, et dimanche dernier,
j'ai senti votre réelle amitié. Je me réjouis beaucoup
de notre rencontre prochaine . Je crois, en effet, qu'en
8 jours , nous pourrions abattre un travail considérable.
Je crois qu'en 8 jours vous pourriez traduire au moins
la moitié de Jean sans Terre. Les premiers livres sont
faciles à traduire, surtout si vous ne vous enchaînez
pas à la rime, ce qui, réflexion faite, doit être envisagé.
Pendant mon séjour à La Havane, une jeune Cubaine
a traduit tout le I. Livre de Jean sans Terre en 5 jours,
et je pense que la traduction espagnole paraîtra bientôt.
Je me réjouis énormément à la pensée de venir
bientôt à Ithaca . La présence de Claire créera d'ailleurs
une ambiance poétique , qui est de grande valeur. Vous
apprendrez peut-être , à notre contact, une forme d'existence
que vous ne connaissez pas. Les discussions littéraires
avec Claire ne seront peut-être pas sans influence sur
vous.
J'attends donc de vos nouvelles. Si vous avez
annoncé ma visite à Pearce, écrivez-lui maintenant
que je suis parti à la montagne, et que je vous ai chargé
de mener les pourparlers. Mais ne proposez surtout pas
les " Chansons Malaises " : je les considère comme une
œuvre mineure, et je ne désire absolument pas qu'elles
paraissent avant " Jean Sans Terre ". Vous savez que je
laisse dans l'ombre toute ma production d'avant " Jean
Sans Terre ", et que je n'ai jamais eu beaucoup d'enthou-
siasme à la pensée d'envoyer des extraits des " Chansons
Malaises " aux revues . Je ne veux être introduit aux
Etats-Unis que par " Jean Sans Terre ". Plus tard, nous
verrons.
Mon cher Clark : je lutte hautement pour mon œuvre,
l'unique chose qui m'importe avant de mourir. Permettez-moi
de ne penser qu'à elle, pour une fois.
Ma main amie
SDdV 818 052
28 août 1940 : double d'une lettre de Goll à Clark Mills :
136 Columbia Heights
Brooklyn
August 28, 1940
Mon cher Clark
Merci pour votre précieux envoi de ce matin : les
trois photos ont beaucoup réjoui Claire, dont le premier
geste a été d'aller m'acheter un flacon de brillantine.
Quant à " Hérodias " que j'attendais depuis longtemps,
c'est avec un plaisir de gourmet que j'en ai savouré
la traduction, note et commentaires. Vous apportez une
contribution importante à l'art de traduire . J'admire
que vous puissiez combiner l'exactitude et l'effet poétique,
ce qui est rare et ce qui est l'idéal.
Aussi, inutile de vous dire combien je me trouve
heureux d'avoir trouvé en vous, comme je vous l'écrivais
hier le porte-parole de Jean Sans Terre .
A ce sujet, je vous ai envoyé un télégramme ce matin
pour ajouter un post-scriptum à ma lettre d'hier :
Je maintiens qu'il est préférable que vous entriez
d'abord en contact avec Pearce, mais je veux ajouter
que j'approuve entièrement votre attitude : " it might
be better to let him persuade us to give him manuscript,
rather dan to seem to eager ".
Donc attendons un peu avant de lui écrire davantage.
Je craignais que vous lui écriviez trop vite une seconde
lettre. Je suis d'avis que nous restions muets jusqu'au
jour où nous pourrons lui présenter tout de suite un
manuscrit terminé. Si nous nous mettons tout de suite au
travail, comme vous me le faites prévoir, nous pourrons
lui soumettre un travail manuscrit tout prêt.
Vous devez être éreinté par ce travail de déménagement !
Mais peut-être se trouve-t-il quelque fée (russe ou rousse)
pour vous aider à vous installer ?
Claire ne parle déjà plus que d'Ithaca. Elle fera très
bien comme Pénélope.
Bien à vous
SDdV 818 052
30 août 1940 : double d'une lettre de Goll à William Carlos Williams ***
136 Columbia Heights
Brooklyn
August 30, 1940
Mon cher William Carlos Williams
Votre long et inexplicable silence commence à m'inquiéter
après qu'au mois de juillet, ou même de juin, vous m'aviez
promis " qu'on se verrait dans quelques jours ". A force
d'attendre , on s'habitue à l'attente , et l'on souffre ,
au lieu de prendre la plume et d'écrire soi-même.
Finalement ; les suppositions les plus folles me
viennent à l'esprit : W.C.W. est-il fâché contre moi ?
Lui a - t on monté la tête ? ai-je quelque part des ennemis
inconnus ?
Peut-être vous imaginez-vous que je vous ai caché
quelque chose – en attendant simplement votre arrivée
pour m'ouvrir à vous tout entier ? N'avez-vous pas aimé
la publication de " Jean Sans Terre traverse l'Atlantique "
dans " Partisan Review" ? Taupin vous a-t-il raconté à sa
façon nos projets d'éditer " La France en Liberté ", projets
arrivés à un point mort, lorsque je déclarai qu'en principe,
un magazine, comme je l'envisage, devrait s'abstenir
de tomber dans la politique et dans la polémique ? Et sans
doute attendiez-vous que je vous entretienne à mon tour
de cette entreprise ?
Tout cela serait de peu d'importance, si nous avions
eu un entretien d'une heure, et si nous avions pu échanger
des pensées , que depuis toute une vie, nous avons omis
de nous communiquer.
Enfin il reste une troisième supposition : j'ai envoyé
à James Laughlin votre traduction de "John Landless leads
the Caravan ". Je crois que je vous avais annoncé jadis
mon intention d'envoyer le poème à " Poetry " de Chicago,
et vous ne vous y êtes pas opposé. Plus tard, j'ai pensé
que " New Directions " était bien plus important. Et j'ai
aussi envoyé un autre poème inédit " Jean sans Terre nettoyé
par le vide " et sa traduction par Clark Mills .
Je n'ai pas reçu de réponse de Laughlin, ce qui
m'étonne aussi beaucoup. Je sens de ce côté une certaine
résistance, qui me semble étrange également. Je me demande
si les Surréalistes, dont il prépare une anthologie, n'y
sont pas pour quelque chose. En tout cas, je sais que
Nicolas Calas est entré dans une violente colère à la
lecture de la " Note on Jean sans Terre " par Louise
Bogan, dans " Partisan Review " de July-August, où elle
écrit des choses vraiment faites pour déplaire aux
Surréalistes, mais pour lesquelles, au fond, je ne
suis nullement responsable !
En ce moment donc, les Surréalistes ont une place
favorite à " New Directions ". Est-ce pour cela que
Laughlin me boude ? D'ailleurs, je ne suis pas du tout
antisurréaliste : au contraire, je me sens aussi surréa -
liste que beaucoup d'entre le groupe , sans en faire
partie officiellement.
Il se peut que toutes ces suppositions soient erronées,
et que de toutes ces élucubrations bien françaises,
rien ne soit pas possible dans cette grande et franche
Amérique.
En effet, l'accueil des Américains est si généreux,
et vous-même m'en avez donné un exemple si sensible,
que j'ai honte maintenant de ces craintes mièvres.
Je montre à tout le monde votre belle traduction
de " John Landless leads the Caravan ", dont je suis
si fier.
Mon Dieu, que cette question des traductions est
donc difficile. Le traducteur est toujours quelqu'un
qui se sacrifie et qui se soumet. Et les poètes ont
leurs propres chimères qui les tourmentent. Ainsi,
Clark Mills, qui est professeur à Cornell, Ithaca,
ne peut aussi me consacrer que peu de temps.
De désespoir, savez-vous ce que je viens de faire?
Je viens de traduire moi-même mon dernier poème :
" Jean Sans Terre aborde au dernier Port ", et je suis
tout-à-fait confus du résultat. Je vous l'envoie
ci-inclus, et je vous serais très reconnaissant de
me dire très franchement ce que vous en pensez.
J'aurais voulu envoyer ce poème aussi à Laughlin,
de sorte qu'il ait ainsi une petite trilogie, dont je
vous soumets ci-inclus aussi les 2 autres pièces.
Nous habitons maintenant à Columbia Heights, régnant
ainsi sur tout le port de New York, de Brooklyn Bridge
à la Statue of Liberty. Je lui dois " Le Dernier Port ".
Viendrez-vous un jour contempler cette vue unique ?
Croyez-moi très affectueusement votre
SDdV
1er septembre 1940 : double d'une lettre de Goll à Clark Mills ***
New York, Sep I, 1940
Mon cher Clark,
C'est vraiment le cœur battant, que je vous regarde
vous débattre avec tant d'obstination contre un sort
défavorable. Cornell est en train de vous dévorer, et
vous luttez contre cette hydre avec le courage d'un
Thésée .
Je me sens presque coupable, ici à New York, de ne
pouvoir vous venir en aide. Mais moi-même arrivé ici
il y a exactement un an , je n'ai pas encore réussi à
gagner un seul dollar – sauf ceux de Partisan Review.
Il semble que le poète, dans la société actuelle,
soit condamné d'avance, soit à la famine , soit à la
reddition et à l'abandon de sa liberté.
Mais , restons poètes , l'un vis-à-vis de l'autre.
Vous êtes venu vers moi à Noël, il y a 8 mois, pour
me proposer de traduire Jean sans Terre . Aujourd'hui,
2 poèmes sont traduits, et pas un seul des 3 volumes
existants. Je comprends l'angoisse qui vous étreint
à la pensée de l'hiver prochain. Mais je vous demande
une seule preuve de votre "faithfullness" envers " Jean
sans Terre" : c'est de lui consacrer pendant ces vacances,
c'est - à - dire avant le 25 Sep., 8 jours entiers. Si cela
ne vous est pas possible, vous m'avertissez vous-même
que le cas est sans espoir.
Vous le sentez vous-même qu'un traducteur doit à
l'œuvre , dont il a pris la charge, un dévouement spécial :
il l'adopte , il doit faire pour elle autant que pour ses
propres enfants.
Les résultats ont prouvé que le temps consacré à
Jean sans Terre ne serait pas du temps perdu. Vous me
demandez mes derniers manuscrits : j'en ai très peu.
Vous avez la Chanson de France. Le poème traduit par
William Carlos Williams est le I du 3. Volume.
Ce qui importe aujourd'hui, c'est de préparer le
terrain pour la traduction des 3 volumes (en partie).
Aussi, c'est ce que je viens de faire, en traduisant pour
mon plaisir " JST devant le Miroir " (Vol. I.) J'ai même
joué la difficulté en employant la double rime, ce qui
n'est pas nécessaire. J'ai simplement voulu voir ce que
cela pourrait donner. Vous sourirez peut-être.
Les jours prochains éclairciront la situation.
Je vous ai demandé d'écrire à M. Pearce dans le cas
où vous seriez vraiment le traducteur et, pour ainsi
dire, le fondé de pouvoirs de " Jean sans Terre" . Et
pour lui annoncer que nous lui soumettrions au moins
une partie de la traduction avant la fin de ce mois.
Mais si vous ne voyez pas la possibilité d'arriver à
ce résultat, inutile de lui écrire. J'irai le voir.
Seligmann m'a dit que vous aviez décidé de publier
un nouveau volume avec lui. Peut-être sont-ce des
travaux de dernière heure qui vous empêchent de vous
consacrer à une tâche promise depuis des mois ?
Croyez-moi sincèrement vôtre
SDdV 818 052
3 septembre 1940, lettre de William Carlos Williams à Goll
September 3 . 1940
Dear Goll :
We ' ll meet around New York sometime this winter I 'm
sure but let 's not pretend more than is possible. I had every
intention of going in to see you as I promised last spring but
found it impossible at the time due to the work here where I
my mind to let it go at that. I can do no more. I 'm sorry if
you have counted on my closer assistance.
As you say I did meet Calas at the house of a friend
and spoke to him of you. He said he knew you but gave me the
impression that you were not friends. He did not however attack
you, he merely said that you had nothing in common.
Then I saw your name on Rene Taupin's prospectus and
expected that I might meet you ar his house in the country one
Sunday when I was there. But a said that you had decided not
to contribute to his new magazine. So it goes. The unexpected is
always happening and what we expect to do we seldom fully
accomplish. My life is an extremely busy one. I find too often
that I have promised more than I can fulfill. I must stop it.
The translation by Clark Mills is I think very well done.
My own seems a bit awkward compared to it though I have not
compared the originals. Your own translation of the third place
is rather poor. You have changed the meanings of the lines so
much that the translation wouldn ' t evan be recognized as the
original in several places. For that reason I have sent with this
a sketch of hat seems to me a better basis to work on.
The world is in so disturbed a state that I hope you
will forgive me# for my dilatoriness. I can ' t do more than I am
doing. An may I say that I admire what you have don even
though I understand quite well why Nicolas Calas opposes you.
I agree with him in some things – as you do yourself.
Sincerely yours
WCWilliams
SDdV
5 septembre 1940 : double d'une lettre de Goll à Padraic Colum
136 Columbia Heights
Brooklyn. N.Y Sep 5, 1940
Chers Amis,
N'ayant plus rien entendu de vous depuis longtemps,
nous espérons, Claire et moi, que vous avez passé
un été à la fois agréable et fertile. Fertile dans le
double sens , que vous ayez pu faire des lectures,
mais aussi que vous avez pu écrire des oeuvres .
Pour ma part, je souhaite que le poète Padraic
ait de nouveau écrit une série de poèmes, dédiés soit
aux fleurs aux oiseaux ou aux étoiles, et dont chacun
contient pourtant le monde entier.
Pour ma part, cet été, j'ai enregistré un premier
résultat : "Partisan Review" a publié mon poème
" Jean Sans Terre traverse l'Atlantique ", en français
et dans la traduction anglaise, dûe au poète Clark Mills,
qui est actuellement Professeur à Cornell University.
Ithaca. ( Je vous envoie le numéro du magazine.)
Et justement, je voulais vous parler de lui :
Clark Mills est assez malheureux à Ithaca , où ses
travaux universitaires l'empêchent dans une mesure
considérable d'écrire les oeuvres qui le hantent.
Il cherche un autre emploi à New York, mais c'est
actuellement très difficile d'en trouver un.
Aussi, pour obtenir un peu de liberté, il brigue
cette année la " Guggenheim fellowship" : je crois que,
si vous vouliez donner des références à son sujet, et
appuyer ainsi sa candidature, vous lui rendriez un
très grand service , et à moi aussi , car il trouverait
ainsi plus de temps et d'aisance pour traduire mes
poèmes de "Jean sans Terre ".
Je suis à votre disposition pour vous donner tous
les renseignements que vous pourriez désirer . Dans
l'espoir de vous revoir bientôt tous les deux à New York,
recevez , chers amis , les meilleures amitiés de Claire
et de votre
SDdV
12 septembre 1940 carte de Goll à Mr et Mme Alphonse Lazard
chez M. Cahen, 26 Boul Lhotelier à Dinard, Ille et Vilaine, France
retour à l'envoyeur
Mes bien chers,
Je viens vous envoyer à l'occasion des fêtes les meilleurs voeux de Claire
et de moi-même, dans l'espoir que vous supportez en bonne santé et avec
confiance ces temps difficiles. Voyez(vous souvent ma chère Rebecca qui
est bien seule et à laquelle il faut pardonner bien des maladresses.
L'humanité est tellement à plaindre : il faut que les individus se pardonnent
leur condition humaine.
Bien des choses à vos enfants.
Sincèrement votre Mignon
SDdV 510311. I
16 septembre 1940 : double d'une lettre de Goll à Edouard Roditi *** (1/16)
Ithaca Sep. 16, 1940
Mon cher Edouard Roditi
Le premier geste de Clark Mills, à mon arrivée à
Ithaca samedi dernier, a été de me transmettre
votre lettre. Un tel souvenir de Paris , venant à ma
rencontre, dans la première ville à l'intérieur de
l'Amérique …. C'est bien bizarre, et cela m'a beaucoup
touché.
Je me rappelle les heures ardentes que nous avons
passées ensemble, dans ce Paris , dont la poésie était
encore le seul souci, " le beau souci ".
Et c'est sur les chemins poétiques de la terre que
nous nous rencontrons de nouveau. J'en suis ravi. La
poésie est notre seul sauvetage et notre dernière raison
d'être. Elle vient à nous, ici en Amérique , pour nous
faire oublier la dureté de notre route , qui est longue,
longue encore sur une terre qui devient pourtant petite,
si petite.
Selon votre désir, je vous envoie mes derniers livres
de vers, qui ne seront, à votre étonnement, pas du tout
ce que vous attendiez, puisque vous me parlez de ceux
que vous avez connus avant 1936. Depuis j'ai entrepris
ce poème de " Jean sans Terre " dont la longueur n'est
pas à prévoir, puisqu'elle dépendra sans doute de celle
de ma vie. J'exprime dans " Jean sans Terre " tout ce que
j'ai sur le cœur et dans la tête, et ce que, je pense,
ont aussi tant de mes contemporains.
Voici les trois volumes qui ont paru à Paris. Je suis
en train d'écrire le quatrième ici, qui contiendra des
poèmes d'une haleine plus longue que les quatrains popu-
laires des premiers volumes, tel que ce poème qui vient
de paraître dans " Partisan Review ". Clark Mills me les
traduit.
Je serai très heureux de lire dans "Diogenes " –
qui a aussi demandé à Clark Mills quelques poèmes trad-
uits – votre opinion sur cette œuvre , à cette distance ,
dans le temps et l'espace, de ses origines.
Je rentrerai la semaine prochaine à New York, où
nous sommes installés, ma femme et moi, à Brooklyn, et
où nous serons heureux de vous recevoir , si vous y passez
un jour.
Bien cordialement votre
136 Columbia Heights
Brooklyn, N. Y. IvanGoll
SDdV
ne peut être reproduit sans l'accord de l'UNIVERSITY OF CALIFORNIA
, LOS ANGELES DEPARTMENT OF SPECIAL COLLECTIONS.
The Nation 151-n°41 (hebdomadaire) : 28 Sept. 1940 :
Ivan Goll, * Chanson de France Nous n'irons plus au bois ma belle
2 octobre 1940 : double d'une lettre de Goll à Laughlin
136 Columbia Heights
BROOKLYN
New York
Oct. 2, 1940
Cher Monsieur Laughlin
Après les premiers encouragements que vous m'avez
écrit au printemps et l'intérêt que vous avez porté
à mon œuvre, selon une lettre que m'a envoyée à cette
époque Delmore Schwartz, vous vous êtes subitement détourné
de moi, et je viens d'apprendre enfin, pourquoi . C'est
Nicolas Calas lui-même qui m'a avoué vous avoir décon -
seillé de publier mes poèmes.
Nicolas Calas a le droit de ne pas aimer ce que je
fais . Il est surréaliste . Il est d'une école . Et vous
connaissez assez bien les milieux littéraires de Paris
d'antan, pour savoir qu'une chapelle exclut sans pitié
tout poète qui ne professe pas sa religion.
D'autre part, l'hostilité de Calas redouble, lorsque
dans Partisan - Review, Louise Bogan, en écrivant un
petit article sur moi ( que vous connaissez sans doute)
attaque le surréalisme. Cela ne fut pardonné ni à
Bogan, ni à Partisan, ni à moi.
Mais vous, cher Monsieur Laughlin, vous vous intéressez
à toutes les " New Directions ". Vous n'auriez pas dû
n'écouter que les voix d'une rive, et rejeter les autres.
Vous admirez par exemple aussi William Carlos Williams
(qui n'est pas le moins du monde surréaliste) et j'ai
le grand honneur d'être estimé par Williams. Je vous
ai déjà envoyé une traduction qu'il a faite de mon poème
" John Landless leads the Caravan ". Et voici qu'il vient
de m'envoyer une autre traduction " John Landless at the
Final Port ".
Je voudrais vraiment savoir, Monsieur Laughlin , si
vous rejetez ma poésie , et pourquoi . Les poètes s'entre-
déchirent comme des loups. Mais vous devez être un juge
impartial
Faut-il qu'à notre époque, le poète, chassé de partout,
par les ennemis de l'esprit, soit finalement dévoré
par …. les poètes ?
Croyez-moi sincèrement votre
SDdV
9 octobre 1940 ce brouillon de Goll pour Gustave Cohen **
datée par Claire 9 octobre 1941
M. Clark Mills a déjà rendu des services importants
à la littérature américaine et française, comme poète
et comme traducteur.
Les nombreux poèmes qu'il a publié dans Poetry,
Voices, Partisan-Review, et autres magazines prouvent
qu ' il allie à une technique du vers très raffinée et
personnelle une sensibilité et une émotion, qui font
de ses poèmes des modèles de perfection.
Son séjour en France a laissé des traces profondes
dans toute son œuvre : il y a étudié à fond le symbolisme
et il en est devenu, non seulement le commentateur, mais
mais un héritier indirect pour l'Amérique. En tant que
poète , Clark Mills a rapporté de France une série de
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
xxxxxxxxxxxxxxxx tableaux et de portraits qui expriment,
comme dans "Port-Royal " ou "Rimbaud" , xxxxxxx
toute l'atmosphère d'un pays. Le génie de ses paysages
et l'esprit de ses grands hommes, dans des raccourcis
merveilleusement clairs et concluants.
Cette fréquentation constante avec les symbolistes
lui a également permis de rapporter en Amérique, des
traductions qui prouvent sa parenté avec ses pairs.
Dans "Hérodiade" de Stéphane Mallarmé, qui a paru
cet été 1940, et qui lui a valu les éloges d'un grand
nombre de critiques, Clark Mills s'est attaqué à la tâche
la plus rude , car Mallarmé est réputé pour être le poète
le plus difficile de tous les symbolistes ; c'est avec
maîtrise cependant qu'il a surmonté cette suprême épreuve.
Ceci dit, c'est avec une grande satisfaction que
je peux attester que Clark Mills vient de traduire une
grande partie de mon poème en trois parties Jean sans Terre :
avec une aisance et un savoir-faire remarquables :
car non seulement , son vers flexible se soumet avec
un élasticité de danseur à toutes les fantaisies de
l'original, mais il ajoute aussi les raffinements nouveaux
de la langue anglaise. En faisant ceci, le traducteur ne
devient pas seulement un adaptateur, mais un créateur.
Clark Mills possède en lui de grandes ressources
artistiques et spirituelles. Je suis certain que s'il avait
le temps et la liberté de s'adonner corps et âme à la
littérature, il produirait des oeuvres de grande valeur.
SDdV
9 octobre 1940 : double d'une lettre de Goll aux Chagall
136 Columbia Heights
BROOKLYN
New York
U.S.A.
9 Octobre 1940
Chers Marc et Bella
Nous avons reçu de vos nouvelles par des amis
communs, et j'ai eu la joie d'apprendre que nos
efforts auprès du Museum of Modern Art, pour organiser
quelque chose pour votre peinture, sont couronnés de
succès. Sans doute avez-vous été avisés directement.
Mais de notre départ, nous sommes tout-à-fait à
votre disposition pour faire d'autres démarches dont
vous auriez besoin.
Savez-vous que vos amis de Toronto sont arrivés
ici ? C'est M. qui vient de me le téléphoner.
Nous espérons que vous vous portez bien , tous
les quatre, et que c'est en famille que vous pourrez
entreprendre le voyage.
Recevez notre fraternel souvenir
SDdV
10 octobre 1940 carte de Goll à Madame Veuve D. Kahn
chez Madame Le Marinier, 24 Boul Lhotelier à Dinard,Ille et Vilaine, France
retour à l'envoyeur
10 Oct. 40
136 Columbia Heights
Brooklyn, New York
Ma chère Rifka
A la veille de la grande A
que je célébrerai comme de coutume en pensant à toi et à tout mon passé,
je t'envoie mes meilleurs voeux de bonne santé. Demain ce sera le grand jeûne
pour nous tous en Amérique qui sommes de cœur avec vous.
Je n'ai rien reçu de toi depuis le début du mois d'Août, mais je sais que
les correspondances sont devenues très rares. Claire se joint à moi pour t'envoyer nos plus affectueux baisers
Mignon
SDdV 510311. I
11 octobre 1940 lettre d' Edouard Roditi à Goll
11 / 10 / 40
Vendredi soir
Cher ami,
J'ai passé deux jours tuants
à New York sans trouver un instant
pour vous faire signe, tant , sans
téléphone , vous êtes difficile à
rejoindre ;
Je serai de nouveau à N. Y.
dimanche matin ou dimanche soir.
Pourriez - vous donc essayer de me
téléphoner vers dix heures du matin,
dimanche ou lundi , chez
Ed Horn , 3 East 69 th , pour
que nous prenions rendez - vous.
J'habite chez lui et il est dans
l'annuaire.
J'ai vu Vera Sandomirsky
qui m'a montré votre première
plaquette . Bravo
cordialement,
E Roditi
Lundi matin plutôt vers 9 heures
et demi, s. v. p. – je veux sortir vers
10 heures
SDdV
13 octobre 1940 lettre de James Laughlin à Goll
NEW NORFOLK
DIRECTIONS CONNECTICUT
Le 13 Octobre
Cher Monsieur Goll -
Je vous assure que vous avez tort.
Je n'ai rien contre vous, et je n'écoute point ce que
dit Calas . C'est un gentil type mais un peu fou dans
ses jugements littéraires.
Si je ne vous accorde pas place
dans New Directions 1940 c'est tout simplement qu'il
y avaient trop de choses qui m'intéressaient plus.
Je ne veux pas dire que vos choses
ne sont pas bonnes . Au contraire, je les trouve très
intéressantes. Mais il n'y a pas de place pour tout ce
qu'on aime.
Au moment je compte avoir l'année
prochaine une partie du livre devouee a la France en
exile . J'espère vivement que vous voudrez y assister.
Bien à vous
J. Laughlin
SDdV
14 octobre 1940 lettre de Goll à Manolo Altolaguirre ***
136 Columbia Heights
Brooklyn
New York
14 octobre 1940
Mes chers Amis,
Ce matin me parvient votre charmante lettre et
la nouvelle traduction de "Jean sans Terre ", par
Manolo et par Bernardo Clariana : oh quelle magnifique
surprise : c'est devenu un poème parfaitement espagnol,
rythmé, incantatoire – de telle sorte qu'il me semble
même mieux fait pour l'espagnol que pour le français :
vu que dans cette dernière langue le quatrain à vers
de 5 syllabes paraissait étrange et est réellement très
rarement employé.
Je n'ai qu'à vous adresser, mes chers amis, les
remerciements les plus affectueux et, ci-inclus, le
chèque de 50 dollars, afin que vous puissiez mettre
sous presse le plutôt possible. Ce sera un grand
honneur pour moi de figurer dans la célèbre collection
" el ciervo herido ". Croyez-vous que le petit volume
pourra être prêt pour Noël ?
J'ai appris que Paul Eluard se trouve dans le Midi
de la France, en sûreté, et l'on fait des efforts pour
le faire venir en Amérique. Je crois aussi que Breton
arrivera bientôt au Mexique. Quant à Malraux, on dit
qu'il est prisonnier de guerre dans le Nord de la France.
De nombreux autres écrivains français sont déjà arrivés
à New York : Maeterlinck, Romains. Cette semaine, un
grand nombre d'écrivains allemands, échappés aux camps
de concentration français. en passant clandestinement
par les cols des Pyrénées, viennent d'arriver à New York :
Franz Werfel, Heinrich Mann, Feuchtwanger, et beaucoup
d'autres.
La revue que je projette d'éditer, est en bonne voie.
L'arrivée des poètes européens va considérablement faciliter
sa publication. Mais il y a encore des difficultés tech -
niques à aplanir. Vos noms, chers Manolo et Concha, figu-
reront parmi les premiers sommaires.
Pendant les vacances, il était difficile d'établir
des contacts : maintenant que les réunions d'écrivains
recommencent , je vais voir ce qu'on pourra faire au
sujet d'impression de leurs bouquins par " La Veronica ".
Je n'ai pas oublié nos projets.
J'espère qu'enfin votre santé à tous deux est rétablie
et que vous recommencez une année de travail fructueuse.
Transmettez mes meilleurs compliments à tous les amis.
SDdV
15 octobre 1940 lettre de E. Roditi à Goll ***
Ponce de Leon Hotel
le 15 octobre 1940 4555 Main Street
Kansas City, Missouri
Cher ami,
Merci de votre lettre, de vos livres et surtout des
deux beaux poèmes que j'avais d'ailleurs déjà lus. J'ai
terminé mon petit article il y a huit jours et l'ai envoyé
à DIOGENES. J'espère qu'il vous plaira. Franchement, j'attache
beaucoup d'importance à vos deux derniers poèmes, où les
événements ont épuré une inspiration que, je crois, les
dernières années du surréalisme troublaient encore.
Connaissez-vous Robert Goffin, en ce moment à New York
Il paraît qu'il doit fonder une revue française . Si vous
êtes au courant , renseignez - moi, je vous prie.
Avez - vous des nouvelles de Malraux, Aragon, Nizan,
Benda, Paulhan, Friedmann ?
Pierre-Quint doit arriver prochainement à New York.
Je fonderai peut - être avec lui une maison d ' édition , hériti -
ère du Sagittaire que nous possédons toujours à Paris. Je
lui ai envoyés ses affidavits la semaine dernière, ainsi
qu'à son cousin.
J'ai reçu une carte mystérieuse , en juin, de notre
amie Alix Stiel , qui était alors internée mais comptait
bientôt rejoindre sa mère et son frère au Brésil.
A part cela, pas de nouvelles de France, sauf de
Denise Van Moppes, une romancière que vous connaissez
probablement, qui était lectrice chez Grasset. Elle veut
venir ici et me demande de lui procurer , pour qu'elle
puisse obtenir un passeport , des lettres d ' éditeurs améri -
cains qui exprimeraient le désir de discuter le coup avec
elle. Si vous voyez moyen d'en procurer, pourriez-vous me
les envoyer pour que je les lui expédie avec ses autres
papiers ? Je maintiens une sorte d'agence d'immigration
et n'ai pas honte de demander service à tous mes amis. Je
crois même que Maurois m'en veut parce que j'ai ainsi troublé
son inspiration (?) avec des demandes de ce genre auxquelles,
d'ailleurs, il n'a pas daigné répondre, ce qui ne m'a guère
surpris.
Encore merci. Dès que Pierre-Quint sera à New York,
je compte y venir pour quelques jours de conciliabule et
de conspiration.
Cordialement,
E Roditi
Edouard RODITI
SDdV
16 octobre 1940 lettre de Goll à E. Roditi ****
136 Columbia Heights
Brooklyn, N. Y.
Oct. I6, 1940
Mon cher ami,
Je m'empresse de répondre à votre si amicale lettre
et de vous remercier tout d'abord pour l ' article
que je lirai avec un intérêt particulièrement vif
dans " Diogenes " : savez - vous que vous êtes très
admiré à New York, comme poète et comme critique ?
bientôt
J'espère que j'aurai le plaisir de vous avoir
chez nous, dans notre petit appartement qui donne
sur le Harbour, avec une vue qui va de Brooklyn Bridge
à Governers Island , et de bavarder avec vous xxx sur les
beaux jours de Paris, sur tant d'amis provisoirement
perdus (quant à moi, je n'avais plus eu de nouvelles
d ' Alix Stiel depuis des années) et sur vos projets
littéraires, qui me semblent si pleins d'avenir.
Je m ' occupe également d ' une quantité d'écrivains
désireux de venir en Amérique : l ' autre jour, un petit
comité, formé de Jules Romains , Maritain, Robert de
Saint-Jean , Klaus Mann et autres, s'est réuni pour discuter
des moyens de leur venir en aide. Si vous voulez, je
leur soumettrai le cas de Denise van Moppès , et j'essaie -
rai aussi d'obtenir les lettres d ' éditeurs que vous
me demandez.
Voici d ' ailleurs quelques nouvelles : il paraît que
Malraux est prisonnier de guerre dans le Nord de la France.
Jean Paulhan se trouve chez Henri Pourrat, et veut
venir ici. La NRF n ' existe plus. Gallimard est en disgrâce,
notamment à cause de la constante collaboration de Benda.
Eluard se trouve dans le Midi. Breton, dit-on, irait
au Mexique.
Malgré que l ' obtention de visas devienne de plus
en plus difficile , on a bon espoir de les faire venir
en Amérique.
Mais oui , je suis souvent avec Goffin, et la " revue
française " qu ' il doit fonder , est plutôt ma revue :
c ' est - à - dire que j'ai depuis plusieurs mois étudié
le projet , que j'ai déjà un bon nombre de manuscrits -
entre autres des 4 écrivains du comité cité plus haut –
et que je n'attends qu'un surplus de fonds pour partir.
et Goffin m'a promis de me procurer ces fonds. D'ailleurs,
et tout naturellement, je serais heureux de recevoir
de vous un article sur un thème, que vous choisirez,
je suis sûr, très judicieusement.
J'espère vous lire bientôt et vous envoie mes
meilleures amitiés
Ivan Goll
SDdV
ne peut être reproduit sans l'accord de l'UNIVERSITY OF CALIFORNIA
, LOS ANGELES DEPARTMENT OF SPECIAL COLLECTIONS.
16 octobre 1940 double d'une lettre de Goll à Clark Mills :
136 Columbia Heights
Brooklyn, N. Y.
Oct. I6, 1940
Mon cher Clark,
Claire et moi sommes très peinés d'apprendre
les épreuves auxquelles vous êtes soumis continu -
ellement. Tout d'abord à l'hôpital, puis maintenant
cloué chez vous – mais heureusement que ce ne sont
que des malaises passagers. Et peut-être que ces
vacances forcées vous ont inspiré quelque nouveau
poème ?
Je vous réponds tout de suite pour vous annoncer
que je viens de téléphoner à Padraic Colum, enfin
rentré in town ; il est tout-à-fait d'accord que
vous le citiez comme sponsor. Je lui ai envoyé
les poèmes que je possède de vous. Voici sa nouvelle
adresse : 415 Central Park West. Téléphone Riverside
Drive 9- 5587.
Quant à mon nom, il est bien naturel qu'il est à votre
disposition, s'il peut vous être utile.
Je me réjouis des bonnes nouvelles concernant
" Diogenes " et je suis entièrement d'accord avec
votre proposition, de leur envoyer tout un choix
de poèmes de " Jean sans Terre ",sauf, je pense :
" East Port " et " Purchases Manhattan " qui peuvent
facilement trouver accès dans un grand magazine
très réputé ici.
Quant aux "Chansons Malaises", je vais encore une
fois vous désillusionner, en vous demandant de ne
pas en envoyer en même temps que "Jean sans Terre",
pour ces deux raisons, que je préfère voir publier
un poème de JST de plus que trois Chansons (pour le
moment) et, secundo, vu que l'article de Roditi
ne les mentionnera pas, puisque je ne lui ai pas envoyé
l'exemplaire des " Chansons ".
Nous pensons souvent à Ithaca et à son automne
sanglant. Nous aimerions bien savoir quel genre de
vie vous menez maintenant dans votre "appartement",
et si Charlie vous est resté fidèle, ou s'il a tenté
sa chance ailleurs.
Claire vous envoie son plus beau sourire, et moi
tout mon amitié
SDdV 818 052
19 octobre 1940 lettre dactylographiée de E. Roditi à Goll
Ponce de Leon Hotel
Samedi. 4555 Main Street
Kansas City, Missouri
Cher ami,
Merci de votre lettre, qui vient d'arriver. Je ne
savais pas qu'on parlât de ma poésie à New York ……
J'ai tout de suite écrit à un ami Américain de
Malraux, qui me demande tout le temps de ses nouvelles. Cet
ami, Haakon Chevalier, peut d'ailleurs vous être utile ; il
enseigne le français à l'Université de Californie, à
Berkeley et collabore è la Kenyon Review etc …. Je
lui ai conseillé de communiquer avec vous ou Goffin.
J'ai enfin expédié tous les affidavits pour Léon
Pierre-Quint et son cousin, Claude Constantin Goldstein. Je
pense que vous les verrez à New Tork en Novembre. Si vous
n'avez pas encore pu organiser le départ de votre revue, il
est possible que Pierre-Quint puisse vous aider, puisque nous
avons des projets d'édition ici.
Ci-inclus un de mes derniers poèmes. Si vous pouvez
le traduire et l ' utiliser, je vous en serai très reconnais-
sant. Et je verrai ce que je peux faire comme essai de
critique, ou d'esthétique. J'ai plusieurs problèmes en main,
et j'écrirai peut-être un de mes essais en Français.
J'ai pu réunir quatre lettres pour Denise Van Moppes :
Une de Harcourt Brace, une de la Revue View, une de Books
Abroad, une de Chevalier. Si vous pouvez m'en procurer deux
ou trois autres, je crois que cela suffira.
J'ai aussi signé des " affidavits of moral of sponsorship"
pour Vladimir Pozner qui doit arriver vers Noël , avec sa
femme, son ex-femme, le mari de celle-ci ( Eli Lothar Teodores-
co) et toute une smalah d'enfants. Enfin, je m'occupe en ce
moment du cas d'une réfugiée allemande qui habitait Paris
depuis 1933, Mlle Lotte Eisner. Puis, j'aurai mes cousins,
etc ….. ce n'est pas gai . Je ne vois guère comment je pourrai
venir à New York, tant j'ai de frais ici, sans bouger, mais
je reste optimiste.
Une de mes amies, Vera Sandomirski, vous fera
peut-être signe : elle est Russe, de Berlin et de Bruxelles,
et prépare une série d'essais sur les poètes soviétiques. Je
corrige son anglais, en ce moment. Vous la trouverez très
intelligente et charmante. Elle est en Amérique depuis trois
mois.
Si je peux vous être utile, pour obtenir des visas,
n'hésitez pas à me demander quoi que ce soit. N'oubliez
pas que je suis américain depuis toujours, professeur ( ce qui
est fort respectable) et que je suis éditeur à Paris. Le
consul à Marseille sait tout cela et je lui ai écrit que
je compte donner ma garantie morale à tous les écrivains
dont j'ai publié les livres : Mabille, Breton par exemple,
sont des auteurs du Sagittaire, ainsi que Pozner pour qui j'
ai déjà donné ma garantie.
Mon frère qui était à Londres, a eu la drôle d'idée
de s'y marier et de vouloir y rester, quoiqu' américain.
Il m'a cablé "We are in Seventh Heaven ", ce qui est comique
en ce moment. Il a épousé la sœur de Madame Colorni, dont le
mari a été condamné à mort, pour antifascisme en Italie, il
y a deux ans ( mais il n'a pas encore été décapité et je
crois que toute cette histoire est terminée et qu'il sera
relâché)
A bientôt, j'espère . Mes hommages
à votre femme. Cordialement
EdouardRoditit
SDdV
21 octobre 1940, lettre d'Eugène Jolas à Goll
1049 Park Avenue
New York City
Oct. 21, 40
Mon cher Goll :
Votre lettre du 15 octobre m'est seulement parvenue ce matin et je m'excuse
du retard de ma réponse. Maria est arrivée avec les enfants il y a deux
semaines après un interminable voyage de Vichy , et nous sommes installés
finalement à 1049 Park Ave. après bien des péripéties. Le courrier m'a suivi
avec beaucoup de retard. D'ailleurs je n'ai jamais reçu votre dernière
lettre qui a dû être égarée par la poste .
J'ai peu écrit en français depuis six mois. Je trouve le brouillon d'un
seul poème écrit directement en français : Lettre à ma Mère en France. Voud -
riez vous voir ce poème que je peux taper à la machine ? Je comprends bien
que c'est difficile pour vous de publier des poèmes en anglais.
Georges Duthuit est toujours dans la maison de mon beau-frère , l'écrivain
Wallace Irwin , Strongbox, East Setauket, L. I., N.Y. Vous pourrez l'atteindre
à cette adresse.
Bien cordialement , et à bientôt,
EugeneJolas
SDdV
22 octobre 1940 lettre de Goll à E. Roditi ****
136 Columbia Heights
Brooklyn, N. Y.
Oct. 22, 1940
Cher Ami,
Je vous remercie de votre charmante lettre
et du poème émouvant, où bien des trouvailles me
réjouissent :
" interned in timelessness"
" a flower
" Distilled from night, forgot , but kept
" Within the skin like syphilis. "
Peut-être dans un numéro, y aura -il une
petite anthologie de poètes américains, chantant
la France.
J'attends en effet encore du renfort. Vous
croyez que Pierre-Quint pourra l'apporter ?
Pour aujourd'hui encore quelques questions
supplémentaires : quel genre de lettre les éditeurs
doivent-ils écrire pour Moppès ? ( Pouvez-vous
m'envoyer un brouillon ? et quelle est l'adresse
de V. Sandomirski ? Vous ai-je dit que de mon côté
je m'occupe de faire venir Chagall et Kisling ?
Ma main amicale
Ivan Goll
N'oubliez pas l'essai d'esthétique en français !
Dans votre avant-dernière lettre, je n'ai pas
tout-à-fait pigé le sens du petit article que vous
avez envoyé à Diogenes . En avez-vous une copie ?
( de l'article)
SDdV
ne peut être reproduit sans l'accord de l'UNIVERSITY OF CALIFORNIA
, LOS ANGELES DEPARTMENT OF SPECIAL COLLECTIONS.
28 octobre 1940, journal d'Ivan Goll
Great Barrington
Le paysage de New England est, paraît-il un des plus
beaux de l'Amérique. L'après-midi nous allons
dans les environs, où il y a un ranch, et où
Louise peut enfin justifier son accoutrement
d'Amazone, qu'elle n'a pas quitté de toute la journée.
Elle fait une longue course dans les bois avec „Bergie"
qui est en extase devant elle.
Nous faisons une petite promenade avec Kerillis
et sa belle-sœur qui est charmante comme femme et
comme mère. Elle a 3 fillettes, dont la plus jeune
de 3 ans est sourde et muette, et qui pourtant a
tant de grâce.
Le sommet de Great Barrington est somptueux.
Le lendemain matin, après un breakfest bien tassé,
nous repartons vers New York avec Bergmann en
plus, dont l'importance politique se révéla, non
seulement par ses récits pendant le voyage –
nous retraversons ces paysages un peu thuringiens,
mais sans âme, puisque non encore modelés par
la main et la pioche de l'homme – mais par sa
suite au Savoy Plaza, où il nous conduit un instant,
en arrivant.
29 octobre 1940, journal d'Ivan Goll (Claire a 50 ans ce jour)
mardi New York
Anniversaire de Claire : Quelques roses rouges,
les Cathédrales de Rodin, 2 robes.Je ne veux pas
mentionner son âge, car elle se contente de cadeaux
comme une enfant.
Nous déjeûnons en ville : puis Claire va à l'Hôtel
St Moritz, où nous sommes invités chez Feuchtwanger.
Moi, je vais à Gotham Book Mark 51 W 47, où
William Carlos Williams signe son livre "In the Money"
sous les auspices de son éditeur James Laughlin, et
„New Directions".
Je vois Williams pour la première fois, et je le
remercie avec effusion pour ses 2 traductions de
Jean sans Terre qu'il a faites sans être sollicité.
Visage très net, très droit, œil inquisiteur du
médecin, voix chaude du poète.
Il est réellement fêté comme un maître par
toute la jeunesse littéraire de New York.
James Laughlin „ le plus grand le plus haut " de
tous, a de douces manières pour dire„merci,non"aux
solliciteurs.
Je suis étonné de me trouver très à l'aise dans ce
milieu poétique où presque tout le monde me
connaît après la publication de seulement 2 poèmes
dans Partisan Review et The Nation.
Des groupes se forment très naturellement :
le groupe surréaliste: Calas me présente à Ch.H. Ford,
Parker Tyler, Matta etc.
Voici Harry Brown et S. Thomson qui hier m'ont
demandé de collaborer à leur nouvelle revue Vice New
Voici le groupe franco-américain : Jolas, Duthuit,
M. Block l'éditeur de Living Age, et Julien Lévy.
Voici Oscar Williams, Horace Gregory qui est
soit ivre soit à un degré dangereux de nervosité.
Pierre Loving me présente à l'éditeur de Viking Press
Voici les Allemands : Klaus Mann, J M Grup(?) qui,
est saoûl et fait un tapage typiquement bavarois.
SDdV
29 octobre 1940, lettre d'Eugène Jolas à Goll
1049 Park Avenue
New York City
Oct. 29, 40
Mon cher Goll :
J'ai essayé plusieurs fois de reconstruire le poème dont je vous ai parlé,
mais ça ne marchait pas du tout. Je suis probablement trop absorbé par l'in-
quiétude de l'époque. Je vous prie donc de m'excuser. Pourriez-vous me donner
encore une semaine, ou êtes-vous trop pressé pour la parution de FRANCE EN
LIBERTE ?
J'ai vu un entre-filet dans le London Times qui annonçait la revue FRANCE EN
LIBERTE sous la direction de M. Turpin. Y a-t-il 2 revues de ce nom ? Je vous
signale cela pour votre information.
Georges Duthuit est avec nous pour cette semaine
Si vous êtes en ville, donnez-nous un coup de téléphone : Atwater XXX 97967.
Ma femme et moi, nous serions très heureux de vous revoir tous les deux.
Avec mes meilleurs souvenirs, à Claire et à vous,
Bien cordialement ,
EugeneJolas
SDdV
1er novembre 1940 : double d'une lettre de Goll à Saint-John Perse :
136 Columbia Heights
Brooklyn
Nov. I, 1940
Quelle joie cela a été pour moi, de faire votre connaissance un véritable jour de gloire, où, m'a-t-il semblé, toute l'élite littéraire et l'avant-garde est venue vous apporter l'hommage le plus enviable. Ainsi je n'ai pas seulement fait la connaissance du poète le plus racé d'Amérique, mais aussi de toute une génération qui porte la marque de son esprit.
J'aurais voulu vous dire avec encore plus de chaleur, combien je vous admire et combien je vous suis reconnaissant - le jour viendra où nous pourrons bavarder plus à notre aise.
Aujourd'hui, je voudrais seulement continuer le rapide rappel que je vous ai fait au sujet d'une collaboration.
Je suis en train de lancer, avec mon ami, le peintre surréaliste, Kurt Seligmann, chez Karl Nierendorff, une petite édition de haut luxe qui s'appellerait TANDEM, et qui comportera I poème + I dessin, et qui, tiré à 30 exemplaires, vendus 10 Dollars, pourra même rapporter quelque chose.
Je vous prie de nous donner un poème d'une ou deux pages et de nous dire aussi, quel est le peintre que vous choisiriez comme illustrateur. Les autres collaborateurs choisis jusqu'à présent sont : Jolas, Auden, Clark Mills, Calas. Et vos avis seront toujours écoutés avec faveur.
J'ai encore d'autres projets - que je vous soumettrai dans une autre lettre.
Claire vous envoie son plus joli sourire, et moi
une chaleureuse poignée de mains
SDdV : (Ms 553 G/) Je pense que cette lettre n'a jamais été envoyée et que celle du 28 janvier est la première envoyée, voir :
Roger Little : 8 lettres de Saint-John Perse à Ivan Goll
(Cahiers Saint-John Perse n°2, 1979 p.1 ) «…. » (p.1)
8 novembre 1940 double d'une lettre de Goll à Léon Laleau ***
136 Columbia Heights
Brooklyn
8 Nov, 1940
Léon Laleau
Port-au-Prince
Haïti
Mon cher Ami,
Votre nom évoque pour nous, Claire et moi, les
plus doux souvenirs d'un été triomphal à Paris, alors
que la capitale de l'Amour accueillait tous les peuples
et tous les hommes dans les bras de la Seine.
Temps lointains, temps de rève, irréparablement perdus
comme ceux de l'Acropole. ! Le Panthéon n'est pas encore
en ruines (Saint Paul l'est), mais son rayonnement s'efface.
Au pied de la butte gît l'Amitié des peuples, et la Poésie
mendie..
La poésie ! Cet "orchestre " des coeurs et des flutes
printanieres que vous étiez venu diriger, de votre Ile
enchantée !
Eh bien, non, "Poésie pas morte!" la poésie française
continue, en France naturellement ( car c'est peut-être tout
ce qui lui restera de liberté ) mais aussi dans le monde,
et ici, aux États-Unis., sans parler de Haïti où vous
et vos amis font une garde vigilante autour de cette
princesse.
Je suis en train de fonder ici , pour les hommes de
lettres réfugiés, une grande revue qui s'intitulera soit
" Free Men " soit " France et Liberté". L'esprit doit
continuer à s'exprimer librement sur le continent de
la liberté. Des hommes comme Maeterlinck, Maritain,
Jules Romains m'ont déjà donné de précieux manuscrits.
Et je viens vous demander de vous joindre à la liste
des collaborateurs.
Voua avez sûrement écrit de belles choses dans votre
ile du Soleil et de la Beauté. Justement, je viens d'en
recevoir des détails enthousiastes de votre cousine.
Leur Cadet qui nous donne un avant-goût des femmes
merveilleuses de votre terre . Claire a fait sa connaissance
à la "National Association for the Advencement of colored
people", s'étant adressée là pour essayer de faire venir
aux Etats-Unis ce pauvre René Maran, qui doit être dans
une grande d"tresse . Nous nous occupons d'ailleurs beaucoup
de faire sortir de lù-bas une quantité d'artistes et
d'écrivains.
2
Vous dirai‑je aussi quelques mots de nous‑mêmes?
Nous sommes ici depuis plus d'un an, et nous continuons
à être fidèle à la Poésie,. Claire travaille. On est
en train de traduire " Jean Sans Terre", ce long poème
dont 3 volumes ont déjà parus, et dont le 4.; est en
préparation en langue anglaise. ( Je vous envoie sous
pli séparé deux revues où vous trouverez les extraits.)
Je fais aussi des conférences sur la littérature
française, dans diverses universités du pays. et j'ai
même êté à Cuba, au printemps dernier. C'était tout
près de vous ‑ et nous avons souvent regardé dans
votre direction» Nous étions sur le point de vous
écrire ‑ lorsque la tragédie de France nous enleva
tout esprit d'entreprise et nous força de rentrer
aux États Unis avant d'avoir goûté tous les arômes
et les splendeurs de Cuba, qui nous a émerveillés,
mais, nous a‑t‑on dit, n'offre pas le dixième de la
beauté haïtienne.
Mais le goût de 1'aventure et de la beauté nous a
hanté à nouveau, et nous caressons â présent l'espoir
d'aborder un jour dans votre paradis. Ce voyage
serait‑il possible cet hiver? Nous avons nos premiers
papiers américains, de sorte que de ce point de vue,
je crois qu'il n'y aurait pas difficultés. Serait‑il
possible d'organiser une conférence pour moi et aussi
pour Claire?
J'ai écrit "Jean sans Terre à Cuba " mais c'est
plutôt " à La Havane" qu'il faut dire, et la nature
tropique n'y pas assez sa part. Par contre je suppose
que "Jean sans Terre à Haïti " tituberait nous l'ivresse
de vos parfums, de vos fruits, de vos femmes,
Mais parlons avant tout de votre ravissante femme
et aussi de vos filles qui doivent, à présent, déjà
être les "palmes en marche" ! Présentez leur , je vous
prie, nos meilleurs souvenirs, et croyez, cher poète,
à notre inaltérable amitié
SDdV
Ivan Goll New-York à Paula Ludwig Lisbonne 6 novembre 1940 ImsL p.544
correspondance à traduire
10 novembre 1940 lettre manuscite de Bernardo Clariana
et jointe celle manuscrite de Concha Mendez de Altolaguirre
imprenta
“ LA VERONICA ”
LA HABANA_______________
Calle 17, N° 258, Vedado Teléfono F-1-8312
M. Ivan Goll
New York
Cher ami !
Je profite de la lettre de Manolo et Concha
pour vous témoigner ma sympathie depuis que
j'ai " fait" votre connaissance par eux et après
votre dernière lettre . Vous savez déjà que je suis
leur hôte depuis dès que je suis arrivé à Cuba
dans la plus grande misère . J'étais un peu votre
Jean sans Terre . J'ai entendu dire de belles
choses survous et à cause de ça j'ose vous dire
que si vous avez l'occasion de me recommander
pour faire des traductions de l'anglais ou français,
encore de l'allemand, à l'espagnol, je vous remer -
cierai beaucoup si avec ce moyen je peux me
gagner un peu d'argent +parce queje ne réusse
pas à trouver rien du tout dans ce pays.
J'espère une fois pouvoir vous serrer la main.
J'adresse plusieurs demandes aux E. U. comme
professeur d'espagnol, quelques amis s'occupent
de me recommander et encore je ne dois pas
désespérer de pouvoir y aller. C'est mon désir
le plus vif celui xx - de compléter ma solitu-
de en m'exilant de nouveau, - depuis l'Espagne
et la France -,dans un pays où je n'entendrai pas
parler l'espagnol surtout quand ces pays
me semblent involontairement des falsifications
de l'Espagne.
Concha et Manolo m'ont parlé de que vous
étiez en train de publier une Revue . Je serais
très content si vous me donnez l'occasion
de pouvoir vous envoyer ma collaboration. Bientôt
Manolova me publier deux livres de poésie .
Excusez-moi l'affreux " français" dont
je me serre pour rédiger et recevez les
meilleures salutations de qui reste votre ami
Bernardo Clariana
SDdV 518.312
imprenta
“ LA VERONICA ”
LA HABANA_______________
Calle 17, N° 258, Vedado Teléfono F-1-8312
Enfin, je pensé, que l'on pourrait
réhusir à faire le voyage , et j ' ai
un gran espoir que de ce voyage quel-
que chose pourrait sortir . Il y a aussi
le projet de l ' imprimerie.
Les "Sociedades Hispanas" pourrait
nous aider aussi par ce chemin. Nous
avons des petits livres de " El Ciervo
herido " à les offrir .
Manolo pense toujours à vous
écrire , mais il travaille tellement
que la fatigue surpasse le dessir de
communiquer avec les amis . Je
sais qu’ il vous écrira un de ces
jours , mais je préfère vous écrire
avant qu’ il le fasse pour ne pas
retarder la réponse .
J’ aime beaucoup vos poèmes
et l ' histoire du petit veau
de Claire.
Je suis sure que nous serons
des braves amis . C ’ est dommage
que votre départ s’ ait fait si vite.
Mais , on se retrouvera bientôt .
Ecrivez - moi à mon nom .
Je suis sure que nous pouvons faire
des bonnes affaires ensemble , et sup -
porter le caos du monde . Il faut
s'aider à sauver l’ esprit.
Pardonnez-moi les fautes d'or-
thographie . A neuf ans j’ écrivait par-
faitement cette langue , mais il y
à longtemps que je ne pratique pas .
En attendant vous nouvelles
Je vous embrasse très fort
Concha Mendes de
Altolaguirre
Manolo vous embrasse aussi
SDdV 518.312
25 novembre 1940 double de la lettre de Goll à Nicolas Calas ***
136 Columbia, Heights
Main - 5 - 0475 Brooklyn , N Y.
Nov. 25, 1940
Mon cher Calas,
Selon ma promesse, je vous envoie aujourd'hui un
des trois volumes de " Jean sans Terre" , et quelques
nouveaux poèmes écrits récemment.
L'auteur clairvoyant des " Foyers d'Incendie " n'a
pas besoin de commentaire. Je voudrais cependant lui
exprimer mon accord profond avec la plupart des thèses
qu'il défend . Pour m'en tenir à un domaine restreint ,
vos conclusions sur "l'objet dans l'art" m'ont particu-
lièrement enthousiasmé.
Surréaliste, vous faites l'apologie de l'objet.
Cela rétablit bien des vues presbytes ou myopes.
Puisque vous parlez du "chosisme" laissez-moi vous
parler d'un essai que j'ai écrit il y a quinze ans,
et que je n'ai jamais publié, parce que fatigué des
"ismes" , et parce que tout seul , le surréalisme dé-
ployant tous ses drapeaux.
Cet essai traitait du "Réisme", dérivé de "res"
par opposition au "réalisme" , dérivé de "réalité"
( et par conséquent aussi du "surréalisme " de cette
époque) et se proposant la recherche de l'objet nu,
l'objet‑type, l'objet unique : moule du créateur .
Cette recherche devait être réservée à d'autres temps.
Vous êtes le premier , mon cher Calas, à apprendre
l'existence du" Réisme ". Ce n'est peut-être pas une
grande découverte. Elle eût été mieux à sa place à
quelque' autre époque. Et d'ailleurs, je ne vous la
livre qu'en passant, pour justifier ma poésie qui n'est
pas une poésie de nuit, mais une poésie de jour, qui
doit plus à la chimie qu'à l'alchimie. Mais qui oserait
jouer l'une contre l'autre ?
Je suis très curieux de connaître votre réaction
Sincèrement vôtre
SDdV
27 novembre 1940 lettre de Goll à Roditi ***
136 Columbia Heights
BROOKLYN, N.Y.
Nov. 27, 1940
Mon cher Roditi,
Hier, à ma grande surprise, Clark Mills m'a
envoyé le manuscrit de votre article, que " Diogenes"
lui a communiqué. N'ayant plus eu de nouvelles de
vous depuis ma lettre d'il y a environ cinq semaines,
où je vous demandais une copie, je m'attendais à la
recevoir imprimé. Mais je suis bien content de l'avoir
vu avant : d'abord pour vous dire toute mon admiration
pour la connaissance profonde que vous avez de la
" poésie d'entre les deux guerres" dont vous devriez
un jour prochain écrira le martyrologe : vous êtes
tout qualifié pour cela.
Mais si vous me permettez d'être tout à fait franc,
je voudrais vous dire que dans votre article manque
la partie principale : celle sur " Jean sans Terre ".
Puisque c'est ce livre que " Diogenes " se propose de
monter en épingle, en publiant trois poèmes de
" Jean sans Terre " traduit par Clark Mills, c'est
sur ce poème uniquement qu'il importe d'attirer
l'attention du lecteur.
D'autant plus que c'est pour la première fois
que le public américain va apprendre l'existence de
ce poème, et que c'est lui qui guidera la curiosité.
D'autant plus aussi que ce poème est l'unique
oeuvre que je considère digne de survivre : ayant
essayé, depuis 1936, de ramasser en une gerbe, et
dans une forme aussi parfaite que possible, tout
ce que moi (et ma génération) avons senti, souffert,
espéré, craint... et balbutié, auparavant.
Vous lui consacrez une seule phrase :
"The first three volumes of Goll's Jean sans Terre
a long series of poems which constitute a sort of
lyrical and emotional diary of the poet's despairs in
recent years, thus use the loose rhytms and syntax
of popular songs, yet fill these with all the conven-
tional "props", the vocabulary and imagery of surrealism."
La première partie de cette phrase est parfaite,
mais je ne suis pas d'accord avec vous sur la deuxième
Car je me suis contraint, peut-être même d'une
façon trop totale, à la forme la plus rigide et la
plus diabolique qui existe ; le quatrain et le vers
de 5 syllabes, c'est-à-dire que je me suis assigné
le plus petit espace possible, pour y exprimer les
plus vastes idées. Sauf pour le poème préambulaire
du I - Volume - où j'ai franchement employé" the loose
rhytms and syntax of popular songs", je me suis
astreint, et aussi laissé hypnotisé par cette forme
despotique - à tel point, qu'au contraire de vous,
beaucoup de critiques m'ont fait un reproche d'être
trop formal. Et en effet, je suis moi-même d'avis
que " quelques grains de beauté", c'est-à-dire des
défauts de rythme, auraient ajouté, et rien enlevé
à la composition.
Dans "ce plus petit espace possible", je me suis
efforcé de condenser et d'intensifier ma pensée
au point de la plus violente explosion : c'est du
moins ce à quoi j'ai tendu, et dont je ne sais pas
si j'y suis parvenu. Voilà par exemple, ce que
j'aurais voulu apprendre d'uns commentateur comme
vous.
Ceci dit, je ne peux pas non plus souscrire à cette
phrase : "yet fill the these with all the conventional
props , the vocabulary and imagery of surrealism ."
Chaque vers de mon poème et désespérément sur la
défense contre de tels conventional props, et d'autre
part, vous ne vous doutez pas, quel plaisir vous me
faites (en me le reprochant) xxxxxxxxxxxxxxxxxx
j'emploie à ma manière, dans une oeuvre construite
et consciente, les magnifiques découvertes de l'expé-
rience surréaliste.
Mon cher Roditi, ne m'en veuillez pas pour tant de
franchise ? Ne m'en veuillez surtout pas de vous imposer
un peu de travail supplémentaire, en remplaçant quelques
passages des trois premières pages plutôt générales, par
quelques alinéas voués plus spécialement à Jean sans
Terre
Cette publication va être d'une importance primordiale
pour moi : c'est parce que je ne la prends pas à la
légère et que j'en attends beaucoup (un éditeur vient
de m'offrir de publier tout " Jean sans Terre" simulta-
nément en français et en anglais) que j'ai le courage
de vous demander de vous pencher une fois encore sur
ce " voyage intérieur". Si vous aviez le temps de
le faire tout de suite, je suis sûr que " Diogenes "
recevrait vos pages à temps .
C'est en ami je vous tends ma main chaude
SDdV
2 décembre 1940 lettre de Roditi à Goll
4555 Main Street
Kansas City Missouri
Le 2 décembre 1940
Cher ami,
merci de votre longue lettre. J'ai été victime d'un
accident d'auto, il y a un mois, et n'ai pu porter de lunettes
tant que mon nez cassé était encore enflé. J'ai donc dû
réduira ma correspondance à un strict minimum.
je n'ai pas la copie de mon article ici. J'écris donc
à Diogenes de me le renvoyer et je tâcherai, dans les limites
que la rédaction m'octroie, d'arranger les choses.
Je crois que vous m'avez pourtant mal compris.
Je choisis au hasard :
En tête de la caravane
Mon chameau dans le sable bis
Cherche comme le vent profane
La clef des éternels oublis
"Vent profane", clés des éternels oublis", ce sont des phras-
es comme on xx en voit seulement depuis Nerval et Baudelaire,
comme on en voit de plus en plus souvent depuis ,disons,
Rimbaud, les symbolistes et les surréalistes. ( Je pense à :
"la porte d'or des profonds paradis"
d'Ephraïm Mikhaêl, à des vers de Leconte de Lisle ou d'Hérédia
pour xxx représenter le côté le plus classique de ce genre
d'images ). Ce n'est pas classique, ni proprement romantique
( Musset, Lamartine, Hugo d'avant 1840, Vigny des débuts ).
C'est la soif de l'infini, le besoin de la religion, qui se
font sentirde plus en plus, parmi les poètes, à mesure que
le positivisme gagne la science. C'est le côté Tentation de
Saint-Antoine de l'âme de Flaubert, auteur de Bouvard lorsqu'il
est positiviste.
En somme , je dis surréalisme parce que le surréalisme
représente la dernière métamorphose de ce courant poétique .
Il n'y a pas de nom, pour l'instant, pour ce qui est venu
depuis. Et le surréalisme est bien du Baudelaire au goût du
jour.
De nouveau :
Mon cœur aux quatre portes
Ouvert aux quatre vents
Plombez-le de ciment
Et de tristesse forte
Ce n(est pas classique, ni romantique, ni symboliste .
C'est bien le côté "chanson populaire" de Rimbaud et des
surréalistes . ( O saison, o châteaux . . . .) Et d'Apollinaire
Il n'y a que, chez Béranger, depuis la Pleïade, que vous
trouverez quoi que ce soit d'analogue, avant Glatigny., Rimbaud
et peut‑être Borel ( La chanson . dans Rapsodies, où il est
question de sa nuit au poste).
Evidemment, il y a aussi Banville, les Odes funambules-
ques etc….Mais Banville, c'est du Glatigny pour académiciens,
"'Femme sois ma mère
Femme sois ma mer"
Où trouverez‑vous ça avant 1870 (Charles Cros). avant
Rimbaud, puis les surréalistes ( L'éphémère les fait mères., de
Desnos,....)
C'est que je suis, en critique., un aristotélicien,
un classique; et c'est par l'analyse des procédés rhétoriques
que j'arrive à mes conclusions, puisqu'un même état d'âme, chez
deux poètes différents., écrivant selon deux traditions diffé -
rentes de rhétorique etc .... produira deux poèmes tout à fait
différents.
"Ennoblis le vice, .... Pas avant Baudelaire, beaucoup
depuis Rimbaud. Il n'y a rien comme cela, pas d'antithèse de
cette sorte, depuis Corneille jusqu'à le. fin du romantisme.
Enfin, pour le rythme,.,
"Notre douce dame
Qui devines tout
Jamais je ne condamne
Ce qui rôde en nous."
Dame‑condamne…..pas classique Assonance de chanson
populaire. Longue, brève longue brève longue brève
longue brève longue brève longue
brève longue brève brève(?) brève longue brève
brève brève longue brève longue.
Un rythme de chanson populaire plutôt que de poésie d'art.
Quant à votre autre reproche, que je ny parle pas assez
de Jean Sans Terre, j'avais d'abord compris que Diogenes vous
consacrait tout un numéro, et qu'il y aurait d'autres articles.
Je vois bien maintenant que ma petite prose, qui est plutôt un
vague hommage., ne suffit pas s'il n'y a pas les autres articles,
Évidemment., j'y changerai maintenant beaucoup de choses.
Je serai à New York pour Noël et vous y verrai.
Cordialement.,
Edouard RODITI.
Saint-Dié des Vosges
5 décembre 1940 lettre de Goll à Roditi ( le brouillon est identique)
136 Columbia Heights
BROOKLYN
Dec 5, 1940
Cher ami,
En apprenant l'autre jour, par Vera Sadomirski,
dont j'ai fait la connaissance, que vous aviez été
victime d'un accident d'auto, j'ai eu d'âpres remords
d'être venu vous importuner avec ma dernière lettre.
Mais votre réponse que je reçois ce matin, me soulage,
puisque vous semblez être passablement remis de votre
malheur et aussi, parce que je semble avoir eu raison
de vous parler franchement.
Votre lettre dissippe toutes mes craintes. : vous avez
compris que l'unique article qui accompagnera les
traductions de JEAN SANS TERRE, doiT plutôt laisser
dans l'ombre les tâtonnements des Jugendjahre "d'entre
les deux guerres", pour signaler ce qu'il peut y avoir
de positif dans le poème constructif que j'aissaie
d'échafauder.
Et Je souscrit des deux mains à tout ce que vous
écrivez dans votre dernière lettre : il suffira de
l'insérer dans votre article pour qu'il soit parfait :
ou d'y remplacer simplement les premières pages par
celles-ci.
D'accord avec tout ce que vous dites sur le côté
" chanson populaire, Apollinaire, surréaliste" du poème.
C'est exactement ce que je sens et ce dont je suis fier.
Je ne vous reprocherai pas de le dire, mais de ne pas
assez le développer, de sorte qu'on pourrait s'y tromper.
Vous avez demandé l'article à "Diogenes". Mais je
crains qu'ils ne l ' aient pas, puisqu ' ils l'ont commu -
niqué à Clark, qui ensuite me l'a retransmis.
Je m'empresse donc de vous l'envoyer sous ce pli.
J'espère surtout que "Diogenes". ne soit pas devenu
impatient de tout ce chassé-croisé en dernière minute,
et qu'il me réservera quand même ma place dans le
numéro 2 . J'ai l'impression que si vous lui envoyez
l'article remanié assez tôt, rien ne sera perdu.
Et je suis sûrtout heureux que rien ne soit perdu
dans notre amitié et que vous ayez accueilli mon appel
avec tant de bonne grâce.
Nous nous réjouissons tous de vous revoir bientôt
à Noël, bien amicalement vôtre
SDdV
12 décembre 1940 lettre de Eugene Jolas à Goll
très courte et à traduire par Nicole
1941
7 janvier 1941 : lettre d'Eugène Jolas à Goll
Pinnacle Valley
New Preston , Conn.
Jan, 7,41
Cher Ivan:
Le manuscript est prêt, mais je voudrais le garder engore quelques jours
pour obtenir un peu de perspective,, Tu l'auras certainement lundi prochain.
J'espère que cela ne te dérangera pas. Je peux dire que c'était assez
difficile, car je ne vois pas de précédents. Il faut que chaque mot soit
à sa place, c'est-à-dire, chaque mot français ou espagnol ou allemand ou
anglais soit naturel et organique et musical. Ainsi je te saurais gré de me
donner encore quelques jours.
J'ai bien aimé la traduction de Williams de ton poème dans Natlon.
J'ai envoyé mon article sur la littérature francaise à l'Encyclopaedia
Britannica où je t'ai aussi mentionné. J'avais d'ailleurs écrit dans Living Age
sur ton poème dans Partisan Review il y a quelques mois, mais en lisant,
bien de temps après, 1'article en question, je me suis apperçu que ce crétin
phosphorescent de Bloch l'avait simplement biffé, Je n'admets pas de
saloperies pareilles, et puisqu'il ne m'a jamais payé pour les 4 articles que j'ai
donnés, j'ai quitté cette pauvre bande de parasites.
J*espère que tu vas bien, ainsi que Claire,
Cordially
Gene Jolas
SDdV
16 janvier 1941 : lettre de Goll à William Carlos Williams
136 Columbia Heights
BROCKLYN, N.Y.
Jan. I6, 1941
Mon cher William Carlos Wiiîliams,
Inutile de vous dire combien j'ai été fier de voir
nos deux noms imprimés pour la première fois côte à côte
dans "The Nation" du 4 Janvier..Inutile de vous répéter
aussi toute la joie , que je vous ai exprimée par un télé-
gramme, en recevant "John Landless circles the Earth"
enrichi du tempérament trépidant qui est le votre.
Je devrais être un homme heureux. Les choses
s'aplanissent pour moi, j'aime beaucoup l'Amérique, et
les répercussions de la débâcle de France faiblissaient,
lorsque vint me frapper la nouvelle de la mort de
James Joyce.
J'étais très lié avec lui. Je le connaissais depuis
1917 à Zurich. Dés son arrivée à Paris, avec sa famille,
en été 1920, il vint nous voir. Nous nous sommes toujours
beaucoup fréquentés. Nous avons collaboré. Et dernièrement,
j'ai traduit, ensemble avec une dizaine d'autres écrivains,
"Anna Livia Plurabella", sous la constante supervision
de Joyce. Cette histoire méritera d'être racontée plus tard.
Lundi dernier, Margaret Marshall me demandait un
article sur James Joyce, pour The Nation. Je me mis au
travail, mais tout ce que je pouvais écrire en prose
me déplut...Finalement, presque sans vouloir :tzxmxxxix
un poème se forma, et je compris que c'était la seule
façon d'exprimer mon émotion,
En effet, je crois maintenant que "ELEGIE POUR JAMES
JOYCE' est une réussite, et Margaret Marshall vient
justement de me le confirmer par téléphone. E11e voudrait
publier le poème, en français et en anglais, et je crois
qu'elle va vous xx prier aujourd'hui même de la traduire.
N'est-ce pas abuser de votre bonne grâce? Mais cette fois,
vraiment, il n'y a personne qui pourrait vous remplacer.
C'est d'ailleurs le seul poème que j'ai réussi d'un bloc,
depuis "J.L. at the Final Port", en été dernier.
Je vous envoie le poème sous ce pli: les premières
strophes dépeignent nos pérégrinations fréquentes sur
les Boulevards des Capucines où des Italiens. Ensuite,
des visions de son xxxxxxx monde. Quelques aspects de
son oeuvre. Dans la dernière stanza, "la folle", c'est
sa fille Lucia, qu'il allait régulièrement visiter dans
son asile, tous les dimanches, où il lui chantait des
chansons et des berceuses d'Irlande. J'ai d'ailleurs la
conviction que Joyce n'est pas mort de l'opération intestinale ,
ni même des privations de la guerre, mais du chagrin
que sa fille lui faisait. Je crois aussi, que si Joyce
n'ést~pas-venu en Amérique.la dernière année, au lieu
de rester à Vichy ou de se rendre en Suisse, c'était
pour rester.près. de Lucia..
Croyez, mon cher William Carlos Poète,
à ma très sincère affection
SDdV
19 janvier 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll
le 19 Janvier 1941 4555 Main Street
Kansas City, Missouri
Cher ami,
Vous n'avez pas idée combien cela m'a fait plaisir de
vous revoir, ne serait-ce que dans ces ' foules ' tapageuses...
J'ai parlé de vous à la direction de cette Université.
Je ne peut rien promettre, mais on m'a demandé de votre curriculum
vitae, la description de vos diplômes, la liste de vos publications.
Pourriez-vous me les soumettre ? Je les montrerai en même temps
que le numéro de DIOGENES.
Auriez-vous, dans vos messages, place pour un petit
recueil de mes poèmes? Je viens de terminer deux volumes, dont
un (trop long pour vous) que je vous ai montré, un autre qui
sera publié au printemps. J'ai un troisième, très bref et très
fou, qui sera prêt dans trois mois. Le titre ? Emperor of Midgnight.
Le départ de Pierre-Quint a été retardé par une grave
maladie. S'il se remet assez vite, il compte venir en mars ou avril.
Quand arrivera Kisling, faites-le moi savoir. Et Chagall
aussi
Mes hommages à votre femme,
Cordialement
Edouard RODITI
Ps . Je prépare pour View ( la
revue de Ford ) une petite anthologie de poètes
brésiliens , en traduction . mais cela est
assez long ç organiser et sera peut-être prêt
trop tard . Pourriez-vous , dans ce cas ,
l'utiliser ?
SDdV :
24 janvier 1941 : lettre d'Eugène Jolas à Goll
Pinnacle Valley
New Preston., Connecticut
Jan 24, 41
Dear Ivan :
Maria est partie avec le poème : MIGRATION CHANT, et je l'ai priée de
l'envoyer tout de suite. J'ai assez travaillé là-dessus, enfin je l'ai écrit dans
une petite ville d'usine où j'ai travaillé comme reporter,
tout près d'ici, il y a vingt ans. On vieillit, mon cher...
La mort de Jolyce m'a bouleversé jusqu'aux larmes. Le monde est devenu
très vide sans ce grand ami.
Je vis très solitaire dans un cottage près d'une colline boisée, et le
vent est violant ici.
Écris-moi ce que tu fais et n'oublie pas de me signaler quand tu penses
publier mon poème.
With best wishes to yourself and Claire,
Always
SDdV
3 février 1941 : lettre de Jacques Le Clerq à Goll
JACQUES LE CLERCQ ce 3 février
145 East 40 th Street 1941
Cher Monsieur :
Je tiens à vous remercier de l'envoi de vos
Chansons de France que j'ai lues plusieurs
fois et , comme de juste , à haute voix . Avec
une simplicité trop pure pour ne pas avoir
été vécue et frappée , vous arrivez à créer
chez vos lecteurs une angoisse dantesque ,
baudelairienne . Il y a de ces vers qui hantent
l'oreille , en attendant de hanter le cerveau
et l'imagination. ; il y a là mieux que
Jean-sans-Terre puisque le fond est universel,
le cadre illimité . Je vous remercie sincèrement
de l ' émotion que j'ai éprouvée à vous
lire.
J'aimerais beaucoup vous revoir, et faire
enfin la connaissance de madame Goll , que
je connais , comme je vous l'ai dit , seule -
ment par " Jupiter " auquel nous avons
failli donner le Prix Brentano . Voyez -
vous Eugène Jolas de tempe en temps ?
Voulez - vous venir prendre un cocktail
chez nous un après-midi avec les Jolas ?
Vous n ' aurez qu’ à me lancer un coup
de téléphone - LE 2 -1839 - après avoir fixé
avec Jolas le jour qui vous conviendrait .
Maeterlinck m' a dit que vous songiez
à faire éditer vos poèmes . Y aurait - il
intérêt à donner une traduction en regard ?
Si oui , je suis à votre disposition. . . .
J'ai vu Clark Mills à Cornell cet été ;
peut - être vous l'a -t -il dit . Et je viens
de lire sa traduction dans Poetry : elle
paraît claire et nourrie .
En attendant le plaisir de vous re -
voir et en vous remerciant encore des
bonnes heures que je passe avec
" Chansons " , je vous prie de recevoir ,
Cher Monsieur , le témoignage de ma
parfaite considération
Jacques le Clercq
SDdV 510.218
5 février 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll
4555 Main Street
le 5 Fevrier Kansas City, No .
Cher ami,
Vous m'envoyez si régulièrement de beaux poèmes . . .
je vous envie votre fécondité . . . Celui de cette semaine , dans
The Nation, est vraiment bien beau .
Mais ne vous donnez pas la peine de m'envoyer ceux
que vous publiez dans cette revue : je la lis régulièrement ici
dès qu'elle paraît . Vous êtes vraiment trop gentil .
Diogenes est arrivé il y a deux jours . Je suis
assez satisfait mais je trouve qu'on peut encore découvrir,
dans mon article , hélas, des traces du petit malentendu.
Je n'ai pas pu le réorganiser en si peu de temps. . . . Tant
pis . Une autre fois, je ferai mieux. Mais j'avais si bien
compris qu'il s'agissait de plusieurs articles sur vous ,
lorsque Blair m'en a d'abord parlé ; puis , après , lorsque j'ai
bien compris ce qu'il fallait, il était trop tard et j'étais
surchargé de travail . . . .
Je viens de recevoir une lettre assez triste de ce
pauvre Ilarie Voronca , qui veut venir en Amérique . Il est
Roumain et Juif, indésirable en France selon nos nouvelles
lois, et ne peut pas rentrer en Roumanie non plus. Vous
connaissez probablement ses poèmes, qui sont bien beaux.
Je ne sais au juste comment l'aider . Il m'a demandé d'écrire
à Samuel Putnam, ce que j'ai tout de suite fait; et j' ai
écrit à Adamic aussi. Si vous avez des amis qui pourraient
s'intéresser à lui. vous seriez bien gentil d'y penser.
J'ai égaré l'adresse de Charles Henri Ford à New York .
Pourriez-vous me la communiquer ? Merci . . . .
Denise Van Moppes a pu quitter la France et est à
Lisbonne. Elle sera peut-être ici bientôt, mais elle n'est
pas encore décidée, ayant aussi la possibilité d'aller
ailleurs.
Mes hommages à votre femme. Bien cordialement ,
SDdV
5 février 1941 : lettre de Goll à Edouard Roditi
136 Columbia Heights
BROCKLYN, N.Y.
FeB. 5, 1941
Mon cher ami,
DIOGENES est donc devenu un croyant et un ami
sincère de la poésie . Pour les New Yorkais, ce numéro 2,
avec sa couverture d'un goût étonnant , presque pari-
sienne semble un enseignement . En effet, Madison
travaille mieux que Madison Avenue .
Et que dire de Roditi ? Votre article, dans le
cadre général qu'il s'est posé, donne une vue globale ,
et très nouvelle de la poésie française : la vue d'un
phare qui darde son oeil çà travers l'Atlantique . Les
changements que vous avez faits l'ont arrondi.
Emperor of Midnight : quel titre prestigieux .
Lui seul me fait applaudir des deux mains . Mais
vous savez que la série de 10 Messages déjà annoncés
doit avoir vu le jour., avant que je puisse m'attaquer
à une autre série qui grouperait surtout des jeunes
Américains, vous en tête. et vous devinez quelques
autres .
Je suppose que VIEW utilisera votre Anthologie
Brésilienne, car c'est une trouvaille qu'on ne laisse
pas échapper . Dans le dernier numéro. les Cubains ont
une belle place bien méritée . " Poets ' Messages "
appelle des individus , non des groupes . Mais je songe
aussi à " Decision " , dont le 2. Numéro vient de sortir ,
avec une petite anthologie grecque : je suis sûr que
Klaus Mann sera sensible à votre suggestion . Avez -
vous son adresse : 141 E 29 ST. NYC.
Kisling arrive demain sur le Fernando Marquez.
De Chagall je n'ai plus rien entendu . Quelle est
l'adresse de Denise Van Moppès , à Marseille ? Va-t-elle
venir ?
Faut-il vous dire combien ma gratitude est grande?
C'est votre article qui me confère les first citizen-
papers dans la littérature américaine , alors que les
magazines précédents m'avaient donné des visas tempo-
raires . Votre affidavit poétique vous vaut ma reconnais-
sance inextinguible.
Je vous serre les deux mains
SDdV
6 février 1941 : double de la lettre de Goll à Edouard Roditi
136 Columbia Heights
BROCKLYN, N.Y.
Feb. 6, 1941
Mon cher Ami ,
Je ne sais comment vous remercier pour le geste
de grande amitié que vous venez de faire dans DIOGENES 2 :
en effet, votre votre article me confère sur le plan littéraire ,
les first citizen-papers , alors que les magazines publiant
mes poèmes m'avaient donné des visas temporaires . Votre
affidavit poétique réclame toute ma gratitude.
Je pense qu'il n'y a vraiment plus rien à objecter
à votre article : sur la fin , vous l'avez arrondi dans
le sens voulu . Et en effet , il se tient surtout dans
un cadre général , marquant bien , que d'autres investi-
gations étaient possibles .
. . . J'étais justement en train d'écrire ces lignes ,
lorsque votre lettre du 5 me fut apportée. Je réponds vite
à vos questions :
L'adresse de Ford : 360 East 55 St. , NYC
Kisling arrive demain de Lisbonne sur le Fernando
Marquez..
De Chagall je n'ai plus rien entendu .
Je suis désolé d'apprendre le triste sort de Voranca .
Je vais faire mmédiatement des démarches pour lui .
Il faut qu'il vienne au plus tôt. C'est un si grand poète .
Quelle est son adresse ?
Emperor of Midnight: quel titre prestigieux .Lui
seul me fait venir l'eau à la bouche. D'ailleurs j'aime
énormément votre poésie, et je viens de le dire ce matin
à Kurt Seligmann, qui va illuster votre poème dans cette
collection , que j'ai baptisée jadis , et dont j'ai aban-
donné la direction . Il m'a aussi montré votre belle lettre
sur la polarité dans l'art . . . que je trouve extrêmement
intéressante .
Mais vous savez que " Poets Messages " a un plan de
10 plaquettes . Ensuite , il faudra faire une série de
poètes américains, parmi lesquels vous serez naturelle-
ment un des premiers
Je ne voudrais pas vous faire perdre votre
temps au sujet de la petite Anthologie Brésilienne :
, " Poets ' Messages " publie pour le moment des isolés ,
non des groupes .
Si VIEW ne s'y intéressait pas - ce qui m'éton-
nerait fort , car il vient justement de publier
des Cubains , avec un goût parfait - je suis sûr
que Klaus Mann , directeur de " Decision ", 141 E 29 St,
NYC. , serait très sensible à votre suggestion . Dans
son Numéro 2 , il publie justement une petite antho -
logie grecque .
Voulez-vous que je lui en parle ?.Merci de votre
bonne lettre. Ecrivez-moi plus souvent , et surtout
n'oubliez pas de m'envoyer l'adresse de Voronca ,
avec , si possible , un curriculum vitae .
Je vous serre les deux mains
SDdV
7 février 1941 : copie de la lettre de Goll à Etiemble
136 Columbia Heights
BROCKLYN, N.Y.
7 Février 1941
Cher Monsieur Etiemble ,
Je me suis permis de vous envoyer la première
plaquette de POETS' MESSAGES, au dos de laquelle
vous avez pu lire le programme de la série . Vous
aurez sans doute remarqué qu'une des plaquettes doit
être consacrée à Supervielle .
En automne dernier, j'avais eu une autre idée :
de publier ici une revue française . Je n'ai pas trouvé
les fonds nécessaires . Je l'ai abandonnée . Mais à ce
moment, je me suis mis en communication avec Supervielle,
qui me répond ceci :
"Cher Poète , Je viens d'envoyer à Etiemble
( qui va lui aussi fonder une revue aux Etats-Unis )
mes derniers poèmes quand j'ai reçu votre lettre .
C'est vous dire que je suis dépourvu en ce moment .
J'espère pouvoir vous trouver quelque chose par la
suite . "
Aucun écho ne m'est parvenu de votre revue , et
je le regrette : j'espère que vous avez eu plus de chance
que moi . Je voudrais vous demander , si vous utiliserez
tous les poèmes de Supervielle , ou si vous pourriez
peut-être m'en céder quelques uns pour une plaquette ?
Il est évident que j'écris aussi à Supervielle : mais
le courrier entre le Nord et le Sud met si longtemps . . .
Dans l'attente de vous lire, recevez , cher
Monsieur , l'expression de mes sentiments les meilleurs
SDdV
10 février 1941 :double de la lettre de Goll à Renée Maeterlinck
136 Columbia Heights
Brooklyn
Feb. 10, 1941
Chère Madame,
Nous étions revenus hier soir exprès de
Connecticut, où nous avons été invités pour le
week-end, et nous nous réjouissions tellement de
recevoir Mélisande...
... hélas, la journée bleue devint noire, et l
es fleurs se fanèrent instantanément...
Et comme vous n'avez pu m'apporter les poèmes
du Maître, comme je l'espérais, puis-je vous demander
de me les envoyer ?
Recevez, chère Madame, pour vous et le maître
l'expression de notre sincère admiration
SDdV
:
13 février 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll
4555 Main Street
Kansas City , Missouri
le 13 Février 1941
Cher ami ,
merci de votre lettre enthousiaste, qui m'a
réconforté car Kansas City, parfois me déprime …..
Je veux maintenant vous demander deux très grands services.
D'abord: James A Decker publiera d'ici quelques
semaines, dans deux ou trois mois au plus tard, ma
plaquette de poèmes hébraïques que je vous avais montrés.
J'ai fait don des droits à venir à la League of American
Writters Fund for Refuges Writters, un peu parce que je veux
de leur donner de l'argent, un peu aussi parce que la publicité
de ce don m'aidera à récolter bien plus que je ne pourrais
autrement espérer, et fera vendre mon petit bouquin à un
tas de lecteurs que je ne toucherais guère sans ce geste
charitable qui ne l'est pas tant qu'on le croirait.........
Je veux donc vendre autant d'exemplaires que possible,
que toutes les revues en parlent, etc.... Comme je ne suis
pas à New York, je serai obligé de compter un peu sur mes
amis pour cette publicité. Vous serait-il possible de faire
en plus de toutes les bonnes idées que vous aurez certaine-
ment, les trois démarches suivantes ? Je veux beaucoup
m'assurer une petite note dans The Nation : comme vous y
êtes très bien reçu, j'ai pensé que vous sauriez demander
qu'ils parlent un peu de mon petit livre dans leurs
chroniques. Ensuite, vous me parlez de Decision ; j'aimerais
beaucoup y publier un poème, vers l'époque où ma plaquette
paraîtra, ce qui leur permettra de dire, dans la petite
note biographique qu'ils publient pour chaque collaborateur,
que je viens de publier une plaquette au profit de......
Je vous enverrais d'ici peu trois de mes poèmes que je
vous demanderai, si cela vous convient, de soumettre à Klaus
Mann. Enfin, je vous demanderai de bien vouloir écrire une
petite note dans Aufbau, où je viens de lire votre article
sur Joyce. J'ai d'ailleurs une excellente traduction alle-
mande d'un fragment d'un des poèmes ; et je soumettrai cela à
Manfred George lorsque la plaquette sera sur le point de
paraître.
Vous me dites, dans votre lettre, que Seligmann
va illustrer un xx de mes poèmes "dans la collection" que
vous avez baptisée ; je n'ai pas très bien compris de quoi
il s'agit. J'avais l'impression qu'il allait illustrer ma
plaquette. Me parlez-vous d'un autre projet d'édition ?
Et duquel ? Votre explication m'intéressera beaucoup...
Ce pauvre Voronca est à Marseille, et on peut le
rejoindre aux Cahiers du Sud, 10 Cours du Vieux. Port. Je lui
ai écrit par avion la semaine dernière mais et je ne sais guère
que faire... Il est vraiment un très grand poète.
J'ai constaté, avec étonnement, que les Cahiers du
Sud., dans leur numéro de novembre, publient toujours
Benjamin Fondane et René Leibovitz, ce qui signifie ou que
les " lois de Vichy" sont assez souples, ou que les Cahiers du
Sud sont si peu important qu'on leur permettrait de publier
même des blagues juives sur les lois antijuives...
Je viens de lire un beau texte politique de Bernanos
dans le dernier numéro de la France libre, de Londres. Vous
devriez leur soumettre le premier poème que vous avez
publié dans The Nation...... Je choisis celui-là parce que je
crois que nos braves amis les garagistes, les pêcheurs bretons,
les mécanos socialistes etc. .. de l'armée libre, qui lisent tous
cette revue, l'apprécieront plus facilement que les autres
poèmes, plus difficiles.....
Emperor of Midght avance. Il y aura là des poésies
complètement loufoques, qui vous surprendront.
Avez vous obtenu des critiques de votre dernière
plaquette dans BOOKS ABROAD ? Je peux m'en charger.....
Bien cordialement, avec mes amitiés à votre femme et
à tous nos amis (dont Kisling, qui ne se souviendra pas de
moi mais que j'ai souvent rencontré il y a dix mille ans)
Edouard Roditi
SDdV
15 février 1941 carte de Goll à Madame Veuve D. Kahn
chez Madame Le Marinier, 24 Boul Lhotelier à Dinard France
retour à l'envoyeur
15 février 1941
136 Columbia Heights
Brooklyn, New York
Quelques baisers
de Claire
et
Mignon
SDdV 510311. I
15 février 1941 : double de la lettre de Goll à Serge Milliet
136 Columbia Heights
Brooklyn
15 Février 1941
Mon cher Serge Milliet,
La vieille croûte de la terre s'est brisée en
plusieurs morceaux, et comme bien vous le pensez,
Jean Vieillissant est plus que jamais Sans Terre.
Le voici en Amérique du Nord, où il tâche de continuer
la Chanson commencée dans la gloire déjà se décolorante
de Paris.
Claire et moi, nous sommes ici depuis plus de 18 mois
et nous nous sommes acclimatés à cette atmosphère plus
rude de New York. Nous avons assisté à l'effondrement
d'une Europe qui fut trop heureuse et trop égoïste,
et qui s'est laissée mourir par apathie et par perversité.
Je vous envoie par ce même courrier quelques
CHANSONS DE FRANCE qui pleurent avec rage les malheurs
de ce pays que nous avons tous aimé avec notre sang
et tout l'espoir de notre vie.
Les CHANSONS DE FRANCE constituent le premier pamphlet
d'une série intitulée : MESSAGES DE POETES, dont vous
trouverez le programme en dernière page de la brochure;
inutile de m'y attarder.
Mais j'aimerais beaucoup savoir ce que vous devenez,
vous et les vôtres, et aussi, ce qui passe en littérature ,
dans votre beau pays. Ecrivez-moi bientôt et recevez les
bonnes amitiés de Claire et de
votre
Claire vient de publier ici en français son dernier
roman " Le Tombeau des Amants Inconnus " et vous l'envoie
par le même courrier.
SDdV :
double de la lettre de Goll à Charles Henri Ford après 17 février 1941
Main 5-0475 136 Columbia Heights
Brooklyn . N.Y.
Mon cher Charles Henri Ford
Votre carte me parvient juste au moment où je
vous expédie l'annonce de ma nouvelle entreprise
" Ooet's Messages" : une série de plaquette poétiques .
A côté du premier groupe mentionné, il y aura un
deuxième qui réunira les poètes plus jeunes d'écoles
différentes, dont, je l'espère, vous serez collaborateur .
Cette entreprise remplace le projet de magazine ,
abandonné pour le moment jusqu'à la découverte du
capitalisme magnanime. D'autre part " Tandem " s’adresse
à un public trop restreint .
J'ai essayé plus de dix fois de vous téléphoner
au sujet du dialogue projeté avec Calas, sur Li-Tai-Pé.
C'est avec plaisir que j'apprends que vous allez
publier un de mes poèmes traduits par Clark Mills . Mais
pour éviter un double-emploi, je vous reconnaissant de
me dire lr titre de ce poème, car j'en ai envoyé beaucoup
qui ont été acceptés par d'autres magazines tels que
"The Nation ", " Poetry " etc. Si le poème en question
était déjà pris, j'en ai d'autres à votre disposition .
Vous me demandez une note bio-bibliographique:
Dans l'espoir de vous lire bientôt, recevez, mon cher
Ford, une bonne poignée de mains
SDdV
22 février 1941 : lettre d'Etiemble à Goll
Esperanza 106 Col.del Valle Mexico D F.
Cher Monsieur :
Excusez-moi ; je reçois, aujourd'hui 22 février, votre
lettre du 7.
Jusqu'à présent, la finance ne me favorisait guère ; mais
j'ai quelque espoir, maintenant, de trouver l'argent nécessaire à la
revue dont vous parlait Supervielle. D'autre part, comme je rédige en
ce moment une partie du bouquin que je prépare sur notre ami, j'ai
besoin de tous ces inédits.
Mais soyez assuré que si mon projet échoue, je vous
enverrai tout ce dont je dispose. De toute façon, à mon retour en
Chicago, fin mars, je vous communiquerai un ou deux de ces poèmes,
pour votre plaquette.
Comme on ne fait pas suivre les imprimés, le volume
que vous avez bien voulu m'envoyer est resté à Chicago. Dès mon re-
tour j'en prendrai connaissance. Je suis vraiment heureux que votre
collection présente enfin Supervielle aux américains du Nord. On l'igno-
re là-bas à peu près complètement : aucun de mes collègues, avant mon
arrivée, ne connaissait son nom. Mais je vis en Middle West. Peut-être
New York est-il plus hospitalier aux poètes ; je vous le souhaite, en
tout cas.
Car je suis attentivement à vous
SDdV
:
28 février 1941 : lettre de Goll à Edouard Roditi
136 Columbia Heights
Brooklyn . N.Y.
Feb. 28, 1941
Mon cher ami,
Votre longue lettre contenant tant de projets
m'a beaucoup intéressé, et je crois vraiment que
votre plaquette avec les magnifiques poèmes hébraïques
rencontrera un succès assuré. Votre idée d'en faire
don à la Ligue of Américain Writters est généreuse, et
sûrement portera ses fruits.
De mon côté, ne doutez pas que je ferai tout ce
que je peux pour agrandir son succès.
Je dois voir Klaus Mann la semaine prochaine et
lui parlerai de vous ; de même Manfred George , qui
accueillera la traduction allemande " mit Handkuss ".
Enfin, lorsque la plaquette aura vu le jour, je ne
manquerai pas de faire signe à la "Nation".
Vous devriez d'ailleurs envoyer votre poème dès
à présent à Decision et Aufbau.
Seligmann m'avait dit qu'il allait illustrer
vos poèmes :. un point c'est tout. J'avais fait un
petit jeu relativement au baptême.
Ici à New York, presque rien de nouveau. Je fais
en ce moment mon sommeil d'hiver.
Claire par contre vient de publier à la Maison
Française son roman" Le Tombeau des Amants Inconnus"
qu'elle vous enverra ces jours-ci. Si cela vous
intéresse d'en parler dans " Books Abroad "...
Les "Chansons de France" aussi n'ont pas encore
d'autre avocat dans cette revue
Comment vont vos travaux universitaires ? Et quand
pensez-vous revenir dans l'Est ?
Mille bonnes choses de nous deux
SDdV :
5 mars 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll
à recopier
10 mars 1941 : lettre d'Etiemble à Goll
Mexico 10 mars 1941
Cher Monsieur ;
merci de votre plaquette, je trouve plus d'un sujet d'aimer
ou d'admirer ; mais je n'aime pas du tout le premier vers de Terre de France.
on vous doit bien cette franchise .
votre première série promet en effet d'être fort belle : le
seul nom auquel je renâcle, c'est celui d'Eugène Jolas dont je ne tolère
ni Mots Déluges, ni I have seen monsters and angels.
mais si vous espérez enrichir la prochaine de quelques poètes
mexicains contemporains, vous aurez je crois beaucoup de mal ; en ce qui me
concerne, à part Pablo Neruda, je ne vois rien qui vaille, sur ce continent
pour l'espagnol. Je connais, bien ou mal, quelques-uns des "poètes" ; et je
m'étonne toujours du décalage entre leur finesse d'esprit et la pauvreté de
leurs oeuvres ; Alfonso Reyes et Julio Torri, à qui j'ai demandé secours en vo-
tre nom, hier se sont bornés à me citer un vers vieux de 3 siècles environ
et qui dit à peu près que les poètes mexicains sont aussi abondants que le
fumier. Il me semble que Carlos Pellicer (Lomas de Chapultepec, Avenida di
Sierra Nevada, 724, Mexico) Salvador Novo (Panuco, 34, Mexico) et Xavier
Villaurrutia (Puebla, 247, Mexico) seraient vos meilleures chances. Reyes a
conseillé de vous recommander en premier lieu Enrique Gonzalez Martinez,
l'académicien et l'un des directeurs de Romance. Je le trouve bien pompier ;
mais je le connais assez mal: j'ai lu Diluvio de fuego et les poèmes commémo
rant la mort de son fils, le poète Enrique Gonzalez Rojo . C'est peu, sur
une oeuvre aussi abondante que la sienne.
je vous remercie également de xxxx m'avoir envoyé deux bulle-
tins de souscription ; je viens malheureusement d'apprendre que je serai
chômeur en juin, selon toute vraisemblance, et j'attends d'avoir à l'espérance
d'une occupation avant de vous envoyer quatre dollars . J ' essaierai de pla-
cer deux souscriptions, à mon arrivée en Chicago, qui ne tardera guère,
parmi mes étudiants.
oui le Mexique est un admirable pays, en cette saison surtout
mais si je trouvais un job quelconque à New York, je me consolerais un peu
- un peu seulement - de le quitter.
par courrier ordinaire, je vous envoie le dernier numéro de. Romance.
J'ai à Chicago la collection complète ; si quelque jour vous avec quelque
référence à y chercher, je suis à votre disposition. L'a bonnement de 12 numé-
ros coûte 75 cents américains.
je n'ai point reçu les "échantillons" que vous m'annonciez
des traductions anglaises du Jean sans Terre. Sont ils perdus ?
croyez-moi sympathiquement à vous, je vous prie,
SDdV
11 mars 1941 : double de la lettre de Goll aux époux Jolas
136 Columbia Heights
Brooklyn
March 11 1941
Mes chers amis,
Un mot seulement pour vous dire que le
"Monument pour James Joyce" semble prendre forme:
j'en ai parlé à divers éditeurs que l'idée intéresse,
et à quelques écrivains qui m'ont promis leur colla -
boration.
Que Gene excuse le retard dans la publication
de son booklet : l est dû principalement au fait,
que je prépare une modification dans le système de
POETS' MESSAGES et dans programme imprimé en dernière
page. Je dois attendre l'adhésion d'un poète et d'un
peintre. Voilà tout le mystère.
J'espère que Madame Jolas a reçu mes devis ce
matin et que nous pourrons bientôt aller de l'avant.
Sincèrement
SDdV :
12 mars 1941 : double de la lettre de Goll à Madame Jolas
Brooklyn ,march 12, 1941
Madame Maria Jolas
1049 Park Avenue
New York City
Chère Madame,
Je vous accuse réception de votre lettre du 11 ct.
Ainsi que je vous l'ai expliqué dans ma précédente
lettre, le j'ai pu obtenir des devis pour les travaux
principaux de l'impression du "Booklet James Joyce",
et je vous les ai soumis.
Je ne comprends d'ailleurs pas comment vous pouvez
trouver que les prix annoncés aient varié quatre fois :
ous n'avez que les deux comptes sous les yeux, le premier
tout provisoire, contenant les chiffres suivants :
3 clichés : dollars 21, 85
Papier arches 10.00
Papiers 16,10
Annoucement 6.00
Vous retrouverez les mêmes chiffres dans le second
et dernier compte , plus complet, et auquel sont
ajoutés les frais de composition pour les textes
imprimés - ainsi qu'il fut décidé entre nous, le
même jour je vous ai soumis le premier mémorandum -
l'impression, le numérotage, le pliage, le brochage :
indispensables , à mon avis.
Il n'y a qu'une différence de prix pour le papier.
Miss Stelloff ayant choisi après coup le papier Malvern
Text (gris) au lieu du Dundee blanc, et ce nouveau
papier étant compté 14 dollars au lieu de 16 D. Est-ce là
la différence dont vous vous plaignez ?
Enfin si vous faites allusion à un troisième chiffre
qui selon vous pourrait conduire à confusion, c'est
sans doute le premier, donné au téléphone où je vous
disais approximativement que la somme à dépenser serait
d'environ 80 à 100 dollars : et j'avais raison comme
l'indique mon dernier devis : 93,89.
Si vous lisez ma dernière lettre attentivement,
vous verrez pourquoi je ne vous ai pas envoyé les
devis pour les travaux plus courants : les ateliers
refusent de donner des devis pour de très petits
travaux comme la composition de nos textes. Ils sont
calculés à la ligne, au taux des Unions. Les travaux
d'impression à l'heure. Les travaux de brochage à la
pièce. N'importe qui peut surveiller les prix. Les
membres de votre comité pourront s'informer.
Quoi qu'il en soit. J'ai déjà fait imprimer
plusieurs "Messages", je connais les prix, les ateliers
travaillent avec moi en confiance, et seraient choqués
que tout à coup je leur demande de nouveau des devis.
D'ailleurs vous ne m'avez pas demandé de devis
pour "Word from the Deluge" d'Eugène Jolas.
Vous avez entre les mains le devis de "POETS'
MESSAGES" : le Comité lui fera confiance ou non.
Agréez, chère Madame, mes salutations les
meilleures
SDdV :
brouillon de lettre de Goll à Madame Jolas non daté14 mars (probablement) :
Chère Madame
Si je comprends bien votre lettre du 13, vous ne
voulez plus faire "Pastimes", parce que vous croyez
que je veux aussi faire le " Monument". Vous vous
trompez : si j'ai parlé de cette idée à quelques per-
sonnes compétentes, et c'était pour tâter le terrain
et pour savoir si un tel livre aurait des chances
de succès.
Mais à aucun instant je n'ai considéré que ce
serait par moi ou sous mon nom qu'une telle oeuvre
pourrait être entreprise. Un but général, un seul
but est à son origine : c'est d'aider la famille de
James Joyce. Nous sommes bien d'accord là-dessus.
Et je suis aussi d'accord sur le fait, que, vous,
Madame Jolas, êtes la mieux qualifiée pour entre-
prendre sous votre responsabilité la publication
d'un "Monument", parce que
1° vous avez été plus proche de Joyce
2° vous êtes Américaine.
Votre colère passée, ne gâchez pas le travail
de plusieurs semaines accompli pour la publication
de " Pastimes " et de " Words from the deluge" :
les prospectus sont lancés, des souscriptions sont
faites, une bonne somme d'argent est déjà engagée :
l'annulation coûterait plus que l'accomplissement
de la tâche.
Mais pour êtret aussi franc que vous : j'ai été
gravement choqué par les insinuations de votre avant-
dernière lettre. Sachez que je paie " Poet's Messages"
entièrement de ma poche et de mon temps, plus précieux
encore. Je suis tout au service de la Poésie. Demandez
à Miss Steloff ce que j'en ai retiré jusqu'à présent.
Et quel faible espoir il y a de retirer quelque chose
de la Poésie. Pourquoi, étant idéaliste à ce point,
vient-on me chicaner pour les devis pour "Pastimes" ?
Alors que nous sommes tous d'accord pour venir en aide
à la famille de James Joyce. Je vous concède que vous
avez été très près de lui... Mais vous n'avez pas le
droit de dire que j'ai été tellement loin...
Croyez, chère Madame, à mes sentiments distingués
SDdV
brouillon de lettre de Goll à Madame Jolas daté 14 mars :
136 Columbia Heights
Brooklyn
March 14 1941
Non, tout de même ! Glasgow est en flammes, le
Parthénon tremble, Madame Jolas est dans l'angoisse
et nous jouons ici une petite comédie d'amour propre
pour un booklet de 16 pages, nous nous mettons en
colère, d'abord, ensuite vous... non, tout de même...
De quoi s'agit-il ? D'aider Madame Joyce ! Un point
c'est tout.
Je mets aux pieds de Madame Maria Jolas le
"Monument pour James Joyce" : il est à elle ., c'est
elle qui l ' érigera, le soignera, fera le discours
d'inauguration. C'est son droit, c'est devoir, car :
1) c'est elle qui fut le plus proche de Joyce.
2) elle est Américaine.
3) elle le fera mieux que quiconque. Je me retire, après
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx avoir simplement tâté le terrain
dans l'intérêt général.
Dans l'intérêt de Madame Joyce, continuons l'oeuvre
de "Pastimes". Trop de temps et de fonds y sont déjà
engagés, trop de gens sont avertis et ont déjà souscrit.
Oui, j'ai eu mon accès d'amour-propre, j'ai été
furieux pour quelques insinuations. Et je demande qu'on
sache, que je fais " Poet's Messages" entièrement avec
de l'argent de ma poche et le temps de ma vie, pour
l'amour de la Poésie. Et qu'on demande à Miss Stelloff
ce que "POET'S MESSAGES"m'ont déjà rapportés, et dans
quelle mesure ils me rendront millionnaire.
Si Madame Jolas se méfie de la somme de 93 Dollars,
qu'elle paie d'abord les sommes pour lesquelles elle a
des devis, une cinquantaine de dollars, qui permettront
de payer les matières premières : papier et clichés.
Plus tard, sur les rentrées, et sur les factures, se
paiera le reste.
Etes-vous d'accord ? Liverpool brûle ….
SDdV
14 mars 1941 : lettre de Goll à Madame Maria Jolas
Poets' Messages 136 Columbia Heights
THE GOTHAM BOOKMART BROOKLYN, N.Y.
51 West 47 th Street March 14, 1941
New York, N.Y.
Mrs Eugene Jolas
1049 Park Avenue
New York City
Chère Madame,
Je m'étonne à mon tour que vous mélangiez les deux
questions de "Pastimes" et du "Monument".
1
Pour ce dernier, il sera désormais difficile de
savoir "qui" l'a proposé l'autre jour. Vous avez parlé
d'une offre de Léger, et je vous ai fait part de mon
idée d'un "monument..
Mais voyant l'importance que vous y ajoutez per-
sonnellement, je vous déclare que je yous cède volon-
tiers la place, reconnaissant que vousêtes plus qualifiée
que moi pour cette entreprise, puisque I) vous futes
plus près de Joyce, 2) vous êtes Américaine.
D'autre part, quoique je n'aie pas été aussi "près
de Joyce que vous, " votre lettre xxxxxx x xxxxxxxxxx
m'avait terriblement blessé, en insinuant que je pourrais
profiter de la publication de "Pastimes" alors que tous
trois ; Miss Stelloff, vous et moi, nous avions
décidé de renoncer à tout bénéfice au profit de la
famille Joyce.
C'est par pur idéalisme et amour de la poésie que
je fais POETS' MESSAGES, payant tout de ma poche et de
mon temps, plus précieux encore, et sachant que je ne
gagnerai jamais un cent avec de la poésie en Amérique.
Vous n'avez qu'à demander à Miss Stelloff ce que mon
premier booklet a rapporté. Xxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
xxxxxxxxxxr. Et pour tant de dévouement, si peu d'encou-
ragement, pas un amical remerciement : C'est à désespérer.
Le travail pour le 'Message "Pastimes", est déjà
trop avancé, tant au point de vue fabrication que pro -
pagande, qu'il n'est olus possible le le suspendre.
Croyez, chère Madame, à mes sentiments les meilleurs
SDdV :
17 mars 1941 : double de la lettre de Goll à C et M de Altolaguirrer
136 Columbia Heights
BROOKLYN, N.Y.
March 17, 1941
Chers amis,
Claire est tombée gravement malade : trois
médecins s'occupent d'elle. Cette une affaire
d'intestins très compliquée. On redoute une
prochaine intervention chirurgicale. J'ai besoin
de beaucoup d'argent - mes économies ont fondu
avec "Poet's Messages" - Et je vous prie de bien
vouloir me renvoyer par retour du courrier les
50 dollars que j'avais déposés chez vous.
La publication de la traduction espagnole
de "Jean sans Terre" attendra indéfiniment.
Cordialement vôtre
SDdV :
20 mars 1941 : double de la lettre de Goll à ?
136 Columbia Heights
BROOKLYN, N.Y.
March 20, 1941
Cher Ami,
Merci pour vos deux charmantes lettres,, dont
l'enthousiasme si jeune m'est tellement sympathique.
Dans mon style comme dans mes réflexes, je me sens
si vieux à côté de vous.
Mais emboîtons Votre pas. Voyons. Je ne vous avais
pas oublié du tout, bien au contraire, et J'avais déjà
préparé plusieurs choses pour vous:
1) Le poème "JOHN LANDLESS DARK IN THE MOONLIGHT"
traduction de la " Chanson de Jean sans Lune " par
Clark Mills. Cela vaudrait peut-être la peine de
publier le texte origina1 à côté de la traduction :
Je sais que les Américains apprécient1cette méthode
de publier des traductions.
2) Clark Mi1lls est un jeune professeur de Cornell
University et un excellent poète : vous trouverez
six Poèmes de lui dans le numéro de March de Poetry,
(Chicago.) En outre il va paraître de lui un volume
" MIGRANTS " avec une préface de Jules Romains.
Enfin, il vient aussi de terminer un recueil de poésies
intitulé : "A suite for France" où il évoque des
paysages, et des personnages rencontrés durant un
séjour dans notre doulx pays. Je lui conseille aujour-
d'hui-même de se mettre en rapport avec vous et de
vous envoyer quelques morceaux de poésie. De mon
côté, je pourrai vous donner les traductione françaises
que je suis en train de faire. .‑‑ Ici aussi, je suggère
d'imprimer les deux textes l'un en face le l'autre,
3) Haïti : J'ai par hasard quelques poèmes de mon
ami Leon Laleau, qui fut délégué de Haïti à I'Exposi-
tion internationnale de Paris 1937 et publia à cette
occasion une anthologie de poésies françaises, sous
la titre " Orchestre" au Divan. Il faut évidemment
yenir de Haïti pour avoir d'aussi bonnes idées. Claire
et Ivan Goll y figuraient. Depuis il fût Ministre
des Affaires Etrangères de son île . Son adresse :
Ministère, Port‑au‑Prince. Voici d'excellents vers
de lui..
Soyons Panaméricains !
4) Claire : Georges Dilks, de la Saturday Review
of Litterature, est en train d'écrire l'article que
nous avions envisagé ensemble : non seulement sur le
"Tombeau", mais, comme vous l'aviez suggéré, sur toute
la personnalité de Claire. À cet effet, Dilks lit en ce mo-
ment les livres précédents de l'auteur. Dans ce cas,
il englobera peut être aussi les dates vous deman-
dez ? Enfin nous verrons.
5) Quant au dessinateur, je n'ai pas encore mis la
main dessus. Mes proches amis sont des "abstraits".
Je sais ce qu'il vous faut.
L'autre dimanche, votre verve gauloise a égayé
toute la compagnie. Vous avez remporté un grand succès.
Espérons que vous y ajouterez d'autres, et recevez
en attendant, de Claire et de moi, nos meilleures
amitiés
SDdV
20 mars 1941 : lettre de Goll à Clark Mills
136 Columbia Heights
BROOKLYN, N.Y.
March 20, 1941
Mon cher Clark,
J'ai bien reçu le dernier numéro de " Poetry"
où tes six poèmes brillent à la place d'honneur,
et " A suite for France ", où les pièces que je ne con-
naissais pas encore, forment avec les autres, un
ensemble de plus en plus coloré et homogène.
J'y aime particulièrement ces poèmes qui, à
première vue, semble légers, insouciants, et qui
pourtant portent la marque du destin proche : comme
c'est bien l' image de France et de toute sa tragédie :
"Valmondois" et " Still Life with Champagne " !
C'est avec à plaisir de gourmet que je vais
traduire ces nouveaux morceaux, afin d'avoir la série
complète pour ton arrivée du Vendredi Saint.
En attendant, tu devrais envoyer quelques-uns de
ces poèmes au Dr. Henri Barzun, directeur du "French
Forum", 151 Center Avenue, New Rochelle, New York,
qui prépare son Spring-issue. Je lui ai parlé de toi
et de ces poèmes.
Il les publiera en anglais, et il m'a aussi demandé
une traduction de "Jean sans terre ". Je lui ai donné
" John Landless abandons (loses ) the Moon".
Enfin, une grande saison se prépare pour toi,
qu' inaugurera ou couronnera, j'espère, Gugenheim.
Nous attendons, Claire et moi, les "Migrants", avec
une curiosité croissante.
Bien à toi
SDdV 818 052
27 mars 1941 : double de la lettre de Goll à Maurice Maeterlinck ***
136 Columbia Heights
BROOKLYN, N.Y.
March 27, 1941
Monsieur Maurice Maeterlinck
Hôtel Esplanade
New York
Cher Maître,
J'ai eu le plaisir de remettre cet après-midi,
à Madame Maeterlinck, le projet dont je vous avais
déjà parlé, lors de ma visite chez vous, il y a une
quinzaine, au sujet des quelques Chansons, que vous
avez bien voulu me remettre ce jour-là.
J'ai l'intention de les publier, avec la traduction
anglaise de Monsieur Jacques Le Clercq, dans la série des
plaquettes poétiques, que je publie sous le titre :
" Messages de Poètes ", et où figureront aussi, en
même temps, des plaquettes consacrées à James Joyce,
à Rainer Maria Rilke et autres.
Je suis prêt à vous garantir les 1o pourcent régle-
mentaires, si vous y tenez. Mais Madame Maeterlinck
peut vous dire, combien les sommes d'un tel calcul
peuvent être petites.Madame Maeterlinck m'a aussi
rapporté votre exclamation, lorsqu'il fut question
de ces "Messages" : A quoi bon ? C'est une question bien
maeterlinkienne.
Puis-je vous répéter ma réponse. Pourquoi pas ?
Pourquoi, en cette époque tournée vers le crime et le
mensonge, n'y aurait-il pas un poète, qui maintiendrait
que le droit à la poésie doit être xxxxxxxx soutenu ,
aussi bien que les autres bienfaits de la culture.
Pour certains, la poésie est l'unique refuge, devant
la défaillance des soi-disant grands. La Poésie...
non, non, non, est-ce à moi de la défendre, devant le
plus Grand Poète de notre temps ?
Je viens vous demander de faire ce geste généreux ,
de me laisser imprimer sur du beau papier avec un beau
dessin, ces beaux vers, pour quelques beaux esprits.
Croyez, cher Maître, à toute mon admiration
SDdV 818 052
1er avril 1941 : brouillon de lettre de Goll à Maurice Maeterlinck
136 Columbia Heights
BROOKLYN, N.Y.
1 Avril, 1941
Cher Maître,
Pour ne pas troubler votre repos, je vous renvoie
vos poèmes et votre signature.
Avec mes remerciements : car sans doute dois-je
vous remercier de m'avoir débarrassé d'une illusion.
Les "Messages de Poètes" peuvent fermer boutique.
A quoi bon, en effet .
Lorsque vous me donnâtes vos 4 poèmes ½, de
vos propres mains, je croyais que c'était pour la
plaquette en question. Bien mieux, c'est vous qui
m'avez demandé , pourquoi on n'imprimerait pas aussi
les " Serres Chaudes ". Je n'en croyais pas mes oreilles.
D'ailleurs, je me rappelle maintenant, que c'est
à la suite d'une lettre de M. Le Clercq où il m'offrait
de traduire vos "Chansons" ( dont vous lui aviez
apparemment parlé ) que j'ai eu l'idée de vous les
demander.
Je ne me rappelle vraiment pas avoir été indiscret .
Après avoir obtenu vos 4 Chansons ½, le prospectus
a été imprimé, le peintre Berman a été sollicité et a
tout de suite fait des dessins que Madame Maeterlinck
a vus ) …et votre "non" est arrivé ensuite …
Non, je n'ai pas été en faute.
J'ai perdu de l'argent, du temps, de l'illusion.
Mais, cher Maître, je vous rends votre parole
et vos Chansons et votre repos .
Et je vous prie de croire à mon respectueux hommage
SDdV818 052
1er avril 1941 : lettre de Goll à Maurice Maeterlinck ***
136 Columbia Heights
BROOKLYN, N.Y.
1 Avril, 1941
Monsieur Maurice Maeterlinck
Hôtel Esplanade
New York
Cher Maître,
Pour éviter tout malaise ou malentendu, après l'incident
d'hier soir, le je vous renvoie vos Chansons et votre parole.
Avec tous mes remerciements : car je peux vous remercier
de m'avoir sauvé d'une illusion.
Je ne me rappelle pas avoir été indiscret .
Vous m'avez donné vous-même - et Madame Maeterlinck
et Madame Goll en furent témoins - et vous avez signé
en leur présence les 4 Chansons 1/2, qui étaient destinées
à figurer dans les "Messages de Poètes". Bien mieux, vous
m'avez demandé à ce moment-là, pourquoi je n'impri -
merais pas aussi les " Serres Chaudes ". Je n'en croyais
pas mes oreilles.
C'était le samedi 15 mars. Les jours suivants, j'ai
donné les Chansons à M. Le Clercq pour qu'il les traduise
(il peut le confirmer) , j'ai invité M. Eugene Berman à
faire des dessins (et Madame Maeterlinck en a vu des
esquisses.) j'ai envoyé le prospectus des plaquettes à
paraître à l'Imprimerie.
Ensuite seulement, à la fin la semaine dernière, votre
"non" m'est parvenu .
Je ne suis donc pas en faute. J'ai seulement perdu
beaucoup de temps, d'argent, d'illusion.
Je vous prie de croire, cher Maître, à mes hommages
respectueux
SDdV 818 052
2 avril 1941 : double de la lettre de Goll à Gene Jolas ***
136 Columbia Heights
BROOKLYN, N.Y.
April 2, 1941
Mon cher Gene,
À la suite de la sommation de ta femme, de vous
rendre tous les manuscrits appartenant à la famille
Jolas : ceux de James Joyce et ceux de Eugène Jolas...
tout l' édifice de "POET'S MESSAGES" s'écroule.
Je t'envoie le prospectus définitif, qui venait
d'être terminé et qui promettait un avenir brillant,
comme tu conviendras.
Après tant de semaines d'attente, après tant de
luttes pour faire des "POET'S MESSAGES" quelque chose
qui dépasse l'ordinaire, ta femme provoque l'effon -
drement total. Quatre mois précieux complètement perdus .
C'xxx xx xxxxxxxx En regardant ce prospectus, tu
comprendras pourquoi j'ai dû retarder la parution de
"Words from the Deluge" : sur le dos duquel devait
être également annoncé tout le programme. Avec ton
booklet, le start devait commencer... ces jours-ci...
L'intérêt des cercles littéraires croissaient...
Les souscriptions s'annonçaient... Et voici tout
l'édifice détruit... Adieu, veaux, vaches... Rilke,
Joyce, Maeterlinck, Jolas... Tchélitchev, Berman...
J'étais fier de publier ton poème prophétique.
Je l'aimais beaucoup... Je le citais partout...
Mais enfin, il existe. Il sera publié. Je ferme
boutique. Mais peut-être reprendras- tu le flambeau ?
Dans mon idéal farouche j'ai perdu beaucoup
d'argent, de temps, d'illusions... je ne voudrais
vraiment pas perdre ton amitié aussi...
Sincèrement
SDdV :
9 avril 1941 : lettre d'Edouard Roditi à Goll
SDdV : à recopier
à recopier
21 avril 1941 : lettre d'Etiemble à Goll***
Cher Monsieur ,
Pensez- vous toujours à
la plaquette Su pervielle ? Si oui
voulez - vous que je vous envoie
des inédits ? Il n’ y aura pas assez
pour un volume , avec les poèmes.
Voulez vous un ou deux contes ?
Dans la confusion du
départ de Mexico , je ne sais plus
si je vous ai envoyé le dernier N°
de Romance . En tout cas j’ en ai
ici un exemplaire . Si j’ ai
oublié , ou si la poste mexicaine
a égaré l’ envoi , je puis réparer
par retour .
Sympathiquement vôtre
SDdV :
3 mai 1941 : lettre de Gene Jolas à Goll***
Apt. 9c 1049 Park Avenue New York City
May 3, 41
Cher Ivan :
N'y a-t-il pas moyen de hâter la pub-
lication de mon bouquin ? Miss Steloff me télé-
phone pour me dire qu'elle t'a commandé 100 exem
plaires et qu'elle paiera cash . Yves Tanguy
s'impatiente . Et moi je trouve que c'est un peu
long . Et la vie , comme disait Longfellow , est
décidément courte . . .
J'espère que la traduction marche bien
et que tu l'auras bientôt finie . Je connais à
fond ce métier de traducteur et c'est terrib -
lement hard on the nerves .
With many good the wishes to yourself and
Claire
As Ever
SDdV
13 mai 1941 : lettre de Goll à Clark Mills
à recopier
SDdV 818 052
copie d'une lettre du 16 mai 1941 sur droits auteur de Goll pour sa traduction
à recopier
lettre en anglais lettre de Goll à Mrs. Ames du ?
à recopier
10 juin 1941 lettre de Franck Jones à Goll pour sa traduction de Eurokokke-Lucifer
à recopier
13 juin 1941 lettre de Manuel Altolaguirre à Goll (épreuves de la traduction de La Cancion de Juan sin Tierra
à recopier
16 juin 1941 : lettre de Gene Jolas à Goll**
à recopier
24 juin 1941, lettre de Archipenko à Goll
à recopier
?? 1941, lettre de Archipenko à Goll redemander copie 31 à St Dié
à recopier
29 juin 1941 lettre de Franck Jones à Goll pour sa traduction de Eurokokke-Lucifer
410 N. Henry Street
Madison, Wisconsin
le 29 juin 1941
Cher M. Goll :
Enfin: en voilà la moitié !
J'ai traduit presque tout l'ouvrage , mais
puisque taper, pour moi; est un travail affreusement lent
et d'ailleurs je fais toujours des changements en mettant
le texte sur du papier différent : vous en verrez beaucoup - -
j'ai décidé de vous prouver que ça marche. Vous pourrez
en attendre le reste avant trois jours, tranquillement.
Je vous enverrai votre texte français et
l'exemplaire de l'Eurokokke que j'ai prêté à la biblio -
thèque universitaire d'ici, afin que vous puissiez voir
exactement ce que j'ai fait. La première partie se repose
principalement sur la version allemande, la seconde sur
Lucifer . Je ne sais pas si vous serez content de la dispa-
rition totale de pp.19 -38 de Lucifer ( " le pays de la vie
lente ") : j'ai cru que le commencement original, qui, pour
moi, a beaucoup plus de feu et de verve que cette partie de
la version française, sera xxxxx plus au goût américain.
Naturellement, si vous y tenez, je pourrai insérer votre
' seconde pensée' au ' troisième état ' sans aucune difficulté;
mais je trouve que la succession des associations n'en dépend
pas du tout.
Vous trouverez que ma ' transfusion ' contient
cinq actes . I, exposition ; II, Le Travail (!) ; III, Intermède
avec un peu d'amour et de funérailles ; IV, scène au Bar des
Démiurges ( l'Inferno s'approche ?) ; V, Meurtre du fonctionnaire ;
découverte de l'Eurocoque ; fin sur le mode mineur ( VOUS NE
SAVEZ PAS). Cette distribution des scènes suit l'ordre
intérieur qui est commun aux deux versions bien que les
épisodes individuelles ne se trouvent pas toutes où vous
les avez mises dans Lucifer.
Des détails pourront s'arranger ; quant au
tout, je vous assure d'avance, sans fausse modestie, que
vous y aurez quelque chose de bon. Ce n'est pas qu'une
traduction de tous les jours que j'ai fait là. Et le travail
de ' transfusion ' m'a fait une grande joie.
Saint-Dié
14 juillet 1941 de Franck Jones à Goll pour sa traduction de Eurokokke-Lucifer ****
à recopier
19 juillet 1941 de Peyre à Goll
à recopier
5 août 1941 lettre de Goll (Yaddo) à Hilde Walters ****
à recopier
31 août 1941, lettre de James Laughlin à Goll **
à recopier
10 octobre 1941 : lettre de Goll à Clark Mills
SDdV 818 052
à recopier
12 octobre 1941 lettre de Gustave Cohen à Goll ***
à recopier
16 octobre 1941 : double de lettre de Goll à Dali
136 Columbia Heights
Brooklyn, N.Y.
Oct. 16, 1941
Mon cher Dali,
Quel dommage que vous receviez avec trois mois de retard cette profession de foi, qui a été publié en juillet dans NORTE, grande revue espagnole, surtout répandue en Amérique du Sud, dans votre propre langue.
J'ai été heureux d'avoir enfin l'occasion de proclamer tout haut tout l'amour que j'éprouve pour vos créatures saturniennes, pour tous les démons qui hantent les cavernes de New York et de mon coeur.
Je ne vous cacherai pas, cher Dali, que j'ai enduré pour vous les attaques de beaucoup d'amis, et que j'ai malgré cela continué à proclamer tout mon attachement à Gala Salvador.
Labyrinth et et les Ballets Russes vont ne donner l'occasion d'un nouvel article. Je me réjouis d'aller les voir.
J'avais annoncé à mon éditeur que vous m'aviez promis un dessin pour mes poèmes : un simple dessin au trait, c'est tout ce qu'il me faut. Le sujet pourrait être : Un homme qui marche, un homme qui tombe, qui vole... simplement. Ne pourriez-vous pas me faire ça ? Mon éditeur n'attend que ce dessin, pour tirer... un grand coup.
Je compte sur vous. Bien sincèrement
SDdV
16 octobre 1941 : lettre de Goll à Eugène Jolas
à recopier
22 octobre 1941 : lettre de Goll à Mme Jolas ***
à recopier
10 novembre 1941, lettre de James Laughlin à Goll **
à recopier
5 décembre 1941 : lettre de Goll à Roger Caillois